23 avril 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/07070

Chambre civile 1-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63B



Chambre civile 1-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 AVRIL 2024



N° RG 22/07070 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRCG



AFFAIRE :



M. [M] [R]





C/



Mme [O] [T]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le Juridiction de proximité d'Asnières



N° RG : 11-20-288



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23/04/24

à :



Me Abdelaziz MIMOUN



Me Marion MENAGE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [M] [R]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentant : Maître Abdelaziz MIMOUN, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007921 du 21/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)





APPELANT

****************



Madame [O] [T]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentant : Maître Marion MENAGE, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 236 -

Représentant : Maître Stévie FLEURY SPIRIDIGLIOZZI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE

****************



Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Janvier 2024, Monsieur Anne THIVELLIER, Conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN


EXPOSE DU LITIGE



Le 29 septembre 2009, Me [O] [T] a été désignée au titre de l'aide juridictionnelle pour assister M. [M] [R] dans le cadre d'une procédure d'assistance d'une partie civile pour une instruction correctionnelle.



Par acte d'huissier de justice délivré le 19 février 2020, M. [R] a assigné Me [T] devant le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine aux fins de la voir condamner à l'indemniser:

- de ses préjudices moraux liés aux fautes commises au titre de sa mission d'aide juridictionnelle n°2008/005471 à hauteur de 3 000 euros,

- de ses pertes de chance, consécutives des fautes commises à l'occasion de sa mission d'aide juridictionnelle n°2008/005471, à hauteur de la somme de 2 000 euros,

- au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 210 euros, outre les dépens.



Par acte d'huissier de justice 'sur et aux fins de' en date du 31 juillet 2020, M. [R] a signifié à Me [T] qu'il constituait avocat, les termes de son assignation restant identiques.



Par jugement contradictoire rendu le 12 novembre 2020, le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine a :

- ordonné la jonction des dossiers n°20/288 et 20/890 sous le numéro unique 20/288,

- fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,

- rejeté comme irrecevables les demandes de M. [R],

- débouté Me [T] de sa demande reconventionnelle,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [R] aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.



Le 24 novembre 2020, M. [R] a formé une requête en omission de statuer et en rectification d'erreur matérielle à l'encontre de ce jugement.



Par jugement réputé contradictoire du 2 juin 2022, le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine a :

- rejeté la demande de M. [R] en rectification d'erreur matérielle du jugement rendu par le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine en date du 12 novembre 2020,

- rejeté la demande de M. [R] en rétractation du jugement rendu par le tribunal de proximité de Asnières-sur-Seine en date du 12 novembre 2020 portant sur la date de fin de mission de Me [T],





- rejeté la demande de M. [R] en rétractation du jugement rendu par le tribunal de proximité de Asnières-sur-Seine en date du 12 novembre 2020 portant sur l'irrecevabilité de l'action au visa d'une demande juridictionnelle présentée le 10 mars 2020,



- condamné M. [R] aux dépens.



Par déclaration reçue au greffe en date du 25 novembre 2022, M. [R] a relevé appel du jugement rendu le 12 novembre 2020 (RG 22/07070).



Par déclaration reçue au greffe en date du 25 novembre 2022, M. [R] a relevé appel du jugement rendu le 2 juin 2022 (RG 22/07067).



Aux termes de ses conclusions signifiées le 24 février 2023 dans le dossier RG 22/0770, M. [R], appelant, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine en ce qu'il a déclaré ses demandes irrecevables,

Statuant de nouveau,

- déclarer son action recevable ;

- condamner Me [T] à lui verser les sommes suivantes :

* 3 000 euros en réparation du préjudice moral lié aux fautes commises en raison de son abstention commise au titre de sa mission d'aide juridictionnelle n°2008/005471,

* 1 000 euros au titre de l'absence de déclaration du sinistre à son assurance de responsabilité civile,

* 2 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir un résultat favorable,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Me [T] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Abdelaziz Mimoun, avocat constitué.



Aux termes de ses conclusions signifiées le 27 février 2023 dans le dossier RG 22/07067, M. [R], appelant, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 2 juin 2022 par le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine en ce qu'il a :

* rejeté sa demande en rectification d'erreur matérielle du jugement rendu par le tribunal de proximité de Asnières-sur-Seine en date du 12 novembre 2020,

* rejeté sa demande en rétractation du jugement rendu par le tribunal de proximité de Asnières-sur-Seine en date du 12 novembre 2020 portant sur la date de fin de mission de Me [T],

* rejeté sa demande en rétractation du jugement rendu par le tribunal de proximité de Asnières-sur-Seine en date du 12 novembre 2020 portant sur l'irrecevabilité de l'action au visa d'une demande juridictionnelle présentée le 10 mars 2020,

Statuant de nouveau,

- rectifier le jugement du 12 novembre 2020 en ce qu'il est entaché de l'erreur matérielle suivante: « ... M. [R] a déposé des conclusions en réponse qu'il a exposées oralement. Sur la prescription soulevée par Me [T], il estime que le délai de prescription court à compter de la décision d'appel en date du 10 février 2015, confirmant la décision du bureau d'aide juridictionnelle rejetant sa demande...»

