18 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/13182

Chambre 1-3

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/120







Rôle N° RG 19/13182 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYGR







Société CIGMA AKENINE

SARL ABSCISSE REALISATIONS





C/



Société civile PIERRE DE LUNE IMMOBILIER

SAS QUALICONSULT





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Joseph MAGNAN





Me Paule ABOUDARAM



Me Pierre-yves IMPERATORE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 24 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2019001165.





APPELANTES





SARL ABSCISSE REALISATIONS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

sis [Adresse 2]



représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE assisté de Me Cyril MELLOUL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE subtitué par Me Anaïs KORSIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,



SARL CIGMA AKENINE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

sis [Adresse 4]



représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Cyril MELLOUL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIMEES



Société Civile PIERRE DE LUNE IMMOBILIER

sise [Adresse 3]



représentée par Me Paule ABOUDARAM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me CROCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



SAS QUALICONSULT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

sise [Adresse 1]



représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane LAUNEY de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 08 février 2024 en audience publique devant la cour composée de :



Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente rapporteure

Madame Béatrice MARS, Conseillère

Madame Florence TANGUY, Conseillère



qui en ont délibéré.



Greffière lors des débats : Mme Michèle LELONG.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024 prorogé au 18 avril 2024.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcée par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024,



Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Madame Flavie DRILHON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.





***



Courant 2009, la société civile de construction vente Pierre de Lune immobilier a entrepris une opération de construction, composée de 33 logements collectifs et de commerces et dénommée [Adresse 5]).



Sont intervenus à l'opération, notamment :

- assistant à la maîtrise d'ouvrage : la société Valsabris,

- maître d''uvre : M. [Z], architecte, et la SARL Abscisse Réalisations dont le gérant est M. [Z],

- ordonnancement-pilotage-coordination OPC : la société Cigma Akenine, également intervenue au titre de la maîtrise d''uvre d'exécution suivant un contrat de sous-traitance,

- bureau d'études fluides : la société Cetex Ingénierie,

- lot n° 11 : chauffage -rafraîchissement : la société Pellat,

- contrôle technique : la société Qualiconsult.



Des retards d'exécution et des désordres ont été constatés concernant le lot n°11.



Selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 février 2012, la SCCV Pierre de Lune immobilier a résilié son contrat avec la société Pellat, puis, selon acte d'engagement du 1er mars 2012, elle a désigné la société ICP en remplacement de la société Pellat.



Selon une autre lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 28 février 2012, elle a écrit à la société Abscisse Réalisations.



Par acte extrajudiciaire en date du 20 mars 2012, elle a sollicité une mesure d'expertise, laquelle a été ordonnée par ordonnance en date du 30 mars 2012.



Les travaux ont été réceptionnés le 12 octobre 2012.



L'expert judiciaire, M. [H] [B], a déposé son rapport d'expertise le 8 juin 2015. Il a déposé un second rapport en l'état le 14 janvier 2019.







Par assignations en date du 19 février 2019, la société Pierre de Lune immobilier a assigné devant le tribunal de commerce de Tarascon les sociétés Abscisse Réalisations, Cigma Akenine et Qualiconsult, au visa des articles 1103 et suivants, 1104, 1194, 1217 et 1231 du code civil, au fins de mise en oeuvre de leur responsabilité et d'indemnisation.



Par jugement en date du 24 juin 2019, le tribunal de commerce de Tarascon a :

- déclaré la société Pierre de Lune immobilier recevable en ses prétentions,

- condamné in solidum la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult à payer à la société Pierre de Lune immobilier la somme de 84.433,36 euros et retenu leur responsabilité à parts égales pour un tiers ;

- condamné la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult à payer à la société Pierre de Lune immobilier, pour chacune d'elles, la somme 1.800 euros au titre des frais irrépétibles ;

- débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- dit que les entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, dont frais de greffe du présent jugement taxés et liquidés à la somme de 115,46 euros TTC, seront supportées in solidum par les parties défenderesses ;




Vu l'appel relevé le 9 août 2019 par les sociétés Abscisse réalisations et Cigma Akenine ;



