2 mai 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG n° 22/00870

1ère CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

N° RG 22/00870 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGNT
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







63B

N° RG 22/00870 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGNT

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


[X] [H], [W] [H] épouse [G]

C/

[F] [A], S.A.S. LSN ASSURANCES, S.C.P. P. DAMBIER P. HOUZELOT F. GAUTHIER H. DESQUEYROUX A. MAGENDIE [F] [A] O. LASSERRE S. CETRE S. AR







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU
Me Monique VAN-DER-MOTTE



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 02 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 21 Mars 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Ollivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,


DEMANDEURS :

Monsieur [X] [H]
né le 02 Mai 1973 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
39 rue des Arausineires
33185 LE HAILLAN

représenté par Me Monique VAN-DER-MOTTE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Madame [W] [H] épouse [G]
née le 08 Mars 1970 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
195 bis avenue Pasteur
33600 PESSAC


N° RG 22/00870 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WGNT

représentée par Me Monique VAN-DER-MOTTE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant



DEFENDEURS :

Maître [F] [A]
né le 27 Mars 1976 à BORDEAUX (33000)
23 avenue du Jeu de Paume
33000 BORDEAUX

représenté par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

S.A.S. LSN ASSURANCES
1 rue des Italiens
75431 PARIS CEDEX 09


représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

S.C.P. P. DAMBIER P. HOUZELOT F. GAUTHIER H. DESQUEYROUX A. MAGENDIE [F] [A] O. LASSERRE S. CETRE S. ARTAUD G. DELHOMME N. ADENIS-LAMARRE A.DAMBIER T.MESA-SPARBE M. PEGUE J. HOUZELOT et A. DAMBIER
23 avenue du Jeu de Paume
33000 BORDEAUX


représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant













EXPOSE DU LITIGE

Madame [V] [C] née [T] est décédée le 12 août 2018, après renonciation de sa fille, sont venus à sa succession cinq héritiers, petits enfants de la défunte :
- Monsieur [X] [H]
- Madame [W] [H] épouse [G]
- Madame [E] [C] épouse [Y]
- Monsieur [I] [C]
- Madame [D] [C].
Le règlement de la succession a été confié à Maître [A].
La déclaration de succession mentionne un actif financier de 27.751,81 € outre 17.000 € de valeur de parts sociales et une créance de 4.426,22 € ainsi qu’un immeuble situé 11 rue des Cordeliers à VIC-FEZENSAC estimé 88.750 €.
Au terme de l’acte de partage, les avoirs financiers ont été répartis entre [I] et [D] [C] et [J] [Y], l’immeuble a été attribué à Monsieur [X] [H] et à sa sœur Madame [W] [H] épouse [G].
Après le règlement de la succession il est apparu qu’il existait une dette de remboursement de l’allocation solidaire vieillesse versée depuis le 1er mars1986 pour un montant de 78.759,17 €, soit une dette de 19.580,78 € par héritier réclamée par la CARSAT.
Monsieur [X] [H] et Madame [W] [H] épouse [G] estimant que le Notaire avait commis une faute, lui demandait de faire une déclaration de sinistre. La compagnie d’assurance leur répondait que la responsabilité civile du Notaire n’était pas engagée.

Aucune conciliation ne pouvait aboutir et Monsieur [H] et Madame [G] saisissait le Tribunal judiciaire de BORDEAUX
***
Au terme de leur dernières conclusions déposées le 15 janvier 2024 Monsieur [X] [H] et Madame [W] [H] épouse [G] sollicite de voir :
JUGER que Maître [F] [A] a commis des fautes engageant sa responsabilité civile professionnelle.
JUGER que Maître [A] et la société civile professionnelle P. DAMBIER P. HOUZELOT F. GAUTHIER H. DESQUEYROUX A. MAGENDIE [F] [A] O. LASSERRE S. CETRE S. ARTAUD G. DELHOMME N. ADENIS-LAMARRE A. DAMBIER T. MESA-SPARBE M. PEGUE, J. HOUZELOT et A. DAMBIER, dont il est associé, sont responsables de toutes les conséquences dommageables de leurs manquements, subies par Monsieur [X] [H] et Madame [W] [H] épouse [G],
En conséquence
LES CONDAMNER, in solidum avec leur assurance sous le fondement de l’article 1240 du Code Civil à payer à Madame [W] [H] épouse [G] la somme de 19 580.78 €,
LES CONDAMNER, in solidum avec leur assurance sous le fondement de l’article 1240 du Code Civil à payer à Monsieur [X] [H] la somme de19 580.78 €,
LES CONDAMNER in solidum au paiement de la somme de 5000 € pour chacun d’entre eux, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
LES CONDAMNER aux entiers dépens.
DÉBOUTER les défendeurs de toutes leurs demandes fins et conclusions contraires.
Au soutien de leurs demandes ils exposent que le Notaire n’a pas accompli toutes les diligences requises, en particulier il a omis d’interroger la CARSAT, manquant ainsi à ses obligations de conseil et de contrôle de la sécurité juridique de son acte, en particulier en ce qui concerne l’évaluation du passif.
Ils considèrent que l’absence d’interrogation auprès de la Caisse de retraite constitue une faute alors qu’il existait des prestations à caractère social récupérables sur la succession.
Ils chiffrent leur préjudice au montant qu’ils ont du rembourser à la CARSAT soit chacun 19.580,78 €.
Ils réclament 5.000 € chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
***

