25 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/12107

Chambre 4-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2024



N° 2024/111



MAB/PR









Rôle N° RG 21/12107 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH6KC







[I] [YD]





C/



S.A.R.L. BOULANGERIE VIENNOISERIE PATISSERIE (BVP)











Copie exécutoire délivrée

le : 25/04/24

à :



- Me Emmanuelle ROVERA, avocat au barreau de NICE



- Me Florence ROMEO, avocat au barreau de NICE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 20 Juillet 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F20/00378.





APPELANTE



Madame [I] [YD]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/009457 du 03/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 3]



représentée par Me Emmanuelle ROVERA, avocat au barreau de NICE





INTIMEE



S.A.R.L. BOULANGERIE VIENNOISERIE PATISSERIE (BVP), demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Florence ROMEO, avocat au barreau de NICE





*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseiller





Greffier lors des débats : Madame Karen VANNUCCI.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2024.







ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2024.



Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Pascale ROCK, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***

FAITS ET PROCÉDURE



Mme [I] [YD] a été engagée par la société BVP Boulangerie - Viennoiserie - Pâtisserie (ci-après société BVP) en qualité de vendeuse - échelon 1 - niveau 1, sans contrat écrit. La période couverte par la relation de travail est discutée entre les parties.



La société BVP employait habituellement moins de onze salariés au moment du licenciement.



Le 6 juillet 2020, Mme [YD] a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.



Par jugement rendu le 20 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Nice a :

- dit que la relation contractuelle s'est déroulée du 15 novembre 2018 au 31 janvier 2019 et que le licenciement de Mme [YD] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société BVP à payer à Mme [YD] les sommes suivantes :

500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

120 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- ordonné la remise d'une attestation pôle emploi rectifiée,

- débouté Mme [YD] et la société BVP du surplus de leurs demandes,

- condamné la société BVP aux dépens.



Mme [YD] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 janvier 2024.





MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2021, l'appelante demande à la cour de :

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la relation contractuelle s'est déroulée du 15 novembre 2018 au 31 janvier 2019,

- condamné la société BVP à payer à Mme [YD], la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 120 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- débouté Mme [YD] de ses autres demandes, tant principales que complémentaires,

* statuant à nouveau de :

- débouter la société BVP de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- juger que la période effectivement travaillée par Mme [YD] pour le compte de la société BVP est du 11 octobre 2018 au 23 avril 2019,

- juger que Mme [YD] a été licenciée par la société BVP sans cause réelle et sérieuse, sans préavis, le 23 avril 2019,

- condamner la société BVP à payer à Mme [YD] les sommes suivantes :

5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour cause de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros au titre du non respect de la procédure de licenciement,

585 euros au titre des congés payés,

500 euros au titre de l'absence de visite d'information et de prévention,

5 400 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- condamner la société BVP à remettre à Mme [YD] la lettre de licenciement et les documents de fin de contrat rectifiés selon la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir, et plus précisément les bulletins de salaires des mois d'octobre 2018, novembre 2018, décembre 2018, janvier 2019, février 2019, mars 2019 et avril 2019, régularisés avec la période effective de travail du 11 octobre 2018 au 23 avril 2019, la lettre de licenciement adressée à Mme [YD], l'attestation destinée à Pôle emploi, régularisée avec la période effective de travail du 11 octobre 2018 au 23 avril 2019, le certificat de travail, régularisé avec la période effective de travail du 11 octobre 2018 au 23 avril 2019, le solde de tout compte, régularisé avec la période effective de travail du 11 octobre 2018 au 23 avril 2019,

- condamner la société BVP à payer la somme de 3 000 euros, sur la base de l'article 37 alinéa 2 de la Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, distraits au profit de Maître Emmanuelle Rovera, avocat au barreau de Nice et conseil de Mme [YD], alors bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale,

- condamner la société BVP aux entiers dépens.



L'appelante fait valoir qu'elle a travaillé au sein de l'entreprise du 11 octobre 2018 au 23 avril 2019, sans contrat écrit et sans recevoir de bulletins de salaire. Elle soutient avoir été licenciée verbalement le 23 avril 2019, sans respect de la procédure et sans aucun motif. Elle sollicite une réévaluation des sommes octroyées par le conseil de prud'hommes mais également la condamnation de l'employeur pour travail dissimulé et la remise des documents de fin de contrat rectifiés.



Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2021, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner Mme [YD] au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



L'intimée réplique que Mme [YD] n'a travaillé que du 15 novembre 2018 au 31 décembre 2018, puis ne s'est plus présentée à son poste de travail. La salariée ne prouve pas la poursuite de la relation de travail sur la période qu'elle allègue.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la durée de la relation de travail



La société BVP reconnaît l'existence d'un contrat de travail au profit de Mme [YD], qui doit s'analyser en contrat à durée indéterminée en l'absence de contrat écrit, en application de l'article L.1242-12 du code du travail qui édicte que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif et, qu'à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

La date d'embauche ainsi que la date de fin de la prestation sont en revanche discutées entre les parties.



Mme [YD] affirme avoir travaillé pour le compte de la société BVP du 11 octobre 2018 au 23 avril 2019, tandis que l'employeur admet une relation de travail entre le 15 novembre 2018 et le 31 décembre 2018. La société BVP soutient que Mme [YD] a dans un premier temps réalisé des tests professionnels les 21 octobre, 22 octobre, 25 octobre 2018 pour une durée d'une heure, puis le 5 novembre 2018 pour une durée de deux heures, le 6 novembre 2018 de 10h à 12h et le 8 novembre 2018 de 17h à 18h30 et qu'elle ne s'est plus présentée à la boulangerie après le 31 décembre 2018.



Au soutien de ses prétentions, la salariée produit :

- une attestation de Mme [M] [YD], sa grand-mère, du 12 septembre 2019 : 'atteste sur l'honneur que ma petite-fille, Mme [YD] [I], a travaillé à la boulangerie Fournil gourmand à [Localité 5], en tant que serveuse en boulangerie, d'octobre 2018 à avril 2019 de 10 heures à 19h30 du lundi au vendredi et le samedi de 6 heures à 19h30 une semaine sur deux. Je suis allée acheter mon pain à cette boulangerie pendant toute cette période et j'ai été servie par ma petite-fille. (...)',

- une attestation de Mme [S] [YD], sa mère, du 12 septembre 2019 : 'atteste sur l'honneur que ma fille, Mme [I] [YD], a travaillé chez M. [DX] [TH] à la boulangerie Fournil gourmand, située à [Localité 5], [Adresse 4], en tant que serveuse en boulangerie d'octobre 2018 à avril 2019, une semaine sur deux, de 10 heures à 19h30 du lundi au vendredi et le samedi matin. Je gardais mes deux petites filles, pendant qu'elle y travaillait une semaine sur deux. Du jour au lendemain, le 23 avril 2019, son patron lui a dit de ne pas revenir',

- une attestation de Mme [K] [E], ancienne salariée, du 12 septembre 2019 : 'atteste que Mlle [YD] [I] était déjà en poste de vendeuse à la boulangerie de M. [TH] à mon arrivée le 6 novembre 2018 avec des horaires d'une semaine sur deux, de 10h à 19h30 et le samedi matin',

- une attestation de Mme [W] [G], cliente, du 15 septembre 2019 : 'atteste avoir été servie à plusieurs reprises par Mme [I] [YD], serveuse à la boulangerie Fournil gourmand, en tant que cliente régulière, habitant, du mois d'octobre 2018 jusqu'au mois d'avril 2019 '

- une attestation de M. [FD] [D], client, du 25 septembre 2019 : 'étant client régulier de la boulangerie Fournil gourmand à [Localité 5], atteste sur l'honneur que Mme [YD] [I] était bien vendeuse en boulangerie chez M. [TH] [DX] entre le mois d'octobre 2018 et avril 2019',

- une attestation de Mme [B] [VU], cliente, du 25 novembre 2020 : 'cliente de la boulangerie Fournil gourmand, atteste sur l'honneur que [YD] [I] travaillait bien en tant que vendeuse pendant la période d'octobre à avril 2019',

- une attestation de M. [MI] [SE], client, du 25 novembre 2020 : 'atteste avoir à plusieurs reprises déjeuné à la boulangerie 'Le Fournil gourmand' situé au [Adresse 1] à [Localité 5], dans la période d'octobre 2018 à avril 2019. J'y ai vu Mme [I] [YD] qui y était employée. Celle-ci a pris à plusieurs reprises ma commande et m'a servi mon repas',

- une attestation de M. [NO] [IT], client, du 25 novembre 2020 : 'certifie avoir constaté la présence de Mlle [YD] [I] entre octobre 2018 et avril 2019 en tant que vendeuse dans la boulangerie 'Le Fournil gourmand' situé [Adresse 4] sur la commune de Trinité,

