29 avril 2024
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 24/00476

ETRANGERS

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE TOULOUSE









Minute 24/478

N° RG 24/00476 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QF6P



O R D O N N A N C E



L'an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 29 Avril à 11h30



Nous P. ROMANELLO, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 20 DECEMBRE 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Vu l'ordonnance rendue le 25 avril 2024 à 17H45 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :



[W] [H]

né le 14 Octobre 1995 à [Localité 3] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne



Vu l'appel formé le 26/04/2024 à 17 h 17 par courriel, par la SELARL SYLVAIN LASPALLES, avocats au barreau de TOULOUSE;



A l'audience publique du 29 avril 2024 à 10h00, assisté de M.QUASHIE, greffier avons entendu :



[W] [H]

assisté de la SELARL SYLVAIN LASPALLES, avocats au barreau de TOULOUSE



qui a eu la parole en dernier ;



avec le concours de [Y] [M], interprète, qui a prêté serment,



En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;



En l'absence de la PREFECTURE DE [Localité 2] ;



avons rendu l'ordonnance suivante :




Exposé des faits



Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,



Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 25 AVRIL 2024 À 17H45 qui a joint les procédures, constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation pour une durée de 28 jours de la rétention de M. [W] [H] sur requête de la préfecture de [Localité 2] du 25 AVRIL 2024 À 17H45IS et de celle de l'étranger du même jour ;



Vu l'appel interjeté par M. [W] [H] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 26 avril 2024 à 17h17, soutenu oralement à l'audience, auquel il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise immédiate en liberté pour les motifs suivants :



- En premier lieu, la procédure est irrégulière en ce que Monsieur [H] a été menotté de façon irrégulière et disproportionnée. Il ne ressort pas du procès-verbal d'interpellation que l'intéressé se soit opposé au contrôle ni même qu'un quelconque risque de fuite soit caractérisé, ce contrairement à ce qu'a retenu le Première juge qui a interprété la procédure.

Les conditions requises par l'article 803 du Code de procédure pénale ne sont pas réunies. Cette irrégularité cause nécessairement un grief à Monsieur [H].




En second lieu, les réquisitions sur la base desquelles le contrôle d'identité a été opéré sont insuffisamment motivées et ne sont corroborées par aucun élément objectif.


La motivation de ces réquisitions est stéréotypée.

Ni les réquisitions du Procureur de la République ni aucune pièce de la procédure ne permettent d'établir l'effectivité, contestée, du lien entre le lieu des contrôles d'identitéet la recherche des infractions visées par ses réquisitions.



La procédure est irrégulière.


Sur l'irrégularité de la décision de placement


En premier lieu, Monsieur [H] considère que cette décision est insuffisamment motivée en fait.



Il ne ressort pas de la motivation que les éléments de sa situation ont été pris en compte.

En second lieu, Monsieur [H] considère que la décision de placement en rétention est entachée d'un défaut d'examen de sa situation.



Entendu les explications fournies par l'appelant à l'audience du 29 avril 2024 ;



Vu l'absence du préfet de [Localité 2], non représenté à l'audience ;



Vu l'absence du ministère public, avisé de la date d'audience, qui n'a pas formulé d'observation.






SUR CE :





Sur la recevabilité de l'appel



En l'espèce, l'appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.





Sur le contrôle de la procédure préalable à la rétention administrative



Sur le premier moyen



Aux termes des dispositions de l'article 803 du code de procédure pénale, nul ne peut être soumis au port des menottes que s'il est considéré comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, ou susceptible de vouloir prendre la fuite.



L'article 171 du Code de procédure pénale dispose :
« Il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ».
Ainsi, la partie qui désire agir en nullité doit démontrer que la méconnaissance d'une règle de procédure a eu pour conséquence de porter atteinte à ses droits.

En l'espèce, le 22 avril 2024 à 15h40, les agents de la police aux frontières de Toulouse ont contrôlé Monsieur [H] dans le cadre des réquisitions signées électroniquement le 16 avril 2024 par le procureur de la république près le tribunal judiciaire de Toulouse.