Maître [F] [A], la SCP PHILIPPE DAMBIER, PIERRE HOUZELOT, FABRICE GAUTHIER, HERVÉ DESQUEYROUX, ANTOINE MAGENDIE, [F] [A], OLIVIER LASSERRE, SEBASTIEN CÊTRE, SEBASTIEN ARTAUD, GREGOIRE DELHOMME, NICOLAS ADENIS LAMARE, AUDREY DAMBIER, THOMAS MESA-SPARBE et MICHAËL PEGUE, société immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 302 817 283, dont le siège social est 23 Avenue du Jeu de Paume, 33200 BORDEAUX et la société LSN ASSURANCES, société de Courtage d’Assurance, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 388 123 069, dont le siège social est situé 1 rue des Italiens, 75431 PARIS CEDEX 09 s’opposent à la demande ainsi formulée, la LSN sollicite sa mise hors de cause et les Notaires concluent à l’absence de responsabilité leur incombant, ils réclament 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

LSN indique être le courtier et non l’assureur de sorte qu’elle doit être mise hors de cause.

Le Notaire soutient qu’il n’a pas d’obligations légales d’interroger tous les organismes susceptibles de disposer d’une créance sur la succession, il précise qu’il s’est toutefois adressé au conseil Général de la Gironde qui a indiqué n’avoir aucune créance.

Il a demandé à ses clients de lui fournir les pièces utiles en particulier la copie des pensions ou retraites ou bulletins de salaire ou identité du comptable de la personne décédée mais aucune pièce lui permettant d’identifier des versements par un organisme social ne lui a été remis; s’il a obtenu les références bancaires de la défunte il n’a pas été destinataire des relevés de comptes permettant d’identifier les éventuels créanciers.

Il n’est nullement justifié d’un lien de causalité entre le manquement invoqué et le préjudice, la créance de l’organisme social étant effectivement une dette de la succession, dette à laquelle le Notaire ne pouvait lui faire échapper, cette dette étant en outre inférieure à l’actif, les demandeurs ne rapportent pas la preuve d’une perte de chance sérieuse, une telle perte de chance ne peut en outre être égale à l’avantage qui aurait pu être procuré si elle s’était réalisée.


DISCUSSION

La société LNS justifie (pièce 3) de sa qualité de courtier, qualité qui n’est pas déniée par le demandeur qui indique qu’elle s’est comportée comme assureur en prenant position au sujet de la responsabilité du Notaire dans un courrier mentionnant “Assurance responsabilité civile professionnelle”.

Cependant, si le courtier en sa qualité de mandataire, peut échanger dans le cadre de la mise en cause de l’assuré, cela ne le constitue nullement assureur, ni tenu au règlement des indemnités éventuellement dues par l’assureur, en l’absence de manquement propre qui lui serait imputable, ce qui n’est pas invoqué en l’espèce.

La société LNS sera en conséquence mise hors de cause.

Il est reproché au Notaire de ne pas avoir vérifié auprès des organismes sociaux et en particulier de la CARSAT s’il existait des dettes successorales. S’il appartient effectivement au Notaire de déterminer la composition du patrimoine du défunt aussi bien en terme d’actif que de passif, d’autant qu’en l’espèce celui-ci a concouru à la rédaction de la déclaration de succession signée le 24 mai 2019 par les copartageants, cela ne dispense pas les héritiers de fournir les éléments permettant de connaître le nom des créanciers.

