22 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/00165

Pôle 1 - Chambre 9

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ORDONNANCE DU 22 AVRIL 2024

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° 161 , 4 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00165 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHJZQ





NOUS, Stéphanie GARGOULLAUD, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Stefanie VERSTRAETEN, greffier, présent lors des débats et de la mise à disposition de l'ordonnance.





Vu le recours formé par :





SELARLU [O] [W]

Avocat

[Adresse 3]

[Localité 4]



Non comparante,

Représentée par Me Adèle GIGLI, avocat au barreau de PARIS, toque : C272



Demanderesse au recours,



contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :





Monsieur [H] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Non comparant,

Représenté par Me Gautier GISSEROT, avocat au barreau de PARIS, toque : A218



Défendeur au recours,





Par décision contradictoire, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 12 Février 2024 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,



L'affaire a été mise en délibéré au 22 Avril 2024 :



Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;





***





Faits et procédure



Vu le recours formé par la SELARLU [O] [W] auprès du premier président de cette cour par lettre recommandée avec accusé réception enregistrée par le greffe le 21 mars 2023 à l'encontre de la décision rendue le 3 mars 2023, par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris qui, saisi par M. [H] [I], a dit que la SELARLU [O] [W] doit restituer à M. [H] [I] la somme de 6 000 € HT avec intérêt au taux légal à compter de cette décision du Bâtonnier, outre les frais de signification s'il y a lieu.




Les parties ont été convoquées à l'audience du 12 février 2024.



Entendues à l'audience du 12 février 2024 :



La SELARLU [O] [W], représentée par Me [V] [T] qui conteste la décision de la Bâtonnière en ce qu'elle a ordonné la restitution des 6000 euros HT. Elle considère que la mission a été exécutée et menée à son terme et qu'il a été communiqué un certain nombre de diligences, contestées certes mais effectives, avec une liste de rendez-vous intervenus à Libreville. La spécification du taux horaire de Me Dumont est justifiée par son expérience, 40 années au barreau de Paris.



Elle sollicite en conséquence l'infirmation intégrale de la décision critiquée et la fixation des honoraires à hauteur de 6 000 euros, en constatant que cette somme a été réglée.

Elle demande en outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.





M. [H] [I] , représenté par Me [K] [L], qui relève qu'il s'agit d'un dossier qui met mal à l'aise. M. [I] a saisi Me [W] par mail pour obtenir les statuts d'une société dont le siège serait au Gabon et ainsi débloquer la succession de son père. Me [W] a accepté cette mission et a poussé M. [I] à agir et saisir son cabinet. Il y a dans ce sens un mail retenu par le bâtonnier.

Il relève qu'il est exact que des honoraires ont été sollicités et obtenus pour 6000 euros HT. S'en sont suivi des échanges de mails concernant ces honoraires où Me Dumont rappelle à quel point M. [I] devrait être ravi qu'elle accepte d'intervenir pour son compte. Il relève la mention de diligences pour le moins curieuses. M. [I] lui demande si elle est toujours l'avocate de M. [J], car ce serait problématique pour la procédure, Me Dumont répond qu'elle n'est plus l'avocate de M. [J]. L'objectif était d'obtenir les statut d'une société, ce que le délégué du bâtonnier a trouvé immédiatement sur internet, un site permettant d'obtenir les statuts de la société, la difficulté de l'affaire paraît donc réduite. Les diligences effectuées sont nulles à cet égard. A part les mails dans lesquels elle indique qu'elle va rencontrer le procureur de la République du Gabon, il n'y a pas de rapport, pas de travail de recherche. Pour les frais, elle dit qu'elle n'a pas facturé les billets d'avion et de déplacement, cependant il n'existe aucune pièce pour vérifier de l'effectivité de ces déplacements pour aller voir le procureur de la République du Gabon qui est un ami intime de Me [W]. On nous dit que M. [I] a mis fin à la mission dès que le résultat a été obtenu sans préciser de quel résultat il s'agit. M. [I] a mis fin à la mission car en 18 mois rien ne s'était passé. Me Dumont n'a pas pris en considération la situation financière de M. [I], qui est travailleur handicapé (AAH). Son avocat intervient au titre de son assistance juridique. La décision de première instance et les 1500 euros HT d'exécution provisoire n'ont pas été exécutés spontanément. Il n'a pas sollicité l'exécution judiciaire car il était très inquiet.