Et remplacer par :

« ...M. [R] a déposé des conclusions en réponse qu'il a exposées oralement. Sur la prescription soulevée par Me [T], il estime que le délai de prescription court à compter de la notification de la décision statuant sur la contestation, soit en l'état le 20 mars 2015... »,

- rétracter le jugement du 12 novembre 2020 en ce qu'il a statué sur la date de fin de mission de Me [T],

- rétracter le jugement du 12 novembre 2020 en ce qu'il a statué sur l'irrecevabilité de l'action au visa d'une demande d'aide juridictionnelle présentée le 10 mars 2020,

- débouter Me [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- ordonner la réouverture des débats,

- condamner l'Etat pris en la personne de l'agent judiciaire aux entiers dépens.



Aux termes de ses conclusions signifiées le 22 juin 2023 dans le dossier RG 22/0770, Me [T], intimée, demande à la cour de :

In limine litis et à titre principal,

- confirmer le jugement attaqué du 12 novembre 2020 rendu par le tribunal de proximité d'Asnières-Sur-Seine,

En conséquence,

- juger l'action en responsabilité civile professionnelle diligentée par M. [R] à son encontre comme étant prescrite,

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire,

- juger qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile professionnelle,

En conséquence,

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- juger que la procédure diligentée par M. [R] est abusive,

- condamner M. [R] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice qui en résulte,

- condamner M. [R] à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- juger que les sommes devront porter intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- ordonner la capitalisation des intérêts.



Aux termes de ses conclusions signifiées le 22 juin 2023 dans le dossier RG 22/07067, Me [T], intimée, demande à la cour de :

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement attaqué rendu le 2 juin 2022 par le tribunal de proximité d'Asnières-Sur-Seine,

- juger que la procédure diligentée par M. [R] est abusive,

- condamner M. [R] à verser à Me [T] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice qui en résulte,

- condamner M. [R] à verser à Me [T] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- juger que les sommes devront porter intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- ordonner la capitalisation des intérêts.



Dans les deux dossiers, la clôture de l'instruction a été prononcée le 21 septembre 2023.



Aux termes de conclusions aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture signifiées le 23 janvier 2024, M. [R] prie la cour de :

- ordonner la révocation de la clôture prononcée le 21 septembre 2023,

- renvoyer le dossier à la mise en état pour conclusions en réplique de l'appelant,

- réserver les dépens.



Aux termes de conclusions en réponse à la demande de révocation de la clôture signifiées le 24 janvier 2024, Me [T] demande à la cour de :

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- maintenir la date des plaidoiries au 30 janvier 2024,

- réserver les dépens.



Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la jonction



Dans un souci de bonne administration de la justice et sur le fondement de l'article 367 du code de procédure civile, la procédure n°22/07070 sera jointe à la procédure n°22/07067.







Sur la demande de révocation de la clôture



M. [R] demande à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2023 au motif que dans ses dernières conclusions, Me [T] a soulevé des moyens et fait état de demandes auxquels il n'a pas répondu alors qu'il était nécessaire de le faire, de sorte que l'instruction ne pouvait être considérée comme close. Il rappelle qu'en application de l'article 6 §1 de la CESDH, toute personne a droit à un procès équitable, de sorte qu'elle doit être mise en possibilité de répondre aux éléments de défense qu'on lui oppose, ce qui n'a pas été son cas.



Me [T] s'oppose à cette demande en relevant que M. [R] ne fait état d'aucune cause grave qui serait survenue depuis l'ordonnance de clôture.



Sur ce,



L'article 803 du même code prévoit que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.



En l'espèce, force est de constater que les arguments soulevés par M. [R] au soutien de sa demande de révocation sont survenus antérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture.



Par ailleurs, il apparaît que Me [T] a signifié ses dernières conclusions le 22 juin 2023 ; que la clôture a été prononcée le 21 septembre 2023, soit 3 mois après, ce qui permettait aisément à l'appelant de répondre aux prétentions et moyens soulevés par l'intimée et de conclure à nouveau sans qu'il puisse être reproché au conseiller de la mise en état de ne pas lui avoir enjoint de conclure. De surcroît, la cour relève que l'appelant ne s'est pas opposé à la clôture avant son prononcé et a formé sa demande de révocation plus de 3 mois après.



Dans ces conditions, aucune atteinte à son droit à un procès équitable n'est caractérisée.



Il convient en conséquence de débouter M. [R] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture.



Sur la recevabilité des demandes de rectification et de rétractation



Me [T] soutient à titre principal que la demande de rectification est irrecevable en ce que M. [R] a souhaité, par un moyen détourné, s'octroyer un degré de juridiction supplémentaire et un réexamen de son affaire par la même juridiction; et qu'il n'hésite pas à renouveler sa tentative infructueuse en cause d'appel.



