18 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 20/04303

Chambre 3-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/80













N° RG 20/04303 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZAZ







Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY





C/



S.A.S. ROBERT ARNAL ET FILS

S.A.S.U. SEAYARD









Copie exécutoire délivrée

le :

à :







Me Edward TIERNY



Me Valérie COHEN VAN HERPEN





Me Laetitia RAVIER











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 28 Février 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2017F01216.



APPELANTE



Société MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY

Domiciliée chez son agent MSC MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY FRANCE SA, [Adresse 3] à [Localité 5], en son établissement sis CHCI dont le siège social est sis : [Adresse 2] à [Localité 6], Représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit établissement Elisant domicile au cabinet de son avocat constitué Me TIERNY de la SELARL HENRY TIERNY AVOCATS ASSOCIES demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Edward TIERNY de la SELARL HENRY TIERNY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Fabrice LEMARIE de la SELARL MARGUET & LEMARIE, avocat au barreau du HAVRE, substitué par Maître PONCIN , avocat au barreau de ,

Plaidant







INTIMEES



S.A.S. ROBERT ARNAL ET FILS La Société ROBERT ARNAL ET FILS, représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité au dit siège dont le siège social est sis : [Adresse 4]

représentée par Me Valérie COHEN VAN HERPEN, avocat au barreau de PARIS,

Plaidant



S.A.S.U. SEAYARD

dont le siège social est sis : [Adresse 9]/FRANCE

représentée par Me Laetitia RAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE,

Plaidant







*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, Présidente supplèante, et Madame Marie-VINCENT, Conseillère, chargés du rapport.



Madame Stéphanie COMBRIE, conseillère, présidente supplèante, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ces magistrats a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère



Greffier lors des débats : Mme Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.







ARRÊT



contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024



Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Mme Marielle JAMET,, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***





























































EXPOSE DU LITIGE





La société Somags a confié à la société Rhodanienne de Transit le groupage et l'expédition de diverses denrées en provenance de France dans un conteneur frigorifique (« reefer ») depuis ses entrepôts jusqu'à [Localité 8], Ile Maurice.



Pour ce faire, la société Rhodanienne de Transit a sollicité la mise à disposition auprès de la société Mediterranean Shipping Company (ci-après société MSC), compagnie maritime, la mise à disposition d'un conteneur à température de +2°/+4° C, et son acheminement au départ de [Localité 7] pour la date du 17 mai 2016.



Le 12 mai 2016 le conteneur, après empotage, a été transporté au terminal de [Localité 7] où il a été réceptionné par la société Seayard, manutentionnaire de la société MSC.



Le lendemain, un système d'alarme s'est déclenché en l'état des fuites de gaz constatées sur le conteneur, provoquant l'intervention de la société Robert Arnal et Fils, société de maintenance des conteneurs. La société MSC a alors suspendu l'embarquement du conteneur.



Le 18 mai, celui-ci a été dépoté et une expertise a été effectuée les 18 et 25 mai 2016, attestant que la température avait oscillé entre +10°C et +15°C entre le 12 mai et le 15 mai, pour revenir à +4°C. La marchandise a été détruite à l'exception d'un lot de dattes.



Les 11 et 12 mai 2018 les sociétés d'assurance Axa et Generali, subrogées dans les droits de la société Somags, ont assigné la société Rhodanienne de Transit et la société MSC devant le tribunal de commerce de Marseille en remboursement de la somme principale de 46 970,92 euros au titre de la marchandise détruite.



Dans le cadre de l'instance, la société Rhodanienne de Transit a appelé en garantie la société MSC et cette dernière a appelé en garantie les sociétés Seayard et Robert Arnal et Fils.



Par jugement en date du 28 février 2020 le tribunal de commerce de Marseille a :



- déclaré recevable l'action des assureurs : la société Axa Corporate Solutions Assurances SA et la société Generali Iard.

- condamné la société Mediterranean Shipping Company à payer à la société Axa Corporate Solutions Assurances AXA SA et la société Generali Iard, la somme de 46.970,92€, en principal, avec intérêts au taux légal, à compter de l'assignation introductive d'instance ;

- ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil ;

- débouté la société Axa Corporate Solutions Assurances SA et la société Generali Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions diligentées à l'encontre de la société Rhodanienne de Transit.

