3 mai 2024
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 22/02987

3ème chambre

Texte de la décision

03/05/2024



ARRÊT N°242/2024



N° RG 22/02987 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O6DB

PB/IA



Décision déférée du 19 Juillet 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 19/03745

Mme TRUFLEY

















Compagnie d'assurance GROUPAMA D'OC





C/



[V] [S]



Organisme CPAM DE L'HERAULT



























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



Compagnie d'assurance GROUPAMA D'OC Prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE







INTIMÉE



Madame [V] [S]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie BELLEN-ROTGER de la SCP PAMPONNEAU TERRIE PERROUIN BELLEN-ROTGER, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Benoist ANDRE, avocat plaidant au barreau de PARIS





CPAM DE L'HERAULT

Pris en la personne de son Directeur exerçant audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Assignée le 28 septembre 2022 à personne morale, sans avocat constitué







COMPOSITION DE LA COUR



Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :



C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

P. BALISTA, conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : M. BUTEL





ARRET :



- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par P. BALISTA, conseiller, pour le président empêché, et par I. ANGER, greffier de chambre.






FAITS ET PROCEDURE



Le 16 novembre 1968, Mme [V] [S], alors qu'elle se trouvait passagère d'un véhicule conduit par Mme [M], assurée auprès de la Caisse Centrale des Mutuelles Agricoles, a été victime d'un accident de la circulation lui ayant occasionné une paraplégie au niveau de la vertèbre D12.



Par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 17 mars 1971, son préjudice a été fixé à la somme de 854 210,63 F.



Suite à aggravation de son état de santé, un jugement du tribunal de grande instance d'Albi du 17 mai 2000, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 13 novembre 2001, a fixé la réparation du préjudice personnel soumis à recours à une somme de 1 137 036,08 F.



Arguant d'une nouvelle aggravation de son état de santé, Mme [V] [S], après désignation en référé d'un expert judiciaire, a saisi le 15 janvier 2015 le tribunal de grande instance d'Albi en condamnation de Groupama d'Oc, au contradictoire de la Cpam de l'Hérault, à payer une provision outre désignation d'un nouvel expert, dans le cadre d'une contre expertise.



Le jugement du 22 avril 2016 ayant débouté Mme [V] [S] de sa demande de contre expertise a été infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 25 juin 2018, un nouvel expert, le Dr [J], étant désigné.



Par acte en date du 25 novembre 2019, Mme [V] [S] a fait assigner la SA Groupama d'Oc et la Caisse primaire d'allocation de l'Hérault (CPAM) devant le tribunal judiciaire de Toulouse afin notamment de se voir verser une indemnité de 609 923,57 € en réparation du préjudice corporel résultant de l'aggravation de son état.



Par ordonnance du 18 mai 2020, le juge de la mise en état a rejeté la demande de provision d'un montant de 100 000 € formulée par Mme [V] [S].



Par jugement réputé contradictoire en date du 19 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

-déclaré le présent jugement commun à la CPAM de l'Hérault,

-dit que la société Groupama d'Oc est tenue d'indemniser intégralement Mme [V] [S] du fait de l'aggravation des séquelles de l'accident survenu le 16 novembre 1968,

-condamné la société Groupama d'Oc à payer à Mme [V] [S] :

-au titre des préjudices corporels patrimoniaux temporaires :

*au titre des dépenses de santé actuelles : 5 427 €,

*au titre des frais divers : 1 800 €,

*au titre de l'assistance par tierce personne temporaire : 512 €,

- au titre des préjudices corporels patrimoniaux permanents :

*au titre des dépenses de santé futures : 34 945,73 €,

*au titre des frais de logement adapté : 40 189,16 €,

*au titre des frais de véhicule adapté : 117 584,19 €,

-au titre des préjudices corporels extra-patrimoniaux temporaires :

*au titre du déficit fonctionnel temporaire : 105 €,

*au titre des souffrances endurées : 2 000 €,

*au titre du préjudice esthétique temporaire : 1 500 €,

-au titre des préjudices corporels extra-patrimoniaux permanents:

*au titre du déficit fonctionnel permanent : 16 875 €,

*au titre du préjudice d'agrément : 15 000 €,

*au titre du préjudice esthétique permanent : 1 000 €,

-débouté Mme [V] [S] de sa demande indemnitaire de 215 873,35 € au titre d'une assistance par tierce personne permanente,

-dit que les provisions versées doivent venir en déduction des sommes ainsi allouées,

-dit que le montant total de l'indemnité allouée par le tribunal, avant imputation de la créance des organismes sociaux et des provisions versées, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 29 juillet 2019 et jusqu'au jour du jugement devenu définitif,

-dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt,

-condamné la société Groupama d'Oc à payer à Mme [V] [S] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Groupama d'Oc aux entiers dépens,

-ordonné l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers des indemnités allouées à Mme [V] [S] en réparation de son préjudice corporel.