Vu le transfert du dossier de la chambre 14 vers la chambre 1-3 en date du 24 janvier 2023 ;



Vu les dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 29 janvier 2024, par lesquelles la société Abscisse Réalisations et la société Cigma Akenine demandent à la cour de :

Vu les articles 803, 6 et 9 du code de procédure civile ;

Vu l'article 1353 du code civil ;

Vu les articles 1103, 1104, 1194 du code civil ;

Vu les articles 1217 et 1231-1 du code civil ;

Vu les articles 1792 et suivants du code civil ;

Vu l'article 1202 du code civil ;

Vu l'article 1240 du code civil ;

Rabattre l'ordonnance de clôture et accueillir les présentes écritures.

A titre liminaire :

- déclarer irrecevable la prétention de la société Pierre de Lune immobilier contenue dans son deuxième jeu de conclusions du 19 mai 2020 visant à voir réformer le jugement déféré pour obtenir la condamnation notamment des sociétés Abscisse Réalisations et Cigma Akenine au versement d'une somme de 101 320,03 euros ;

- débouter la société Pierre de Lune immobilier de sa prétention nouvelle visant à modifier et étendre l'objet du litige en sollicitant l'allocation d'une indemnité supplémentaire de 16 886,67 euros supplémentaire au titre de la TVA ;

A titre principal sur le fond :

- réformer intégralement le jugement en date du 24 juin 2019 ;

Et, statuant à nouveau,

In limine litis,

- juger que la clause de conciliation n'a été mise en 'uvre qu'en cours d'instance, dès lors que la saisine du Conseil régional de l'ordre des architectes a été effectuée postérieurement à la signification de l'acte introductif d'instance ;

- déclarer irrecevables les demandes dirigées à leur encontre ;

Au fond :

- juger que les désordres objet de l'expertise résultent de défauts ponctuels d'exécution imputables aux entreprises spécialisées dites « homme de l'art » ;

- juger que l'expert judiciaire n'a pas tiré toutes les conséquences de ses constats et des dires et pièces communiquées contradictoirement ;

- juger que les sociétés Abscisse Réalisations et Cigma Akenine, qui ont été particulièrement diligentes, ont parfaitement accomplies leurs missions respectives ;

- juger que les concluantes ne peuvent engager leurs responsabilités tant sur le volet contractuel que sur le volet de la garantie décennale ;

- juger qu'aucune prétendue faute des concluantes n'est démontrée ;

- juger que le lien de causalité direct et le prétendu préjudice ne sont pas démontrés ;

- juger que les demandes de condamnations financières dirigées à leur encontre correspondent à un véritable enrichissement sans cause ;

- juger que les demandes de condamnations financières dirigées à leur encontre sont injustifiées et infondées ;

- juger que la solidarité ne se présume pas ;

En conséquence,

- débouter la société Pierre de Lune immobilier de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre les sociétés Abscisse réalisations et Cigma Akenine ;

A titre subsidiaire :

- condamner la société Qualiconsult sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle à les relever et garantir intégralement en principal, accessoire, intérêt et frais ;

A titre infiniment subsidiaire :

- prononcer d'éventuelles condamnations hors taxes puisque la société Pierre de Lune immobilier ne justifie pas ne pas récupérer la TVA ;

A titre très infiniment subsidiaire :

- réduire à de plus juste proportion les demandes de condamnations financières dirigées à l'encontre des concluantes ;

En tout état de cause :

- débouter tout concluant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre les sociétés Abscisse réalisations et Cigma Akenine;

- condamner la société Pierre de Lune immobilier et à défaut tout succombant à verser aux concluantes la somme de 3.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- condamner la société Pierre de Lune immobilier et à défaut tout succombant aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Me [J] [F] ;



Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 7 janvier 2022, par lesquelles la société S.C.C.V Pierre de Lune immobilier demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu l'article 1194 du même code,

Vu les articles 1217 et 1231-1 du code civil,

Confirmer le jugementen date du 19 juin 2019 en ce qu'il condamne la société Abscisse réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult à payer à la société Pierre de Lune immobilier la somme de 84.433,36 euros en HT ;