En l’espèce, s’il est certain que le Notaire disposait des références bancaires (Caisse d’Épargne) ce qui lui a permis de déterminer les avoirs bancaires au jour du décès, il ne lui appartenait pas de solliciter les relevés de comptes antérieurs pour en faire l’analyse, les héritiers ne peuvent lui reprocher de ne pas avoir recherché des règlements effectués par un organisme social pour, ensuite, interroger cet organisme sur ses créances éventuelles. Le Notaire a toutefois interrogé le département - qui est le principal créancier alimentaire - pour vérifier l’absence de dettes sociales (pièce 1), il n’a pas déterminé que la CARSAT était elle-même créancière au titre de l’ASPA qu’elle servait au profit de la défunte.

Les parties sont contraires en fait sur le point de savoir si le Notaire a transmis ou non une demande d’information (pièce 2) réclamant “la copie des pensions ou retraites ou bulletins de salaire ou identité du comptable de la personne décédée” mais il est bien évident que les parties qui chargent le Notaire de concourir à la rédaction de la déclaration de succession puis aux actes de dévolution successorale, ont elles-mêmes l’obligation de déclarer et donc de rechercher tous les éléments leur permettant d’effectuer une déclaration sincère qui permette ensuite de conduire à une dévolution et un partage équitable, en conséquence, les demandeurs reportent sur le Notaire ce qui constitue leur propre responsabilité.

Au total, s’il peut être fait grief au Notaire de ne pas avoir plus expressément donné des conseils aux héritiers en attirant très précisément leur attention sur la nécessité de rechercher de manière exhaustive l’ensemble des créanciers de la succession, afin de se prémunir d’un recours de ces derniers, le manquement invoqué n’aurait eu d’autres conséquences que de ne pas leur faire échapper au recours du débiteur alimentaire dont la créance est garantie par le patrimoine du défunt.

La succession comportait un actif de 144.824,43 € dont 88.750 € représentant la valeur d’un immeuble attribué au demandeurs et 56.074,43 € au titre des avoirs financiers, la dette sociale du fait de la créance de la CARSAT s’élevait à 19.580,78 € par héritier (78.759,17 € pour l’ensemble de la succession au titre des versements de l’allocation supplémentaire de solidarité vieillesse versée entre le 1er mars 1986 et le 31 août 2018).

Or une perte de chance réparable n’est constituée qu’en cas de disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable et les demandeurs qui, s’ils avaient été informés de la créance de la CARSAT, auraient sans aucun doute de la même façon accepté la succession qui restait bénéficiaire, ces derniers ne peuvent soutenir avoir perdu la faculté de renoncer à la succession.

Ils ont été avisés le 31 décembre 2020 de la créance de la CARSAT soit une année après le règlement de la succession, ils ne justifient pas avoir dû financer des travaux dans l’immeuble dans ce court intervalle, ni des charges de l’immeuble dont il font état dans leurs conclusions.

Enfin, leur choix consistant à se faire attribuer un immeuble familial d’une valeur faible mais présentant un caractère sentimental fort, n’aurait pas été différent si la créance de la CARSAT avait été prise en compte dans l’acte de partage, en tout état de cause il leur est loisible de revendre ce bien et de se trouver ainsi dans une position équivalente à celle dans laquelle ils se seraient trouvés s’il n’avaient pas demandé l’attribution.

Ainsi, le paiement par leur soin à la CARSAT d’une somme de 19.580,18 € chacun (dont ils justifient en date du 17 février 2023 pièce 6) qui était manifestement due, ne constitue pas un préjudice réparable, ni la conséquence d’un manquement quelconque du Notaire.

Ils seront déboutés de leur demande.

L’équité commande de la condamner à verser au Notaire, la SCP et la société LSN la somme de 750 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.




PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

MET hors de cause la société LSN courtier d’assurance.

DÉBOUTE Monsieur [Z] [H] et Madame [W] [H] de leurs demandes.

LES CONDAMNE à verser à Maître [A] - SCP DAMBIER HOUZELOT - GAUTHIER - DESQUEYROUX - MAGENDIE - [A] - LASSERRE - CETRE - ARTAUD - société LSN la somme de 750 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

LES CONDAMNE aux entiers dépens.

La présente décision est signée par Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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