- constaté que l'appel en garantie diligenté par la société Rhodanienne de Transit à l'encontre de la société Mediterranean Shipping Company est sans objet ;

- débouté la société Mediterranean Shipping Company de son appel en garantie diligenté à l'encontre de la société Robert Arnal et Fils et de la société Seayard ;

- condamné la société Mediterranean Shipping Company à payer à :

- la société Axa Corporate Solutions Assurances SA et la société Generali Iard la somme de 3000€ ;

- la société Rhodanienne de Transit la somme de 2000€ ;

- la société Robert Arnal et Fils la somme de 1500€ ;

- la société Seayard la somme de 1500€ ;



Au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.



--------



Par acte du 25 mars 2020 la société MSC a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de son appel en garantie à l'encontre des sociétés Seayard et Robert Arnal et l'a condamnée à leur payer une indemnité au titre des frais irrépétibles.



--------



Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 27 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société MSC, société de droit suisse, demande à la cour de :



Recevoir la société MSC en son appel,



Le juger bien fondé,



Réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 28 février 2020 en ce qu'il l'a déboutée de son appel en garantie contre Arnal et Seayard et l'a condamnée à leur payer à chacune une indemnité pour frais irrépétibles d'un montant de 1500 Euros et les dépens.



Et, statuant à nouveau,



Vu les articles L 5422-21 et suivants du Code des transports,

Vu les articles 1103 et 1231 du Code Civil,



Juger que la société Robert Arnal & Fils est tenue d'une présomption de faute et de lien causal qu'elle ne lève pas ;



Juger que les fautes commises par les sociétés Seayard et Robert Arnal & Fils ont causé, sinon contribué aux avaries souffertes par les marchandises empotées dans le conteneur reefer n° CRLU 313.606/0 ;



Condamner conjointement et solidairement les sociétés Seayard et Robert Arnal & Fils, sinon l'une plutôt que l'autre, à relever et garantir la société MSC indemne des condamnations prononcées à son encontre et au bénéfice des sociétés Axa, Generali et RDT par jugement du Tribunal de Commerce de Marseille le 28 février 2020 en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens ;



Débouter les sociétés Seayard et Robert Arnal & Fils de leurs demandes, fins et conclusions ;



Condamner les sociétés Seayard et Robert Arnal & Fils, sinon l'une plutôt que l'autre, à payer à la société MSC une indemnité de 5.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Cpc ;



Condamner les sociétés Seayard et Robert Arnal & Fils, sinon l'une plutôt que l'autre, aux dépens de première instance et d'appel.





A l'égard de la société Seayard, la société MSC fait valoir, au soutien de son appel, que le manutentionnaire peut voir sa responsabilité engagée s'il est prouvé qu'il a commis une faute ayant causé ou contribué au dommage, sinon à son aggravation, et en l'espèce, elle fait grief à la société Seayard de n'avoir pas vérifié la température du conteneur à son arrivée au terminal puisque si cette vérification avait été faite elle aurait pu constater que la température, au-lieu d'être à +2° était en réalité, déjà au-dessus, comme en atteste le rapport d'expertise.

A l'égard de la société Robert Arnal, la société MSC soutient que celle-ci, même en l'absence de contrat écrit, était bien chargée d'une mission de contrôle, de maintenance et de réparation des conteneurs et répond, au visa de l'article 1231-1 du code civil, d'une obligation de résultat. Elle souligne que la société Robert Arnal a ainsi attendu près de 48 h pour effectuer la recharge en gaz alors que si cette recharge avait été faite dès le 13 mai, le conteneur aurait produit une température adéquate, et c'est précisément ce qui s'est produit après son intervention du 15 mai, mais la dégradation des marchandises était déjà inéluctable.



--------



Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 05 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Seayard (SASU) demande à la cour de :



Vu les articles L5422-19, L5422-21 et L5422-22 du Code des Transports,

Vu les pièces versées au débat,



A titre principal,



Constater que c'est la société MSC, en charge du transport maritime, qui a fourni le conteneur n° CRLU 313 606/0.



Constater que diverses denrées alimentaires ont été empotées dans ce conteneur pour le compte de la société Vindemia.