En cause d'appel,

Statuant à nouveau,

- réformer le jugement en ce qu'il exclut la taxe sur la valeur ajoutée dans l'indemnisation de la société Pierre de Lune immobilier ;

- dire et juger que la taxe sur la valeur ajoutée doit recevoir application dans l'indemnisation de la société Pierre de Lune immobilier ;

En conséquence,

- condamner in solidum la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult à lui payer la somme de 101.320,03 euros TTC au titre du préjudice subi ;

- débouter la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;

- condamner la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult à lui payer la somme de 3.000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise ;



Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 22 janvier 2024, par lesquelles la société Qualiconsult demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 910-1, 910-4 et 954 du code de procédure civile ;

Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;

Vu les dispositions des articles 1134 ancien, 147 ancien et 1382 ancien du ccde civil, applicables aux faits de l'espèce (aujourd'hui 1103, 1231-1 et 1240 du code civil) ;

Vu les articles L.111-23 et suivants du code de la construction et de l'habitation;

Vu la Norme NF P 03-100 ;

A titre liminaire :

- déclarer irrecevable la prétention de la société Pierre de Lune immobilier contenue dans son deuxième jeu de conclusions du 19 mai 2020 visant à voir réformer le jugement déféré pour obtenir la condamnation notamment de la société Qualiconsult au versement d'une somme de 101.320,03 euros ;

- débouter la société Pierre de Lune immobilier de sa prétention nouvelle visant à modifier et étendre l'objet du litige en sollicitant l'allocation d'une indemnité supplémentaire de 16 886,67 euros supplémentaire au titre de la TVA ;

A titre principal sur le fond :

- infirmer le jugement rendu le 24 juin 2019 en toutes ses dispositions ;

- débouter la société Pierre de Lune immobilier de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de Qualiconsult ;

- rejeter toute demande, fins et conclusions formées par la SARL Abscisse Réalisations et la société Cigma Akenine à l'encontre de Qualiconsult ;

- condamner les seuls constructeurs Abscisse Réalisations et Cigma Akenine in solidum, à supporter entre eux, par parts viriles ou à proportion de la gravité de leurs fautes respectives, la part du ou des parties défaillantes ;

- prononcer la mise hors de cause de la société Qualiconsult ;

A titre subsidiaire :

- débouter la société Pierre de Lune immobilier du quantum des demandes dirigées en principal à hauteur de 101.320,03 euros (TTC) et de 84.433,36 euros (HT) à l'encontre de la société Qualiconsult ;

- débouter la société Pierre de Lune immobilier de sa nouvelle demande de versement d'une prétendue indemnité complémentaire au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de

16 886,67 euros ;

En toute hypothèse :

- rejeter toute demande de condamnation in solidum, solidaire ou conjointe, formée à l'encontre de la société Qualiconsult ;

- faire droit aux limites de garantie opposée par Qualiconsult au titre de sa responsabilité contractuelle, et rejeter toute demande excédant deux fois les honoraires perçus, soit 30 240 euros ;

- condamner in solidum la SARL Abscisse Réalisations et Cigma Akenine, à relever et garantir Qualiconsult de toutes condamnations, en principal, intérêts et frais, prononcées à son encontre.

En tout état de cause :

- condamner la société Pierre de Lune immobilier in solidum avec tous succombant à payer à la société Qualiconsult une somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Pierre-Yves Imperatore, avocat aux offres de droit ;



Vu la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 26 janvier 2024 et l'ordonnace de clôture en date du 8 février 2024 ;






SUR CE, LA COUR



Sur la recevabilité



En premier lieu, les appelantes soutiennent l'absence de saisine préalable de l'ordre des architectes.



La société Pierre de Lune immobilier conteste l'irrecevabilité soulevée.



La société Qualiconsult fait valoir que la profession réglementée d'architecte répond à une obligation légale d'inscription au tableau de l'ordre des architectes et que la SARL Abscisse Réalisations, société d'ingénierie d'études techniques, et la société Cigma Akenine, économiste de la construction, ne sont pas inscrites à cet ordre. Elle met en exergue la jurisprudence rendue en matière de clause abusive et expose que la clause de saisine préalable de l'ordre des architectes ne peut lui être opposée.



