30 avril 2024
Cour d'appel de Poitiers
RG n° 22/01369

2ème Chambre

Texte de la décision

ARRET N°137

FV/KP

N° RG 22/01369 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GRWU















[F]

[R]



C/



S.C.I. CRIJ











































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



2ème Chambre Civile



ARRÊT DU 30 AVRIL 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01369 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GRWU



Décision déférée à la Cour : jugement du 07 avril 2022 rendu(e) par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 7] SUR MER.





APPELANTS :



Madame [D] [F]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS



Monsieur [V] [M] [G] [R]

né le 20 Mars 1979 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/2804 du 10/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6])



INTIMEE :



S.C.I. CRIJ, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 1]



Ayant pour avocat plaidant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :



Monsieur Fabrice VETU, Conseiller



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :









Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller



GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE



- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




EXPOSÉ DU LITIGE



Le 1er juin 2019, la société civile immobilière CRIJ a donné à bail à Monsieur [V] [R] et Madame [D] [F] une maison d'habitation située [Adresse 3]) moyennant le payement d'un loyer de 465 € outre 30 € de provision pour charges.



Le 24 novembre 2021, Monsieur [R] et Madame [F] ont attrait la société CRIJ devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Rochefort aux fins de la voir :



- condamner à leur payer la somme de 1.307,59 € à titre de remboursement des charges locatives non justifiées ;

- condamner à leur payer la somme de 480 € au titre de la surconsommation électrique depuis mai 2021 ;

- condamner à leur payer la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner à réaliser sous astreinte de 100 € par jour de retard d'une part, l'installation d'un compteur d'eau individuel et d'autre part, la modification de l'installation électrique pour assurer un compteur privatif au logement des occupants.



Par jugement réputé contradictoire en date du 07 avril 2022, le juge des contentieux du tribunal de proximité de Rochefort sur Mer a statué ainsi :



- Condamne la SCI CRIJ à payer à Monsieur [R] [M] et Madame [F] [D] la somme de 133 € au titre du remboursement de la consommation électrique outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,



- Déboute Monsieur [R] [M] et Madame [F] [D] du surplus de leurs prétentions, fins et conclusions,



- Condamne la SCI CRIJ aux dépens de l'instance.



Par déclaration en date du 27 mai 2022, Madame [F] et Monsieur [R] ont relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués.



Statuant sur l'action engagée par la société CRIJ à l'encontre de Monsieur [R] et Madame [F], le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Rochefort a, par jugement contradictoire en date 06 juillet 2023, statué ainsi :



- Rejette l'exception de litispendance soulevée par Madame [D] [F] et Monsieur [M] [R] ;



- Constate que Madame [D] [F] et Monsieur [V], [M] [R] ont quitté les lieux au 1er novembre 2022 ;



- Condamne solidairement Madame [D] [F] et Monsieur [V], [M] [R] à payer à la SCI CRIJ de la somme de 2.831,00 €, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;



- Rejette la demande de la SCI CRIJ de condamnation solidaire de Madame [D] [F] et Monsieur [M] [R] à lui payer la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;



- Rejette la demande reconventionnelle de Madame [D] [F] et Monsieur [V], [M] [R] de condamnation de la SCI CRIJ à leur payer la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi au titre de la procédure abusive ;



- Condamne in solidum Madame [D] [F] et Monsieur [V], [M] [R] à verser à la SCI CRIJ une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



- Rejette la demande de Madame [D] [F] et Monsieur [V], [M] [R] formulée au titre des frais de procédure sur le fondement de l'article 37 de la loi de 1991 relative à l'aide juridique ;



- Condamne in solidum Madame [D] [F] et Monsieur [V], [M] [R] aux dépens de l'instance, en ce compris la sommation de déguerpir, l'assignation et les éventuels dépens ultérieurs (mais non le congé pour vendre qui doit rester à la charge de la bailleresse).



Cette décision n'a pas été frappée d'appel.



