30 avril 2024
Cour d'appel de Pau
RG n° 22/00687

2ème CH - Section 1

Texte de la décision

LB/ND



Numéro 24/1466





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 30/04/2024







Dossier : N° RG 22/00687 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IEQ7





Nature affaire :



Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit















Affaire :



[I] [R]

[W] [E]

S.C.I. ARCHIBALD & DARTAGNAN





C/



S.A. CREDIT LYONNAIS























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







* * * * *







APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 22 Janvier 2024, devant :



Madame Laurence BAYLAUCQ, magistrat chargé du rapport,



assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,





Laurence BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :



Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère







qui en ont délibéré conformément à la loi.

























dans l'affaire opposant :









APPELANTS :



Monsieur [I] [R]

né le [Date naissance 6] 1990 à [Localité 7] (65)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 8]



Monsieur [W] [E]

né le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 7] (65)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 7]



S.C.I. ARCHIBALD & DARTAGNAN

immatriculée au RCS de Tarbes sous le n° 879 808 640, prise en la personne de son représentant légal domicilié, ès qiualités, au siège

[Adresse 5]

[Localité 7]



Représentés par Me Lola TOULOUZE, avocat au barreau de TARBES









INTIMEE :



S.A. CREDIT LYONNAIS

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 954 509 741, dont le siège social est sis [Adresse 3] à [Localité 10], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 9]



Représentée par Me Brieuc DEL ALAMO de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN













sur appel de la décision

en date du 10 JANVIER 2022

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

RG : 2020003234




EXPOSE DU LITIGE :



[I] [R] et [W] [E] exercent la profession de podologue. Dans le cadre de l'acquisition de locaux professionnels situés à [Localité 7] (65), ils ont constitué une société civile immobilière (sci) dénommée Archibald & Dartagnan. Ayant opté pour l'impôt sur les sociétés, la sci était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A). Cette acquisition dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement a été financée par un prêt d'un montant de 708.900 euros consenti par le Crédit Lyonnais et garanti par le cautionnement solidaire de la société Interfimo.



La sci Archibald & Dartagnan a sollicité un financement de 129.320 euros aux fins de voir financer la TVA récupérable dans le cadre de cette opération immobilière. La sci Archibald & Dartagnan explique avoir sollicité un prêt relais d'une durée d'un an, tandis que la société Le crédit Lyonnais indique avoir consenti une facilité de caisse tacite.



Faisant valoir différents manquements du Crédit Lyonnais dans le cadre du financement de cette opération immobilière, la sci Archibald & Dartagnan, [I] [R] et [W] [E] ont fait assigner le société anonyme (sa) Crédit Lyonnais devant le tribunal de commerce de Tarbes.



La sci Archibald & Dartagnan, [I] [R] et [W] [E] ont demandé au tribunal de commerce de Tarbes de :


Juger nulle et de nul effet la facilité de caisse mise en place tacitement pour le Crédit Lyonnais,

Juger que le taux d'intérêt applicable au prêt d'argent est le taux d'intérêt légal,

Juger que le Crédit Lyonnais est entièrement responsable du préjudice qu'ils subissent du fait de la mise en place de la facilité de caisse tacite,

Condamner la sa Crédit Lyonnais à payer à la sci Archibald & Dartagnan la somme de 5.218,73 euros en remboursement des frais indument perçus, somme à parfaire puisqu'arrêtée au mois d'août 2020,

Condamner la sa Crédit Lyonnais à payer à la sci Archibald & Dartagnan la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de la mise en place de la facilité de caisse tacite,

Condamner la sa Crédit Lyonnais à payer à [I] [R] la somme de 10.000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la mise en place de la facilité de caisse tacite,

Condamner la sa Crédit Lyonnais à payer à [W] [E] la somme de 10.000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la mise en place de la facilité de caisse tacite,

Juger que la sa Crédit Lyonnais a violé ses engagements contractuels, précontractuels et légaux dans le cadre du contrat de prêt principal d'un montant de 708.900 euros,

Juger que la sa Crédit Lyonnais est responsable du préjudice qu'ils ont subi du fait des violations précitées en lien avec le prêt de 798.900 euros,