Par déclaration en date du 2 août 2022, la société Groupama d'Oc a relevé appel de la décision pour tous les chefs de condamnation à paiement la concernant.



MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES



La société Groupama D'oc dans ses dernières conclusions en date du 25 novembre 2022, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet de l'argumentaire, demande à la cour, au visa de l'article 9 du Code de procédure civile, de l'article 1315 ancien devenu 1353 nouveau du Code civil, des articles L. 211-9 et suivants du Code des assurances, de l'article 1343.2 du Code civil, de :



-réformer le jugement rendu le 19 juillet 2022, sauf en ce qu'il a débouté Mme [V] [S] de ses demandes indemnitaires au titre d'une assistance par tierce personne permanente, outre, partiellement, pour la prise en charge de frais d'un véhicule adapté neuf,

-au principal,

-constater la défaillance dans la charge de la preuve incombant à Mme [V] [S],

-débouter en conséquence Mme [V] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-subsidiairement,

-constater que l'ensemble des préjudices de Mme [V] [S] ont précédemment été indemnisés,

-relever l'absence de preuve d'une aggravation,

-débouter en conséquence Mme [V] [S] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Groupama d'Oc,

-à titre infiniment subsidiaire,

-indemniser en lecture de rapport le préjudice de type aggravation de Mme [V] [S] par le versement à la charge de la société Groupama d'Oc des sommes ci après :

-préjudice patrimonial :

*dépenses santé actuelle : 699 €

*frais divers : 1 800 €

*assistance tierce personne temporaire : 512 €

*frais de logement : 7 993.48 €

-préjudice extra patrimonial :

*déficit fonctionnel temporaire : 105 €

*souffrances endurées ; 2 000 €

*préjudice esthétique temporaire ; 1 000 €

*déficit fonctionnel permanent : 1 000 €

*préjudice esthétique permanent : 1 000 €

-débouter Mme [V] [S] du surplus de ses demandes, fins et prétentions,

-condamner enfin Mme [V] [S] d'avoir à régler à la société Groupama D'oc la somme de 2500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris le coût des expertises judiciaires,

-condamner Mme [V] [S] aux entiers dépens.



À cet effet, elle fait essentiellement valoir, sur le lien de causalité :



-que la ténosynovite de De Quervain dont souffre l'intimée à la main gauche ne peut être retenue comme directement imputable à l'accident survenu en 1968,

-qu'il en est de même concernant la pathologie de l'épaule droite, à savoir une tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs, indépendante de l'accident, et des douleurs de la hanche droite,

-que l'expert n'a mentionné que l'hypothèse d'un lien de causalité entre l'accident et le dommage lié à une ténolyse des tendons fléchisseurs du majeur droit, ce lien de causalité n'étant en conséquence pas certain,

-que l'aggravation de l'état de santé de Mme [S] ne peut donc être retenue comme ayant un lien direct avec l'accident.



Mme [V] [S], dans ses dernières conclusions en date du 7 novembre 2023, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet de l'argumentaire, demande à la cour, de :



-dire l'appel principal interjeté par la société Groupama d'Oc mal fondé et l'en débouter,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à l'indemnisation de la tierce personne permanente et du véhicule adapté,

'condamner en conséquence la société Groupama d'Oc à payer à Mme [V] [S] en réparation de son préjudice corporel lié à son aggravation :

*5.427,00 € au titre des dépenses de santé actuelles,

*1.800,00 € au titre des frais divers,

*512,00 € au titre de la tierce personne temporaire,

*34.945,73 € au titre des dépenses de santé futures,

*40.189,16 € au titre des frais de logement adapté,

*105,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

*2.000,00 € au titre des souffrances endurées,

*15.000,00 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

*16.875,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

*15.000,00 € au titre du préjudice d'agrément,

*1.000,00 € au titre du préjudice esthétique permanent,

-condamner la société Groupama d'Oc à payer la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance,

-juger que les indemnités allouées à Mme [V] [S], avant déduction des provisions allouées et de la créance des tiers payeurs, donneront lieu au doublement des intérêts légaux pour la période allant du 28 juillet 2019 jusqu'à l'arrêt à intervenir,