M. [R] ne répond pas sur ce point.



Sur ce,



En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.



Etant relevé que Me [T] ne demande que le rejet des demandes de M. [R] dans le dispositif de ses conclusions et non leur irrecevabilité, la cour n'est pas saisie de cette demande laquelle, au surplus, n'apparaît pas fondée dans la mesure où il n'est pas établi que l'appelant, par le biais de ces demandes, a sollicité un nouvel examen de l'affaire par le premier juge.



Sur la demande de rectification d'erreur matérielle



M. [R] demande la rectification de l'erreur matérielle figurant dans le jugement du 12 novembre 2020 en ce qu'il y est mentionné qu'aux termes de ses conclusions en réponse, 'il estime que le délai de prescription court à compter de la décision d'appel en date du 10 février 2015" alors qu'il soutenait que les délais étaient interrompus jusqu'à la date de la notification de la décision statuant sur la contestation, à savoir le 20 mars 2015.



Il fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande du fait que seule la partie 'motifs' de la décision peut donner lieu à une rectification d'erreur matérielle et non celle relative à la retranscription des moyens alors que des erreurs matérielles figurant dans le rappel des faits, peuvent faire l'objet d'une rectification.



Il ajoute que cette erreur est susceptible de lui porter préjudice en cas d'appel en ce que la cour pourrait déclarer son action irrecevable au motif qu'il est soutenu que le délai de prescription débutait au 10 février 2015 et qu'elle a eu des conséquences préjudiciables en ce que le tribunal a retenu comme point de départ du délai de prescription la date du 15 septembre 2014.



Me [T] affirme que pour faire droit à une requête en rectification d'erreur matérielle, l'erreur doit avoir affecté le jugement de l'affaire, ce que M. [R] ne démontre pas. Elle soutient que malgré l'erreur figurant dans le rappel des faits, le premier juge n'a pas retenu cette date dans les motifs de sa décision, de sorte que cette erreur n'affecte en rien le jugement rendu. En outre, elle relève que pour retenir la prescription de l'action, le premier juge ne s'est fondé ni sur la date de la décision de la cour d'appel ni sur la date de la notification de celle-ci.



Sur ce,



L'article 642 du code de procédure civile dispose que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.



En l'espèce, dans l'exposé du litige du jugement rendu le 12 novembre 2020 (page 2), il est mentionné :



'A l'audience du 15 septembre 2020, M. [R] a déposé des conclusions en réponse qu'il a développées oralement. Sur la prescription soulevée par Me [T], il estime que le délai de prescription court à compter de la décision d'appel en date du 10 février 2015, confirmant la décision du bureau d'aide juridictionnelle rejetant sa demande.'



Or, M. [R] soutient avoir mentionné, dans ses conclusions en réponse, que 'En défense il est soutenu que la prescription visée à l'article 2225 du code civil a été interrompue jusqu'au 10 février 2015, date à laquelle la demande d'aide juridictionnelle a été définitivement rejetée.

Or, le c) de l'article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991, prévoit que les délais sus-évoqués, sont interrompus jusqu'à la date de la notification de la décision statuant sur la contestation, soit en l'état jusqu'au 20 mars 2015. »



Etant rappelé que l'erreur matérielle est celle que le dossier révèle, ce qui résulte en l'espèce de la divergence entre les moyens de M. [R] repris par le juge dans l'exposé du litige et les conclusions de ce dernier, il convient de faire droit à la requête en rectification d'erreur matérielle dans les conditions fixées au présent dispositif et ce quand bien même cette erreur n'a emporté aucune conséquence juridique puisque le premier juge ne s'est fondé ni sur la décision de la cour d'appel de Paris ni sur la date de sa notification pour juger l'action prescrite.



Le jugement déféré du 2 juin 2022 ayant rejeté cette demande sera donc infirmé de ce chef.



Sur les demandes en rétractation



* Au motif que le premier juge a statué sur la date de fin de mission de Me [T]



M. [R] fait valoir qu'en première instance, les parties divergeaient sur la date de la fin de la mission de Me [T] mais qu'elles s'accordaient sur le fait que le délai de 5 ans n'était pas expiré lorsqu'il a formé une demande d'aide juridictionnelle le 8 septembre 2014, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de débattre sur la date de fin de mission pour statuer sur la prescription.





Il ajoute qu'en outre, Me [T] avait seulement demandé à titre subsidiaire de constater qu'il l'avait déchargée de sa mission le 25 janvier 2010. Or, il soutient que le premier juge a malgré tout statué sur ce point dans son dispositif alors que les demandes de constater ne sont pas des prétentions. Il affirme qu'en conséquence, il s'est prononcé sur un point non demandé, raison de sa demande en rétractation.