Constater que ces marchandises devaient voyager sous température requise de +2°C-+4°C



Constater que la société Seayard a réceptionné ce conteneur sur son terminal le 12 mai 2016 à 18h44.



Constater que dès le lendemain, le 13 mai 2016, l'entreprise de manutention signalait, par mail adressé aux sociétés MSC et Robert Arnal et Fils, à 10h45, le dysfonctionnement du conteneur.



Constater qu'après une première intervention, la société Robert Arnal et Fils a indiqué qu'il était impossible de réparer le conteneur en l'état d'une fuite inaccessible.



Constater que de multiples interventions de la société Robert Arnal Et Fils ont été nécessaires pour réparer le conteneur.



Constater que ce n'est que le 16 mai 2016, que la société MSC demandera à la société Seayard de retirer le conteneur du quai.



Constater que selon les conclusions des experts, les avaries constatées sur les marchandises, consécutives à une remontée des températures à l'intérieur du conteneur, est dû à un dysfonctionnement de celui-ci.



Constater qu'en dépit de ces conclusions qui exonèrent pourtant la société Seayard de toute responsabilité, la société MSC recherche la garantie de son préposé, au motif prétendu que l'entrepreneur de manutention n'aurait pas procédé à une juste reconnaissance du conteneur, et ne l'aurait pas maintenu branché.



Constater que l'expert mandaté par la société Seayard précise qu'en l'état des défaillances constatées du conteneur, le brancher aurait entraîné un apport en calories supplémentaires au sein du conteneur, avec, pour conséquence d'aggraver les avaries.



Constater qu'ainsi et en tout état de cause, l'absence de branchement, en suite de l'intervention de la société Robert Arnal et Fils, ne saurait en aucun cas être reprochée à la société Seayard, étant précisé que le débranchement du conteneur en cas défaillance de celui-ci, est fréquente.



Constater que la société Seayard peut s'exonérer de toute responsabilité en l'état d'un fait qui lui est non imputable.



En conséquence,



Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille en toutes ses dispositions.



Débouter la société MSC de son appel en garantie diligenté contre la société Seayard comme mal fondé.



En tout état de cause,



Condamner la société MSC à payer la somme de 7.500 € à la société Seayard en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.



La société Seayard réplique que sa mise hors de cause s'impose dès lors que la société MSC est seule responsable des avaries constatées pour avoir mis à disposition un conteneur défaillant et est dans l'incapacité de démontrer une quelconque faute qui lui serait imputable.

La société Seayard souligne ainsi qu'aucune constatation utile ne pouvait être faite à l'arrivée du conteneur dès lors que le camion ne disposait pas de générateur à bord, ce qui est l'usage sur ce type de trajet (inférieur à 80 kms), et que le branchement ne se fait qu'une fois le chauffeur parti.

Elle ajoute que l'expert L'Ecotais confirme en tout état de cause que le branchement d'un conteneur sans gaz réfrigérant n'aurait eu pour conséquence que d'aggraver les avaries à la marchandise, et elle dénonce le comportement de la société MSC qui a attendu quatre jours après la survenance du défaut de réfrigération pour dépoter la marchandise, bien qu'informée de la défaillance du conteneur moins de 24 heures après sa réception à quai.



-------



Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 3 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Robert Arnal & Fils (SAS) demande à la cour de :



Vu les pièces versées aux débats,



Juger l'appel de la société Mediterranean Shipping Company mal fondé en tant que dirigé contre la société Arnal,



Juger que le rapport Experitia n'est pas opposable à la société Arnal,



Juger que la société MSC ne rapporte pas la preuve de l'obligation de la société Arnal à son égard,



Juger que la société MSC ne démontre pas avoir confié à la société Arnal la maintenance de containers reefer et ne peut prétendre que la concluante serait tenue d'une obligation de résultat,



Juger que la société MSC ne peut pas non plus invoquer une présomption de faute de la société Arnal,



Juger que la société MSC ne démontre pas la faute invoquée à l'encontre de la société Arnal,



Juger la société Mediterranean Shipping Company mal fondée en son appel en garantie dirigé contre la société Arnal & Fils et l'en débouter,



Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en toutes ses dispositions et condamner la société Mediterranean Shipping Company à payer à la société Arnal & Fils une indemnité de 3.000,00 € en application de l'article 700 du CPC,



Condamner la société MSC out toute partie succombante aux dépens, y compris ceux de première instance, dont distraction au profit de Maître Mireille Toufany en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.



