- une attestation de Mme [N] [U], cliente, du 22 novembre 2020 : 'cliente de la boulangerie Le Fournil atteste sur l'honneur que Mlle [YD] [I] m'a servi à plusieurs reprises à la boulangerie. Pour les fêtes de fin d'année 2018 puis au cours des 4 mois début 2019',

- une attestation de M. [L] [YD], son frère, du 30 novembre 2020 : 'atteste que ma soeur [YD] [I] a bien travaillé à la boulangerie Fournil gourmand à Trinité de octobre 2018 à avril 2019. En tant que vendeuse par M. [DX] [TH], une semaine sur deux. Plusieurs fois, elle m'a servi. Pendant ces heures de travail, j'étais en charge moi et ma mère plusieurs fois par semaine d'aller lui récupérer ses filles à l'école à 16h30. Vu qu'elle était en poste jusqu'à 19h30',

- une attestation de Mme [Z] [YD], sa tante, du 29 novembre 2020 : 'tante d'[I] [YD] atteste que l'employée du Fournil gourmand, Mme [V] [GJ], s'est bien présentée de la part de ma nièce le 27 février 2019 vers 17h à mon travail 'Métro France'pour acheter un grill panini et autres achats. Mais celle-ci n'avait pas la carte de son patron, M. [TH] [DX], pour effectuer ses achats. Aucune personne ne peut prétendre se servir de la carte de son patron sans une procuration écrite de celui-ci. Ma nièce m'a envoyé la photo recto - verso de M. [TH] ce 27 février 2019 avec l'accord écrit de celui-ci (mail ci-joint). Comment ma nièce aurait pu m'envoyer ses documents personnels de ce M. [TH] sans être au travail ' Sachant qu'elle y a travaillé d'octobre 2018 à avril 2019',

- le mail évoqué, adressé par Mme [I] [YD] à sa tante le 27 février 2019, transférant en pièces jointes copies recto et verso de la carte nationale d'identité de M. [TH],

- une attestation de Mme [K] [E] du 29 mars 2021 : 'atteste que les clients M. [LF] [UR] et [T] [A] venaient à la boulangerie de M. [TH] le matin à l'ouverture. C'est moi-même qui m'en occupais tous les matins, donc en aucun cas, ils ont pu avoir une quelconque interférence avec Mme [YD] [I], vu qu'elle prenait son service à partir de 10 h',

- des photographies datées du 31 décembre 2019 à 14h19, du 4 janvier 2019 à 14h32, du 13 février 2019 à 10h38, du 1er mars 2019 à 11h54, du 2 mars 2019, du 8 avril 2019 et du 11 avril 2019,

- des échanges de SMS entre le 21 octobre 2018 au 12 novembre 2018, entre la salariée et l'employeur,

- des échanges de SMS avec sa mère entre le 19 octobre 2018 et le 11 avril 2019.



En réplique, la société BVP produit :

- un échange de SMS du 9 octobre 2018 : 'bonsoir, venez vers 20h si c ok pour vous', '10h pardon lol',

- un échange de SMS du 12 octobre 2018, dans lequel M. [TH] fait savoir à Mme [YD] : 'vous avez passé l'étape de la présélection avec succès', 'on peut envisager une semaine de formation avec ma vendeuse histoire d'être prête à travailler seule la semaine d'après', 'on s'appelle demain, on finalise '',

- un échange de SMS du 12 novembre 2018, dans lequel M. [TH] lui demande : 'Salut [O], est-ce que tu peux bosser à partir de mercredi de 15h30 à la fermeture '',

- la déclaration préalable d'embauche du 15 novembre 2018,

- un échange de SMS du 16 janvier 2019 dans lequel Mme [YD] demande pour quelle raison 80 euros ont été déduits de son salaire, M. [TH] lui répond : 'pas travailler 1 jour - le 2 - pour tt le monde',

- une attestation de M. [C] [AO], client, du 12 septembre 2019 : 'client régulier de la boulangerie situé au [Adresse 2], et affirme ne plus avoir vu Mme [YD] [I], vendeuse à la boulangerie la Pause gourmande depuis le début du mois de janvier 2019',

- une attestation de Mme [ZJ] [VR], amie et cliente de M. [TH], du 15 septembre 2019 : 'j'ai pu venir aussi bien manger que boire un verre, durant ces 3 dernières années. En la période de janvier 2019 n'avoir jamais vu Mme [YD] [I], seulement [H] ou la maman de [DX]',