Me [T] fait valoir que sa demande de constater était suivie de la demande relative à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [R] qu'elle soulevait, de sorte que le premier juge pouvait parfaitement statuer sur la demande qui lui était soumise puisqu'elle constituait une prétention au sens du code de procédure civile.



Sur ce,



L'article 5 du code de procédure civile dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.



En application de l'article 464 du code de procédure civile, le juge peut rétracter le jugement lorsqu'il s'est prononcé sur des choses non demandées ou s'il a été accordé plus qu'il n'a été demandé.



En l'espèce, il ressort du jugement rendu le 12 novembre 2020 que Me [T] a soulevé in limine litis la prescription de l'action de M. [R] en faisant notamment valoir à cette fin que sa mission avait pris fin le 25 janvier 2010, de sorte qu'il s'agissait d'un moyen et non d'une prétention et que ce point était dans les débats.



Afin de pouvoir statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le premier juge était tenu d'examiner cette question puisque l'article 2225 du code civil fait courir le délai de prescription de 5 ans à compter de cette fin de mission.



Enfin, il sera relevé que le premier juge n'a pas repris ce point dans le dispositif de sa décision dans lequel il s'est borné à statuer sur la recevabilité de la décision.



Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'est donc pas démontré que le premier juge a statué ultra petita et il convient de débouter M. [R] de sa demande en rétractation pour ce motif.



Le jugement du 2 juin 2022 sera ainsi confirmé de ce chef.



* Au motif que le premier juge a statué sur l'irrecevabilité de l'action au visa d'une demande d'aide juridictionnelle présentée le 10 mars 2020



M. [R] fait grief au premier juge de s'être prononcé sur sa deuxième demande d'aide juridictionnelle déposée le 10 mars 2020 en indiquant qu'elle avait le même objet que celle du 8 septembre 2014 et qu'elle n'était donc pas interruptive de prescription.



Or, il soutient que cet élément n'avait pas été évoqué par les parties à l'audience ni versé contradictoirement aux débats, le tribunal n'en ayant pris connaissance qu'au travers de la copie qui lui avait été adressée par le bureau d'aide juridictionnelle, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un fait adventice comme l'a retenu le premier juge pour rejeter sa demande en rétractation.



Il ajoute qu'en statuant ainsi, le jugement du 12 novembre 2020 s'est prononcé sur une chose non demandée et que par extension, il ne s'est pas prononcée sur celle demandée. Il sollicite en conséquence la rétractation du jugement sur l'irrecevabilité de l'action au visa de cette demande d'aide juridictionnelle et la réouverture des débats pour plaidoirie sur la recevabilité de l'action.



Me [T] fait valoir que la demande d'aide juridictionnelle présentée le 10 mars 2020 est un fait adventice en ce qu'il était nécessairement dans les débats bien que non invoqué par une partie, et ce d'autant plus qu'en l'espèce, ce fait a été évoqué par le juge dans la perspective de pouvoir bénéficier à M. [R] puisque susceptible de constituer une interruption de la prescription. Elle ajoute que cette question avait été débattue oralement et contradictoirement à l'audience.



Sur ce,



L'article 4 du code de procédure civile dispose que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.



En application de l'article 464 du code de procédure civile, le juge peut rétracter le jugement lorsqu'il s'est prononcé sur des choses non demandées ou s'il a été accordé plus qu'il n'a été demandé.



Cette rétractation concerne les chefs du dispositif par lesquels le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou s'il a été adjugé plus qu'il n'a été demandé.



En l'espèce, il apparaît que la seule prétention sur laquelle le premier juge a statué est celle de l'irrecevabilité de l'action en raison de la prescription sollicitée par Me [T] et qu'il n'a examiné la demande d'aide juridictionnelle formée par M. [R] le 10 mars 2020 qu'aux fins de statuer sur cette demande sans qu'il s'agisse ainsi de trancher une prétention.



Il ne saurait donc lui être reproché d'avoir statué ultra petita ni même infra petita, M. [R] n'explicitant pas en quoi le tribunal ne se serait pas prononcé sur la chose demandée par extension.



Il convient en conséquence de débouter l'appelant de sa demande en rétractation pour ce motif ainsi que de sa demande de réouverture des débats.



Le jugement du 2 juin 2022 sera ainsi confirmé de ce chef.



Sur la prescription



M. [R] fait grief au premier juge d'avoir considéré sa demande irrecevable car prescrite au motif que son action avait été introduite au-delà du délai de 5 ans prévu à l'article 2225 du code civil en faisant une analyse erronée du point de départ du délai de prescription, à savoir la fin de la mission de l'avocat. Il soutient que cette mission s'achève lorsque l'avocat a rempli son devoir de défense et que la juridiction a vidé sa saisine.