Condamner la sa Crédit Lyonnais à payer à la sci Archibald & Dartagnan la somme de 8.300 euros à titre de réparation du préjudice financier subi du fait des violations en lien avec le prêt de 708.900 euros,

Condamner la sa Crédit Lyonnais à payer à [I] [R] la somme de 5.000 euros en réparation des préjudices subis du fait des violations en lien avec le prêt de 708.900 euros,

Condamner la sa Crédit Lyonnais à payer à [W] [E] la somme de 5.000 euros en réparation des préjudices subis du fait des violations en lien avec le prêt de 708.900 euros,

Condamner la sa Crédit Lyonnais au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.


La sa Crédit Lyonnais a demandé au tribunal de commerce de rejeter toutes conclusions contraires et de condamner la sci Archibald & Dartagnan à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.



Suivant jugement du 10 janvier 2022, le tribunal de commerce de Tarbes a :

- débouté la sci Archibald & Dartagnan, ainsi que [R] [I] et [E] [W] de leurs demandes,

- condamné la sci Archibald & Dartagnan à payer la somme de 750 euros au Crédit Lyonnais au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté tous autres moyens et prétentions des parties,

- condamné la sci Archibald & Dartagnan à régler les entiers dépens de l'instance, taxés et liquidés pour ce qui concerne le greffe à la somme de 109,74 euros ttc.



Par déclaration en date du 7 mars 2022, la sci Archibald&Dartagnan, [I] [R] et [W] [E] ont relevé appel de ce jugement.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2023.



A l'audience du 22 janvier 2024, avant le déroulement des débats, avec l'accord des parties, l'ordonnance de clôture rendue le 21 juin 2023 a été révoquée et la clôture a été fixée à la date de l'audience par mention au dossier.



***



Vu les dernières conclusions en date du 19 juin 2023 de la sci Archibald & Dartagnan, [I] [R] et [W] [E] aux termes desquelles ils demandent à la Cour de :



Vu les articles 1112-1 et suivants du Code civil ;

Vu les articles L 311-48 et suivants du Code de la consommation,

Vu la jurisprudence ;

Vu les pièces ;



- Juger leur appel recevable et bien fondé ;



- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 10 janvier 2022 rendu par le Tribunal de commerce de Tarbes ;



En conséquence, statuant à nouveau :



- Débouter la SA Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires ;



1. Concernant le contrat tacite de facilité de caisse :



- Juger que la SA Crédit Lyonnais a violé ses engagements contractuels et légaux ;



- Juger que la SA Crédit Lyonnais est entièrement responsable du préjudice qu'ils ont subi du fait de la mise en place de la facilité de caisse tacite ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer à la S.C.I. Archibald & Dartagnan la somme de 5 177.59 euros en remboursement des frais indument perçus, et ce avec intérêts au taux légal depuis le 28 septembre 2020 ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer à la S.C.I. Archibald & Dartagnan la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [I] [R] en réparation du préjudice subi du fait de la réticence abusive de la SA Crédit Lyonnais ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [W] [E] en réparation du préjudice subi du fait de la réticence abusive de la SA Crédit Lyonnais ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [I] [R] en réparation de son préjudice matériel ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [W] [E] en réparation de son préjudice matériel ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [I] [R] en réparation de son préjudice moral ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [W] [E] en réparation de son préjudice moral ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [I] [R] en réparation de son préjudice lié à la perte de temps ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 5 000 euros à Monsieur [W] [E] en réparation de son préjudice lié à la perte de temps ;



2. Concernant le contrat de prêt principal :



- Juger que la SA Crédit Lyonnais a violé ses engagements contractuels, précontractuels et légaux dans le cadre du contrat de prêt principal d'un montant de

708 900 euros ;



- Juger que la SA Crédit Lyonnais est responsable du préjudice qu'ils ont subi du fait des violations précitées en lien avec le prêt de 708 900 euros ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer à la S.C.I. Archibald & Dartagnan la somme de 8 300 euros à titre de réparation du préjudice financier

subi ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer à Monsieur [I] [R] la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis ;



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer à Monsieur [W] [E] la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis ;



En toutes hypothèses :



- Condamner la SA Crédit Lyonnais à payer la somme de 2 500 euros à chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la SA Crédit Lyonnais aux entiers dépens.