- une deuxième attestation de Mme [ZJ] [VR] du 12 octobre 2019 : 'Mes passages à la boulangerie sont aussi bien le matin pour y prendre mon café, le midi pour y déjeuner ou même les après-midis pour y goûter avec mes enfants. Lors de mes passages, je n'ai jamais rencontré Mme [I] [YD], seulement M. [TH], son employée et sa maman',

- une attestation de Mme [PY] [R], cliente, du 17 septembre 2019 : 'étant cliente depuis 15 ans, je suis une cliente journalière du snack boulangerie La pause gourmande à [Localité 5]. Certifie que la vendeuse [YD] [I] n'était plus présente dans l'établissement de M. [TH] [DX] pour la période de janvier à mars 2019 pour la simple et bonne raison que la maman de [DX] assurait la vente en boulangerie tous les jours de ces mois. J'ai pu apercevoir une nouvelle vendeuse exercer dans ce lieu à partir de mars 2019',

- une deuxième attestation de Mme [PY] [R] du 1er octobre 2019 : 'atteste sur l'honneur être une cliente fidèle depuis une quinzaine d'années du snack boulangerie La Pause gourmande. Je viens quotidiennement boire un café, déjeuner ou pour le 4 heures pour prendre des brioches pour mes enfants environ 3 à 4 fois par semaine, et je certifie que durant la période du mois de janvier 2019 n'avoir jamais vu Mme [YD] [I], seulement [H] une employée et la maman de [DX] uniquement',

- une attestation de Mme [GJ] [V], cuisinière employée de la société BVP, du 10 septembre 2019 : 'j'atteste que Mlle [YD] [I] ne s'est plus présentée au travail après les vacances de Noël, elle n'a été remplacée par [K] qu'au printemps, et qui elle aussi n'est plus venue travailler à partir de juin 2019',

- une attestation de Mme [F] [Y], cliente, du 4 septembre 2019 : 'en tant que cliente habituelle à la Pause gourmande, je n'ai plus vu depuis le début de l'année Mlle [YD] [I]',

- une attestation de M. [C] [LC], client, du 20 août 2019 : 'étant un client journalier (depuis 2014) de la boulangerie snack sis à [Localité 5] au [Adresse 2], où je prends tous les matins mon petit déjeuner, et un jour sur deux mon repas du midi, certifie que la vendeuse Mlle [I] [YD] n'était plus présente le jour de la reprise de mon travail soit le mercredi 2 janvier 2019',

- une attestation de M. [X] [P], client, du 30 août 2019 : 'Je suis client régulier de cette boulangerie / snack à [Localité 5]. Atteste sur l'honneur et certifie, ne pas avoir revu la vendeuse Mlle [I] [YD], au début du mois de janvier sur son poste de vendeuse en boulangerie situé au [Adresse 2]',

- une deuxième attestation de M. [X] [P] du 29 octobre 2019 : 'je suis client régulier de cette boulangerie / snack à [Localité 5]. Atteste sur l'honneur et certifie prendre mon café le matin et certains repas du midi et prendre mon pain dans la fin de journée',

- une attestation de Mme [H] [J], employée de la société BVP, du 3 septembre 2019 : 'atteste sur l'honneur, qu'étant employée de snack La pause gourmande au [Adresse 2] à [Localité 5], certifie que la vendeuse Mlle [I] [YD] ne fait plus partie de cet établissement depuis le début d'année 2019'.





* Sur la date d'embauche de Mme [YD]



La cour observe que les attestations produites de part et d'autre, qu'elles émanent de membres de la famille de Mme [YD], de clients de la boulangerie ou encore d'employés ou anciens employés de la société BVP, ne sont ni précises, ni circonstanciées, et se contredisent grandement, de telle sorte qu'elles sont difficilement exploitables et ne permettent pas de conforter les affirmations de l'une ou l'autre des parties.



Il ressort en revanche des messages adressés par M. [TH] à Mme [YD] le 12 octobre 2018 que son test de présélection du 9 octobre a été validé et qu'il lui propose alors de finaliser, dès le lendemain, l'organisation d'une semaine de formation avec la vendeuse en poste pour travailler en complète autonomie dès la semaine suivante. Les échanges ultérieurs entre Mme [YD] et M. [TH] entre le 22 octobre 2018 et le 8 novembre 2018 font ressortir que Mme [YD] se trouve quasi-quotidiennement dans les locaux de la boulangerie et s'occupe de la fermeture du commerce. Ainsi, elle envoie des messages à M. [TH] les 22 octobre 2018 à 18h27, 25 octobre 2018 à 18h04, 5 novembre 2018 à 20h05, 8 novembre 2018 à 19h07 pour rendre compte du stock de pain invendu. Enfin, il ressort des échanges de SMS entre Mme [YD] et sa mère des 23 octobre 2018 et 25 octobre 2018, que l'appelante occupait déjà un emploi quotidien, finissant à 19h29 le 23 octobre 2018, recommençant le lendemain à 10h et poursuivant le 25 octobre 2018.