En réponse, la société Robert Arnal & Fils fait valoir en premier lieu que la société MSC ne communique aucun document contractuel lui permettant de justifier son appel en garantie à son égard au titre de sa responsabilité contractuelle, et qu'en outre, le rapport produit par la société MSC, établi par le cabinet Experitia, n'est pas contradictoire et a été effectué quatre ans après le sinistre, de sorte qu'il ne lui est pas opposable.



En second lieu, la société Robert Arnal & Fils soutient qu'elle a alerté la société MSC dès le 13 mai, après le déclenchement de l'alarme, de ce qu'il y avait une fuite sur le conteneur et qu'il convenait de le dépoter dans la journée pour pouvoir procéder aux réparations, ce que la compagnie maritime n'a fait que le 18 mai.



Elle conteste enfin toute présomption de faute à son égard.






MOTIFS





Sur l'appel en garantie à l'encontre de la société Seayard :



La société MSC invoque la responsabilité de la société Seayard, manutentionnaire, au motif que celle-ci aurait dû l'alerter sur la température anormale du conteneur, supérieure à la température de consigne fixée à +2°/+4°C, ce qui lui aurait permis de prendre les dispositions adéquates à son arrivée au terminal.



Conformément à l'article L5422-21 code des transports, quelle que soit la personne pour le compte de laquelle l'entrepreneur manipule, reçoit ou garde la marchandise, sa responsabilité est engagée dans les conditions suivantes :



1° Lorsqu'il accomplit les opérations mentionnées au premier alinéa de l'article L.5422-19, il est responsable des dommages qui lui sont imputables ;

2° Lorsqu'il accomplit les opérations visées au deuxième alinéa de l'article L.5422-19, il est présumé avoir reçu la marchandise telle qu'elle a été déclarée par le déposant



Ainsi, s'agissant des opérations entrant dans le champ d'application de l'article L.5422-21 2°, notamment « la réception et la reconnaissance à terre des marchandises à embarquer ainsi que leur garde jusqu'à leur embarquement » (article R.5422-28 du même code), l'entrepreneur de manutention est présumé avoir reçu la marchandise telle qu'elle a été déclarée par le déposant.



En l'espèce, la société Seayard ne conteste pas que sa mission excédait les opérations de mise à bord et de débarquement des marchandises prévues par l'article L.5422-21 1° du code des transports et qu'elle avait également en charge la réception et la garde des marchandises jusqu'à leur embarquement, étant relevé qu'aucun contrat n'a été produit aux débats.



A titre liminaire, il convient de préciser que la pièce numérotée 14 produite par la société MSC, et correspondant à un rapport établi sur pièces par le cabinet Experitia le 5 août 2020, s'agissant d'un sinistre intervenu en mai 2016, n'est pas inopposable aux sociétés Seayard et Robert Arnal & Fils, ainsi qu'elles le soutiennent, dès lors qu'au visa de l'article 16 du code de procédure civile, tout rapport amiable établi à la demande unilatérale d'une partie peut valoir à titre de preuve dans la mesure où l'adversaire a été à même d'en débattre contradictoirement et s'il est corroboré par d'autres éléments au dossier.



Ainsi, il ressort de ce rapport, ainsi que des enregistrements des data loggers (pièce n°13 de la société MSC) et de la note technique établie par M. [W] [P] (pièce n°15 de la société Seayard) que la température de consigne a été mise en route sur le conteneur CRLU3136060 le 11 mai 2016 à 9h16, soit +3°, et qu'à l'arrivée du conteneur sur le terminal, réceptionné à 18h44 le 12 mai 2016 et reconnu à 19h47 le même jour par la société Seayard, la température soufflée était située aux environs de +10° et la température de retour située entre + 9,50 et 9,75°.



Néanmoins, la société MSC n'établit pas que ces données étaient connues de la société Seayard, alors qu'au contraire, M. [W] [P] indique, après avoir repris lui-même l'historique des data loggers que « toutes les informations précitées et extractions data n'étaient accessibles et à disposition que du transporteur maritime et de son technicien habilité, en l'occurrence la société Arnal, qui ont seuls en main le matériel et les codes de sécurité indispensables à cette opération.