Il relève que sa demande de désignation d'un nouvel avocat auprès du bâtonnier par courrier du 25 janvier 2010 ne saurait constituer une fin de mission comme l'a retenu à tort le premier juge, la décision de décharge de Me [T] par le bâtonnier n'étant jamais intervenue. Il en déduit qu'elle était toujours tenue par sa mission de le défendre laquelle n'a donc jamais pris fin au sens juridique du terme et que le délai quinquennal de prescription n'a jamais commencé à courir.



Il soutient en outre que le délai de prescription a été interrompu le 8 septembre 2014, date de sa demande d'aide juridictionnelle ; que cette demande a été rejetée par la cour d'appel qui lui a notifié la décision le 20 mars 2015, de sorte que son délai pour agir expirait le 20 mars 2020 et que sa demande, introduite le 19 février 2020, est en conséquence recevable.



Me [T] soutient que la demande de M. [R] est prescrite en ce que le délai prévu par l'article 2225 du code civil a commencé à courir à compter du 25 janvier 2010, date à laquelle il l'a déchargée de sa mission et non pas au 8 avril 2010, date à laquelle elle lui a transmis l'arrêt de la chambre de l'instruction, de sorte qu'il avait jusqu'au 25 janvier 2015 pour engager sa responsabilité.



Elle ajoute que c'est la décision de rejet de la demande d'aide juridictionnelle du 10 février 2015 qui a un effet interruptif de prescription et non sa notification puisqu'elle n'est pas susceptible de recours, de sorte que M. [R] se devait d'agir avant le 10 février 2020. Elle ajoute qu'en application de l'article 38 alinéa 7 du décret du 19 décembre 1991, les délais ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet comme l'a justement souligné le premier juge.



Sur ce,



En application de l'article 2225 du code civil, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.



Il résulte de l'article 412 du code de procédure civile que la mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat l'obligation d'informer son client sur les voies de recours existant contre les décisions rendues à l'encontre de celui-ci.



L'article 13 du décret n 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat dispose que l'avocat conduit jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission.



Au visa de ces textes, la jurisprudence récente de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 14 juin 2023 pourvoi n°22-17.520) fait courir le délai de prescription de l'action en responsabilité contre un avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.



En l'espèce, Me [T] a été désignée le 29 septembre 2009 pour assister M. [R] dans le cadre de la procédure d'information judiciaire en sa qualité de partie civile.



Par courrier du 25 janvier 2010, M. [R] a effectivement demandé au bâtonnier de [Localité 6] de lui désigner un nouvel avocat. Pour autant, ce courrier n'a pas été adressé à Me [T] elle-même et le bâtonnier n'a pas procédé à la désignation d'un autre avocat, de sorte qu'il ne saurait caractériser la fin de sa mission et le point de départ du délai de prescription.



Par arrêt rendu le 9 avril 2010, la chambre de l'instruction de Paris a confirmé l'ordonnance disant n'y avoir lieu à informer rendue le 7 avril 2009 par le juge d'instruction.



La date d'expiration du délai de recours contre cet arrêt n'est pas précisée par les parties et les pièces versées aux débats ne permettent pas de la déterminer. Il ressort cependant du rapport produit par M. [R] (pièce 10) qu'il a formé un pourvoi en cassation le 26 avril 2010.



Il convient donc de retenir que le délai de prescription de son action a commencé à courir à compter de cette date, de sorte que M. [R] devait engager son action avant le 26 avril 2015.



En tout état de cause, la prescription a été interrompue par la demande d'aide juridictionnelle de M. [R] déposée le 8 septembre 2014.



L'article 38 du décret n°91-1266 portant application de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa version applicable à la date de sa demande d'aide juridictionnelle, à savoir celles issues du décret n°2007-1142 du 26 juillet 2007, prévoyait que lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré (...), l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter :

c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive.



Par ordonnance du 10 février 2015, la cour d'appel a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formée par M. [R], cette décision n'étant susceptible d'aucun recours en application de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.



Pour autant, cette décision, prononcée sans débat à une date qu'aucune disposition n'impose de porter préalablement à la connaissance de l'auteur du recours, ne peut être opposée à celui-ci qu'au jour où elle est portée à sa connaissance par sa notification prévue par les articles 50 et 60 du décret susvisé ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Civ. 2, 28 juin 2018, n°17-16.578).



Cette décision a été notifiée à M. [R] le 20 mars 2015 de sorte que ce dernier pouvait agir jusqu'au 20 mars 2020.



Son action engagée par assignation délivrée le 19 février 2020 n'est donc pas prescrite et doit être déclarée recevable.



Le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef.



Sur les demandes de dommages et intérêts de M. [R]



M. [R] soutient que Me [T] a manqué à ses devoirs de délicatesse, d'assistance, de représentation et d'information au titre de l'aide juridictionnelle n°2008/5471 en n'effectuant aucune diligence en méconnaissance des principes régissant la profession d'avocat.



