2 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-12.473

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200375

Titres et sommaires

CASSATION - Effets - Etendue de la cassation - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 624 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014, que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et qu'elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Encourt la cassation l'arrêt d'une cour d'appel, par lequel celle-ci a réduit sa saisine au regard du moyen de cassation et non au regard du dispositif de l'arrêt de cassation

Texte de la décision

CIV. 2

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 mai 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 375 F-B

Pourvoi n° N 22-12.473







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MAI 2024

M. [C] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-12.473 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à Mme [S] [U], domiciliée [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [K], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [U], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, M. [K] a confié à Mme [U] la maîtrise d'oeuvre de travaux de réhabilitation d'un immeuble d'habitation afin d'y créer deux logements destinés à la location, la société ABC charpente, désormais en liquidation judiciaire, assurée en responsabilité décennale auprès de la société Axa France IARD, étant titulaire du lot charpente-couverture.

2. Se plaignant d'un défaut de stabilité et d'ancrage d'une galerie à ossature de bois réalisée lors de cette opération, M. [K] a, après expertise, assigné en réparation de ses préjudices Mme [U] et la société Axa France IARD sur le fondement de la responsabilité décennale.

3. Un arrêt du 17 décembre 2018 a statué sur ses demandes, en déboutant notamment M. [K] de sa demande visant à voir indemniser son préjudice locatif, les taxes foncières et frais d'eau et électricité jusqu'au 30 juin 2018 et dit que ces chefs de préjudice seront indemnisés jusqu'au 30 juin 2016, et condamné Mme [U] et la société Axa France IARD au paiement de diverses sommes.

4. Cette décision a fait l'objet d'un pourvoi de la part de M. [K], reprochant dans un moyen notamment à l'arrêt de limiter l'indemnisation allouée au titre du préjudice locatif, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, des factures d'électricité et de la consommation d'eau.

5. La Cour de cassation a cassé avec renvoi cet arrêt, après avoir relevé que la cassation prononcée du chef de l'arrêt critiqué par le moyen s'étend, par application de l'article 624 du code de procédure civile, à la disposition de l'arrêt ayant un lien d'indivisibilité nécessaire avec lui et disant que les chefs de préjudice relatifs au préjudice locatif, aux taxes foncières et aux frais d'eau et d'électricité seront indemnisés jusqu'au 30 juin 2016. Son dispositif casse l'arrêt attaqué mais seulement en ce qu'il limite l'indemnisation allouée au titre du préjudice locatif, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, des factures d'électricité et de la consommation d'eau aux sommes de 49 260,32 euros, de 1 302,75 euros, de 1 054,87 euros et de 1 066,98 euros et en ce qu'il dit que ces chefs de préjudice seront indemnisés jusqu'au 30 juin 2016 (3e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-18.954).

6. Par déclaration du 30 octobre 2020, M. [K] a saisi la cour d'appel de renvoi.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. M. [K] fait grief à l'arrêt de condamner Mme [U] et la société Axa France IARD in solidum à payer à M. [K] les seules sommes de 51 118,70 euros au titre de la perte locative, et de 1 844,12 euros, 1 230,85 euros et 1 126,52 euros au titre des frais de taxes d'enlèvement des ordures ménagères et de la consommation d'électricité et d'eau en deniers ou quittance, et de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, l'affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi, à la seule exclusion des chefs non atteints par la cassation ; que dans son arrêt du 9 juillet 2020 la Cour de cassation a « cassé et annulé » l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 17 décembre 2018, alors reproche à l'arrêt de, « mais seulement en ce qu'il limite l'indemnisation allouée au titre du préjudice locatif, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, des factures d'électricité et de la consommation d'eau aux sommes de 49 260,32 euros, de 1 302,75 euros, de 1 054,87 euros et de 1 066,98 euros et en ce qu'il dit que ces chefs de préjudice seront indemnisés jusqu'au 30 juin 2016 » ; que la cour d'appel de renvoi relevant que la cassation était prononcée sur la deuxième branche du moyen relative au terme arrêté de la période de préjudice immatériel, en a déduit que la cassation partielle ne portait que sur la durée de l'indemnisation au titre de la perte locative et non sur le quantum mensuel de ce préjudice et a débouté M. [K] de sa demande portant sur le quantum mensuel de son préjudice locatif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel de renvoi, qui a limité sa saisine au regard du moyen ayant déterminé la cassation, et non au regard du dispositif de l'arrêt de cassation, a violé les articles 624, 625, alinéa 1, et 638 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014 :

8. La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

9. Pour condamner Mme [U] et la société Axa France IARD in solidum à payer à M. [K] plusieurs sommes au titre du préjudice de jouissance sur la perte locative, les frais de taxes d'enlèvement des ordures ménagères, de la consommation d'électricité et d'eau jusqu'au 1er mars 2017, et le débouter du surplus de ses demandes, l'arrêt retient que les parties s'opposent sur la portée exacte de la cassation, qu'il convient de relever que l'arrêt de cassation est fondé uniquement sur la deuxième branche du moyen relative au terme arrêté de la période de préjudice immatériel, que la cassation partielle ne porte que sur la durée de l'indemnisation au titre de la perte locative et non sur le quantum mensuel de ce préjudice immatériel résultant de la perte des loyers et qu'il y a lieu de débouter M. [K] de sa demande portant sur le quantum mensuel de son préjudice locatif.

10. En statuant ainsi, alors que le dispositif de l'arrêt de cassation avait cassé l'arrêt précédent en ce qu'il a limité l'indemnisation allouée au titre du préjudice locatif, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, des factures d'électricité et de la consommation d'eau aux sommes de 49 260,32 euros, de 1 302,75 euros, de 1 054,87 euros et de 1 066,98 euros et en ce qu'il a dit que ces chefs de préjudice seront indemnisés jusqu'au 30 juin 2016, la cour d'appel de renvoi, qui a réduit sa saisine au regard du moyen ayant déterminé la cassation, et non au regard du dispositif de l'arrêt de cassation, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne Mme [U] et la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [U] et la société Axa France IARD et les condamne à payer à M. [K] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

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