24 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/07493

Pôle 6 - Chambre 6

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 24 AVRIL 2024



(n°2024/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07493 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEH5M



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 20/00045





APPELANT



Monsieur [O] [U]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Emmanuelle LEMAITRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1964





INTIMÉES



S.A.S. HOUDRY-GRENOT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Karine HISEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2408



S.A.R.L. SPI TRAVAIL TEMPORAIRE

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier BERJOT, avocat au barreau de PARIS, toque : J063





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller



Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats





ARRÊT :



- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Madame Laëtitia PRADIGNAC, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :



M. [O] [U] a été mis à la disposition de la société Houdry Grenot en tant qu'intérimaire dans le cadre de nombreux contrats de mission entre le 25 mars 2010 et le 28 février 2019, en qualité de couvreur.



Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises du bâtiment de la région parisienne.



La société Houdry Grenot occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.



M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 6 janvier 2020 de demandes formées contre la société Houdry Grenot.



La société Houdry Grenot a assigné la société SPI travail temporaire en intervention en garantie devant le conseil de prud'hommes.



M. [U] a formé les demandes suivantes :

«- Ordonner la requalification en contrat de travail à durée indéterminée d'une mission d'intérim

- Indemnité de licenciement légale : 7 440,34 €

- Indemnité compensatrice de préavis : 6 613,64 €

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 661,36 €

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 26 454,56 €

- Indemnité pour non respect de la procédure de licenciement : 3 306,82 €

- Dommages et intérêts pour préjudice moral et financier : 24 000,00 €

- Article 700 du Code de Procédure Civile : 2 000,00 €

- Exécution provisoire.»



Par jugement du 8 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé des moyens, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :

« Constate la prescription des demandes antérieures au 06 janvier 2018

Constate l'irrégularité des successions des contrats d'intérim du 26 février 2018 au 27 juillet 2018

Dit que ce constat entraîne la requalification du contrat d'intérim en contrat durée indéterminée avec la société HOUDRY GRENOT

Dit que la fin du contrat du 27 juillet 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Fixe le salaire à la somme de 1 860,75 euros

Condamne solidairement la SAS HOUDRY GRENOT et la SARL S.P.I TRAVAIL TEMPORAIRE à payer à Monsieur [O] [U] les sommes suivantes :

- 1 860,75 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 857,09 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 85,70 euros au titre des congés payés afférents

- 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article R1454-28 du

Code du travail

Déboute Monsieur [O] [U] du surplus de ses demandes

Déboute les parties défenderesses de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamne solidairement les parties défenderesses aux dépens.»



M. [U] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 23 août 2021.



Les constitutions d'intimées des sociétés Houdry Grenot et SPI travail temporaire ont été transmises par voie électronique le 31 août 2021.



Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 26 avril 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, M. [U] demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement rendu le 8 juin 2021 par le Conseil des Prud'hommes de Paris en ce qu'il a :

- Constaté l'irrégularité des successions des contrats d'intérim du 26 février 2018 au 27 juillet 2018 ;

- Dit que ce constat entraîne la requalification du contrat d'intérim en contrat à durée indéterminée avec la société HOUDRY GRENOT ;

- Dit que la fin du contrat du 27 juillet 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné solidairement la SAS HOUDRY GRENOT et la SARL SPI TRAVAIL TEMPORAIRE à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes :

- 1.200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Débouté les parties défenderesses de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné solidairement les parties défenderesses aux dépens.

INFIRMER le jugement rendu le 8 juin 2021 par le Conseil des Prud'hommes de Paris en ce qu'il a :

- Constaté la prescription des demandes antérieures au 6 janvier 2018 ;

- Fixé le salaire à la somme de 1.860,75 euros ;

- Condamné solidairement la SAS HOUDRY GRENOT et la SARL SPI TRAVAIL TEMPORAIRE à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes :

. 1.860,75 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 857,09 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

.85,70 euros au titre des congés payés afférents ;

- Débouté Monsieur [U] du surplus de ses demandes.

