23 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-17.049

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C100289

Titres et sommaires

CASSATION - Pourvoi - Recevabilité - Recevabilité immédiate - Ordonnance de non-conciliation - Cas - Arrêt décidant de la loi applicable au divorce

Est immédiatement recevable le pourvoi formé contre un arrêt qui, statuant sur appel d'une ordonnance de non-conciliation a, en décidant de la loi applicable au divorce, tranché dans son dispositif une partie du principal


DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Mesures provisoires - Décision statuant sur les mesures provisoires - Ordonnance de non-conciliation - Pouvoir du juge - Exclusion - Loi applicable au divorce - Cas

Il résulte des articles 252 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et des articles 1110 et 1111 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, que le juge aux affaires familiales n'a pas le pouvoir de statuer, dans l'ordonnance de non-conciliation, sur la loi applicable au divorce si cela n'est pas requis pour trancher une contestation relevant de ses attributions. Ce n'est pas non plus le cas de la cour d'appel qui, saisie de l'appel d'une décision de cette nature, statue dans la limite des pouvoirs de ce juge

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Procédure - Ordonnance de non-conciliation - Appel - Pouvoir du juge - Exclusion - Loi applicable au divorce - Cas

Texte de la décision

CIV. 1

IJ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mai 2024




Cassation sans renvoi


M. SOULARD, premier président



Arrêt n° 289 FS-B

Pourvoi n° M 22-17.049




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024

Mme [E] [F], épouse [B], domiciliée [Adresse 1] (Suisse), a formé le pourvoi n° M 22-17.049 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2022 par la cour d'appel de Chambéry (3e chambre), dans le litige l'opposant à M. [J] [B], domicilié [Adresse 2] (Suisse), défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [F], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [B], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Champalaune, président, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Lion, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, du premier président, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 29 mars 2022), M. [B] et Mme [F], tous deux de nationalité française, se sont mariés le 29 avril 1995. Trois enfants sont nés de cette union.

2. La famille a vécu en Suisse entre 2017 et 2019, jusqu'à la séparation du couple.

3. Par une ordonnance de non-conciliation en date du 10 décembre 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a retenu sa compétence territoriale, déclaré la loi suisse applicable au divorce, déclaré la loi française applicable aux obligations alimentaires et en matière de responsabilité parentale, autorisé les époux à assigner en divorce, et fixé diverses mesures provisoires en application de la loi française.

4. Mme [F] a formé appel des chefs de cette ordonnance ayant déclaré la loi suisse applicable au divorce et statuant sur les dépens.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

5. Il est soutenu que le pourvoi est irrecevable pour être formé contre un arrêt rendu sur appel d'une ordonnance de non-conciliation s'étant bornée à statuer sur des mesures provisoires sans mettre fin à l'instance.

6. La cour d'appel a dit la loi suisse applicable au divorce, sans qu'aucune conséquence n'en soit tirée sur la fixation des mesures provisoires, celles-ci, non critiquées devant elle, ayant été ordonnées en première instance par application de la loi française.

7. Il en résulte qu'en décidant de la loi applicable au divorce, la cour d'appel a tranché, dans son dispositif, une partie du principal, de sorte que le pourvoi immédiat est recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 252 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et les articles 1110 et 1111 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019 :

9. Il résulte de ces textes que le juge aux affaires familiales n'a pas le pouvoir de statuer, dans l'ordonnance de non-conciliation, sur la loi applicable au divorce si cela n'est pas requis pour trancher une contestation relevant de ses attributions.

10. La cour d'appel, saisie de l'appel d'une décision de cette nature, statue dans la limite des pouvoirs de ce juge.

11. Pour, confirmant l'ordonnance entreprise, déclarer la loi suisse applicable au divorce, l'arrêt retient que le règlement n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010, dit « Rome III », est d'application universelle, que les époux n'ont pas formé de choix de loi applicable à leur divorce, que leur dernière résidence habituelle se situe en Suisse, pays dans lequel M. [B] réside encore et qu'il doit être fait application de l'article 8, sous b), de ce règlement.

12. En statuant ainsi, alors que la détermination de la loi applicable au divorce n'était pas nécessaire pour vérifier la compétence ou pour la fixation de mesures provisoires, lesquelles étaient prononcées en application de la loi française et ne faisaient l'objet d'aucun recours, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

15. Le juge statuant dans la phase de conciliation étant dépourvu du pouvoir juridictionnel de statuer sur les demandes de Mme [F] et de M. [B] tendant à voir déterminer la loi applicable au divorce, il y a lieu, relevant d'office le moyen pris d'un excès de pouvoir du premier juge, d'annuler partiellement l'ordonnance de non-conciliation du 10 décembre 2020, en ce qu'elle déclare la loi suisse applicable au divorce, et de déclarer irrecevables les demandes de Mme [F] et de M. [B] à ce titre.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que les dépens de première instance suivront le sort des dépens de l'instance au fond, l'arrêt rendu le 29 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule l'ordonnance de non-conciliation rendue le 10 décembre 2020 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en ce qu'elle déclare la loi suisse applicable au divorce ;

Déclare irrecevables les demandes de Mme [F] et de M. [B] tendant à voir désigner la loi applicable au divorce ;

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.

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