25 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.164

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200348

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) - Frais médicaux - Actes accomplis successivement sur le même site anatomique - Actes incompatibles - Conditions - Détermination

Il résulte des L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, I-6, I-11, I-12 et III-3 des dispositions générales de la classification commune des actes médicaux (CCAM) résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, qu'hormis les cas où elle est expressément prévue par les dispositions de la CCAM, ou par une exception décrite sous forme de libellé, l'association entre un acte diagnostique et un acte thérapeutique accomplis successivement sur le même site anatomique ne peut donner lieu au cumul des honoraires de chacun de ces actes. Viole ces textes l'arrêt qui estime qu'un professionnel de santé pouvait facturer cumulativement des actes thérapeutiques et diagnostiques et une prise en charge codifiée YYYY011, alors que l'association de cette dernière avec un acte technique chirurgical, qui en constitue un temps élémentaire obligé, est incompatible

Texte de la décision

CIV. 2

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 avril 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 348 F-B

Pourvoi n° P 22-13.164




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 AVRIL 2024

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-13.164 contre l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [B] [X], domicilié [4], sis Hôpital privé [6], [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [X], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 février 2022), M. [X], chirurgien orthopédique (le professionnel de santé), a fait l'objet d'un contrôle administratif de facturation portant sur la période du 1er novembre 2015 au 31 décembre 2016, à l'issue duquel la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] (la caisse) lui a notifié un indu puis un avertissement.

2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler les décisions d'indu et d'avertissement, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article III-3 des dispositions générales de la classification commune des actes médicaux, les actes techniques effectués dans le même temps qu'une consultation ne peuvent donner à facturation en sus de la facturation de la consultation ; que par dérogation à cette règle, le même texte prévoit que le cumul est possible lorsque le médecin pratique une intervention en urgence dans les suites immédiates de la consultation qu'il a donné au patient examiné pour la première fois dans un établissement de soins ; que cette double facturation, dérogatoire, d'une consultation et d'un acte technique, ne peut être en sus cumulée avec la facturation d'un troisième acte, codé YYYY011 correspondant à une prise en charge diagnostique et thérapeutique ; qu'en décidant le contraire, au motif inopérant que l'acte codé YYYY011 correspondrait à un troisième temps, entre la consultation et l'acte chirurgical, au cours duquel le médecin procède à un examen clinique lésionnel, les juges du fond ont violé l'article [3] des dispositions diverses de la classification commune des actes médicaux, ensemble les articles L. 133-4 et L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que pour les actes techniques médicaux, chaque libellé décrit un acte global qui comprend l'ensemble des gestes nécessaires à sa réalisation dans le même temps d'intervention ou d'examen, conformément aux données acquises de la science et au descriptif de l'acte dans la classification commune des actes médicaux ; que par conséquent, l'association de deux actes est exclue lorsque l'un peut être regardé comme inclus dans l'autre, pour en être un temps élémentaire obligé ; qu'en retenant, pour annuler l'indu, que l'association de l'acte chirurgical et de l'acte codé YYYY011 était possible, quand ils constataient pourtant que ce dernier couvrait un temps de prise en charge thérapeutique du patient au bloc avant l'opération chirurgicale, ce dont il se déduisait que l'acte codé YYYY011, à tout le moins dans sa dimension thérapeutique, était un temps élémentaire obligé de l'acte chirurgical et était inclus dans celui-ci, les juges du fond ont violé l'article I-6 des dispositions générales de la classification commune des actes médicaux, ensemble les articles L. 133-4 et L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, et les articles I-6, I-11, I-12 et III-3 des dispositions générales de la classification commune des actes médicaux (CCAM) résultant de la décision du 11 mars 2005 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie :

4. Selon le premier de ces textes, la prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie d'un acte réalisé par un professionnel de santé est subordonnée à son inscription sur une liste établie dans les conditions fixées par ce texte.

5. Selon le deuxième, pour les actes techniques médicaux de la liste, chaque libellé décrit un acte global qui comprend l'ensemble des gestes nécessaires à sa réalisation dans le même temps d'intervention ou d'examen, conformément aux données acquises de la science et au descriptif de l'acte dans la liste.

6. Aux termes du troisième, dans le cadre de la tarification, l'association d'actes correspond à la réalisation de plusieurs actes, dans le même temps, pour le même patient, par le même médecin, dans la mesure où il n'existe pas d'incompatibilité entre ces actes.

7. Il résulte du quatrième qu'en raison de leur incompatibilité, il est impossible de tarifer l'association entre un acte diagnostique et un acte thérapeutique réalisés sur un même site anatomique avec un accès identique, sous réserve des exceptions décrites sous forme de libellés.

8. Selon les articles I-6 et III-3 susvisés, est autorisé le cumul des honoraires de la consultation, donnée par un médecin qui examine un patient pour la première fois dans un établissement de soins avec ceux de l'intervention qu'il réalise et qui lui fait immédiatement suite, lorsque cette intervention est pratiquée en urgence et entraîne l'hospitalisation du patient.

9. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'hormis les cas où elle est expressément prévue par les dispositions de la CCAM, ou par une exception décrite sous forme de libellé, l'association entre un acte diagnostique et un acte thérapeutique accomplis successivement sur le même site anatomique ne peut donner lieu au cumul des honoraires de chacun de ces actes.

10. Pour dire que dans le cadre d'une prise en charge en urgence de lésions traumatiques multiples et récentes situées à la main, le professionnel de santé pouvait facturer cumulativement la consultation au cours de laquelle est posée l'indication, un acte de technique chirurgical et une « prise en charge diagnostique et thérapeutique dans le même temps d'une lésion ostéo-articulaire, musculo-tendineuse ou des parties molles d'origine traumatique », codifiée YYYY011, correspondant à l'examen clinique lésionnel au bloc opératoire, l'arrêt retient que, pour les actes réalisés au cours de la période contrôlée, la CCAM ne prévoyait pas d'exclusion du cumul des actes thérapeutiques et diagnostiques avec le code YYYY011.

11. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que les actes facturés le même jour correspondaient à une même prise en charge sur trois temps différents, ce dont il résultait que l'association entre l'acte technique médical codé YYYY011 avec un acte technique chirurgical était incompatible, le premier constituant un temps élémentaire obligé du second qui ne pouvait être facturé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne M. [X] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] la majoration indue, soit 19,06 euros, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre.

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