*



Vu les conclusions en date du 29 juin 2022 de la société anonyme Crédit Lyonnais aux termes desquelles elle demande à la Cour de :



Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce deTarbes en date du 10 janvier 2022,



Débouter la société Archibald & Dartagnan, M. [I] [R] et M. [W] [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,



Y ajoutant,



Condamner Ia société Archibald & Dartagnan, M. [I] [R] et M. [W] [E] à lui payer la somme de 3.000 EUR au titre de l'article 700 du Code dc procédure civile,



Condamner la société Archibald & Dartagnan, M. [I] [R] et M. [W] [E] au paiement des entiers dépens.




MOTIFS :



Il y a lieu de rappeler à titre liminaire qu'à l'audience du 22 janvier 2024, avant le déroulement des débats, avec l'accord des parties, l'ordonnance de clôture rendue le 21 juin 2023 a été révoquée et la clôture a été fixée à la date de l'audience par mention au dossier.



Sur la responsabilité de la banque au titre de la facilité de caisse tacite



Les appelants soutiennent que la société Le Crédit Lyonnais a violé ses obligations contractuelles et légales engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard de la sci Archibald & Dartagnan sur le fondement de l'article 1217 du code civil, et sa responsabilité extracontractuelle à l'égard de ses associés.



Au visa des articles 1112-1, 1130 et 1137 du code civil, ils avancent que la société Crédit Lyonnais a usé de man'uvres dolosives pour mettre en place tacitement une facilité de caisse en faisant croire à la sci Archibald & Dartagnan qu'il s'agissait du contrat convenu, à savoir le prêt relais, viciant ainsi son consentement. Ils soutiennent que le silence de la banque sur les caractéristiques essentielles du contrat mis en place tacitement caractérise le dol par dissimulation.



Ils font valoir également que la société Le Crédit Lyonnais a mis en place unilatéralement un contrat différent de celui qu'elle s'était engagée à fournir, à savoir un prêt relais, sans rapport avec les besoins de sa cliente.



Ils soutiennent au surplus au visa des articles L. 313-1 du code de la consommation et 1907 du code civil que la banque a violé ses obligations légales en n'informant pas par écrit la sci Archibald & Dartagnan du montant des intérêts applicables et en n'établissant pas de contrat écrit de prêt.



La société Crédit Lyonnais répond qu'elle a proposé une facilité de caisse à la sci Archibald & Dartagnan et que la preuve n'est pas rapportée d'une quelconque man'uvre dolosive de sa part ni d'une intention de tromper son cocontractant afin d'obtenir son consentement.



Elle ajoute avoir remboursé une partie des agios perçus au titre de la facilité de caisse de sorte que la sci Archibald & Dartagnan et ses associés n'ont subi aucun préjudice. Elle avance en outre que les associés ne peuvent exercer une action en responsabilité extracontractuelle contre elle faute de prouver qu'ils ont subi un préjudice personnel distinct de la société.





Il résulte des dispositions de l'article 1217 du code civil que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut notamment provoquer la résolution du contrat ou demander réparation des conséquences de l'inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.



Aux termes des alinéas 1et 2 de l'article 1137 du même code, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.



L'article 1112-1 dispose que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat.



L'article L. 312-12 du code de la consommation impose au prêteur ou à l'intermédiaire de crédit, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, de fournir à l'emprunteur, sous forme d'une fiche d'informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.



En l'espèce, il ressort de son relevé de compte courant que la société Crédit Lyonnais a consenti à la sci Archibald & Dartagnan une facilité de caisse tacite d'un montant de 129.320 euros figurant en débit à la date du 20 février 2020 mais non formalisé par un contrat écrit.