En conséquence, statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'appel de céans de :

- REJETER les demandes de la société HOUDRY GRENOT et de SPI TRAVAIL ;

JUGER que Monsieur [O] [U] a effectué un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise HOUDRY GRENOT et par conséquent,

- JUGER l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminé à compter du 25mars 2010, premier jour d'exercice de sa mission,

- ORDONNER la requalification en Contrat de Travail à durée Indéterminée d'une mission d'intérim, à compter du 25 mars 2010, premier jour d'exercice de sa mission,

- JUGER que la rupture du contrat de Monsieur [O] [U] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- JUGER que la société HOUDRY GRENOT n'a pas respecté la procédure de licenciement,

- FIXER le salaire de référence de Monsieur [O] [U] à la somme de 3306,82€ ;

CONDAMNER la société HOUDRY GRENOT à verser à Monsieur [O] [U] les sommes suivantes :

- une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 26.454,56 €,

- une indemnité d'un montant de 3306,82 € pour non-respect de la procédure de licenciement,

- une indemnité de licenciement légale à hauteur de 7440,34 €,

- une indemnité compensatrice de préavis de 6613,64 €,

- une indemnité compensatrice des congés payés équivalent à 10% du préavis soit 661,36 €,

- la somme de 24000,00 € au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subis,

- la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la première instance,

- CONDAMNER la société HOUDRY GRENOT à verser à Monsieur [O] [U] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et mettre à sa charge les entiers dépens de la présente instance d'appel.»



Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 décembre 2023, auxquelles la cour fait expressément référence, la société Houdry Grenot demande à la cour de :

«A TITRE PRINCIPAL

DIRE que la demande portant sur la requalification des contrats d'intérim du 25 mars 2010 au 1er janvier 2018 formulée par M. [U] est prescrite ;

CONSTATER la réalité des motifs de recours aux contrats de mission ;

EN CONSÉQUENCE, INFIRMER le jugement du conseil de Prud'hommes de Paris en date du 7 avril 2021

Et DEBOUTER M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, EN CAS DE CONSTATATION D'UNE IRREGULARITE DE RECOURS AUX CONTRATS DE MISSION :

CONFIRMER le jugement du conseil de Prud'hommes de Paris en date du 7 avril 2021 en ce qu'il a fixé la recevabilité des demandes de M. [U] à compter du 6 janvier 2018 ;

EN CONSÉQUENCE, le CONFIRMER pour le montant des condamnations accordées à M. [U],

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONSTATER la responsabilité conjointe de la SARL SPI TRAVAIL TEMPORAIRE ;

EN CONSÉQUENCE, CONFIRMER le jugement du conseil de Prud'hommes de Paris en date du 7 avril 2021 en ce qu'il a retenu le principe d'une condamnation solidaire entre SARL SPI TRAVAIL TEMPORAIRE et la SAS HOUDRY GRENOT,

FIXER la part de la responsabilité de la SARL SPI TRAVAIL TEMPORAIRE dans la réalisation du dommage ;

CONDAMNER la SARL SPI TRAVAIL TEMPORAIRE au versement des condamnations prononcées, à hauteur de sa part de responsabilité fixée.

CONDAMNER M. [U] d'avoir à payer à la SAS HOUDRY GRENOT, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 CPC ;

CONDAMNER M. [U] en tous les frais et dépens liés à la présente instance.»



Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 avril 2022, auxquelles la cour fait expressément référence, la société SPI travail temporaire demande à la cour de :

«- INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 08 juin 2021 (RG n° F 20/00045) en ce qu'il a :

- condamné solidairement la société Houdry Grenot et la société SPI travail temporaire à payer à Monsieur [O] [U] les sommes suivantes :

- 1860,75 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 857,09 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 85,70 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1200,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- débouté les parties défenderesses de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné solidairement les parties défenderesses aux dépens ;

Et, statuant à nouveau :

- DIRE ET JUGER, en cas de condamnation de la société HOUDRY GRENOT, que la responsabilité de la société SPI TRAVAIL TEMPORAIRE ne saurait être engagée ;

- CONDAMNER solidairement Monsieur [O] [U] et la société HOUDRY GRENOT à verser à la société SPI TRAVAIL TEMPORAIRE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER solidairement Monsieur [O] [U] et la société HOUDRY GRENOT aux entiers dépens.»



L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 19 décembre 2023.



L'affaire a été appelée à l'audience du 26 février 2024.




MOTIFS



Sur la prescription de l'action



La société Houdry Grenot invoque la prescription de l'action en requalification pour la période antérieure au 6 janvier 2018, par application de l'article L. 1471-1 du code du travail qui prévoit une prescription de deux années pour les actions relatives à l'exécution du contrat de travail.



