2 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.450

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00416

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Accords collectifs - Accords d'entreprise - Air France - Règlement intérieur - Annexe "personnel au sol" - Articles 6 et 7 - Procédure disciplinaire - Conseil de discipline - Saisine - Délai de l'article L. 1332-2 du code du travail - Computation - Détermination - Portée

Il résulte des articles L. 1332-2 du code du travail, 6 et 7 de l'annexe "personnel au sol" du règlement intérieur de la société Air France que la saisine du conseil de discipline, chargé d'examiner les sanctions du second degré comprenant le licenciement pour faute grave, a pour effet d'interrompre le délai de l'article L. 1332-2 du code du travail et de le suspendre pendant toute sa durée et que ce n'est qu'à compter de la réunion du conseil de discipline ou de la renonciation du salarié au bénéfice de la garantie instituée à son profit que celui-ci recommence à courir

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mai 2024




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 416 F-B


Pourvois n°
J 22-18.450
Z 22-19.430 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MAI 2024

I. La société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-18.450

II. Mme [U] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-19.430,

contre l'arrêt rendu le 2 mai 2022, rectifié par arrêt du 20 mars 2023, par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige les opposant.

La demanderesse au pourvoi n° J 22-18.450, invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi n° Z 22-19.430 invoque, à l'appui de son recours sept moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Air France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [K], après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 22-18.450 et Z 22-19.430 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 2 mai 2022), rectifié par arrêt du 20 mars 2023, Mme [K] a été engagée en qualité d'agent des services commerciaux, à compter du 13 janvier 1989, par la société Air France.

3. Par lettre du 31 octobre 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire du second degré pouvant aller jusqu'au licenciement disciplinaire pour faute grave, fixé le 29 novembre suivant.

4. Par lette du 16 décembre 2016, la salariée a été informée de la saisine du conseil de discipline et convoquée devant cette instance le 12 janvier 2017. Par lettre du 28 décembre 2016, l'intéressée a exprimé son opposition à la tenue du conseil de discipline.

5. Licenciée pour faute grave par lettre du 4 janvier 2017, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les troisième, cinquième et sixième moyens du pourvoi n° Z 22-19.430


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le premier moyen du pourvoi n° J 22-18.450, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de qualifier la rupture du contrat de travail de la salariée de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de le condamner à lui verser une indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « subsidiairement, que le délai d'un mois prévu par l'article L. 1332-2 du code du travail se trouve interrompu et suspendu lorsque l'employeur doit
consulter un conseil de discipline ; que l'article 3.1.2. de la convention du personnel au sol de la compagnie Air France, intitulé "licenciement disciplinaire", dispose que "la décision de la sanction est prise, sur délégation du directeur général, par le chef d'établissement ou son représentant, le cas échéant, après avis du conseil de discipline" ; que l'annexe "personnel au sol" du règlement intérieur de l'entreprise Air France prévoit également que "le Directeur Général peut de sa propre initiative demander au Chef d'établissement la comparution d'un salarié devant un conseil de discipline, sauf opposition du salarié" (article 6) et que "la décision prise par le Chef d'établissement ou son représentant est notifiée au salarié concerné par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres dans le délai d'un mois maximum suivant la réunion du conseil de discipline" (article 7) ; qu'il s'ensuit que la notification d'un licenciement disciplinaire est régulière lorsqu'elle est intervenue avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'expression par le salarié de son opposition à la réunion du conseil de discipline ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'elle constatait que "Mme [K] a reçu le 16 décembre 2016 une convocation à comparaître devant le conseil de discipline, ce qu 'elle a refusé par courrier du 28 décembre 2016", ce dont il résulte que la notification du licenciement était - compte tenu de la renonciation de la salariée au bénéfice de la garantie instituée à son profit par courrier du 28 décembre 2016 - intervenue régulièrement par lettre du 4 janvier 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, 1234-5, L. 1234-9 et L. 1332-2 du code du travail, ensemble l'article 3.1.2. de la convention du personnel au sol de la compagnie Air France et les articles 6 et 7 de l'annexe "personnel au sol" du règlement intérieur de l'entreprise Air France ; »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1332-2 du code du travail et les articles 6 et 7 de l'annexe « personnel au sol » du règlement intérieur de la société Air France :

8. D'abord, si selon le premier de ces textes, la sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, ce dernier délai peut être dépassé lorsque l'employeur est conduit en vertu des règles statutaires ou conventionnelles à recueillir l'avis d'un organisme de discipline dès lors qu'avant l'expiration de ce délai, le salarié a été informé de la décision de l'employeur de saisir cet organisme. Il en résulte qu'après avis du conseil de discipline ou renonciation du salarié au bénéfice de la garantie instituée à son profit, l'employeur dispose d'un nouveau délai d'un mois pour sanctionner le salarié.