Il fait valoir qu'il a été placé dans l'incapacité de faire valoir ses droits et s'est retrouvé dans une situation de profond désarroi; qu'en l'absence de déclaration de sinistre auprès de son assureur, Me [T] a manqué à son devoir de délicatesse, ce qui l'a privé d'une chance avérée d'obtenir le règlement amiable du litige et qu'en raison de ses défaillances, il a perdu une chance importante de voir les faits dénoncés faire l'objet d'une information judiciaire et probablement poursuivis et affirme que cette perte de chance a perduré après l'instance pénale.



Me [T] réplique qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile professionnelle.



Elle soutient que la cour n'est pas compétente pour statuer sur des manquements déontologiques commis par un avocat dans l'exercice de ses fonctions, ce qui relève de la compétence exclusive du bâtonnier et qu'elle ne peut donc examiner les prétendus manquements à ses devoirs de conseil, d'information, d'assistance, de diligence et de délicatesse prétendument invoqués par M. [R].



Elle relève que sa désignation concernait uniquement la procédure d'instruction devant le juge d'instruction de Bobigny et non l'assistance de M. [R] devant la cour d'appel et qu'il aurait dû demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour être assisté par un avocat devant la chambre de l'instruction.



Elle soutient en outre que M. [R] avait fait le choix de la décharger et qu'il ne peut donc lui reprocher de ne pas l'avoir assisté lors de l'audience du 19 mars 2010 puisque bien que désignée à l'aide juridictionnelle, elle ne pouvait aller à l'encontre du principe du libre choix de l'avocat par son client. Elle ajoute qu'en vertu de l'adage selon lequel 'nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude', il ne peut donc venir lui reprocher un quelconque manquement.



Elle ajoute que M. [R] n'apporte pas la preuve d'une faute, ni d'un préjudice et par conséquent d'un lien de causalité et encore moins l'existence d'une perte de chance quelconque dès lors qu'il n'y avait aucune chance que la décision de non-lieu soit cassée en appel.



Sur ce,



En application de l'article 90 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 dans sa version applicable au jour de la demande d'aide juridictionnelle, la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale est déterminée en fonction du produit de l'unité de valeur prévue par la loi de finances (UV) et des coefficients ci-après :

VI. Partie civile:

I-VI. 5. Assistance d'une partie civile pour une instruction correctionnelle (2)

(2) Une seule contribution est due pour l'assistance de la partie lors de l'ensemble de la phase procédurale visée, que la chambre de l'instruction ait été ou non saisie.



En l'espèce, il ressort de la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 juillet 2008 que M. [R] a obtenu l'aide juridictionnelle dans le cadre de la procédure suivante: 'assistance d'une partie civile pour une instruction correctionnelle JI devant le juge d'instruction de Meaux'.



Me [T] a été désignée en remplacement de précédents confrères le 29 septembre 2009.



Il apparaît ainsi que l'intimée était tenue d'assister M. [R] en sa qualité de partie civile durant toute la durée de l'information judiciaire, y compris en cas de saisine de la chambre de l'instruction, de sorte qu'elle ne peut soutenir qu'elle n'était pas désignée pour l'assister devant cette juridiction. La cour relève en outre qu'elle lui a adressé l'arrêt rendu le 8 avril 2009 sans faire état d'une quelconque difficulté dans sa désignation.





Par ailleurs, en application de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1991, l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle est tenu de prêter son concours tant qu'il ne justifie pas avoir été valablement déchargé de sa mission (Civ. 1ère, 16 janvier 2013, n°12-12.647).



En l'espèce, Me [T] soutient avoir été déchargée de sa mission par M. [R] en raison du courrier qu'il a adressé au bâtonnier de [Localité 6] le 25 janvier 2010 dans lequel il lui demande la désignation d'un autre avocat au motif que Me [T] refuse implicitement de l'assister en ne répondant pas à son nouveau courrier, étant relevé qu'il lui en avait déjà adressé deux précédents pour lui faire part de son impossibilité de la contacter.



Pour autant, Me [T] ne pouvait être valablement déchargée de sa mission sans qu'une nouvelle décision du bâtonnier fût prise afin de désigner un autre avocat. Au cas d'espèce, ce dernier a seulement indiqué à M. [R], par courrier du 8 février 2010, qu'il allait demander à Me [T] ses observations avant de revenir vers lui, sans qu'il soit justifié d'une nouvelle désignation.



Il appartenait ainsi à Me [T] de poursuivre sa mission d'assistance vis-à-vis de M. [R] dans le cadre de cette procédure et notamment devant la chambre de l'instruction quand bien même celui-ci avait manifesté sa volonté de changer d'avocat en raison des difficultés rencontrées avec elle.



Il résulte des dispositions des articles 1146 et suivants du code civil alors applicables, que la responsabilité de l' avocat doit être examinée au regard de l'obligation qui pèse sur celui-ci d'accomplir toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client.