Il résulte de l'examen de ces pièces que Mme [YD] accomplissait alors déjà des prestations de travail au sein de la boulangerie de la société BVP. L'argument de la société selon lequel des tests de sélection étaient toujours en cours ne peut prospérer, les dates ne correspondant pas, notamment pour les 23 et 24 octobre 2018 et Mme [YD] bénéficiant déjà d'une grande autonomie dans ses fonctions.



Il s'ensuit que les pièces produites démontrent que Mme [YD] a débuté son travail pour le compte de la société BVP, à compter du 15 octobre 2018, semaine suivant la proposition formulée le 12 octobre 2018. Après une première période de formation d'une semaine, Mme [YD] a été positionnée en qualité de vendeuse en totale autonomie, comme cela ressort de ses échanges avec M. [TH].





* Sur la date de rupture du contrat de travail



Les parties s'opposent également sur la date de fin de la relation de travail, Mme [YD] affirmant avoir été licenciée verbalement le 23 avril 2019, tandis que la société BVP soutient que la salariée ne s'est plus présentée à compter du 31 décembre 2018.



Contrairement aux affirmations de la société BVP, il ressort des pièces produites par la salariée que la relation de travail s'est poursuivie après le 31 décembre 2018, notamment au travers de son message du 18 janvier 2019 : 'Tu n'aurais pas le numéro pour la commande de la tombola la plana, ils sont tjr pas venus prendre leur livraison et Mme [JZ] m'a donné sa commande pour le 27 janvier', 'commande récupérée payée en chèque et j'ai fait une facture en papier', ou encore de l'attestation de la tante de Mme [YD], corroborée par le mail joint daté du 27 février 2019.



En tout état de cause, il ne résulte d'aucune pièce que Mme [YD] ait démissionné le 31 décembre 2018, une démission ne pouvant résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail, en application de l'article L 1237-1 du code du travail.



En conséquence, et en l'absence de rupture antérieure, le contrat de travail a continué de courir jusqu'au 23 avril 2019, date à laquelle la salariée dit avoir été licenciée verbalement.



Il convient par conséquent, par infirmation du jugement entrepris, de dire que le contrat de travail a couru du 15 octobre 2018 au 23 avril 2019.





Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail



1- Sur la demande d'indemnisation pour absence de visite médicale d'information et de prévention



L'article R. 4624-10 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016, applicable depuis le 1er janvier 2017, prévoit que le salarié doit bénéficier d'une visite d'information et de prévention, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 4624-1 du même code dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.



L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.



En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [YD] n'a bénéficié d'aucune visite d'information et de prévention au moment de son embauche, ni par la suite, alors que la cour a retenu que la relation de travail a couvert une période supérieure à trois mois.



En cas d'absence de visite médicale organisée, il appartient au salarié de justifier de l'existence d'un préjudice.



Or, ce manquement a causé un préjudice à la salariée laquelle n'a pas été en mesure de faire vérifier la compatibilité de son état de santé au poste de travail et, le cas échéant, d'obtenir les adaptations de son poste de travail.



Par infirmation du jugement entrepris, ce préjudice sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 250 euros à titre de dommages-intérêts.





2- Sur le travail dissimulé



Selon l'article L. 8221-5 du code du travail :

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.



L'article L8223-1 du même code ajoute : En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



Il résulte des motifs qui précèdent que la cour a retenu que le contrat de travail a débuté le 15 octobre 2018, alors que la déclaration préalable à l'embauche n'a été établie que le 15 novembre 2018.



Toutefois le travail dissimulé n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle. Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.



En tardant à procéder à la déclaration préalable à l'embauche, en n'établissant pas de contrat de travail écrit, en éditant les bulletins de paie tardivement dans le cadre du contentieux devant le conseil de prud'hommes, la société BVP a manifesté son intention de dissimuler les heures de travail réalisées par Mme [YD].



En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes sera infirmée en ce qu'elle a débouté Mme [YD] de sa demande en indemnisation d'un travail dissimulé. Le contrat de travail ayant depuis été rompu, il sera alloué à Mme [YD] la somme de 5 400 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.





Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail



La cour constate qu'aucun appel n'a été formé à l'encontre du jugement, en ce qu'il a constaté qu'aucune procédure de licenciement n'avait été engagée et par conséquent jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.





1- Sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse



Selon l'article L1235-3 du code du travail, modifié par la loi du 29 mars 2018 : si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant minimal est fixé dans le tableau prévu par le texte.



Mme [YD] justifie de moins d'un an d'ancienneté dans une entreprise qui emploie habituellement moins de 11 salariés.



En application de l'article susvisé, aucun montant minimal n'est fixé pour l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Mme [YD], âgée de 28 ans au moment de la rupture de son contrat de travail, ne justifie pas de sa situation postérieure à la rupture.



Eu égard à son jeune âge, à sa courte ancienneté dans l'entreprise, au montant de sa rémunération, aux circonstances de la rupture et à ce qu'elle ne justifie pas de sa situation postérieure à la rupture, le jugement entrepris sera confirmé, en ce qu'il lui a alloué la somme de 500 euros.





2- Sur la demande d'indemnisation du non-respect de la procédure de licenciement



Mme [YD] sollicite le versement d'une indemnité pour procédure irrégulière à hauteur de 2000 euros, en ce qu'elle a fait l'objet d'un licenciement verbal et n'a donc pas été convoquée à un entretien préalable au licenciement ni reçu de lettre de l'employeur lui notifiant la mesure.



Toutefois, en application de l'article L 1235-2 du code du travail, 'lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L 1232-2, L 1232-3, L 1232-4, L 1233-1, L 1232-12 et L 1232-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire'.



Il s'ensuit que le juge ne peut sanctionner les irrégularités de procédure que s'il considère le licenciement comme motivé par une cause réelle et sérieuse.



En l'espèce, le licenciement ayant été jugé comme non fondé sur une cause réelle et sérieuse, Mme [YD] ne peut prétendre à une indemnité au titre de l'article L 1235-2 du code du travail. Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.





3- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés



L'article L 3141-3 prévoit que le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur et que la durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.



En application de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.



Selon l'article L. 3141-26 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, lorsque le contrat de travail est rompu, le salarié qui n'a pas pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, doit recevoir, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice déterminée d'après les dispositions de l'article L 3141-22 à L 3141-25 du même code.



L'indemnité compensatrice de congés payés a la nature d'un salaire.



En l'espèce, la période durant laquelle Mme [YD] a travaillé ayant été fixée du 15 octobre 2018 au 27 février 2019, les congés payés auxquels elle a droit s'établissent comme suit :

- 1,25 jours acquis au mois d'octobre 2018,

- 2,5 jours acquis au mois de novembre 2018,

- 2,5 jours acquis au mois de décembre 2018,

- 2,5 jours acquis au mois de janvier 2019,

- 2,5 jours acquis au mois de février 2019,

- 2,5 jours acquis au mois de mars 2019,

- 1,9 jours acquis au mois d'avril 2019,

soit un total de 19,4 jours, arrondis à 20 jours.



La cour ne peut que constater que l'employeur ne justifie pas avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congé, ni lui avoir déjà versé l'indemnité compensatrice correspondante.



En conséquence, en prenant en considérant le salaire de 900 euros retenu par l'appelante, la cour alloue à Mme [YD] la somme de 580,65 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, par infirmation du jugement querellé.





Sur les autres demandes



Sur la remise de documents



La cour ordonne à la société BVP de remettre à Mme [YD] les documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.



Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.





Sur les frais du procès



En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société BVP sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 500 euros.



Par conséquent, la société BVP sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.





PAR CES MOTIFS :





La Cour, après en avoir délibéré, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,



Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :

- condamné la société BVP à verser à Mme [YD] la somme de 500 euros au titre de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [YD] de sa demande d'indemnisation de l'irrégularité de la procédure de licenciement,



Statuant à nouveau des chefs infirmés,



Dit que le contrat de travail a couru du 15 octobre 2018 au 23 avril 2019,



Condamne la société BVP à verser à Mme [YD] les sommes suivantes :

- 250 euros au titre de dommages et intérêts pour absence de visite d'information et de prévention,

- 5 400 euros au titre du travail dissimulé,

- 580,65 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,



Y ajoutant,



Ordonne à la société BVP de remettre à Mme [YD] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,



Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,



Y ajoutant,



Condamne la société BVP aux dépens de la procédure d'appel,



Condamne la société BVP à payer à Mme [YD] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute la société BVP de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Rejette toute autre demande.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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