Pourtant le courrier de la société Crédit Lyonnais du 3 janvier 2020 a informé la sci de son accord conjoint avec la société Interfimo en qualité de garant pour intervenir dans son projet d'investissement et en a détaillé les modalités avec notamment une ligne « RECUPERATION-TVA-PRET RELAIS LCL'.€129.320.00 ». La sci Archibald & Dartagnan a accepté cette proposition le 7 janvier 2020 ainsi que le reconnaît la banque dans son courrier du 26 novembre 2020. La société Crédit Lyonnais (madame [S]) a ensuite utilisé le terme de facilité de caisse dans ses courriels à la sci du 11 février 2020, dans la pièce qui y est jointe (« facilité de caisse/découvert ») et dans le courriel du 19 février 2020 demandant à sa cliente quand elle pourrait la voir pour la signature de la « facilité de caisse ». Néanmoins aucune convention de facilité de caisse n'a été conclue.



Ces éléments n'établissent pas l'existence d'un dol par dissimulation commis par la société Crédit Lyonnais à l'égard de la sci Archibald & Dartagnan alors qu'elle utilise à plusieurs reprises et de manière expresse le terme de facilité de caisse, de sorte que son intention de dissimuler la nature réelle du contrat finalement consenti n'est pas établie.



Faute d'établir une convention écrite du contrat de facilité de caisse consenti, elle a violé les dispositions de l'article 1907 du code civil rendant nécessaire un écrit pour fixer le taux de l'intérêt conventionnel.



En application des dispositions de l'article 1907 alinéa 2 du code civil la société Le Crédit Lyonnais ne peut prétendre au paiement des intérêts contractuels liés au contrat de facilité de caisse tacite.



La société Le Crédit Lyonnais a en outre manqué à son obligation de remettre à la sci appelante une fiche d'information reprenant les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur d'appréhender l'étendue de son engagement conformément aux dispositions de l'article L. 312-12 du code de la consommation précité. Ce manquement doit être sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts en application de l'alinéa 1 de l'article L. 341-1 du même code.



Or ainsi que le reconnaît la société Le Crédit Lyonnais, si elle a remboursé une partie des agios indûment perçus au titre de la facilité de caisse (ayant reconnu un taux d'intérêt appliqué erroné), elle reconnaît qu'après déduction des sommes remboursées, la facilité de caisse d'un montant de 129.320 euros aura coûté la somme de 5.177,59 euros sur une année jusqu'au remboursement de la même somme par le Trésor Public le 21 janvier 2021, soit un taux débiteur de 4%.



La société Le Crédit Lyonnais étant déchue de son droit aux intérêts en application de cette convention tacite de facilité de caisse sera condamnée à payer à la sci Archibald & Dartagnan la somme de 5.177,59 euros au titre du solde des agios indûment prélevés avec intérêts au taux légal depuis la date de la mise en demeure soit le 28 septembre 2020.



La société Le Crédit Lyonnais a manqué à son obligation précontractuelle de donner à la sci Archibald & Dartagnan les informations déterminantes pour le consentement de l'autre s'agissant du taux d'intérêt et des frais, et à son obligation de remettre une fiche d'information conformément aux dispositions précitées.



Toutefois la sci Archibald & Dartagnan ne justifie pas subir un préjudice moral en lien avec la situation de découvert qui a résulté de la facilité de caisse consentie. Les pièces produites et notamment le courrier de rappel de facture en attente émanant de Promidi et l'appel de fonds pour des charges de copropriété sont insuffisants pour établir un préjudice subi d'atteinte à sa réputation ou l'existence d'un préjudice moral spécifiquement subi par la sci.



Un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.



En outre l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de la société ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel et distinct de celui causé à la personne morale.



Messieurs [R] et [E] sollicitent la condamnation de la société intimée à leur payer chacun la somme de 5.000 euros en faisant valoir sa réticence abusive à leur fournir une solution en dépit du courrier recommandé qui lui a été adressée et de l'introduction de la présente instance.



Toutefois ils ne caractérisent ni l'abus qu'ils invoquent alors que la résistance à une action en justice ne dégénère en abus que dans des circonstances particulières, ni le préjudice dont ils demandent réparation à ce titre.



Ils seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour réticence « dolosive » ou « abusive ».





