2 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-21.148

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00210

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Effets - Dessaisissement du débiteur - Acte postérieur - Inopposabilité à la procédure collective

Aux termes de l'article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, pendant la durée de la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens au profit du liquidateur et les actes accomplis par le débiteur au mépris du dessaisissement sont inopposables à la procédure collective. La créance résultant de tels actes, née irrégulièrement, ne peut ni bénéficier du traitement préférentiel prévu à l'article L. 621-32 du code de commerce, dans la rédaction précitée, ni être admise au passif conformément aux prévisions de l'article L. 621-43 du même code. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 643-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, que l'article 191 de cette même loi rend applicable aux procédures collectives en cours, ne sont pas applicables aux poursuites du créancier, titulaire d'une créance hors procédure qui n'a jamais relevé du passif de la liquidation judiciaire. En second lieu, le créancier hors procédure ne pouvant être payé sur le gage commun des créanciers, il ne peut agir contre le débiteur pendant la durée de la procédure collective. Il en résulte que, le créancier s'étant trouvé dans l'impossibilité d'agir contre le débiteur jusqu'à la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire, le délai de prescription à son égard est suspendu jusqu'à cette clôture

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Effets - Dessaisissement du débiteur - Créances irrégulières - Bénéfice du traitement préférentiel et admission au passif (non)

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Clôture - Clôture pour insuffisance d'actif - Droit de poursuite individuelle - Domaine d'application de l'article L. 643-11 du code de commerce - Exclusion - Cas - Créances hors procédure

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Créanciers - Créanciers hors procédure - Impossibilité d'être payé sur le gage commun des créanciers et d'agir contre le débiteur pendant la durée de la procédure collective

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Clôture - Clôture pour insuffisance d'actif - Droit de poursuite individuelle - Créancier hors procédure - Impossibilité d'agir pendant la durée de la procédure collective - Portée - Suspension du délai de prescription jusqu'à la clôture

PRESCRIPTION CIVILE - Suspension - Causes - Impossibilité d'agir - Applications diverses - Entreprises en difficulté - Créancier hors procédure

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mai 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 210 FS-B

Pourvoi n° S 22-21.148

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [J].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 février 2023.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 MAI 2024

M. [U] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 22-21.148 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [J], de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Riffaud, Mmes Fèvre, Guillou, MM. Bedouet, Calloch, Mme Schmidt, conseillers, Mmes Brahic-Lambrey, Champ, Coricon, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 juillet 2022) et les productions, M. [J] a été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 18 décembre 1998. Le 30 septembre 2002, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie (la banque) lui a consenti ainsi qu'à son épouse, un prêt d'un montant de 97 600 euros, remboursable en 180 échéances. La déchéance du terme a été prononcée le 8 novembre 2005. La banque a déclaré sa créance le 16 juin 2006. Par un jugement du 10 juillet 2020, la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif.

2. Le 29 octobre 2020, la banque a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente. M. [J] a saisi le juge de l'exécution afin d'obtenir la nullité du commandement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [J] fait grief à l'arrêt de dire que l'action en recouvrement initiée par la banque contre lui au moyen d'un commandement aux fins de saisie-vente du 29 octobre 2020 porte sur une créance non prescrite, de dire que la banque justifie d'une créance certaine, liquide et exigible contre lui, de déclarer valable et régulier le commandement aux fins de saisie-vente du 20 octobre 2020 ainsi que la procédure subséquente et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 643-11 du code de commerce, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; que cet article, issu de la loi du 26 juillet 2005, est d'application immédiate aux instances en cours au jour de son entrée en vigueur, soit au 1er janvier 2006 ; qu'en affirmant que ''de jurisprudence constante, les créanciers dont la créance est née après l'ouverture de la procédure collective peuvent poursuivre le recouvrement de celle-ci après clôture de la liquidation judiciaire, quand bien même elle serait intervenue pour insuffisance d'actif'', sans caractériser l'un des cas prévus à l'article L. 643-11 du code de commerce qui permet, par exception, à certains créanciers de recouvrer leur droit de poursuite individuelle, la cour d'appel a violé l'article précité ;

2°/ que le créancier qui n'est pas dans l'impossibilité d'agir, au sens de l'article 2234 du code civil, contre le débiteur placé en procédure collective ne bénéficie pas de la prolongation de l'effet interruptif de prescription de sa déclaration de créance jusqu'à la clôture de la procédure collective, mais seulement jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission ; qu'à supposer que la créance de la banque soit soumise à la loi de 1985 et qu'à ce titre la banque, créancier postérieur, n'ait pas été soumise à l'arrêt et l'interdiction des poursuites individuelles, alors elle ne pouvait bénéficier de la prolongation de l'effet interruptif de prescription attaché à sa déclaration de créance jusqu'au jugement de clôture, celui-ci ayant pris fin à la décision d'admission de sa créance ; qu'en se bornant à affirmer que ''la déclaration de créance interrompt la prescription et l'effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective'', sans rechercher si le créancier s'était réellement trouvé dans l'impossibilité d'agir contre le débiteur pendant le temps de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-25-1 du code de commerce, ensemble l'article 2234 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, il résulte de l'article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 applicable en la cause, que, pendant la durée de la liquidation judiciaire, le débiteur est dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens au profit du liquidateur et les actes accomplis par le débiteur au mépris du dessaisissement sont inopposables à la procédure collective.

5. La créance résultant de tels actes, née irrégulièrement, ne peut ni bénéficier du traitement préférentiel prévu à l'article L. 621-32 du code de commerce, dans la rédaction précitée, ni être admise au passif conformément aux prévisions de l'article L. 621-43 du même code.

6. L'arrêt relève que le prêt du 3 septembre 2002 a été conclu entre la banque et M. [J], alors que ce dernier était en liquidation judiciaire depuis le 18 décembre 1998, sans l'intervention de son liquidateur.

7. Il en résulte que les dispositions de l'article L. 643-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 que l'article 191 de cette même loi rend applicable aux procédures collectives en cours, ne sont pas applicables aux poursuites de la banque, titulaire d'une créance hors procédure qui n'a jamais relevé du passif de la liquidation judiciaire.

8. En second lieu, le créancier hors procédure ne pouvant être payé sur le gage commun des créanciers, il ne peut agir contre le débiteur pendant la durée de la procédure collective.

9. L'arrêt relève que la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire a été prononcée le 10 juillet 2020 et le commandement de saisie-vente délivré le 29 octobre 2020.

10. Il en résulte que, la banque s'étant trouvée dans l'impossibilité d'agir contre le débiteur jusqu'à la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire, le délai biennal de prescription de l'article L. 218-2 du code de la consommation a été suspendu jusqu'à cette clôture, de sorte que son action n'est pas prescrite.

11.

Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [J] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.

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