29 avril 2024
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 23/05055

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 29 AVRIL 2024









N° RG 23/05055 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NP5M







S.A.S. SILVER FORM



c/



Maître [I] [D]

SCI JUPITER























Nature de la décision : APPEL SUR ORDONNANCE DE REFERE































Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 23 octobre 2023 (R.G. 23/00846) par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 06 novembre 2023





APPELANTE :



S.A.S. SILVER FORM, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6] - [Localité 3]



représentée par Maître Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE





INTIMÉS :



Maître [I] [D], es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS SILVER FORM, domicilié en cette qualité [Adresse 2] - [Localité 7]



représentée par Maître Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE



SCI JUPITER, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1] - [Localité 4]



représentée par Maître Laurène D'AMIENS de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX assistée par Maître Lutèce BIGAND du Cabinet FIDAL avocat au barreau de BORDEAUX





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Monsieur Nicolas GETTLER, Vice-Président Placé,



Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.




EXPOSE DU LITIGE



Par acte du 1er avril 2022, la SCI Jupiter a donné à bail commercial à la société Silver Form, en qualité de preneur, un local, situé [Adresse 5] à [Localité 7] pour y exercer une activité 'd'achat et vente d'appareil permettant une activité physique permettant la rééducation et la réadaptation'.



Le 15 juillet 2022, la SCI Jupiter a fait délivrer au preneur un commandement de payer les loyers et de justifier de l'assurance locative des lieux loués avec rappel de la clause résolutoire. Le 5 octobre 2022, elle a délivré un nouveau commandement de payer les loyers et de justifier de l'assurance locative des lieux loués avec rappel de la clause résolutoire.



La société Silver Form a été placée en redressement judiciaire par jugement du 15 novembre 2022 du tribunal de commerce de Bordeaux, Maître [D] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.



Par lettre recommandée du 29 novembre 2022, la société Jupiter a déclaré sa créance entre les mains du mandataire à hauteur de 15.921,00 euros HT au titre de loyers et de la taxe foncière impayés due par le preneur.



Par actes des 3 et 9 mars 2023, la société Jupiter a ensuite fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux la société Silver Form et Maître [D] ès qualités, aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et de voir ordonner l'expulsion du preneur.



Par ordonnance réputée contradictoire du 23 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a statué comme suit :

- constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la société Jupiter et la société Silver Form à la date du 5 novembre 2022,

- dit qu'à compter du 1er décembre 2022, la société Silver Form est devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant cette date, soit 4.500,00 euros TTC (3.750,00 euros HT),

- ordonne qu'à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Silver Form, de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 6] à [Localité 3] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier,

- condamne la société Silver Form à payer à la société Jupiter la somme de 4.500,00 euros TTC (3.750,00 euros HT) au titre de l'indemnité mensuelle d'occupation pour le mois de juin 2023 restant due,

- autorise la société Jupiter à faire transporter dans tout lieu qui leur plaira les meubles éventuellement laissés par le preneur dans les lieux loués après son départ, et ce aux frais, risques et périls de la société Silver Form,

- condamne la société Silver Form à payer à la société Jupiter la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- déboute la société Jupiter de ses plus amples demandes,

- déboute la société Silver Form de ses demandes,

- condamne la société Silver Form aux dépens.



Pour statuer comme il l'a fait, le juge des référés a notamment retenu que lorsque la clause résolutoire est mise en 'uvre pour manquement à une obligation de faire, l'acquisition de la clause résolutoire antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective peut être constatée postérieurement au jugement.





La société Silver Form a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 6 novembre 2023.



La société Jupiter a relevé appel incident de cette décision.





PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Par dernières écritures notifiées par message électronique le 12 février 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Silver Form et Maître [D], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Silver Form, demandent à la cour de :

Vu les articles 15 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les justificatifs des assurances,

Vu l'apurement de la dette locative,

Vu les articles L. 145-41 du Code de commerce,

- déclarer recevable et bien fondée la société Silver Form en son appel ;

A titre principal,

- juger que les pièces du demandeur n'ont pas été communiquées en première instance jusqu'à la pièce 19 ;

- juger que cette absence de communication caractérise une violation manifeste du principe du contradictoire ;

- prononcer la nullité de la décision ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Silver Form a justifié de son assurance locative ;

- dire et juger que la société Silver Form a réglé les loyers commerciaux ;

- écarter l'application de la clause résolutoire ;

- débouter la société Jupiter de l'intégralité de ses demandes :

A titre subsidiaire,

- réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que la société Silver Form a justifié de son assurance locative ;

- dire et juger que la société Silver Form a réglé les loyers commerciaux ;

- écarter l'application de la clause résolutoire :

- débouter la société Jupiter de l'intégralité de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la société Silver Form a justifié des efforts sérieux pour apurer sa dette ;

- suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder les plus larges délais de grâce ;

En tout état de cause,

- condamner la société Jupiter à verser à la société Silver Form la somme de 3.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.



Par dernières écritures notifiées par message électronique le 22 janvier 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Jupiter demande à la cour de :

- déclarer recevable la société Jupiter en son appel incident,

Statuant de nouveau,

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance rendue le 23 octobre 2023 en toutes ses dispositions,

- sauf en ce qu'elle a ordonné « à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Silver Form, de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 6] à [Localité 3] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier »

En conséquence, statuant à nouveau sur ce point :

* ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Silver Form, de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 5] à [Localité 7] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier.

Y ajoutant,

- condamner la société Silver Form à payer à la société Jupiter la somme de 18.000,00 euros TTC au titre des indemnités d'occupation des mois d'octobre 2023 à janvier 2024 ;

A titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial consenti par la société Jupiter à la société Silver Form ;

- condamner la société Silver Form à payer la somme de 22.500,00 euros TTC à la société Jupiter au titre des loyers impayés et charges des mois de juin 2023 ainsi que d'octobre 2023 à janvier 2024 ;

En toutes hypothèses,

- ordonner l'expulsion de la société Silver Form et de tous occupants de son chef de l'immeuble des locaux situés [Adresse 5] à [Localité 7], à défaut de libération volontaire des lieux dans les 15 jours de la signification de la décision à venir, et ce, au besoin, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

- ordonner en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution ;

- condamner la société Silver Form au paiement d'une somme de 125,00 euros HT, par jour, à titre d'indemnité d'occupation, du prononcé de l'ordonnance à intervenir, jusqu'à justification de la libération totale des lieux et la remise des clés ;

- condamner la société Silver Form à titre provisionnel à payer à la société Jupiter la somme de 4.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Silver Form aux entiers frais et dépens de la présente instance par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 février 2024.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.






MOTIFS DE LA DECISION :



Sur la demande d'annulation du jugement :



1- La société Silver Form et Maître [D], en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Silver Form, demandent à la cour de prononcer la nullité de la décision de première instance pour violation du principe du contradictoire au motif que les pièces 1 à 19 du demandeur en première instance ne leur ont pas été communiquées lors de la procédure pendante devant le tribunal de commerce.

2- La société Jupiter expose avoir communiqué ses pièces 1 à 19 au précédent avocat du demandeur et qu'il ne lui appartenait pas de les communiquer à nouveau au nouvel avocat constitué.



Sur ce :



3- Aux termes des articles 132 et suivants du code de procédure civile, la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance. La communication des pièces doit être spontanée. Si la communication des pièces n'est pas faite, il peut être demandé, sans forme, au juge d'enjoindre cette communication.



4- Sur le fondement de ce texte, il a été jugé que les pièces sur lesquelles les juges du fond se sont appuyés et dont la production n'a pas donné lieu à un incident sont réputées, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement versées aux débats (Cass. 1re civ., 28 janv. 2003, n° 00-15.519).



5- En l'espèce, l'affaire a été appelée à l'audience du 22 mai 2023 et a ensuite fait l'objet de plusieurs échanges de conclusions avant d'être retenue à l'audience du 25 septembre 2023. A cette date, le conseil du demandeur, qui argue devant cette cour n'avoir eu communication en première instance que des pièces 20 et suivantes de son contradicteur, n'a pas fait état d'un défaut de communication des pièces 1 à 19 et ne s'est pas opposé à ce que l'affaire soit retenue.