-juger que les sommes allouées à Mme [V] [S] produiront intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

-juger que ces intérêts intégrés au capital, produiront eux même intérêts,

-infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [V] [S] de sa demande au titre de la tierce personne permanente et fixé l'indemnité au titre du véhicule adapté à la somme de 117.584,19 €,

-et statuant à nouveau,

-condamner la société Groupama d'Oc à payer à Mme [V] [S] :

*246.459,27 € au titre des frais de véhicule adapté,

*223.118,79 € au titre de la tierce personne permanente,

-en tout état de cause,

-condamner la société Groupama D'oc à payer à Mme [V] [S] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en sus de celle qui a été allouée par les premiers juges,

-condamner la société Groupama d'Oc aux entiers dépens, incluant les frais d'expertise médicale passée, dont distraction au profit de Maître Marie Bellen Rotger avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.



À cet effet, elle fait principalement valoir, sur le lien de causalité :



-que l'expert judiciaire a indiqué à deux reprises que la ténolyse des tendons fléchisseurs du majeur droit peut être la conséquence de l'accident, suite à une sur sollicitation, conséquence de la paraplégie, ce qu'avait admis l'expert conseil de l'assureur, dans un premier temps,

-que l'expert judiciaire ne peut conclure à l'absence de lien de causalité entre la tendinopathie de l'épaule et l'accident alors que, comme relevé par le premier juge, si le vieillissement des tendons peut être une cause d'apparition de cette tendinopathie, la paraplégie a également joué un rôle essentiel par une irritation chronique du tendon, liée à la propulsion du fauteuil roulant.



La CPAM de l'Hérault n'a pas constitué avocat.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 novembre 2023.




MOTIFS DE LA DECISION



Le jugement a statué sur l'aggravation de l'état de santé de Mme [V] [S] et sur le lien de causalité existant entre cette aggravation et l'accident dont a été victime l'intimée le 16 novembre 1968, qui l'a laissée paraplégique.



L'assureur ne conteste pas les lésions actuelles dont souffre Mme [V] [S] mais fait valoir l'absence de démonstration d'une aggravation en lien causal direct et certain avec l'accident.



Sur le lien de causalité et la responsabilité



Il est constant que la victime d'un accident de la circulation peut saisir le juge en aggravation de son préjudice ou en apparition d'un nouveau préjudice dès lors qu'il établit une relation directe et certaine avec les lésions corporelles initialement subies.



Le rapport d'expertise du Dr [J], neurochirurgien commis par cette cour par arrêt du 25 juin 2018, a conclu que Mme [V] [S], suite aux séquelles résultant de son accident sur la voie publique, avait dû subir plusieurs opérations chirurgicales complémentaires les 9 décembre 2003, 24 mars 2009 et 3 janvier 2012, dont une seule, celle du 24 mars 2009 afférente à une ténolyse des fléchisseurs de la main droite, lui apparaissait «imputable aux conséquences de sa paraplégie, par sur sollicitation de la main» (p.19 du rapport).



Il a indiqué que le geste chirurgical du 3 janvier 2012, relatif à une tendinopathie calcifiante de l'épaule droite, n'était pas «une conséquence de la paraplégie présentée» (p.18 du rapport), reprenant en cela un dire du Dr [N], conseil de l'assureur, qui précisait que Mme [V] [S] avait été traitée par le Dr [E] le 3 janvier 2012 «non pas pour des lésions de la partie antérieure de la coiffe des rotateurs qui sont des lésions typiques des épaules de paraplégique mais bien pour une tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs qui est indépendante de la paraplégie».



L'expert judiciaire a toutefois mentionné que «bien que le geste réalisé le 3 janvier 2012 [n'apparaissait] pas comme traitant une conséquence directe et exclusive de la pathologie présentée, il [induisait] néanmoins une gêne supplémentaire en rapport avec les séquelles en découlant» concluant à un déficit fonctionnel permanent majoré de 5%.



Groupama conclut que l'expert judiciaire, le professeur [J], tout en excluant que la tendinopathie calcifiante soit en relation exclusive avec l'accident, a néanmoins tenu compte de cette tendinopathie pour conclure à une majoration du déficit permanent.



La cour observe que l'expert judiciaire n'a pas conclu à une majoration du déficit fonctionnel permanent sur la seule foi de la tendinopathie calcifiante puisqu'il prend essentiellement en compte la ténolyse des fléchisseurs de la main droite.



