2 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-20.477

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:C300220

Texte de la décision

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mai 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 220 F-D

Pourvoi n° N 22-20.477




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MAI 2024

La société Le Renaissance promotion, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-20.477 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2 e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [F], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Mme [W] [H], épouse [F], domiciliée [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société Le Renaissance promotion, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [F], après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 juin 2022), M. et Mme [F] ont acquis de la société Le Renaissance promotion un bien immobilier en l'état futur d'achèvement, devant être livré au plus tard le 31 mars 2016.

2. Se plaignant d'un retard de livraison et de l'absence de levée de réserves, ils ont assigné la société Le Renaissance promotion en réparation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Le Renaissance promotion fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à M. et Mme [F] au titre du retard de livraison, alors :

« 1°/ que la clause de suspension du délai de livraison stipulée dans le contrat de vente du 5 décembre 2014 prévoit qu'elle peut être mise en œuvre en cas de « retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par la Société venderesse à l'acquéreur, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le Maître d'Oeuvre du chantier à l'entrepreneur défaillant) », ce cas étant distinct du retard résultant de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'une entreprise ou du retard entraîné par la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante ; qu'en affirmant que la « défaillance » de l'entreprise, au sens de la clause précitée, devait avoir nécessairement entrainé « la nécessité pour le vendeur de résilier le marché confié à cette entreprise et de rechercher une entreprise de substitution » pour que la clause de suspension du délai de livraison puisse être invoquée par la société venderesse, la cour d'appel, qui a ajouté à cette clause litigieuse une condition qu'elle ne contient pas, l'a dénaturée en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis et de l'article 1192 du code civil ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la clause de suspension du délai de livraison stipulée dans le contrat de vente du 5 décembre 2014 prévoit qu'elle peut être mise en œuvre en cas de « retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fourni par la Société venderesse à l'acquéreur, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le Maître d'Oeuvre du chantier à l'entrepreneur défaillant) » ; qu'en affirmant que la défaillance des entreprises ECBR et ICS n'était pas établie, « en sorte que leurs retards ne peuvent constituer une cause légitime de suspension du délai de livraison », tout en constatant que la clause de suspension du délai de livraison prévoit que sa mise en œuvre est conditionnée, notamment, à un « retard provenant de la défaillance d'une entreprise », que la justification de la défaillance peut être apportée « par la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le Maître d'Oeuvre du chantier à l'entrepreneur défaillant » et que l'existence des retards des entreprises ECBR et ICS était avérée, au vu des courriers recommandés avec avis de réception qui leur avaient été adressés par l'architecte, ce dont il résultait nécessairement que la société Le Renaissance Promotion justifiait des conditions de la mise en œuvre de la clause de suspension des délais de livraison en invoquant un moyen de preuve qui se suffisait à lui-même, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par l'ambiguïté des clauses de l'acte de vente relatives aux causes légitimes de suspension des délais de livraison, que le retard provenant de la défaillance de l'entreprise devait s'entendre d'une véritable défaillance de celle-ci, le simple retard, fût-il prolongé, ne pouvant être assimilé à une défaillance que si celui-ci avait entraîné la nécessité pour le vendeur, après mise en demeure adressée à l'entreprise de terminer les travaux, de résilier le marché.

5. Ayant constaté que tel n'avait été le cas ni pour la société ECBR ni pour la société ICS et que le décompte général définitif validant l'application d'éventuelles pénalités de retard à leur encontre n'était pas produit, elle a pu en déduire que le retard imputé à ces deux entreprises par la société Le Renaissance promotion ne constituait pas une cause légitime de suspension du délai de livraison au sens du contrat conclu avec les acquéreurs et faire droit, par conséquent, à leur demande de réparation au titre du retard de livraison à hauteur de la somme retenue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le Renaissance promotion aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Renaissance promotion et la condamne à payer à M. et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.

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