6- Dès lors, les pièces 1 à 19 sont réputées avoir été régulièrement produites. Il n'est donc pas démontré une atteinte au principe du contradictoire.



7- La demande visant à voir prononcer la nullité du jugement sur ce motif sera rejetée.



Sur la demande d'infirmation du jugement :



8- La société Silver Form soutient qu'elle a bien justifié de son assurance devant le premier juge contrairement à ce que celui-ci a retenu.



9- La bailleresse rétorque que la preneuse n'a justifié de son attestation d'assurance ni dans le mois suivant la délivrance du premier commandement, ni dans le mois suivant le second commandement. Elle ne le fait toujours pas selon elle devant la cour puisqu'elle a résilié son assurance au 1er juillet 2022.



Sur ce :



10- Le bail prévoit que le preneur devra justifier de la validité des contrats d'assurance à toute réquisition du bailleur ( article 11.3). Il comporte en outre une clause résolutoire prévoyant la résiliation du contrat de plein droit après un simple commandement resté sans effet ( article 14.2).



11- Le preneur ne justifie pas avoir déféré à la sommation de communiquer une attestation d'assurance dans le mois suivant chacun des deux commandements qui lui a été délivré.



12- Il ne démontre pas en outre avoir été assuré entre le 1er juillet 2022 et le 6 janvier 2023, l'assurance souscrite pour l'année 2022 auprès de la société CBT APF Assurances ayant été résiliée le 1er juillet 2022 sans que le preneur ne justifie avoir souscrit une autre assurance pour cette période.



13- Ce défaut d'assurance sur la période considérée est définitif et ne peut donner lieu à une suspension des effets de la clause résolutoire afin de régulariser ce manquement.



14- Le premier juge a pu ainsi à juste titre constater l'acquisition de la clause résolutoire au 5 novembre 2022 et ordonner l'expulsion du preneur.



15- La décision de première instance sera dès lors confirmée, sauf à rectifier l'adresse du bien loué dont le preneur est expulsé, qui n'est pas le [Adresse 6] à [Localité 3], mais le [Adresse 5] à [Localité 7].



16- Par ailleurs, le premier juge a fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par le preneur à la somme de 4500 euros ( soit 3750 HT). L'intimé sollicite la confirmation de ce chef de condamnation. Sa demande visant à voir fixer l'indemnité d'occupation à un montant journalier de 125 euros HT est donc irrecevable.



17- Il convient enfin de faire droit à la demande du bailleur d'actualisation de sa créance et de condamner le preneur à lui verser la somme de 18 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation du mois de juin 2023 et d'octobre 2023 à janvier 2024.



Sur les demandes accessoires :



18- La société Silver Form sera condamnée aux dépens d'appel.



19- La société Silver Form sera condamnée à verser la somme de 2000 euros à la société Jupiter au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour



statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,



Rejette la demande visant à voir prononcer l'annulation de la décision déférée,



Déclare irrecevable la demande visant à voir fixer l'indemnité d'occupation à un montant journalier de 125 euros HT,



Confirme la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 23 octobre 2023 sauf à rectifier l'adresse du bien loué dont le preneur est expulsé qui n'est pas le [Adresse 6] à [Localité 3] mais le [Adresse 5] à [Localité 7] et à actualiser la demande de provision à valoir sur les indemnités d'occupation impayées,



et statuant à nouveau,



Condamne la société Silver Form à verser à la SCI Jupiter la somme de 18 000 euros à titre de provision à valoir sur les sommes dues au titre des indemnités d'occupation du mois de juin 2023 et des mois d'octobre 2023 à janvier 2024.



y ajoutant,







Condamne la société Silver Form aux dépens d'appel.



Condamne la société Silver Form société Silver Form à verser la somme de 2000 euros à la société Jupiter au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier Le Président

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