Il est rappelé à cet égard qu'en application des articles 411 et 412 du code de procédure civile, l' avocat est soumis à une obligation de diligence et doit veiller à la défense des intérêts de son client en mettant en oeuvre les moyens adéquats et à une obligation de compétence pour conseiller utilement son client et présenter sa défense, sans qu'il s'agisse de manquements disciplinaires relevant de la seule compétence du bâtonnier.



En l'espèce, il résulte des pièces du dossier et notamment des courriers adressés par M. [R] au bâtonnier que ce dernier n'a pas réussi à joindre Me [T] sans que cette celle-ci justifie par ailleurs de diligences faites auprès de son client qui a dû, de ce fait, solliciter à trois reprises un renvoi devant la chambre de l'instruction laquelle a rejeté sa dernière demande. Il n'est par ailleurs pas contesté que Me [T] n'a pas déposé de mémoire devant cette juridiction et qu'elle ne s'est pas présentée à l'audience pour assister son client qui n'a pas eu accès au dossier d'instruction.



Cette carence de Me [T] et l'absence de tout conseil et de toute démarche de sa part envers M. [R] en découlant constituent incontestablement une faute professionnelle.



Cependant, afin que sa responsabilité soit engagée, il appartient à M. [R] de démontrer, outre la faute de son conseil, un préjudice réparable imputable à ce fait générateur.



En l'espèce, cette carence de Me [T], malgré plusieurs diligences faites par M. [R] tant auprès d'elle et que de son bâtonnier, alors qu'une audience était programmée devant la chambre de l'instruction et que plusieurs renvois lui avaient déjà été accordés afin qu'il puisse être assisté de son conseil, lui a nécessairement causé un préjudice moral en raison des soucis, tracas et diverses démarches qu'il a dû réaliser en raison de l'inertie de Me [T] (courriers à la juridiction, à son avocat, au bâtonnier, réalisation d'un mémoire...).



Ce préjudice sera intégralement réparé par l'octroi d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.



M. [R] invoque par ailleurs un préjudice résultant de la perte de chance.



Il lui appartient de justifier d'un préjudice direct et certain résultant de la perte d'une chance raisonnable de succès de ses prétentions.



En l'occurrence, il résulte de la décision de la cour d'appel de Paris que M. [R] a régulièrement déposé un mémoire devant cette juridiction laquelle a donc répondu aux arguments qu'il a soulevés. Il convient de relever que M. [R] ne produit pas ce mémoire, ne permettant pas à la cour de connaître les arguments qu'il a développés devant la chambre de l'instruction.



En tout état de cause, il fait valoir que Me [T] avait des chances importantes d'obtenir l'infirmation de l'ordonnance de refus d'informer :



- en soulevant que la précédente information judiciaire était étrangère à sa plainte du 12 décembre 2018 qui vise un seul procès-verbal. Il apparaît cependant que la cour d'appel a répondu à ce moyen en relevant que 'la partie civile, par sa nouvelle plainte, tend à remettre en cause les procès-verbaux dont la valeur probante a déjà été soumise à l'appréciation de la chambre de l'instruction lors d'une précédente procédure, clôturée par une ordonnance de non-lieu devenue définitive; que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cette décision constitue une cause affectant l'action publique elle-même, le caractère définitif du non-lieu rendant impossible toute nouvelle poursuite fondée sur les mêmes faits'.



Il convient de rappeler que dans M. [R] avait déposé plainte pour faux concernant des attestations produites dans le cadre d'une action en troubles du voisinage laquelle avait donné lieu à une information judiciaire qui s'est terminée par un non-lieu en juin 1996. Une information a par la suite été ouverte des chefs d'escroquerie au jugement laquelle s'est clôturée par une ordonnance de non-lieu du 16 juin 2008 confirmée par arrêt de la cour d'appel du 19 novembre 2008 dont le pourvoi a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 7 octobre 2009.



Le procès-verbal contesté dans la nouvelle plainte de M. [R] a été rédigé dans le cadre de cette précédente information judiciaire, ce dernier faisant grief à l'OPJ l'ayant rédigé d'avoir résumé la teneur des auditions auxquelles il avait procédé de manière si erronée qu'il en avait détourné le sens et que ces erreurs avaient été reprises par le procureur de la République et le juge d'instruction de Meaux dans leurs réquisitions et ordonnances de non-lieu.



Il apparaît ainsi que si cette nouvelle plainte ne concerne que ce procès-verbal, elle ne vise in fine qu'à remettre en cause les attestations visées dans la précédente information judiciaire s'étant achevée par un non-lieu devenu définitif comme l'ont relevé le juge d'instruction et la cour d'appel dans son arrêt du 9 avril 2010 contre lequel M. [R] a formé un pourvoi rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2011.



- en relevant qu'il a déposé sa plainte avant d'avoir eu connaissance de l'arrêt visé dans la décision qui lui a été notifiée le 30 décembre 2008 de sorte que cette plainte ne pouvait remettre en cause cette décision qui n'était pas définitive au 7 avril 2009.