En effet, la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge est présumée abusive au sens de l'article L 132-1 du code de la consommation, sauf au professionnel de rapporter la preuve contraire.



Or, les appelantes ne démontrent pas que la société Pierre de Lune immobilier est un professionnel de la construction et non un simple professionnel de l'immobilier.



En outre, la SCCV Pierre de Lune immobilier justifie avoir saisi le Conseil régional de l'ordre des architectes d'Occitanie, suivant courrier recommandé en date du 27 novembre 2018 conformément à l'article G10 de la convention d'architecte et de maîtrise d''uvre conclue avec M. [Z] et la société Abscisse Réalisations. Selon avis en date du 19 décembre 2018, le conseil a indiqué que, s'agissant des désordres de nature décennale, la clause de saisine préalable qui ne porte que sur les litiges de nature contractuelle entre les parties n'a pas vocation à s'appliquer.



Le jugement entrepris se réfère aux assignations en date du 19 février 2019, et non à une assignation en date du 10 avril 2017.



Enfin, le fait d'avoir sollicité une mesure d'expertise judiciaire, à titre conservatoire, est sans incidence.



En suite de ces développements, aucune irrecevabilité ne saurait être prononcée.



En second lieu, les appelantes et la société Qualiconsult invoquent l'irrecevabilité des prétentions de la SCCV Pierre de Lune immobilier relatives à la TVA.



A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.



Néanmoins, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions, nées postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers, de la survenance ou de la révélation d'un fait.



Ainsi, un principe de concentration des prétentions est imposé par l'article 910-4 du code de procédure civile.



Le jugement entrepris a condamné in solidum la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult à payer à la société Pierre de Lune immobilier la somme de 84.433,36 euros. Ce montant correspond à la réclamation hors-taxes de la SCCV et les juges consulaires ont, dans les motifs de la décision, écarté la TVA.



Dans le dispositif de ses conclusions notifiées le 21 novembre 2019, la SCCV Pierre de Lune immobilier a demandé à la cour de 'confirmer en tous points le jugement du tribunal de commerce de Tarascon en date du 19 juin 2019".



Dans ses écritures en date du 19 mai 2020 et ses dernières conclusions, l'intimée a formé un appel incident et demandé de réformer le jugement en ce qu'il a exclu la taxe sur la valeur ajoutée et elle sollicite désormais la somme de 101 320,03 euros TTC.



Cependant, cette demande qui n'a pas été formée dans le dispositif des premières conclusions prises dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile et qui ne constitue ni un moyen nouveau ni une des hypothèses ci-dessus rappelée, est tardive et, comme telle, irrecevable.



Sur le fond



Le procès-verbal de constat d'huissier en date du 15 février 2012 met en évidence des désordres en ce qui concerne les canalisations et tuyauteries mises en place par la société Pellat.



L'expert judiciaire confirme les désordres et relève notamment:

- des conditions de pose non conformes aux prescriptions du marché et aux règles de l'art : positionnement (éclairage), fixation (support), protection (absence de calorifuge), dégâts consécutifs aux carottages (gaines électriques) par non communication des plans de réservation;

- des prescriptions du CCTP non respectées : pose tube acier soudé T1 au lieu de tube électro zingué.



Il retient la non-conformité des réseaux au CCTP du marché, des retards d'exécution, puisque les travaux du lot 11 qui auraient dû se terminer le 24 février 2012 ont été terminés par une autre société ( ICP) le 30 juin 2012, soit un retard de quatre mois, et la mise à disposition au profit des acquéreurs des logements du bâtiment B à la fin du mois de juin 2012.



Il met en cause les sociétés Abscisse et Cigma qui devaient vérifier l'avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché, ainsi que la société Qualiconsult qui ne pouvait ignorer l'existence du CCTP et Cetex du lot n°11 figurant parmi les documents examinés dans son rapport initial de contrôle technique. Il propose une répartition d'un tiers pour chacune des sociétés.



