25 avril 2024
Cour d'appel de Besançon
RG n° 23/01529

1ère Chambre

Texte de la décision

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

ASW/FA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/01529 - N° Portalis DBVG-V-B7H-EV4G





COUR D'APPEL DE [Localité 6]

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 07 mars 2023 - RG N°20/00991 - JUGE DE LA MISE EN ETAT DE [Localité 6]

Code affaire : 72D - Demande d'un copropriétaire tendant à la cessation et/ou à la sanction d'une atteinte à la propriété ou à la jouissance d'un lot





COMPOSITION DE LA COUR :



Monsieur Michel WACHTER, président de chambre

Madame Anne-Sophie WILLM, conseiller

Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.



DEBATS :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Mme Anne-Sophie WILLM, conseiller, président de l'audience, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.



DELIBERE :



Mme Anne-Sophie WILLM, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du code de procédure civile aux autres magistrats :



Monsieur Michel WACHTER, président de chambre et Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller.





L'affaire oppose :





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTES





S.A.S. SEGER prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège

Sise [Adresse 2]

Inscrite au RCS de Dijon sous le numéro B313 245 391



Représentée par Me Estelle BROCARD de la SELARL BROCARD-GIRE, avocat au barreau de [Localité 6]



S.A. DOME IMPERIAL prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège

Sise [Adresse 2]

Inscrite au RCS de Dijon sous le numéro B732 820 972



Représentée par Me Estelle BROCARD de la SELARL BROCARD-GIRE, avocat au barreau de [Localité 6]





ET :



INTIMÉS





Monsieur [O] [U]

né le 02 Janvier 1980 à [Localité 7], de nationalité française,

demeurant [Adresse 4]



Représenté par Me Jean-Yves REMOND, avocat au barreau de JURA



Syndic. de copro. [Adresse 1]

Sis [Adresse 1]

représenté par son syndic en exercie Nexity-Lamy inscrit au RCS de Paris sou le numéro B487 530 099



Représentée par Me Jean-Yves REMOND, avocat au barreau de JURA





ARRÊT :





- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.




*************



EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS



Le 8 décembre 2011, la SAS Société d'Equipement & de Gestion pour l'Expansion des Régions (ci-après SEGER) a obtenu un permis de construire délivré par le maire de [Localité 6] pour la démolition et la construction de bâtiments situés [Adresse 3] à [Localité 6].



Le permis a été transféré à la SA Dome Impérial par arrêté du 22 mars 2013.



Les lots 'soutènement/voile projeté' et 'gros oeuvre' ont été confiés par la société Dome Impérial à la SAS STCE selon contrat daté du 18 juillet 2013, et les lots 'désamiantage - démolition' et 'terrassements généraux - dépollution' ont été confiés à la SAS PBTP & Démolition selon marché du 12 juin 2013.



Le 25 juin 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Besançon a ordonné une mesure de constat de l'état des parties communes et privatives des immeubles situés [Adresse 5] et [Adresse 1] à [Localité 6], ainsi que sur la propriété de l'indivision [W]-[E]-[V].





Saisi par le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1] et M. [L] [F], le juge des référés, par ordonnance du 16 décembre 2014, a notamment ordonné une expertise aux fins de constater les désordres consécutifs aux travaux exécutés par les sociétés SEGER et Dome Impérial.



L'expert, M. [I] [R], a établi son rapport le 3 août 2016.



Reprochant aux sociétés SEGER, Dome Impérial, STCE et PBTP & Démolition d'être à l'origine de préjudices, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1] (ci-après le syndicat) et M. [O] [U] ont, par actes du 10 juillet 2020, fait assigner ces dernières devant le tribunal judiciaire de [Localité 6], lui demandant notamment, sur le fondement des troubles anormaux du voisinage, de les condamner au paiement de la somme principale de 34 575 euros correspondant aux travaux de réfection de l'étanchéité des garages.



Par ordonnance du 9 septembre 2021, le juge de la mise en état a notamment :



- déclaré irrecevables les demandes du syndicat et de M. [O] [U] à l'encontre des sociétés STCE et PBTP & Démolition,

- déclaré irrecevables les demandes des sociétés SEGER et Dome Impérial à l'encontre des société STCE et PBTP & Démolition.



