16 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.629

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200430

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Versement de transport - Assujettissement - Exonération et assujettissement progressif - Conditions - Seuil d'effectif - Appréciation - Date - Détermination

Il résulte de l'application combinée de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, applicable à la date d'exigibilité des impositions en litige et de l'article D. 2333-91 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-776 du 23 juin 2009, applicable au litige, que le bénéfice de l'assujettissement progressif au versement de transport étant subordonné à l'effectif, au sens de l'article L. 1111-2 du code du travail, des salariés en activité, l'accroissement de l'effectif d'un établissement créé en cours d'année s'apprécie, pour la période considérée, à partir de la date de la première embauche justifiant l'ouverture d'un compte auprès de l'URSSAF jusqu'à atteindre le seuil de dix salariés

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mai 2024




Rejet


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 430 F-B

Pourvoi n° U 22-13.629



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MAI 2024

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Alsace, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 22-13.629 contre l'arrêt rendu le 20 janvier 2022 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [7], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société [6], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [N], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [7],

3°/ à la société [5], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [7],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Alsace, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 janvier 2022), la société [7] (la société) a fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) portant sur les années 2011 et 2012, à l'issue duquel l'URSSAF lui a notifié un redressement portant notamment sur le versement de transport puis deux mises en demeure des 11 février et 27 mars 2014.

2. La société, placée en liquidation judiciaire par jugement du 16 octobre 2020 et représentée par ses mandataires liquidateurs, la SCP [5] et la SELARL [6], a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement du chef du versement de transport, alors ;

« 1°/ que l'assujettissement au versement transport, comme le dispositif dérogatoire d'assujettissement progressif au versement transport, dépend des effectifs de l'employeur dans la zone de transport ; qu'en cas d'établissement créé en cours d'année, l'effectif doit être apprécié à la date de création de l'établissement et donc à la date de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; qu'en l'espèce, il était constant que la société avait créé de nouveaux établissements dans la zone de transport et que les parties s'opposaient sur la date du calcul de l'effectif desdits établissements pour l'application du versement transport ; qu'en jugeant en substance que, pour calculer l'effectif pour l'application du versement transport, il ne convenait pas de se placer à la date de création desdits établissements, et donc à leur date d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, mais à la date antérieure à laquelle les premières embauches avaient été réalisées au sein desdits établissements, la cour d'appel a violé l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, l'article D. 2333-91 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue du décret n° 2009-776 du 23 juin 2009, applicables à la date d'exigibilité des impositions en litige, ensemble l'article R. 123-41 du code de commerce.

2°/ que si l'article L. 1111-2 du code du travail permet de déterminer les effectifs des salariés pris en compte pour l'application des dispositions relatives au versement transport, il ne donne aucune indication sur la date à laquelle ces effectifs doivent être appréciés, en particulier en cas d'établissement créé en cours d'année ; qu'en l'espèce, il était constant que la société avait créé de nouveaux établissements dans la zone de transport et l'arrêt a retenu que le seul point litigieux était afférent à la date de calcul de l'effectif pour l'application du versement transport ; qu'en annulant le redressement litigieux au prétexte que le bénéfice du mécanisme d'assujettissement progressif est subordonné à une condition d'effectif entendue au sens des dispositions de l'article L. 1111-2 du code du travail, lequel renvoie à la notion de « titulaire d'un contrat de travail » et non d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, et que par arrêt du 9 octobre 2014, la deuxième chambre de la Cour de cassation avait décidé que le bénéfice de l'exonération de transport était subordonné à l'effectif au sens de l'article L. 1111-2 du code du travail, lorsque le fait que l'exonération du versement transport soit subordonné à un effectif calculé conformément à l'article L. 1111-2 du code du travail était sans incidence sur la date à laquelle cet effectif devait être calculé, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, l'article D. 2333-91 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue du décret n° 2009-776 du 23 juin 2009, applicables à la date d'exigibilité des impositions en litige, ensemble l'article L. 1111-2 du code du travail.