Messieurs [R] et [E] invoquent en second lieu un préjudice matériel lié à l'absorption d'une partie du fonds de roulement liée aux intérêts indûment prélevés au titre de la facilité de caisse les ayant obligés à apporter des liquidités à la société et à financer certains travaux avec leurs deniers personnels. Le montant de la facilité de caisse a finalement été remboursé par la SIE Hautes-Pyrénées le 21 janvier 2021. Les associés ne caractérisent pas par une argumentation étayée et précise le préjudice matériel qu'ils allèguent dont le montant sollicité de 5000 euros chacun n'est pas justifié.



Messieurs [R] et [E] seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel.



Associés et garants de la sci Archibald & Dartagnan dans le cadre de l'opération immobilière de leur cabinet professionnel financée par la société Crédit Lyonnais, messieurs [R] et [E] ont subi l'angoisse inhérente à la découverte d'un découvert en compte courant, à l'existence d'un découvert très important de la société pendant des mois, et à la crainte de voir la facilité de caisse tacite accordée par la banque dénoncée à tout moment. Les manquements de la société Crédit Lyonnais à ses obligations d'établir un contrat écrit, d'informer les associés sur les caractéristiques essentielles du contrat souscrit, d'absence de remise d'une fiche d'information précontractuelle, leur ont causé un préjudice moral direct et personnel qu'il convient d'évaluer à la somme de 1.200 euros pour chacun.



En outre cette procédure a nécessité de la part de messieurs [R] et [E] l'accomplissement de diligences auprès de la banque, de leur avocat, de leur expert-comptable entraînant une perte de temps incontestable. Ce préjudice justifie l'allocation de la somme de 300 euros à chacun d'eux à titre de dommages et intérêts.



Sur la responsabilité de la banque au titre du prêt principal



Au visa de l'article L. 312-8 du code de la consommation, les appelants soutiennent que la société Le Crédit Lyonnais avait offert à la sci Archibald & Dartagnan un contrat de prêt avec un TEG à 0,85% qui a découvert le jour de la signature du prêt immobilier que le TEG appliqué s'élevait à 1,1%. Ils en déduisent que la banque a manqué à son obligation d'information, a violé ses engagements précontractuels en imposant des conditions qui n'étaient pas celles prévues initialement et en n'apportant pas à la sci Archibald & Dartagnan et ses associés personnellement garants les informations nécessaires. Ils sollicitent l'indemnisation du préjudice financier subi par la sci Archibald & Dartagnan par l'application du taux d'intérêt conventionnel convenu.



Ils ajoutent que l'ajout d'une garantie supplémentaire, à savoir une hypothèque conventionnelle, par la banque a engendré une augmentation des frais notariés. Or la société Crédit Lyonnais ne les a pas informés de son erreur dans l'évaluation des frais notariés violant ses obligations contractuelles et légales causant un préjudice à la sci Archibald & Dartagnan consistant dans la différence entre les frais contractuellement prévus et les frais payés par la société.



Dans son courrier du 3 janvier 2020 signé par monsieur [F] pour le compte d'Interfimo et la société Crédit Lyonnais, il était mentionné un taux nominal hors assurance de 0,4% pour le prêt immobilier outre des frais d'un montant de 11.600 euros. Le tableau d'amortissement transmis le 4 février 2020 par monsieur [F] (pour le compte d'Interfimo et Le Crédit Lyonnais contrairement à ce que soutient l'intimée) mentionne un taux nominal de 0,4% l'an et un TEG de 0,85%.



Il n'est pas contesté que l'offre de prêt immobilier litigieuse stipule un TEG de 1,1% l'an.



L'augmentation du TEG dans l'offre de prêt immobilier par rapport à celui annoncé dans le tableau d'amortissement transmis le 4 février 2020 est expliquée par la banque par le fait qu'elle a inclus l'assurance qui n'était pas prise en compte initialement.