Par ordonnance du 7 avril 2022, le juge de la mise en état a :



- déclaré irrecevable la demande de M. [O] [U] à l'encontre des sociétés SEGER et Dome Impérial,

- déclaré recevable comme non prescrite l'action du syndicat en réparation fondée sur les troubles du voisinage à l'encontre des sociétés SEGER et Dome Impérial.



-oOo-



Dans des conclusions au fond déposées le 18 mai 2022, le syndicat a sollicité la condamnation in solidum des sociétés SEGER et Dome Impérial à lui verser :



- 34 575 euros correspondant aux travaux de réfection de l'étanchéité des garages,

- 4 345 euros correspondant au coût de la surélévation de la cheminée,

- 15 000 euros au titre des troubles de jouissance subis par la collectivité des copropriétaires pendant toute la durée des travaux de démolition et de construction, ayant engendré la projection de gravats et de blocs de maçonnerie sur les parties communes, ayant engendré des infiltrations à partir des parties communes dans l'ensemble des parties privatives, tant au titre du bruit, de la poussière, et des infiltrations d'eau à la suite du coulage de béton pour réaliser les éléments de maçonnerie en élévation,

- 896,50 euros pour la remise en état de la porte du garage numéro 13.



Saisi par des conclusions d'incident des sociétés SEGER et Dome Impérial visant à voir déclarer le syndicat irrecevable en ses nouvelles demandes comme prescrites au titre des troubles de jouissance, le juge de la mise en état a, par ordonnance rendue le 7 mars 2023 :



- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement de la somme de

15 000 euros à titre de dommages et intérêts présentée par syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], soulevée par la SAS SEGER et la SA Dome Impérial,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance principale,

- renvoyé l'affaire à la mise en état silencieuse pour les conclusions au fond du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1].







Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a retenu :



- que l'action fondée sur les troubles anormaux du voisinage n'était pas une action réelle, mais

une action personnelle en responsabilité extra-contractuelle,

- qu'elle était soumise au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil,

- qu'il n'était pas discuté que le syndicat avait connaissance des désordres invoqués avant son assignation en référé du 3 septembre 2014 qui a suspendu le délai de prescription jusqu'au 3 février 2017, soit six mois après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 3 août 2016,

- que le délai de cinq ans avait ensuite été interrompu par l'introduction de l'instance au fond le 10 juillet 2020,

- qu'en cas d'actions successives, la première action interrompait la prescription de la seconde si elle était comprise dans la première et notamment si elle résultait d'un même fait dommageable,

- que la demande initiale et la demande additionnelle qui étaient présentées dans le cadre de l'instance procédaient d'un même fait générateur, à savoir l'existence d'un trouble anormal du voisinage résultant des mêmes travaux,

- qu'elles avaient pour objet de réparer le préjudice subi par la collectivité des propriétaires,

- que l'interruption qui résultait de l'assignation du 10 juillet 2020, qui produisait ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, s'étendait à la demande additionnelle présentée le 18 mai 2022,

- qu'elle ne pouvait en conséquence être prescrite.



-oOo-



Par déclaration du 18 octobre 2023, les sociétés SEGER et Dome Impérial ont relevé appel de l'ordonnance en ce qu'elle a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts présentée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1],

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Aux termes de leurs uniques conclusions déposées le 15 novembre 2023, les sociétés SEGER et Dome Impérial demandent à la cour :



- d'annuler l'ordonnance de mise en état en date du 7 mars 2023,

- de juger irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] portant sur les troubles anormaux de voisinage issus des écoulements d'eaux, bruits, vibrations en poussières, constatés en 2012 lors des travaux de gros 'uvre, car tardive,

- de condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à leur verser la somme de 2 000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



-oOo-



Aux termes de ses uniques conclusions déposées le 14 décembre 2023, le syndicat demande à la cour :



- de débouter les sociétés SEGER et Dome Impérial de leur appel,

- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du 7 mars 2023, par laquelle le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts présentée par lui, soulevée par les sociétés SEGER et Dome Impérial,

- de condamner les sociétés SEGER et Dome Impérial à lui payer la somme de 2 000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les sociétés SEGER et Dome Impérial aux dépens.



-oOo-



L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 15 février 2024.