Si le délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat de travail est de deux années, en cas de succession de contrats de travail temporaire, lorsque la demande est fondée sur le motif de recours aux contrats de travail temporaire le point de départ de l'action est le terme du dernier contrat et la requalification remonte au premier contrat irrégulier.



M. [U] fait valoir que la succession de contrats a eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. Il conteste également en page 14 de ses conclusions la réalité des motifs de recours aux contrats et indique que la société Houdry Grenot ne produit aucune pièce pour justifier de l'accroissement temporaire d'activité ni des arrêts maladie au cours de l'année 2015.



Ainsi, le terme du dernier contrat étant le 28 février 2019, l'action en requalification n'est pas atteinte par la prescription. La période sur laquelle la requalification est susceptible de produire ses effets peut remonter jusqu'à la date du premier contrat irrégulier, ainsi si elle dépend de l'examen de la demande de requalification, l'action sur la période antérieure au 06 janvier 2018 n'est pas atteinte par la prescription.



Le jugement sera infirmé de ce chef.



Sur la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée



L'article L.1251-5 du code du travail dispose que :

'Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.'



L'article L.1251-6 du code du travail dispose que :

'Sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée " mission " et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié, en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ;

e) D'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

4° Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens d'une société d'exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale ;

5° Remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint, mentionné à l'article L. 722-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole ou de l'entreprise.'



L'article L. 1251-40 du code du travail dispose que :

'Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.'



Il incombe à l'entreprise utilisatrice de justifier de la réalité du motif du recours au contrat de travail temporaire.



Les contrats de mission produits par M. [U] sur la période entre le 25 mars 2010 et le 28 février 2019 portent les mentions ' accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise','accroissement temporaire d'activité' ou 'accroissement temporaire d'activité lié à une tâche occasionnelle et non durable'. Les contrats conclus entre le 05 janvier et le 17 avril 2015 portent la mention 'remplacement d'un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail ; justificatif M. [L] couvreur pour A.T.'



La société Houdry Grenot ne produit que deux attestations de salariés, rédigées de façon générale, qui indiquent que M. [U] a exercé comme aide couvreur pendant plusieurs années.



Aucun justificatif n'est ainsi produit par la société Houdry Grenot pour justifier de la réalité des motifs de recours aux contrats, et cela pour l'intégralité de la période, notamment les contrats du mois de mars 2010.



En outre, les différents contrats ont eu lieu de façon successives aux postes de couvreur et couvreur corvoyeur, sur des périodes continues ou qui n'ont été espacées que d'une seule journée, à l'exception de la période estivale pendant laquelle les contrats terminaient au cours du mois de juillet pour ne reprendre qu'au début du mois de septembre suivant ainsi qu'au cours des périodes de fêtes de fin d'année. Il n'est pas discuté que ces arrêts correspondaient aux périodes de vacances. Il en résulte que les contrats ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.



Les contrats de mission entre M. [U] et la société Houdry Grenot doivent ainsi être requalifiés en contrat à durée indéterminée depuis le premier contrat irrégulier, soit le 25 mars 2010.



Le jugement sera infirmé de ce chef.



Sur la rupture du contrat de travail



Le terme du dernier contrat a mis fin aux relations contractuelles. La société Houdry Grenot n'a adressé aucun courrier à M. [U], ni fait valoir de motif.



La fin des relations contractuelles s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.



Aux termes du dispositif de ses conclusions, M. [U] demande à la cour de juger que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans la partie discussion il indique que le terme est au mois de février 2019 et revendique une ancienneté de neuf années.



Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la fin du contrat du 27 juillet 2018 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. C'est le terme du dernier contrat au 28 février 2019 qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Sur les conséquences financières



M. [U] est fondé à demander les indemnités de rupture.



L'ancienneté de M. [U] remonte au premier jour du contrat de travail à durée indéterminée tel que résultant de la requalification, sans qu'il ne soit tenu de justifier qu'il se tenait à la disposition de l'employeur, contrairement à ce que soutient la société Houdry Grenot.



Il résulte des bulletins de paie que le salaire mensuel moyen perçu par M. [U] était de 2 302,19 euros.