Ils ont procédé à son menottage afin de le véhiculer jusqu'aux locaux de la police aux frontières à [Localité 1].



Contrairement à ce qu'indique le premier juge, aucun élément de fait ne permet de supposer que Monsieur [H] allait se montrer dangereux ou allait prendre la fuite.



Cependant, il ne peut justifier d'un grief relatif au droit d'aller et venir résultant du menottage. En effet, placé en véhicule de police pour être conduit dans les locaux de la police aux frontières, il ne pouvait user de la liberté d'aller et venir dès lors qu'il se trouvait retenu dans le véhicule dans le cadre des dispositions de l'article L813-12 du CESEDA.



En l'absence de grief, l'argument sera écarté.





Sur le second moyen



En vertu de l'article l'article 78-2 du code de procédure pénale alinéa 2 du code de procédure pénale, l'identité de toute personne peut être contrôlée sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.



Au cas particulier, les réquisitions aux fins de contrôle d'identité avec visites de véhicules formalisées le 16 avril 2024 par le procureur de la république de [Localité 4] requièrent ledit contrôle aux fins de rechercher les auteurs des infractions en matière de :

vol, recel, soustraction d'une mesure d'assignation à résidence, maintien irrégulier d'un étranger, aide au séjour.



Elles sont accompagnées par la motivation suivante : vu les interpellations régulières et récurrentes portant sur le maintien irrégulier sur le territoire national, sur les soustractions aux mesures d'assignation à résidence, sur les détentions de faux et usage de faux, le nombre d'atteintes aux biens ainsi qu'aux personnes constatées sur le secteur concerné et l'augmentation du nombre de ces procédures entre le 17 mars 2024 et le 14 avril 2024 sur le secteur considéré, Borderouge,



Elles sont accompagnées d'une information concrète attestant de la pertinence du lieu ainsi délimité en lien avec les infractions recherchées.



Dès lors, le risque d'une pratique généralisée de contrôles d'identité dans l'espace sans possibilité de réel contrôle judiciaire est évité par les réquisitions ayant fondé le contrôle d'identité de M. [H].



Le moyen soulevé ne peut donc prospérer et la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les exceptions de procédure.





Sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention administrative



En application de l'article L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.



Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.





Sur le premier moyen



En l'espèce, l'appelant soutient que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé.



Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de M. [W] [H] et énonce les circonstances de fait qui justifient l'application de ces dispositions.



Elle précise en effet notamment que l'intéressé :

- est entré en France irrégulièrement en 2020,

- a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français par la préfecture de [Localité 2] le 11 mai 2023 à laquelle il n'a pas déféré,

- ne justifie pas de ressources et n'a pas de billet de transport pour exécuter la mesure d'éloignement,

- ne présente pas d'état de vulnérabilité, même s'il a déclaré souffrir d'une dépression,

- ne présente pas de garanties de représentation suffisantes faute de document d'identité ou de voyage en cours de validité et faute d'une adresse stable.



Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux, étant souligné que les circonstances doivent être appréciées au vu des éléments dont il disposait au jour de sa décision.



Sur le second moyen



La procédure produite démontre que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée. Il se déclare sans domicile fixe et il n'a plus aucun contact avec ses enfants qui vivent auprès de leur mère. Tout le reste de sa famille réside toujours en Algérie.



Le préfet a tiré toutes les conséquences de droit de la situation qu'il a relevée dans son arrêté. Le grief tiré d'une erreur de droit et manifeste d'appréciation doit donc être écarté.



Compte tenu de ce qui précède, M. [W] [H] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.





La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.





PAR CES MOTIFS



Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,



Déclarons recevable l'appel interjeté par Monsieur [W] [H] à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse du 25 AVRIL 2024 À 17H45,



Rejetons les exceptions de procedure soulevées par le conseil de Monsieur [W] [H],



Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,



Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE [Localité 2], service des étrangers, à [W] [H], ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.













LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE







M.QUASHIE P. ROMANELLO.

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