Il évalue le montant du préjudice à la somme de 84 433,36 eurosdécomposées comme suit :

- règlement Pellat : 9 052,86 euros ( situations payées en 2011 )

- coût supplémentaire d'exécution : 50 000 euros ( marché) + 25 380,50 euros ( réseaux posés conservés ou poursuivis non conformes ).



Les appelantes contestent leur responsabilité. Elles soutiennent avoir travaillé ensemble et avoir accompli leur mission.



La SCCV Pierre de Lune immobilier a conclu avec M. [Z] et la société Abscisse Réalisations un contrat d'architecte, constitué du cahier des clauses particulières et du cahier des clauses générales de l'ordre des architectes, moyennant des honoraires de 271'800 euros HT. La mission est complète ( article 6.2.1) et comprend notamment le visa des études d'exécution et la direction de l'exécution des travaux. Le cahier des clauses générales définit ces missions et précise que l'architecte vérifie l'avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché.



La société Abscisse Réalisations a clairement manqué à ses obligations contractuelles et n'a pas veillé au contrôle et à la bonne exécution des travaux, ce qui a causé un préjudice certain à la SCCV Pierre de Lune immobilier, sans qu'elle puisse utilement se retrancher derrière son obligation de moyens, le fait qu'elle n'a pas être présente de manière constante sur le chantier et la défaillance totale de la société Pellat.



Le contrat de mission OPC en date du 17 décembre 2010, signé par la SCCV Pierre de Lune immobilier et l'EURL Cigma Akenine, précise les missions de cette dernière parmi lesquelles figurent notamment la surveillance et le suivi de l'organisation du chantier, le contrôle périodique des calendriers, la prise des initiatives nécessaires en relation avec le maître d'ouvrage en cas de défaillance d'une entreprise.



Le contrat de sous-traitance de maîtrise d''uvre en date du 17 décembre 2010, signé par la SARL Abscisse Réalisations et l'EURL Cigma Akenine, rappelle que l'architecte et le maître d''uvre vise les plans d'exécution des entreprises dans un souci de respect de la conformité de l'ouvrage. L'article 3 précise les missions du maître d''uvre d'exécution, en l'occurrence la société Cigma Akenine. Cette dernière devait notamment organiser et diriger les réunions de chantier, rédigé les comptes rendus, assurer la direction du contrôle général de l'exécution des travaux, vérifier l'avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché, constater et sanctionner tout manquement de l'entrepreneur à ses obligations contractuelles (qualité de réalisation des ouvrages non-conforme aux règles de l'art, retard dans l'exécution de ses travaux etc...), signaler au maître d'ouvrage et à l'architecte toutes évolutions anormales sur l'état d'avancement et de prévision des travaux et des dépenses, prendre les initiatives nécessaires en relation avec le maître d'ouvrage et l'architecte, en cas de défaillance d'une entreprise selon l'acte d'engagement et le CCAP afin que cette défaillance ne perturbe pas l'avancement du chantier, organiser la réunion du choix des différents matériels et matériaux devant être validés par le maître d'ouvrage et l'architecte, vérifier les situations des entrepreneurs dans un délai de 21 jours à compter de leur réception et établir les propositions de paiement.



Ainsi que l'observe la SCCV Pierre de Lune immobilier, le contrat ne limite pas le champ de compétences du maître d''uvre à des lots particuliers.





Les comptes-rendus de chantier versés au débat visent le lot n°11 attribué à la société Pellat. Le compte rendu de chantier du 16 février 2012, établi le lendemain du procès-verbal de constatations des désordres par huissier dressé la veille, note le retard depuis la semaine 02 et l'arrêt du chantier, la réalisation de canalisations non conformes, l'utilisation de tubes en acier soudé proscrite avec un risque important de corrosion sur soudures et de fuites à court terme ' Vos réseaux sont donc irrécupérables et doivent être déposés'.



Alors que les carences (retard, non-conformités) de la société Pellat se sont multipliées, la société Cigma Akenine a failli à ses obligations contractuelles par légèreté fautive et manque de réactivité. Ses manquements sont en lien avec le dommage eu égard aux constatations expertales.