9. Ensuite, selon les derniers de ces textes, d'une part, le conseil de discipline est chargé d'examiner les propositions de sanctions du second degré comprenant le licenciement pour faute grave, d'autre part, le salarié à l'encontre duquel est engagé une procédure disciplinaire peut demander que le conseil ne soit pas réuni et, en tout état de cause, le directeur général peut de sa propre initiative demander au chef d'établissement la comparution devant le conseil du salarié, sauf opposition de ce dernier. La décision de sanction est notifiée au salarié dans le délai d'un mois maximum suivant la réunion du conseil de discipline. Il en résulte que la saisine du conseil de discipline a pour effet d'interrompre le délai de l'article L. 1332-2 du code du travail et de le suspendre pendant toute sa durée et que ce n'est qu'à compter de la réunion du conseil de discipline ou de la renonciation du salarié au bénéfice de la garantie instituée à son profit que celui-ci recommence à courir.

10. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, d'abord, que l'entretien préalable était fixé au 29 novembre 2016 et que la salariée ayant renoncé à la réunion d'un conseil de discipline, le licenciement devait intervenir avant le 30 décembre 2016. Il relève, ensuite, que son licenciement lui a été notifié le 4 janvier 2017.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait reçu le 16 décembre 2016 une convocation à comparaître devant le conseil de discipline, soit avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la date de l'entretien préalable, puis que par lettre du 28 décembre 2016, elle avait exprimé son opposition à la tenue du conseil de discipline, ce dont il résultait que le licenciement avait été notifié dans le mois de cette renonciation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen du pourvoi n° Z 22-19.430

Enoncé du moyen

12. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du licenciement ainsi que toutes les demandes associées, sa demande d'indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement et ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et harcèlement discriminatoire, alors :

« 1°/ que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent dé présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les juges doivent se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et dire si ces éléments pris en leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'au soutien de la nullité de son licenciement pour harcèlement moral, la salariée faisait état, outre des éléments retenus par la cour d'appel, de l'inertie de son employeur lorsqu'elle avait sur son lieu de travail été victime d'un accident du travail, du fait que son employeur ne répondait ni à ses courriers ni à ceux de son avocat, qu'il avait méconnu son engagement de ne pas poursuivre la procédure disciplinaire et qu'il avait sanctionné d'un licenciement les faits qui lui étaient reprochés cependant que sa supérieure hiérarchique, à laquelle les mêmes faits étaient reprochés, n'avait pas été licenciée et attestait qu'elle ne devait ce traitement préférentiel qu'au fait d'avoir gardé le secret contrairement à Mme [K] qui avait communiqué avec les syndicats ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces éléments décisifs invoqués par la salariée permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et a fortiori de rechercher si l'employeur justifiait de ces décisions par des éléments objectifs à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les juges doivent se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et dire si ces éléments pris en leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'au nombre des éléments qu'elle a examinés et dit établis, la cour d'appel a retenu les conditions regrettables de l'entretien du 31 octobre 2016, le revirement soudain de la direction quant à l'admission de la salariée au plan de départ volontaire et à la poursuite de la procédure disciplinaire, l'envoi des courriers destinés à la salariée à une adresse qui n'était pas celle déclarée sur les arrêts de travail dont l'employeur était destinataire, la convocation de la salariée en métropole dans le cadre de son recours gracieux, le défaut de déclaration par l'employeur de l'accident du travail dont la salariée avait été victime sur son lieu de travail et l'existence de certificats médicaux relatifs à la dégradation de l'état de santé de celle-ci ; qu'en écartant le harcèlement moral sans préalablement dire si ces faits établis permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour écarter le harcèlement moral en dépit des nombreux éléments retenus par elle, la cour
d'appel a relevé qu'il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir proposé la souscription au départ volontaire, que les faits reprochés à la salariée auraient été établis, que la salariée n'aurait pas été humiliée ou menacée lors de l'entretien du 31 octobre 2016, que rien n'interdisait à l'employeur de suspendre la procédure de rupture amiable durant le cours de la procédure
disciplinaire, que les arrêts de travail mentionnant l'adresse à laquelle les courriers devaient être adressés à la salariée étaient directement adressés au service de la paye, que la salariée n'établit pas avoir demandé à son employeur de déclarer un accident du travail et que l'intéressée ne s'est jamais plainte de ses conditions de travail avant de recevoir une convocation à entretien préalable ; qu'en se prononçant par ces motifs impropres à exclure le harcèlement moral dénoncé par la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :

13. Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

14. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

15. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, l'arrêt relève d'abord, d'une part, que les conditions de l'entretien du 31 octobre 2016 sont regrettables, puisque la salariée qui ne s'y attendait pas, s'est retrouvée face à deux supérieurs hiérarchiques qui, en l'espace d'une heure, lui ont remis en mains propres une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui ont présenté un formulaire d'adhésion au plan de départ volontaire, d'autre part, que la salariée ne peut cependant valablement reprocher à l'employeur de lui avoir proposé de souscrire un plan de départ volontaire, que les faits reprochés à la salariée étaient établis et reconnus et que la salariée ne produit pas le moindre commencement de preuve de ce qu'elle aurait été humiliée ou menacée lors de cet entretien.