Par ailleurs, s'agissant de cette tendinopathie, le jugement a, à bon droit, considéré que l'imputabilité exclusive, visée par l'expert judiciaire, n'était pas une condition d'appréciation de l'aggravation du préjudice alors que la seule condition nécessaire était de démontrer un lien causal direct et certain avec l'accident.



De même, le premier juge a justement considéré que le rapport du professeur [R] du 26 octobre 2013, premier expert judiciaire commis par ordonnance de référé du 01 mars 2013 aux fins de déterminer une éventuelle aggravation de l'état de santé de Mme [S], concluait déjà que «l'atteinte de l'épaule droite aggrave le handicap actuel» et que si «la calcification est en faveur d'un processus dégénératif (') la sollicitation de l'épaule droite, conséquence de la paralysie des membres inférieurs, a joué un rôle favorisant dans la pathologie constatée», ce dont il se déduit un lien causal direct et certain.



Concernant la ténolyse des fléchisseurs de la main droite de Mme [S], l'expert judiciaire a retenu que le geste opératoire y afférent apparaissait «imputable aux conséquences de [sa] paraplégie, par sur sollicitation de la main».



Le Dr [N], conseil de l'assureur, avait d'ailleurs, dans un premier temps, reconnu un tel lien de causalité indiquant que la pathologie du tendon fléchisseur du 3eme doigt de la main droite était «imputable à la paraplégie par une hyper sollicitation de la main droite pour les transferts et l'utilisation du fauteuil roulant» (p.18 du rapport d'expertise judiciaire, dire du Dr [N]).



L'expert n'a pas conclu, comme le soutient Groupama, que la maladie de De Quervain de la main gauche a entraîné un déficit fonctionnel temporaire du 9 décembre 2003 au 10 janvier 2014, qu'il aurait retenu dans l'appréciation du préjudice.



Le déficit fonctionnel retenu par l'expert concerne l'intervention du 24 mars 2009, à savoir la ténolyse des fléchisseurs de la main droite pour laquelle il retient, de manière explicite, un lien de causalité avec l'accident.



Il ne s'agit donc pas d'une supposition de l'expert, comme indiqué dans les conclusions de Groupama laquelle ne peut, à défaut de pièces probantes contraires, retenir l'absence de lien causal.



C'est donc à bon droit que le jugement a retenu un lien de causalité direct et certain de ce chef.



De même, concernant la majoration des douleurs neuropathiques, c'est à bon droit que le tribunal l'a retenue en reprenant, en réponse à un dire de l'assureur, les conclusions de l'expert judiciaire indiquant que si des douleurs étaient présentes en 1986 au niveau de la hanche droite, il n'était pas établi qu'elles étaient de nature neuropathique, à la différence de celles dont se plaignait Mme [S] au jour de l'expertise et qui étaient traitées par médicament dédié, Le Lyrica.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu une aggravation de l'état de santé de Mme [S] en lien direct et exclusif avec l'accident survenu le 16 novembre 1968.



Sur la liquidation du préjudice



Le tribunal a procédé, de manière particulièrement détaillée, à la liquidation des préjudices patrimonial et extra patrimonial résultant de l'aggravation, avant et après la date de consolidation, fixée au 25 avril 2009.



L'assureur conteste les sommes sollicitées par l'intimée au titre des frais de véhicule adapté, considérant que seul le surcoût de l'adaptation doit être pris en considération, à l'exclusion de l'acquisition d'un véhicule automobile neuf et d'un scooter électrique.



Il conteste également les frais de tierce personne, l'acquisition d'une chaise élévatrice de mise à l'eau ainsi que celles de roues à propulsion électrique et de lampe physiothérapique, l'aménagement du logement par modification du dressing, du plan de travail, de la piscine, comme ne présentant aucun lien direct et certain avec l'accident ou ayant déjà été indemnisés.



C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le jugement, répondant aux conclusions de l'assureur, a liquidé le préjudice de l'intimée, étant observé par la cour :



-que Groupama ne produit aucune pièce établissant que les différents chefs de préjudice retenus par le jugement et résultant de l'aggravation de l'état de santé de Mme [S], ont déjà fait l'objet d'une indemnisation, dans le cadre des décisions antérieures,

-que l'intimée justifie des dépenses engagées, notamment au niveau de l'aménagement de son logement, le dernier expert judiciaire commis, le docteur [J], indiquant comme nécessaire l'aménagement du logement, notamment du plan de travail dans la cuisine, de la salle de bains, de la cuisine, ainsi que l'acquisition d'aides à la vie supplémentaire comme l'élévateur de salle de bains et de piscine, la lampe de physiothérapie, les roues E-Motion de fauteuil roulant,

-que le tribunal n'a retenu, dans sa capitalisation du préjudice sur ce point, que le surcoût d'aménagement du véhicule, et non son prix d'acquisition.