La SAS Qualiconsult indique que le syndicat des copropriétaires de la résidence Anthemis a engagé une action en paiement devant le tribunal judiciaire de Tarascon suivant assignation en date du 3 octobre 2023. Elle conteste la mise en 'uvre de sa responsabilité contractuelle et rappelle le cadre légal et réglementaire de l'intervention du contrôleur technique. Elle souligne que sa responsabilité ne peut être recherchée que dans les limites de la mission reçue et lorsque les désordres affectent la solidité de l'ouvrage achevé.



Selon l'article L 111-23 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable au litige, le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes.



Les missions de contrôle technique sont exécutées en conformité avec la norme Afnor NF P 03-100, laquelle définit les « critères généraux pour la contribution du contrôle technique à la prévention des aléas techniques dans le domaine de la construction ».



La mission du contrôleur technique est définie par sa nature et son domaine d'intervention et s'exerce par rapport à un référentiel règlementaire.



Le contrôleur technique ne peut se substituer aux différents constructeurs qui procèdent, chacun pour ce qui leconcerne, à l'élaboration des documents techniques, des calculs justificatifs, à la direction, l'exécution, la surveillance et la réception des travaux.



En phase chantier, ses interventions s'effectuent par examen visuel à l'occasion de visites ponctuelles, qui ne revêtent aucun caractère exhaustif, et il n'a pas à se substituer au maître d'oeuvre d'exécution dans le contrôle des travaux.



En l'espèce, deux conventions de contrôle technique ont été signées le 26 juillet 2010 et le 25 août 2010 par la SCCV Pierre de Lune immobilier et la société Qualiconsult concernant l'opération L'Anthémis.



Ont été confiées au contrôleur technique des missions principales et complémentaires, notamment LP, SH, PS, PHH,TH, HAND, F, PV, L, LE, explicitées aux conditions générales et particulières.



Le rapport initial de contrôle technique indique que les CCTP lots n°10 à 12 sont des documents examinés et que tout changement par rapport au document de base ainsi que sur les matériaux prévus initialement devra être signalé au contrôleur technique de manière à ce que celui-ci puisse donner son avis. Dans l'annexe 2, il est demandé pour le lot chauffage les plans indiquant le tracé des canalisations, des conduits de ventilation, des clapets, des coupures d'urgence de la ventilation.



La société Qualiconsult a eu connaissance des prescriptions techniques à respecter concernant ce lot et a d'ailleurs sollicité divers documents. L'utilisation de matériaux proscrits et non conformes au CCTP, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage compte tenu des risques de corrosion et de fuites, relevait d'un examen visuel non exhaustif ainsi que le démontrent les constatations du mois de février 2012.



L'intimée n'a pas émis d'avis au sujet de l'installation de chauffage et, comme le rappellent avec pertinence les appelantes, le contrôleur technique est tenu à l'égard du maître d'ouvrage d'un devoir de conseil qui se poursuit pendant l'exécution des travaux.



Les manquements avérés du contrôleur technique ont concouru au dommage subi par la SCCV Pierre de Lune immobilier.



Il résulte de ce qui précède que le jugement sera confirmé sur la responsabilité des sociétés Abscisse Réalisations, Cigma Akenine et Qualiconsult ainsi que sur le partage de responsabilités, dans leurs rapports entre elles, dans les proportions fixées à hauteur d'un tiers chacune.



La SCCV Pierre de Lune immobilier est fondée à obtenir la réparation intégrale de son préjudice et à être replacée dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, et ce sans perte ni profit.



L'expert judiciaire évalue le préjudice la somme de 84 433,36 euros, ainsi qu'il a été dit. Les critiques avancées sur ce montant par les appelantes ne sont étayées par aucun document probant, de même que les prétendus abus tarifaires de la société ICP, substituée à la société Pellat, et le fort risque d'enrichissement sans cause de la SCCV Pierre de Lune immobilier.



Aucune disproportion manifeste du coût de la réparation ne saurait être retenue au regard des explications de l'expert et de l'absence d'éléments venant utilement les contredire. Il n'y a donc pas lieu à réduction.