16. L'arrêt constate ensuite que, s'il est établi que le 3 novembre 2016 l'employeur a donné un avis favorable à la candidature de la salariée au plan de départ volontaire et que malgré l'intervention des syndicats, il a finalement annoncé la poursuite de la procédure disciplinaire et la suspension du plan de départ volontaire, rien n'interdisait à l'employeur de suspendre la procédure de rupture amiable durant le cours de la procédure disciplinaire, la convention de rupture amiable n'ayant pas encore été signée.

17. L'arrêt retient encore, s'agissant de l'envoi des courriers à l'adresse de la salariée, que l'intéressée n'a mentionné l'adresse de sa mère en lieu et place de son adresse personnelle que sur ses arrêts de travail et que les arrêts de travail sont directement adressés au service de la paye et non au service général des ressources humaines.

18. L'arrêt constate également que la salariée aurait du être convoquée en Guadeloupe et non en métropole afin qu'il soit statué sur son recours gracieux.

19. L'arrêt relève enfin que dès lors que la salariée n'établit pas avoir demandé à l'employeur de déclarer un accident de travail, elle ne peut lui reprocher d'avoir refusé de le faire.

20. L'arrêt conclut que le fait d'avoir convoqué la salariée en métropole pour faire valoir le mérite de son recours gracieux n'est pas à lui seul constitutif de harcèlement moral, que les certificats médicaux ne permettent pas d'établir un lien de causalité directe et certain entre les conditions de travail de la salariée et son état de santé alors qu'ils ont tous été délivrés postérieurement à la remise de la convocation de l'entretien préalable au licenciement et que l'intéressée ne s'était jamais plainte de ses conditions de travail avant de recevoir cette convocation.

21. En statuant ainsi, d'une part, sans examiner l'ensemble des faits invoqués par la salariée au titre du harcèlement moral, à savoir l'inertie de l'employeur qui a ignoré son malaise, son choc psychologique et ses pleurs survenus pendant l'entretien du 30 octobre 2016, la résistance de l'employeur qui n'a répondu ni à ses courriers ni à ceux de son avocat et le traitement de faveur accordé à sa supérieure hiérarchique, qui pour des faits similaires n'a été que rétrogradée, d'autre part, en procédant à une appréciation séparée des éléments invoqués par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis et les certificats médicaux laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les éléments en cause étaient étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche du pourvoi n° Z 22-19.430

Enoncé du moyen

22. La salariée fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa demande de dommages-intérêts relative à la discrimination, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; que pour déclarer irrecevable la demande d'indemnisation du préjudice résultant de la discrimination, la cour d'appel a retenu qu'elle ne constitue pas "l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles que [la salariée] a formées en première instance" ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si cette demande ne tendait pas aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, la cour d'appel a entaché
sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 565 du code de procédure civile. »

Réponse de la cour

Vu les articles 565 et 566 du code de procédure civile :

23. Selon le premier de ces textes, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et, selon le second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

24. Le juge d'appel est tenu d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues par ces textes si la demande est nouvelle.

25. Pour déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour discrimination, l'arrêt retient que contrairement à ce que soutient la salariée, cette demande ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles qu'elle a formées en première instance.

26. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, si cette demande ne tendait pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le septième moyen du pourvoi n° Z 22-19.430

Enoncé du moyen

27. La salariée fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes de dommages-intérêts relatives à la violation de l'obligation de formation et au défaut de déclaration d'accident de travail, alors « que la juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; que pour déclarer irrecevables les demandes de dommages-intérêts relatives à la violation de l'obligation de formation et au défaut de déclaration d'accident du travail, la cour d'appel a retenu qu'elles ne constituaient pas "l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles [que la salariée] a formées en première instance" ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si ces demandes ne tendaient pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 565 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 565 et 566 du code de procédure civile :

28. Selon le premier de ces textes, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et selon le second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

29. Le juge d'appel est tenu d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues par ces textes si la demande est nouvelle.

30. Pour déclarer irrecevables les demandes de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation et défaut de déclaration d'accident de travail, l'arrêt retient que contrairement à ce que soutient la salariée, ces demandes ne constituent pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles qu'elle a formées en première instance.

31. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, ces demandes ne tendaient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de la salariée de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral, de dommages-intérêts pour manquement au règlement des personnels au sol et pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 2 mai 2022, rectifié par l'arrêt du 20 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.

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