Elle a été mise en délibéré au 25 avril 2024.



Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




SUR CE, LA COUR



I. Sur l'irrecevabilité tirée de la prescription



Les sociétés SEGER et Dome Impérial rappellent que l'action du syndicat est fondée sur les troubles anormaux de voisinage et que celle-ci se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer. Elles indiquent que parmi les demandes qui avaient été formées à l'origine, aucune n'était relative aux bruits, vibrations et poussières, de sorte que les prétentions formulées le 18 mai 2022 se heurtent à la prescription de l'article 2224 du code civil.



Le syndicat conclut à la recevabilité de sa demande en indiquant qu'elle est additionnelle, qu'elle complète ses demandes initiales et qu'elle a pour origine le même fait générateur. Il admet avoir eu connaissance des désordres y énoncés avant son assignation en référé du 3 septembre 2014, qu'il présente comme ayant suspendu le délai de prescription jusqu'au 3 février 2017, et précise que la prescription a ensuite été interrompue par l'introduction de l'instance au fond le 3 juillet 2020. Il reconnaît qu'il n'avait jamais formulé de demande se rapportant à la poussière, mais qu'il avait déjà mentionné des problèmes d'infiltrations dans ses assignations du 3 septembre 2014 et du 3 juillet 2020.



Réponse de la cour :



Aux termes de l'article 2224 du code civil : 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'



L'action en troubles anormaux du voisinage relève des règles de la responsabilité civile délictuelle, ce qui conduit à lui appliquer la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil.



L'article 2239 du code civil prévoit que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, et que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.



Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.



Des conclusions constituent une demande en justice et sont à ce titre interruptives de prescription.



Par ailleurs, il est acquis qu'en cas d'actions successives, la première action interrompt la prescription de la seconde si cette seconde action est comprise dans la première et notamment si les deux résultent d'un même fait dommageable.



En l'espèce, il est constaté :



- que par assignation signifiée le 3 septembre 2014, le syndicat des copropriétaires a fait citer les sociétés SEGER et Dome Impérial en référé expertise en raison de désordres résultant des travaux de démolition des bâtiments jouxtant les immeubles de la copropriété,



- que par décision du 16 décembre 2014, le juge des référés a ordonné une mesure d'expertise,



- que l'expert judiciaire a établi son rapport le 3 août 2016,



- que l'assignation du 3 septembre 2014 a donc suspendu le délai de prescription jusqu'au 3 février 2017,



- que le délai de prescription de cinq ans a été interrompu par l'action au fond engagée par le syndicat des copropriétaires le 10 juillet 2020,



- que cette action est fondée sur les troubles anormaux du voisinage,



- que dans sa demande présentée dans des conclusions au fond transmises le 18 mai 2022, le syndicat des copropriétaires sollicite notamment la condamnation in solidum des sociétés SEGER et Dome Impérial à lui verser une somme de 15 000 euros au titre des troubles de jouissance subis à l'occasion des travaux de démolition réalisés,



- que cette demande d'indemnisation et la demande initiale procèdent donc du même fait dommageable qui est la réalisation des travaux pour le compte des sociétés SEGER et Dome Impérial.



Compte-tenu de ces éléments, et ainsi qu'il a été pertinemment relevé par le premier juge, l'effet interruptif de la prescription, qui s'est produit par l'assignation en référé expertise puis par l'action au fond engagée le 10 juillet 2020, s'est étendu à la demande formulée le 18 mai 2022.



Cette demande d'indemnisation n'est dès lors pas prescrite et l'ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point.



II. Sur les frais et sur l'article 700 du code de procédure civile



Les sociétés SEGER et Dome Impérial seront condamnées aux dépens d'appel.



Elles seront en outre condamnées chacune à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et elles seront déboutées de leur demande de ce chef.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,



CONFIRME l'ordonnance rendue le 7 mars 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de [Localité 6] en toutes ses dispositions ;



Y AJOUTANT



CONDAMNE la SAS SEGER et la SA Dome Impérial aux dépens d'appel ;



CONDAMNE la SAS SEGER et la SA Dome Impérial à payer chacune au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



DEBOUTE la SAS SEGER et la SA Dome Impérial de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré et Fabienne Arnoux, greffier.





Le greffier, Le président,

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