La société Seayard n'a quand à elle aucun moyen d'avoir accès à ces éléments techniques avant extraction et communication contradictoire du data » (page 2 pièce n°5 de la société Seayard).



L'expert de la société MSC (Experitia) fait état d'un « afficheur » du data logger qui aurait permis à la société Seayard de constater un écart de température entre celle affichée et la température de consigne (page 8 de la pièce 14 de la société MSC). Pour autant, il précise que cet afficheur est transmis « à titre d'exemple » sans qu'il soit établi que cet affichage était présent sur le conteneur litigieux, et sans qu'il soit davantage établi qu'il était connu de la société Seayard.



En outre, il est relevé par le propre expert de la société MSC que l'unité frigorifique était éteinte à 17h16 le 12 mai et a été à nouveau allumée sur le terminal à 19h47, l'expert indiquant « nous comprenons que cette étape correspondait au départ du préacheminement routier, effectué en isothermie compte-tenu de sa courte durée » (page 8 de la pièce n°14).



Dès lors, à supposer même que la société Seayard ait eu connaissance d'un affichage des températures enregistrées par les data loggers, elle a pu légitimement, comme elle le soutient, estimer que ce différentiel résultait du transport par camion et de l'empotage récent de la marchandise, dès lors que le conteneur a été réceptionné débranché tel que cela ressort des propres constatations de l'expert de la société MSC.



En tout état de cause, il ressort des mêmes constatations qu'« à 19h04 l'unité frigorifique a été à nouveau allumée sur le terminal » de sorte qu'il est établi que la société Seayard a été diligente en procédant au branchement du conteneur. Il n'est pas soutenu par ailleurs qu'elle aurait commis une erreur dans la température de consigne.



La société MSC fait également grief à la société Seayard de ne pas avoir procédé au rebranchement du conteneur pendant le week-end suivant sa réception.



Pour autant, il n'est pas établi qu'il entre dans les attributions du manutentionnaire, après que le système d'alarme du conteneur se soit déclenché, de prendre l'initiative de procéder à son rebranchement, et ce, alors même que la société MSC prétend elle-même que la société Robert Arnal & Fils est en charge de l'entretien et de la réparation des conteneurs, et que l'expert M. [W] [P] souligne qu'en cas de perte de puissance frigorifique, imputée à une fuite de fluide frigorigène, « il est recommandé de couper l'alimentation du groupe frigorifique pour ne pas générer de charges thermiques internes (équivalent calorifique du travail des ventilateurs et entrées d'air neuf) en sus des charges externes incompressibles (apport par les parois) » page 3 de la pièce n°5 de la société Seayard.



Dès lors l'absence de rebranchement du conteneur à la suite du déclenchement de l'alarme de sécurité ne peut être considérée comme fautive.



Au surplus, après le déclenchement de cette alarme le vendredi 13 mai à 6h56 (page 9 du rapport Experitia), la société MSC et la société Robert Arnal & Fils en ont été informées à 10h45 par la société Seayard, leur permettant ainsi de prendre toutes dispositions utiles.



Enfin, il est établi qu'en dépit du dysfonctionnement de l'unité frigorifique ayant entraîné une hausse des températures, et en dépit des alertes données par la société Robert Arnal & Fils sur le caractère inaccessible de la panne, la société MSC a attendu quatre jours avant de prendre la décision de dépoter le conteneur, entraînant des dommages irréversibles à la marchandise.















En conséquence, il résulte de ce qui précède qu'il est établi que la cause des dommages résulte dans un dysfonctionnement de l'unité frigorifique, cause étrangère au manutentionnaire, et dont il ne pouvait éviter les conséquences dommageables.





Sur l'appel en garantie à l'encontre de la société Robert Arnal & Fils :



La société MSC fait valoir que la société Robert Arnal & Fils avait pour responsabilité de préparer le conteneur refeer (PTI) avant sa remise à la société RDT puis d'en assurer la maintenance et la réparation sur le terminal dès lors que la panne lui a été signalée, soit à partir du vendredi 13 mai à 10h45.