Les appelantes contestent l'application d'une solidarité qui ne se présume pas et concluent en conséquence au rejet des demandes de la SCCV Pierre de Lune immobilier. A titre subsidiaire, elles forment un appel en garantie à l'encontre de la société Qualiconsult, si une condamnation est prononcée à leur encontre.



La société Qualiconsult conclut, au visa de l'article L 111-24 devenu L 125-2 du code de la construction et de l'habitation, au rejet de toute condamnation in solidum.



La SCCV Pierre de Lune immobilier invoque l'indissociabilité des fautes commises par les sociétés Abscisse Réalisations, Cigma et Qualiconsult qui ont concouru à réaliser l'entier dommage.



Chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage.



L'article G 6.3.1 du contrat de maîtrise d''uvre, qui prévoit que il (l'architecte) ne peut être tenu responsable, de quelque manière que ce soit, et en particulier solidairement, des dommages imputables aux actions ou omission ou du maître d'ouvrage ou des autres intervenants dans l'opération faisant l'objet du contrat, ne peut limiter la responsabilité de l'architecte, tenu de réparer les conséquences de sa propre faute, le cas échéant in solidum avec d'autres intervenants, et avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d'ouvrage contre l'architecte, quand sa faute a concouru à la réalisation de l'entier dommage.



Au surplus, il n'est pas démontré que les sociétés Abscisse Réalisations et Cigma Akenine sont des sociétés d'architecture inscrites à l'ordre des architectes. Ni le contrat OPC signé avec la SCCV Pierre de Lune immobilier, ni le contrat de sous-traitance de maîtrise d''uvre ne contiennnent de clause relative à la solidarité.



Par ailleurs, l'article L111-24 du code de la construction et de l'habitation dispose que le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation du dommage qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge.



La condamnation in solidum prononcée par les juges consulaires à hauteur de 84 433,36 euros est justifiée et sera donc confirmée.



Les conditions générales- annexe A de la convention de contrôle technique mentionne à l'article 5 une clause selon laquelle dans les cas où les dispositions de l'article L 111-24 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas applicables, la responsabilité ne saurait être engagée au-delà de deux fois le montant des honoraires perçus par le contrôleur technique au titre de la mission pour laquelle sa responsabilité serait retenue.



Il ressort des conventions de contrôle technique que la société Pierre de Lune immobilier a accepté ces conditions générales CG CT 2010 02 du 13 avril 2010. La société Qualiconsult est, par suite, fondée à lui opposer cette clause.



En raison des fautes respectives commises par les sociétés Abscisse Réalisations, Cigma Akenine et Qualiconsult et de leur part de responsabilité, ci-dessus examinée, il y a lieu d'accueillir les recours en garantie à raison d'un tiers chacune, de sorte que les condamnations mises à leur charge seront réparties dans leurs rapports entre elles dans ces proportions.



L'équité justifie d'allouer à la SCCV Pierre de Lune immobilier une indemnité complémentaire au titre de ses frais irrépétibles, les autres demandes formulées à ce titre étant rejetées.



PAR CES MOTIFS



Déclare irrecevable la prétention financière de la SCCV Pierre de Lune immobilier relative à la taxe sur la valeur ajoutée ;



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



Dit que la société Qualiconsult est fondée à opposer à la SCCV Pierre de Lune immobilier la clause selon laquelle sa responsabilité ne saurait être engagée au-delà de deux fois le montant des honoraires perçus au titre de sa mission ;



Dit que, dans leur rapport entre elles, l'ensemble des condamnations mises à la charge des sociétés Abscisse Réalisations, Cigma Akenine et Qualiconsult est réparti dans les proportions de un tiers chacune, en tant que de besoin les condamne dans ces proportions ;



Condamne la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult à verser à la SCCV Pierre de Lune immobilier, chacune, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;



Rejette toute autre demande ;



Condamne in solidum la société Abscisse Réalisations, la société Cigma Akenine et la société Qualiconsult aux dépens d'appel.



La greffière, La Présidente,

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