De même, Mme [S] ne peut soutenir que l'acquisition d'un véhicule aménagé neuf était nécessaire alors que l'acquisition d'un véhicule d'occasion, en l'espèce un Mercedes Viano, ne lui a posé aucune difficulté et que le tribunal l'a indemnisée en prévoyant un remplacement du véhicule à échéance périodique.



Concernant les frais de tierce personne après consolidation, le jugement a écarté la demande de Mme [S] relevant notamment que celle-ci bénéficiait déjà d'une aide d'une tierce personne à raison de 8 heures par jour pour laquelle elle avait déjà été indemnisée.



Si l'expert judiciaire a évoqué la nécessité d'une aide supplémentaire d'une heure par jour, le premier juge a écarté à bon droit cette demande dans la mesure où :



-l'expert, par une considération vague, a justifié cette heure supplémentaire par «la peur légitime qu'elle [Mme [S]] peut présenter d'une aggravation en cas de sur-sollicitation» et par «les besoins d'aide à la toilette et à l'habillement matinal», sans jamais préciser l'aide dont elle bénéficiait, ses modalités, et les fonctions attribuées à l'aidant,

-l'ergothérapeute sollicité en cause d'appel par Mme [S] (pièce n°61) ne détaille pas davantage les interventions horaires dont bénéficie déjà l'intimée et leur nature, se bornant à indiquer (p.5) que l'aggravation «entraîne des besoins supplémentaires qui ne sont aujourd'hui pas couverts»,

-Mme [S] ne produit, pour établir une insuffisance, aucun contrat ni aucune facture précisant les heures d'intervention actuelles et leurs fonctions.



Sur le doublement du taux de l'intérêt légal



Au visa des articles L 211-9 et L 211-13 du Code des assurances, et à peine de doublement du taux de l'intérêt légal, quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.



Groupama conclut à l'infirmation de la décision de première instance qui a prononcé la sanction prévue à l'article L 211-13 précité, motif pris que l'article L 211-9 du Code des assurances n'a pas vocation à s'appliquer à un accident de la circulation survenue avant promulgation de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation.



La loi n°85-677 du 5 juillet 1985, qui a notamment prévu en ses articles 12 et 16 l'offre d'indemnisation imposée à l'assureur sous peine de voir courir un intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, repris par les dispositions du Code des assurances, n'était pas applicable à la date de l'accident.



L'article L 211-9 du Code des assurances n'a donc pas vocation à s'appliquer, la demande en aggravation étant régie par les dispositions antérieures à la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.



Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le montant total de l'indemnité allouée par le tribunal, avant imputation de la créance des organismes sociaux et des provisions versées, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 29 juillet 2019 et jusqu'au jour du jugement devenu définitif, les sommes alloués produisant intérêts au taux légal à compter du jugement intervenu.



Sur l'anatocisme



Les conditions d'application de l'article 1343-2 du Code civil étant réunies, c'est à bon droit que le jugement a prononcé la capitalisation des intérêts, la nécessité de recourir à plusieurs expertises, comme invoqué par l'assureur, étant indifférente à l'application de cet article.



Sur les demandes annexes



L'équité commande d'allouer à Mme [V] [S] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles d'appel.



Partie partiellement perdante, la compagnie d'assurances Groupama d'Oc supportera les dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Marie Bellen Rotger avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,



La cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,



Confirme le jugement rendu le 19 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Toulouse sauf en ce qu'il a dit que le montant total de l'indemnité allouée par le tribunal, avant imputation de la créance des organismes sociaux et des provisions versées, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 29 juillet 2019 et jusqu'au jour du jugement devenu définitif.



Statuant de ce seul chef,



Déboute Mme [V] [S] de sa demande formée en application de l'article L 211-13 du Code des assurances.



Dit que les sommes alloués produisent intérêts au taux légal à compter du jugement intervenu.



Y ajoutant,



Condamne la compagnie d'assurances Groupama d'Oc à payer à Mme [V] [S] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.



Condamne la compagnie d'assurances Groupama d'Oc aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Marie Bellen Rotger avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.





LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE

Le conseiller











I.ANGER P.BALISTA

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