3°/ qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales que l'employeur ne peut être dispensé du versement de transport pendant trois ans, puis bénéficier de la réduction du taux de ce dernier pendant les trois années suivantes que si, ayant employé antérieurement au moins un salarié, il a procédé pour la période considérée à l'accroissement de ses effectifs de manière à atteindre ou dépasser le seuil de dix salariés ; qu'il appartient à l'employeur qui revendique l'application du mécanisme d'assujettissement progressif de justifier qu'il remplit les conditions requises pour en bénéficier ; qu'en se bornant à affirmer que les premiers juges avaient à bon droit considéré que « l'effectif s'était accru » au sens des dispositions de l'article L. 1111-2 du code du travail, ce qui justifiait l'application de l'assujettissement progressif au versement transport, et que « la condition tenant à l'effectif était remplie », sans constater en fait que l'employeur justifiait remplir les conditions requises pour bénéficier de l'assujettissement progressif au versement transport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, applicable à la date d'exigibilité des impositions en litige.

4°/ que les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, l'Urssaf contestait le nombre de salariés dans les établissements litigieux en reprochant à la société de « dire » avoir fait intervenir des salariés avant son inscription au RCS mais de n'apporter aucun élément relatif au calcul de ses effectifs au sens de l'article L. 1111-2 du code du travail, et de ne pas s'expliquer sur la manière dont elle calculait ses effectifs au sens de ce texte ; qu'en énonçant que le nombre de salariés, titulaires d'un contrat de travail, dans chacun des établissements concernés n'était pas litigieux et que le seul point litigieux était afférent à la date de calcul de l'effectif pour l'application du versement transport, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. En application de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, applicable à la date d'exigibilité des impositions en litige, l'employeur ne peut être dispensé du versement de transport pendant trois ans, puis bénéficier de la réduction du taux de ce dernier pendant les trois années suivantes que si, ayant employé antérieurement au moins un salarié, il a procédé pour la période considérée à l'accroissement de son effectif de manière à atteindre le seuil de dix salariés.

5. En application de l'article D. 2333-91 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-776 du 23 juin 2009, applicable au litige, pour l'application des dispositions prévues à l'article L. 2333-64, l'effectif d'un établissement créé en cours d'année est apprécié à la date de sa création ou de son implantation.

6. Il résulte de l'application combinée de ces textes que le bénéfice de l'assujettissement progressif au versement de transport étant subordonné à l'effectif, au sens de l'article L. 1111-2 du code du travail, des salariés en activité, l'accroissement de l'effectif d'un établissement créé en cours d'année s'apprécie pour la période considérée à partir de la date de la première embauche justifiant l'ouverture d'un compte auprès de l'URSSAF jusqu'à atteindre le seuil de dix salariés.

7. L'arrêt énonce que le bénéfice du mécanisme d'assujettissement progressif est subordonné à une condition d'effectif entendue au sens des dispositions de l'article L. 1111-2 du code du travail, lequel renvoie à la notion de « titulaire d'un contrat de travail » et non d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, ce dont il résulte que la date d'immatriculation pouvait être différente de la date à laquelle les premières embauches ont été réalisées au sein des nouveaux établissements.

8. Il relève que la société ouvre régulièrement de nouveaux établissements dont certains situés dans une zone où est institué le versement de transport et qu'elle procède à l'embauche, par ce nouvel établissement, de son directeur puis des autres collaborateurs avant l'inscription de l'établissement au registre du commerce et des sociétés. Il ajoute que la qualité de salarié, titulaire d'un contrat de travail, des directeurs, premiers embauchés par la société, n'a jamais été discutée par l'URSSAF qui les a d'ailleurs intégrés dans le décompte des effectifs de la société non plus que le nombre de salariés, titulaires d'un contrat de travail, dans chacun des nouveaux établissements concernés.

9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel qui a fait la recherche prétendument omise, a exactement décidé, sans modifier l'objet du litige, que la condition tenant à l'accroissement de l'effectif au sens des dispositions précitées étant remplie, la société était fondée à revendiquer l'application de l'assujettissement progressif au versement de transport.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'URSSAF d'Alsace aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Alsace ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-quatre.

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