Madame [F] et Monsieur [R], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 14 février 2023, demandent à la cour de :



- Déclarer bien fondé l'appel de Monsieur [V] [R] et de Madame [D] [F] à l'encontre d'un jugement rendu le 07 avril 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Rochefort sur Mer,



Y faisant droit,



- Infirmer la décision déférée,



- Condamner la SCI CRIJ à payer à Monsieur [R] et Madame [F] :

* 1307.59 € en remboursement des provisions sur charges,

* 480 € en remboursement de la consommation électrique de la location saisonnière,

* 3000 € à titre de dommages-intérêts,



- Débouter la SCI CRIJ de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires et notamment de ses demandes de dommages et intérêts,



- La condamner aux entiers dépens, étant précisé que les concluants bénéficient de l'aide juridictionnelle totale.



La société CRIJ, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 08 septembre 2023, demande à la cour de :



- Juger non fondé l'appel interjeté par Monsieur [R] et Madame [F],



- Les en débouter,







- Confirmer le jugement par adoption de motifs,



Y ajoutant,



- Condamner solidairement Monsieur [R] et Madame [F] à payer à la SCI CRIJ la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,



- Les condamner sous la même solidarité à payer à la SCI CRIJ la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.



L'instruction de l'affaire a été clôturée à l'audience de plaidoirie du 05 mars 2023, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.




MOTIFS DE LA DÉCISION




Sur les demandes au titre du remboursement des charges




1. L'article 7, a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que le paiement des charges récupérables est une obligation du locataire.



2. Les appelants font valoir, au visa de l'article 23 de la loi du 06 juillet 1989 et de l'annexe visée au décret du 26 août 1987, pris pour son application, que le tribunal a inversé la charge de la preuve en indiquant qu'ils ne pouvaient sérieusement contester avoir consommé de l'eau et être redevables de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les années d'occupation du logement alors même qu'aucun justificatif n'était fourni par le bailleur.



3. La SCI CRIJ objecte qu'il a été remis en main propre à Monsieur [R] et Madame [F], chaque année, les justifications des charges incombant au logement, à savoir :

-taxes des ordures ménagères sur la déclaration foncière 2019 -2020-2021 ;

-facture vidange de la fosse ;



4. A titre liminaire, la cour constate que les parties s'accordent sur l'existence de charges récupérables au sens de l'article 23. Les termes du contrat de bail fourni par les appelants ne les contredisent pas dès lors qu'il est stipulé à l'article 6. du contrat, dénommé 'CHARGES' :



En plus du loyer convenu, le preneur devra rembourser ay bailleur, conformément à l'article 23 de la loi du 06 juillet 1989 les charges dites récupérables.

Les charges ainsi visées sont notamment celles fixées par le décret n°97-713 du 26 août 1987.

Le payement de ces charges donnera lieu au paiement de provisions mensuelles justifiées par les résultats constatés par l'année précédente ou par l'état prévisionnel des dépenses pour l'année en cours.

Pour la première année, ces provisions mensuelles seront de 30 € (trente €), elles seront réajustées en fonction de l'évolution réelle du coût des charges.

La régularisation s'opérera chaque années dans les conditions prévues à l'article 23 d ela loi du 06 juillet 1989.



5. En application de l'article 23 de la loi du 06 juillet 1989, il incombe au bailleur de justifier de sa créances de charges à l'encontre du preneur.



6. Il est établi que les justifications attendues du bailleur portent non seulement sur la nature et la catégorie des charges mais encore sur leur mode de répartition entre plusieurs logements ou plusieurs locataires.







7. Il est tout aussi constant que l'obligation de régularisation annuelle des charges n'est assortie d'aucune sanction et que le bailleur peut en justifier à tout moment dans la limite du délai de prescription. Mais les provisions non justifiées peuvent donner lieu à répétition ou à réduction en attendant la production de pièces justificatives.



8. Le contrat de bail est muet sur la nature des charges récupérables de sorte que les considérations du premier juge sur ce que pouvait recouvrer lesdites charges sont sans pertinence, ceci d'autant que les appelants relèvent, au titre des charges indues, le règlement de facture d'électricité tandis que le bailleur, pour sa part, se prévaut de justificatifs de taxes des ordures ménagères et du coût de vidange d'une fosse, sans verser les pièces au débat.