La sci Archibald & Dartagnan est mal fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 313-27 du code de la consommation (et non L. 312-8 mentionné par erreur au regard de la date de souscription du contrat) car la proposition initiale faite le 3 janvier 2020 ne constituait pas une première offre préalable de crédit immobilier telle que visée par les articles L. 313-24 et L. 313-25 du même code. Le TEG prévu au contrat a bien été stipulé dans l'offre préalable de crédit immobilier souscrite par la sci. Il n'y a pas eu de changement du taux d'intérêt nominal entre la proposition faite par courrier au mois de janvier 2020 et le taux figurant dans l'offre de prêt. Alors que l'augmentation du TEG entre la proposition formulée par l'organisme bancaire et l'offre préalable de crédit s'explique par la prise en compte des primes d'assurance dont bénéficie la sci, que la régularité du TEG inclus dans le contrat de prêt souscrit n'est pas contestée, et qu'elle a accepté l'offre de prêt immobilier en connaissance de cause, la sci Archibald & Dartagnan n'établit pas le préjudice financier qu'elle allègue en lien avec le manquement de la société Crédit Lyonnais à son obligation d'information sur le TEG.



La société Crédit Lyonnais et la société Interfimo ont mal évalué le coût des frais notariés dans leur proposition du 3 janvier 2020 (11.600 euros), puisqu'ils se sont évalués finalement à 19.900 euros.



La proposition du 3 janvier 2020 ne constituait pas une offre de crédit soumise aux exigences de l'article L. 313-25 du code de la consommation.



La banque a manqué à son obligation d'information précontractuelle en commettant, avant l'édition de l'offre de prêt, une erreur de calcul des frais notariés et en ne prévenant pas la sci Archibald & Dartagnan et ses associés qui se portaient garants, du montant plus élevé de ceux-ci lorsque le notaire lui a transmis la demande d'appel de fonds du 24 février 2020.



Toutefois, la sci Archibald & Dartagnan ne justifie pas qu'elle a subi un préjudice financier en lien avec le manquement de la banque à son obligation d'information à ce titre, s'agissant de sommes qui auraient dû être empruntées par la sci si les associés n'avaient pas dû apporter personnellement des fonds à la société.



Messieurs [R] et [E] qui s'abstiennent d'expliciter le montant demandé au titre du préjudice financier qui n'est pas distingué du préjudice moral ne justifient pas du préjudice financier qu'ils disent avoir subi en lien avec ce manquement de la banque à son obligation d'information.



Ils ne caractérisent pas davantage l'existence d'un préjudice moral à ce titre.



Ils seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice matériel et moral concernant le contrat de prêt principal



Sur les dépens et les frais irrépétibles



Eu égard à la solution du litige il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la sci Archibald & Dartagnan, messieurs [R] et [E] aux dépens et au paiement de la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





La société Crédit Lyonnais qui succombe partiellement en ses demandes, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.



Il convient de condamner la société anonyme Crédit Lyonnais à payer à messieurs [R] et [E] la somme de 1.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La sci Archibald & Dartagnan et la société Crédit Lyonnais seront déboutées de leur demande à ce titre.



PAR CES MOTIFS,



La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,



Infirme le jugement déféré,



Statuant à nouveau,



Condamne la société anonyme Crédit Lyonnais à payer à la sci Archibald & Dartagnan la somme de 5.177,59 euros correspondant au solde des agios indûment prélevés au titre de la facilité de caisse tacite, avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020 ;



Condamne la société anonyme Crédit Lyonnais à payer à monsieur [I] [R] et à monsieur [W] [E] la somme de 1.200 euros chacun en réparation de leur préjudice moral ;



Condamne la société anonyme Crédit Lyonnais à payer à monsieur [I] [R] et à monsieur [W] [E] la somme de 300 euros chacun en lien avec leur préjudice lié à la perte de temps ;



Rejette les autres demandes de dommages et intérêts de la sci Archibald & Dartagnan ;



Rejette les autres demandes de dommages et intérêts de monsieur [I] [R] et monsieur [W] [E] ;



Condamne la société anonyme Crédit Lyonnais aux dépens de première instance et d'appel.



Condamne la société anonyme Crédit Lyonnais à payer à monsieur [I] [R] et à monsieur [W] [E] la somme de 1.500 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Rejette les prétentions plus amples ou contraires des parties ;



Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.



La Greffière, Le Président,

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