A cet égard, l'absence de contrat écrit entre la société MSC et la société Robert Arnal & Fils ne saurait exclure de facto l'existence d'une relation contractuelle entre les parties dès lors qu'en la matière aucune disposition n'impose la rédaction d'une convention, sous réserve pour elles d'établir la nature exacte des obligations incluses dans le champ des relations contractuelles.



En l'espèce, la nature des échanges de mails intervenus entre les deux sociétés, entre le 13 mai et le 18 mai 2016, atteste de la réalité du rôle dévolu à la société Robert Arnal & Fils au titre de la réparation du conteneur dès lors que le premier message émis notamment à l'attention de la société Robert Arnal & Fils le 13 mai à 10h45 est le suivant « bonjour, veuillez intervenir sur le container : CRLU3136060 « export » sa position sur parc est FA 11/bas « il est en alarme 24 » (pièce n°3 de la société MSC) et que la société Robert Arnal & Fils, loin de dénier sa mission, a pris en charge le conteneur et a répondu à 19h21 « le frigo n'est pas réparé. Impossible de réparé car il y a une fuite inaccessible (côté évaporateur) ».



Il apparaît que postérieurement, à compter du dimanche 15 mai, la société Robert Arnal & Fils a informé la société MSC qu'elle procédait à des recharges en gaz, lesquelles ont permis de revenir à une température de +3° le 15 mai mais ont conduit néanmoins à la rédaction d'un « PTI report » et d'un mail daté du 18 mai faisant état de la panne du conteneur refeer jusqu'au dépotage intervenu le jour même et expertise effectuée par le cabinet BEM (pièces n°3, 4, 5, 6-1, 6-2, 7, 8, 11 et 14 de la société MSC).



Ainsi, le cabinet BEM, selon constatations des 18 mai et 25 mai 2016 a conclu que les avaries survenues au conteneur étaient consécutives à « un dysfonctionnement du groupe froid » (pièce 11 de la société MSC) ayant entraîné une remontée en température pendant une période de cinq jours rendant impropre la marchandise à la consommation (surimi, fromage, charcuterie).



Le cabinet Experitia relève que « l'alarme 24 » déclenchée le 13 mai 2016 correspond à une « mise en protection du compresseur de l'unité frigorifique, manifestement causée par la fuite de gaz au niveau de l'évaporateur ».



Pour autant, aucune faute à l'encontre de la société Robert Arnal & Fils ne peut être retenue considérant d'une part, que la société MSC ne prouve par aucune pièce que le « PTI » effectué le 4 mai 2016 avant empotage l'a été par la société Robert Arnal & Fils, son expert se contentant d'affirmer que le pre-trip inspection a été « vraisemblablement » effectué par la société Arnal » (page 7 du rapport), et considérant d'autre part que dès le 13 mai, jour du déclenchement de l'alarme, la société Robert Arnal & Fils est intervenue sur le conteneur et a procédé à plusieurs recharges de gaz, alertant d'ores et déjà sur le fait qu'il n'était pas possible de réparer la fuite, celle-ci étant inaccessible.



La société MSC ne peut dès lors imputer à la société Robert Arnal & Fils sa propre carence alors même qu'il lui appartenait de prendre les dispositions afin de procéder au dépotage du conteneur et à la réparation de celui-ci, le cas échéant en donnant des instructions adéquates, tant au manutentionnaire qu'à la société de maintenance et de réparation, ce qu'elle n'a pas fait avant le 18 mai, rendant irréversible la détérioration de la marchandise.













En conséquence, il n'y a pas davantage lieu de retenir l'existence d'une faute de la société Robert Arnal & Fils dans l'exécution de ses obligations de maintenance et de réparation des conteneurs.



Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions, pour les chefs qui ont été expressément déférés à la cour au titre de l'appel en garantie à l'encontre de la société Seayard et de la société Robert Arnal & Fils.





Sur les frais et dépens :



La société MSC, partie succombante, conservera la charge des dépens de la procédure d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et sera tenue de payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des sociétés intimées.





PAR CES MOTIFS





La cour,



Confirme le jugement rendu le 28 février 2020 par le tribunal de commerce de Marseille dans les limites de l'appel qui lui est dévolu,



Y ajoutant,



Condamne la société MSC aux dépens de la procédure d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,



Condamne la société MSC à payer à la société Seayard la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la société MSC à payer à la société Robert Arnal & Fils la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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