2 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-20.332

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00227

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Effets - Arrêt des poursuites individuelles - Interruption des instances en cours - Sanction du jugement obtenu postérieurement - Détermination

Il résulte de l'article L. 622-22 du code de commerce que la juridiction saisie au fond d'une demande tendant au paiement d'une somme d'argent doit, lorsqu'elle relève qu'au cours de l'instance qu' une procédure collective a été ouverte à l'égard du défendeur, constater, au besoin d'office, l'interruption de cette instance jusqu'à ce que le créancier demandeur la reprenne en justifiant de la déclaration de sa créance et de la mise en cause du mandataire judiciaire et, le cas échéant, de l'administrateur. En application de l'article 372 du code de procédure civile, un jugement qui aurait été rendu sans que ces organes de la procédure collective n'aient été mis en cause, serait non avenu. Dès lors, doit être approuvée la cour d'appel qui, en ce cas, dit n'y avoir lieu de statuer sur l'appel, le tribunal n'étant pas dessaisi

PROCEDURE CIVILE - Instance - Interruption - Effets - Jugement non avenu - Non-lieu de statuer sur l'appel

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mai 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 227 F-B

Pourvoi n° E 22-20.332




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 MAI 2024

1°/ Mme [W] [F], épouse [Z], domiciliée [Adresse 4],

2°/ M. [G] [F], domicilié [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° E 22-20.332 contre deux arrêts n° RG 22/00248 rendus les 8 février 2022 et 21 juin 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Archibald, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire liquidateur et mandataire ad hoc de la société L'immobilière du Château de Nemours,

2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la société L'immobilière du Château de Nemours,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de Mme [W] [F] et de M. [G] [F], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, en qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la société immobilière du Château de Nemours, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Orléans, 8 février et 21 juin 2022) et les productions, Mme [W] [F] et M. [G] [F] (les consorts [F]) ont confié la vente de leur bien immobilier à la société L'immobilière du Château de Nemours (la société), assurée auprès de la société Allianz IARD. Alors qu'une promesse de vente avait été conclue, la vente ne s'est pas réalisée.
2. Le 21 septembre 2015, les consorts [F] ont assigné la société en responsabilité et en paiement de dommages et intérêts.

3. La société a été mise en liquidation judiciaire le 21 décembre 2015, la société Archibald étant désignée en qualité de liquidateur.

4. Par un jugement du 15 novembre 2018, le tribunal a retenu une faute de la société et l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts sans que le liquidateur ne soit mis en cause.

5. Le 14 décembre 2018, les consorts [F] ont fait appel de ce jugement et, le 7 mars 2019, ils ont fait signifier leur déclaration d'appel au liquidateur qui n'a pas constitué avocat.

6. Le 13 juin 2019, après avoir été relevés de forclusion, les consorts [F] ont déclaré leur créance au passif de la société.



7. Par un arrêt du 21 juin 2022, la cour d'appel d'Orléans a dit que le jugement du 16 novembre 2018 est réputé non avenu dans les rapports entre les consorts [F], d'une part, et la société, d'autre part, et n'y avoir lieu à statuer sur l'appel des consorts [F] à l'encontre de cette dernière. Les consorts [F] ont formé pourvoi contre cet arrêt.

8. La liquidation judiciaire de la société ayant été clôturée pour insuffisance d'actif le 22 novembre 2021, une ordonnance du 2 janvier 2023, rendue sur la requête des consorts [F], a désigné la société Archibald mandataire ad hoc pour représenter la société débitrice devant la Cour de cassation. Le mandataire ad hoc n'a pas constitué avocat.

Examen des moyens

Sur le second moyen


9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Et sur le premier moyen

Enoncé du moyen

10. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de dire que le jugement du 16 novembre 2018 est réputé non avenu dans les rapports entre eux d'une part, et la société, d'autre part, et de dire n'y avoir lieu à statuer sur leur appel à l'encontre de la société, alors :

« 1°/ que l'interruption d'une instance en cours par l'ouverture d'une procédure collective, qui n'est pas subordonnée au dessaisissement du débiteur, n'a lieu qu'au profit de ce dernier, de sorte que seul le liquidateur, qui le représente après sa mise en liquidation judiciaire, peut se prévaloir du caractère non avenu d'un jugement obtenu après l'interruption d'instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Archibald, en qualité de liquidateur judiciaire de la société, n'avait pas constitué avocat dans le cadre de l'instance d'appel après que la déclaration d'appel lui été signifiée ; qu'elle a encore relevé que M. et Mme [F] avait déclaré leur créance dans la procédure collective de cette dernière société le 13 juin 2019, laquelle avait d'ailleurs été régulièrement produite devant la cour d'appel ; qu'en retenant que le jugement du 16 novembre 2018 était réputé non avenu dans les rapports entre les consorts [F] et la société, dès lors que le liquidateur judiciaire n'avait pas été mis en cause devant le tribunal de grande instance d'Orléans, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le liquidateur judiciaire ne s'était pas prévalu devant elle du caractère non avenu du jugement du 16 novembre 2018 obtenu après l'interruption de l'instance à son bénéfice, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22 du code de commerce et 372 du code de procédure civile ;

2°/ que les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ; que le liquidateur judiciaire qui, assigné devant la cour d'appel par le créancier, s'abstient de constituer avocat et de solliciter devant la cour d'appel la constatation du caractère non avenu du jugement entrepris, confirme tacitement ce jugement ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22 du code de commerce et 372 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Ayant relevé que l'action des consorts [F] introduite par une assignation délivrée avant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société visait, à titre principal, à la voir condamner au paiement de plusieurs sommes d'argent, l'arrêt retient à bon droit que cette action, interrompue par le jugement d'ouverture de la procédure collective conformément aux dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce, ne pouvait être valablement reprise, selon l'article L. 622-22 du même code, qu'une fois les créances invoquées déclarées et après la mise en cause du liquidateur.

12. Après avoir relevé que le liquidateur n'avait pas été appelé devant le tribunal saisi de l'instance en cours interrompue, estimé que le fait pour celui-ci de ne pas s'être fait représenter devant la cour d'appel ne valait pas confirmation tacite du jugement au sens de l'article 372 du code de procédure civile et énoncé que l'interruption de l'instance est un principe d'ordre public devant être relevé d'office par le juge qu'elle ne dessaisit pas, l'arrêt en déduit exactement que le jugement rendu le 18 novembre 2018, malgré l'interruption d'instance, est réputé non avenu et que le tribunal n'étant pas dessaisi, il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [W] [F] et M. [G] [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.

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