Le fait que le caractère définitif de ce non-lieu soit intervenu après son dépôt de plainte et l'ordonnance du juge d'instruction mais antérieurement à l'arrêt de la chambre de l'instruction n'est pas de nature à modifier l'analyse de cette juridiction ni à caractériser une perte de chance pour M. [R] de voir infirmer la décision du juge d'instruction.



- en soutenant la nullité de l'ordonnance comme violant les droits à un recours effectif et à un tribunal impartial de son client qui dès le dépôt de sa plainte avait demandé sa délocalisation alors qu'elle a été rendue sur réquisitions du procureur de la République utilisateur de l'acte visé par la plainte. Cependant, force est de constater que la chambre de l'instruction a répondu sur ce moyen qu'elle a rejeté, de sorte qu'aucune perte de chance n'est démontrée.



Ainsi, M. [R] ne démontre pas une perte de chance de voir les faits dénoncés faire l'objet d'une information judiciaire et encore moins de les voir poursuivis.



Il fait enfin valoir que cette perte de chance a continué après l'instance pénale puisque privé d'accès au dossier, il n'a pu exercer ses droits civils à l'encontre de l'auteur du procès-verbal incriminé.



Etant relevé que la perte de chance s'entend de celle relative au procès pour lequel l'avocat était tenu d'assister son client, et que M. [R] n'établit pas en quoi il aurait été privé d'exercer une action civile à l'encontre de l'OPJ ayant dressé le procès-verbal litigieux dont il avait connaissance, la perte de chance invoquée ne sera pas retenue.



M. [R] ne démontre donc pas le préjudice résultant d'une perte de chance. Il convient de le débouter de sa demande à ce titre.



Enfin, le fait que Me [T] n'ait pas déclaré le sinistre serait, selon M. [R], un manquement à son devoir de délicatesse, soit une faute disciplinaire qui ne relève donc pas de la compétence des juridictions judiciaires. Au surplus, il n'établit pas en quoi cette absence de déclaration l'aurait privé d'une chance de règlement amiable de ce conflit.



M. [R] sera, par suite, débouté de sa demande en paiement de la somme de 1 000 euros.



Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive



Me [T] demande la condamnation de M. [R] à lui verser la somme de 5 000 euros pour procédure abusive.



Sur ce,



Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil que l'action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus qu'en cas de faute.



En l'espèce, compte tenu du sens du présent arrêt ayant partiellement fait droit aux demandes de M. [R], il ne saurait lui être reproché d'avoir engagé une procédure abusive à l'encontre de Me [T] qui sera en conséquence déboutée de ses demandes de dommages et intérêts.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Me [T], qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens d'appel, étant relevé que M. [R] ne demande pas l'infirmation du chef des jugements déférés relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.



Elle sera condamnée à verser à M. [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,



Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 22/07067 et RG 22/07070 et dit que l'instance sera poursuivie sous le numéro RG 22/07067 ;



Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par M. [R] ;



Confirme le jugement rendu le 2 juin 2022 par le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] en rectification d'erreur matérielle du jugement rendu le 12 novembre 2020 ;



Statuant de nouveau de ce seul chef,



Ordonne la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal de proximité d'Asnières-Sur-Seine (RG 11-20-001550) en ce sens qu'il y a lieu de remplacer en page 2:



'M. [R] a déposé des conclusions en réponse qu'il a exposées oralement. Sur la prescription soulevée par, il estime que le délai de prescription court à compter de la décision d'appel en date du 10 février 2015, confirmant la décision du bureau d'aide juridictionnelle rejetant sa demande...»



par les éléments suivants :



« M. [R] a déposé des conclusions en réponse qu'il a exposées oralement. Sur la prescription soulevée par Me [T], il estime que le délai de prescription court à compter de la notification de la décision statuant sur la contestation, soit en l'état le 20 mars 2015... »,



Dit que le dispositif du présent arrêt sera porté en suite ou en marge du jugement rectifié et qu'il ne pourra être délivré copie ou expédition de ce jugement qu'avec mention du présent arrêt ;



Infirme le jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine en ce qu'il a fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et rejeté comme irrecevables les demandes de M. [R] ;



Statuant à nouveau de ce seuls chef,



Déclare l'action diligentée par M. [R] recevable ;



Y ajoutant,



Condamne Me [O] [T] à verser à M. [M] [R] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;



Déboute M. [R] du surplus de ses demandes de dommages et intérêts ;



Déboute Me [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive;



Rejette toute autre demande ;



Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions dévolues à la cour ;



Condamne Me [O] [T] à payer à M. [M] [R] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Rappelle qu'en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, si l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat ;



Condamne Me [O] [T] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle et à celles de l'article 699 du code de procédure civile avec distraction au profit de Me Mimoun, avocat qui en a fait la demande.





- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Julie FRIDEY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier, Le président,

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