Il demande en conséquence :

- la confirmation de la décision du bâtonnier ;

- la condamnation de La SELARLU [O] [W] à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





La décision a été mise en délibéré au 22 avril 2024.




SUR CE,



1. Sur la demande de fixation d'honoraires



En premier lieu, il est rappelé qu'en application de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. L'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.



Le défaut de signature d'une convention ne prive pas l'avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. Pour autant, il appartient à l'avocat de rapporter la preuve de l'existence d'un accord sur le principe d'un honoraire, étant précisé que la seule exécution partielle (le paiement d'une facture) ne suffit pas en soi à établir la preuve de la convention.



Dans ce contexte, si le paiement des honoraires avant service rendu ne fait pas fait obstacle à la fixation des honoraires par le juge, en revanche, le paiement des honoraires sans contestation constitue la preuve de cette acceptation à hauteur de ce qui a été payé et il n'appartient pas au Bâtonnier ou au premier président de réduire le montant des honoraires dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d'une convention (2e Civ., 18 septembre 2003, pourvoi n° 01-16.013, publié, 2e Civ., 30 mars 2023, pourvoi n° 21-22.198).



Toutefois, la règle selon laquelle, le client qui a librement payé les honoraires d'avocat après service rendu ne peut plus les contester, ne s'applique que lorsque le paiement est effectué en toute connaissance de cause (2e Civ., 10 novembre 2021, pourvoi n° 19-26.183).



En l'espèce, en l'absence de convention d'honoraires signée entre La SELARLU [O] [W] et M. [H] [I], il y a lieu de se reporter aux éléments du dossier susceptible d'établir l'accord de volonté des parties. Les pièces du dossier établissent, ainsi que l'a retenu le Bâtonnier, que la saisine de l'avocat est intervenue fin juillet 2021, à l'occasion de la succession du père de M. [I], celui-ci recherchant les statuts de la société Magamad, afin de retracer les mouvements de titres. Un entretien téléphonique a eu lieu entre les parties le 2 août 2021 et, le 6 août 2021, après avoir adressé à Maître [W] l'ensemble des pièces en sa possession, par courriels des 31 juillet et 2 août 2021, M. [I] a fait savoir à cette dernière que le budget maximum qu'il pouvait affecter aux honoraires de son avocate était de 6000 €. C'est le montant des honoraires que Maître [W] a proposé de fixer par Courriels du 4 août 2021. Le 5 août 2021, Maître [W] lui a écrit pour confier que la somme forfaitaire de 6000 € couvrait l'intégralité de ses " actions, en termes de démarche, recherches et procédures. " Il lui a fait parvenir par virement le 6 août 2021 la somme de 6000 €, l'avocate s'engageant à faire le nécessaire.



Or, ainsi que le relève encore le Bâtonnier, depuis le 6 août 2021, Maître [W], qui n'a entamé aucune procédure, s'est contentée d'alléguer de nombreuses démarches auprès du procureur de la République ou d'administrations sans que rien, dans le dossier produit à ce jour, n'établisse qu'il s'agirait de diligences effectives et nécessaires à sa mission.



Ainsi, en considération de l'ensemble des pièces du dossier, il n'est pas rapporté la preuve d'un résultat effectif et tangible permettant une évaluation des diligences accomplies.



S'agissant des diligences, il y a donc lieu d'adopter les motifs retenus par le Bâtonnier, qui privent d'effet les développements relatifs à la difficulté de l'affaire, aux frais exposés par l'avocat ou à sa notoriété.



Ainsi, au regard des pièces du dossier, il convient confirmer sa décision.



2. Sur les autres demandes



La solution de l'affaire eu égard à l'équité commande de rejeter la demande au titre des frais irrépétibles présentée par la SELARLU [O] [W] et de la condamner à payer 1 500 euros à M. [I] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.







PAR CES MOTIFS



La déléguée du premier président, statuant en dernier ressort, publiquement, par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,



Confirme la décision déférée,



Condamne la SELARLU [O] [W] à payer 1 500 (mille cinq cents) euros à M. [I] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Rejette le surplus des demandes,



Dit que les dépens seront pris en charge par la SELARLU [O] [W] ,



Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.





LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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