9. La cour observe ainsi que les parties ne sont déjà pas d'accord sur la nature des charges récupérables qu'il conviendrait de justifier mais il est certain, en cause d'appel, que le bailleur ne donne aucun élément permettant de justifier mensuellement le paiement d'une somme de 30€ correspondant à une provision sur charge.



10. Il résulte des articles 1302 et 1302-1 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution et que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.



11. La cour observe que le bailleur ne conteste pas qu'une somme de 1.307,59 € représentant le montant total des charges versées tout au long du bail a été réglée par les locataires mais indique seulement que les locataires ont été condamnés à régler un arriéré locatif de 3.892,25 € lors d'une autre instance et que faute de respecter l'obligation principale du bail, ils ne sont pas fondés à émettre une quelconque prétention au titre de cette obligation accessoire.



12. Mais la cour relève, que se faisant, le bailleur ne prouve pas, faute de verser les justificatifs requis par l'article 23, texte d'ordre public, que le paiement effectif de la somme de 1.307,59 € aurait eu une contrepartie.



13. Il s'ensuit qu'il y a lieu de faire droit à la demande des appelants en répétition de l'indu de la somme de 1.307,59 €. La décision sera réformée de ce chef.




Sur la surconsommation électrique depuis le mois de mai 2021 et la demande d'installation d'un compteur individuel d'eau




14. A titre liminaire, la cour observe que les appelants concèdent eux-mêmes que leur demande de pose de compteur est devenue sans objet en raison de leur départ des lieux. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande.



15. S'agissant de la surconsommation d'électricité, la cour observe que les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.



16. Conformément aux dispositions de l'article 955 du Code de procédure civile, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.



17. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée de ce chef.




Sur les demande de dommages et intérêts




Emanant de Monsieur [V] [R] et Madame [D] [F]



18. Les appelants font valoir que la SCI CRIJ n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles de bailleur et, bien plus, n'a pas hésité à profiter de ses locataires en leur faisant payer des charges indues et des factures d'électricité aux lieu et place de ses gérants.



19. L'intimée objecte que Monsieur [V] [R] et Madame [D] [F] ne justifient d'aucun comportement fautif de la SCI CRIJ et ne rapportent pas la preuve d'un préjudice indemnisable, soit un préjudice personnel, certain, légitime et direct, leur production de pièces sur ce point étant inexistante.



20. Sur ce point, la cour indique que les appelants ne justifient d'aucun préjudice distinct de ceux, d'ores et déjà indemnisés précédemment.



21. La décision sera confirmée sur ce point.



Formulée par la SCI CRIJ



22. la SCI CRIJ s'estime bien fondée à demander la condamnation solidaire des appelants à lui payer la somme de 20.000 €, à parfaire le cas échéant, compte tenu des tracas juridiques stériles occasionnés et de son préjudice financier par suite de la perte de chance de vendre alors que la SCI CRIJ supporte une charge d'emprunt.



23. Les appelants s'y opposent dès lors que la démonstration d'un préjudice en ces divers domaines n'est pas rapportée.



24. La cour rejettera la demande de dommages et intérêts formée par l'intimée dès lors que la preuve d'un préjudice financier n'est pas établie en l'espèce.




Sur les autres demandes




25. Il apparaît équitable de rejeter la demande de la SCI CRIJ formée au titre des frais irrépétibles.



26. La SCI CRIJ qui échoue en ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS

La Cour,



Confirme le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Rochefort-Sur-Mer en date du 07 avril 2022 sauf en qu'il a débouté Monsieur [V] [R] et Madame [D] [F] de leur demande en répétition de l'indu au titre des charges,



Statuant à nouveau,



Condamne la SCI CRIJ à payer à Monsieur [V] [R] et Madame [D] [F] une somme de 1.307,29 € au titre des charges indues,



Y ajoutant,



Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la SCI CRIJ,



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,



Rejette tout autre demande,



Condamne la SCI CRIJ aux dépens d'appel.



LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.