16 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.121

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200450

Titres et sommaires

AGRICULTURE - Accident du travail - Assurance obligatoire des exploitants - Prestations - Versement - Conditions - Détermination

En application de l'article 751-24 du code rural, aucune prestation, indemnité ou rente ne peut être accordé à un assuré au titre du tableau n° 58 des maladies professionnelles du régime agricole avant l'entrée en vigueur de ce tableau le 7 mai 2012, lendemain de la publication du décret n° 2012-665 du 4 mai 2012 au Journal officiel. Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 82 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 et 2 du décret n° 2014-741 du 30 juin 2014 qu'à compter du 30 juin 2014, les droits et obligations des groupements d'organismes assureurs mentionnés aux articles L. 731-31 et L. 752-14 du code rural et de la pêche maritime ont été transférés aux organismes de mutualité sociale agricole. Viole ces textes l'arrêt qui condamne l'assureur à verser à l'assurée, au titre du tableau n°58, une pension d'invalidité à compter du mois de janvier 2000 jusqu'à son décès en 2019

AGRICULTURE - Accident du travail - Assurance obligatoire des exploitants - Prestations - Conditions - Reconnaissance du caractère professionnel de la maladie avant le 7 mai 2012 - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mai 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 450 F-B

Pourvoi n° F 22-10.121

Aide juridictionnelle totale en défense
pour M. [Z] [W].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 28 avril 2022.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MAI 2024

La caisse régionale d'assurance mutuelle agricole d'Oc - Groupama d'Oc, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 22-10.121 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [H] [W], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [V] [W], domicilié [Adresse 5],

3°/ à M. [X] [W], domicilié [Adresse 4],

4°/ à M. [Z] [W], domicilié [Adresse 3],

tous quatre venant aux droits de [J] [W], décédée,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole d'Oc - Groupama d'Oc, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z] [W], venant aux droits de [J] [W], décédée, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 septembre 2021), [J] [W] (l'assurée) a travaillé en qualité de conjointe d'exploitant agricole de 1966 à 1996, puis en qualité de chef d'exploitation agricole jusqu'au 31 décembre 1999. En 1996, elle a contracté la maladie de Parkinson prise en charge par la caisse de mutualité sociale agricole (la MSA) au titre de l'assurance maladie des exploitants agricoles.

2. En mai 2012, à la suite de l'inscription de cette maladie dans un tableau des maladies professionnelles, l'assurée a sollicité la mise en œuvre des garanties légales de l'assurance obligatoire des accidents des exploitants agricoles et des garanties facultatives souscrites auprès de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole d'Oc-Groupama (l'assureur), qui les lui a refusées.

3. L'assurée a fait assigner l'assureur devant un tribunal de grande instance aux fins de condamnation au règlement d'une pension d'invalidité au titre de la garantie légale et d'un capital d'invalidité au titre de la garantie facultative. A la suite de son décès, ses ayants droit sont intervenus à l'instance.

Examen des moyens

Sur le second moyen


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais, sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt attaqué de le condamner à mettre en œuvre au bénéfice de l'assurée la garantie Assurance accident des exploitants agricoles, par le versement de la pension d'invalidité à compter du mois de janvier 2000, alors « que les tableaux des maladies professionnelles en agriculture, et leurs révisions, sont applicables aux victimes dont la maladie a fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er juillet 1973 et la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau ou de la révision, sans que les prestations, indemnités et rentes ainsi accordées puissent avoir effet antérieurement à cette entrée en vigueur ; que la maladie de Parkinson provoquée par les pesticides a été inscrite au tableau n° 58 des maladies professionnelles en agriculture par décret du 4 mai 2012, publié au journal officiel le 6 mai 2012 ; qu'en condamnant Groupama à prendre en charge, à titre de maladie professionnelle, la maladie de Parkinson de l'assurée à compter du mois de janvier 2000, quand cette prise en charge ne pouvait être due antérieurement au 7 mai 2012, la cour d'appel a méconnu l'article R. 751-24 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1492 du 25 octobre 2017 ».

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 751-24 du code rural et de la pêche maritime et le décret n° 2012-665 du 4 mai 2012, ajoutant un tableau n° 58 aux tableaux des maladies professionnelles du régime agricole :

6. Selon le premier de ces textes, par dérogation aux dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, les tableaux des maladies professionnelles du régime agricole ainsi que les révisions de ces tableaux sont applicables aux victimes dont la maladie a fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er juillet 1973 et la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau ou de la révision, sans que les prestations, indemnités et rentes ainsi accordées puissent avoir effet antérieurement à cette entrée en vigueur.

7. Il résulte du second que le tableau n° 58 est entré en vigueur le 7 mai 2012, lendemain de la publication du décret au Journal officiel.

8. Pour condamner l'assureur au paiement d'une pension d'invalidité à compter de janvier 2000, l'arrêt retient que les conditions relatives à la durée d'exposition et aux travaux mentionnées au tableau n° 58 sont remplies, dès lors que l'assurée démontre avoir utilisé durant plus de dix ans au cours de la période précédant le diagnostic des produits phytosanitaires, et notamment des pesticides. Il ajoute que la maladie a pu être qualifiée de professionnelle bien avant le décret de 2012, la maladie s'étant déclenchée alors que l'assurée exerçait la profession agricole depuis plus de 30 ans.

9. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'assurée avait sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie sur le fondement du tableau n° 58, de sorte qu'aucune prestation, indemnité ou rente ne pouvaient lui être accordées pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de ce tableau, le 7 mai 2012, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'à compter du 1er juillet 2014, la gestion du régime obligatoire de sécurité sociale agricole accidents du travail et maladies professionnelles a été intégralement transférée aux caisses de mutualité sociale agricole ; que depuis la même date, les droits et obligations des groupements d'assureurs privés au titre des prestations afférentes à ce régime relèvent exclusivement des caisses de mutualité sociale agricole ; qu'en condamnant l'assureur à verser une pension d'invalidité relevant de ce régime, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 82 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 pour le financement de la sécurité sociale et de l'article 1er du décret n° 2014-741 du 30 juin 2014 relatif au transfert de gestion des régimes de protection sociale agricole »

Réponse de la Cour

Vu les articles 82 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 et 2 du décret n° 2014-741 du 30 juin 2014 :

11. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'à compter du 30 juin 2014, les droits et obligations des groupements d'organismes assureurs mentionnés aux articles L. 731-31 et L. 752-14 du code rural et de la pêche maritime ont été transférés aux organismes de mutualité sociale agricole.

12. Pour condamner l'assureur au paiement d'une pension d'invalidité à compter de janvier 2000, ayant rappelé qu'en sa qualité de conjoint d'exploitant agricole, l'assurée avait souscrit un contrat qui la garantissait du risque d'inaptitude professionnelle au titre de la garantie légale de l'assurance obligatoire des accidents des exploitants agricoles, antérieurement au diagnostic de la maladie litigieuse en 1996, l'arrêt retient qu'à compter de janvier 2000, correspondant au départ à la retraite de l'assurée, la MSA avait cessé de lui verser une pension d'invalidité correspondant à une incapacité des 2/3.

13. En statuant ainsi, alors qu'à compter du 30 juin 2014, l'obligation de l'assureur avait été transférée à un organisme de mutualité sociale agricole, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne Groupama d'Oc à mettre œuvre, au bénéfice de [J] [W], décédée, la garantie Agrimut par le versement du capital prévu par le contrat n° 0022 remplacé le 24 mars 2010 par le contrat n° 050301001003, l'arrêt rendu le 22 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne MM. [H], [V], [X] et [Z] [W], venant aux droits de [J] [W], décédée, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-quatre.

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