La durée du préavis étant de deux mois, M. [U] aurait perçu la somme de 4 604,38 euros s'il l'avait accompli. La société Houdry Grenot doit être condamnée au paiement de cette somme, outre celle de 460,43 euros au titre des congés payés afférents.



Selon les différents éléments de rémunération produits, la moyenne de rémunération des trois derniers mois de 1 860,75 euros est la plus favorable. Compte tenu de l'ancienneté de M. [U] depuis le début de la relation contractuelle, la société Houdry Grenot sera condamnée à payer à M. [U] la somme de 4 186,68 euros au titre de l'indemnité de licenciement.



L'article L.1235-3 du code du travail dispose que :

'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.

Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.'



M. [U] avait une ancienneté de huit années complètes au moment de la rupture des relations contractuelles ; l'indemnité doit être comprise entre trois et huit mois de salaire. Compte tenu du salaire moyen de 2 302,19 euros retenu, de sa situation professionnelle et des circonstances, la société Houdry Grenot sera condamnée à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Le jugement sera infirmé de ces chefs.



En application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail la société Houdry Grenot doit être condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de six mois.



Il sera ajouté au jugement.



L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumule pas avec une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. M. [U] doit être débouté de cette demande.



Le jugement sera confirmé de ce chef.



M. [U] demande des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral et financier, sans justifier d'une faute de l'employeur lui permettant de solliciter une indemnisation distincte de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il doit être débouté de sa demande.



Le jugement sera confirmé de ce chef.



Sur la garantie des condamnations par la société SPI travail temporaire



La société Houdry Grenot demande que la responsabilité soit partagée avec la société SPI travail temporaire et qu'elle soit condamnée à la garantir d'une partie des condamnations prononcées en fixant sa part de responsabilité et en confirmant le principe d'une condamnation solidaire.



Dans le cadre de sa relation de travail avec M. [U], la société Houdry Grenot a eu successivement recours aux services de trois entreprises de travail temporaire. Les premiers contrats de mission ont été signés par le biais de la société Assistance Interim, puis par la société SPI travail temporaire et enfin par la société Rhezo interim.



La société Houdry Grenot est défaillante à justifier de la réalité des motifs de recours aux différents contrats de mission, ce qui justifie la requalification en contrat de travail à durée indéterminée, dont les effets remontent au premier contrat conclu qui l'a été par la société Assistance Interim. La rupture du contrat de travail est intervenue alors que les contrats ont été signés avec la société Rhezo interim.



Dans ces conditions, la société Houdry Grenot n'est pas fondée à mettre en oeuvre la responsabilité de la société SPI travail temporaire dans le cadre des indemnités de rupture et doit être déboutée de cette demande.



Le jugement qui a prononcé une condamnation solidaire à l'encontre de la société SPI travail temporaire sera infirmé de ce chef.



Sur les dépens et frais irrépétibles



La société Houdry Grenot qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en plus de l'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes, qui sera confirmée. La condamnation solidaire de la société SPI travail temporaire au paiement des frais irrépétibles sera infirmée.



La société Houdry Grenot sera également condamnée à payer la somme de 1 000 euros à la société SPI travail temporaire au titre des frais irrépétibles.



M. [U] n'ayant pas mis en cause la société de travail temporaire, il n'y a pas lieu à le condamner au paiement de somme à ce titre à cette société.



Par ces motifs,



La cour,



Infirme le jugement du conseil de prud'hommes, sauf en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral et financier et condamné la société Houdry Grenot au paiement à M. [U] de la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles,



Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,



Dit recevable l'action de M. [U],



Requalifie la relation contractuelle entre M. [U] et la société Houdry Grenot en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 mars 2010,



Dit que la fin des relations contractuelles le 27 février 2019 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,



Condamne la société Houdry Grenot à payer à M. [U] les sommes suivantes :

- 4 604,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 460,43 euros au titre des congés payés afférents,

- 4 186,68 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 12 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,



Ordonne à la société Houdry Grenot de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [U] , du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées,



Déboute la société Houdry Grenot de sa demande de fixation d'une part de responsabilité de la société SPI travail temporaire et de condamnation solidaire de la société SPI travail temporaire,



Condamne la société Houdry Grenot aux dépens,



Condamne la société Houdry Grenot à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la société Houdry Grenot à payer à la société SPI travail temporaire la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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