12 avril 2024
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 22/03943

4eme Chambre Section 2

Texte de la décision

12/04/2024



ARRÊT N°2024/148



N° RG 22/03943 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCWJ

EB/AR



Décision déférée du 04 Octobre 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/01554)

SECTION COMMERCE 1 - CHAPUIS A.

















S.A.S. BUT INTERNATIONAL





C/



[D] [U] [R]





























































infirmation







Grosse délivrée



le 12 04 2024



à Me Ophélie BENOIT-DAIEF

Me Laurence DESPRES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



S.A.S. BUT INTERNATIONAL

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège1 [Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Stéphane FREGARD de la SELAFA FIDAL, avocat au barreau de NANTES (plaidant)







INTIME



Monsieur [D] [U] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Laurence DESPRES de la SELARL DESPRES, avocat au barreau de TOULOUSE



















COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E. BILLOT, vice-présidente placée, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice-présidente placée



Greffier, lors des débats : A. RAVEANE







ARRET :



- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre




EXPOSÉ DU LITIGE



M. [D] [U] [R] a été embauché à compter du 1er janvier 2005 en qualité de magasinier par la SARL Toulouse Sud ameublement exploitant un commerce de meubles sous le nom commercial But, son ancienneté était prise en compte à partir du 1er juillet 2004.



Au dernier état de la relation contractuelle, il était salarié de la SAS But international ' établissement de Toulouse Sud 1- venant aux droits de la société Toulouse Sud ameublement depuis 2017, en qualité de magasinier de groupe 3 niveau 1 selon la classification de la convention collective nationale du négoce de l'ameublement.



La société But International emploie au moins 11 salariés.



Par lettre du 25 août 2020 la société But international a convoqué M. [U] [R] à un entretien préalable au licenciement fixé au 1er septembre 2020 et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave selon lettre du 7 septembre 2020.



Le 10 novembre 2020, M. [U] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement.



Par jugement du 4 octobre 2022, le conseil a :

- dit que le licenciement de M. [D] [U] [R] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence :

- condamné la SAS But international à régler à M. [U] [R] :

- 22 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 586,42 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,

- 558,64 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis,

- 12 723,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 978,51 euros bruts au titre de la mise à pied,

- 97,85 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 2 500 euros au titre des dommages et intérêts pour défaut de formation,

- 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour les conditions vexatoires du licenciement,

- condamné la société But international à remettre à M. [U] [R] les documents sociaux rectifiés conformément à la présente décision, sans nécessité d'une astreinte,

- rappelé que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la convocation devant le conseil et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit, et fixé la moyenne des trois derniers salaires à la somme de 2 227,25 euros,

- condamné la société But international à régler à M. [U] [R] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les éventuels dépens à la charge de la société But international,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la partie défenderesse.



Le 10 novembre 2022, la société But international a interjeté appel du jugement, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées, en énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.



Dans ses dernières écritures en date du 22 juin 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la société But International demande à la cour de :

- déclarer la SAS But International recevable en son appel à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société But International aux chefs et pour les sommes suivantes :

- 22 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 586,42 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 558,64 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis,

- 12 723,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 978,51 euros bruts au titre de la mise à pied,

- 97,85 euros bruts pour les congés afférents,

- 2 500,00 euros au titre des dommages et intérêts pour défaut de formation,

- 5 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour les conditions vexatoires du licenciement,

- condamné la société But International à remettre à M. [U] [R] les documents sociaux rectifiés conformément à la présente décision, sans nécessité d'une astreinte,

- fixé la moyenne des trois derniers salaires à la somme de 2 227,25 euros,

- condamné la société But International à régler à M. [U] [R] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les éventuels dépens à la charge de la société But International.

Statuant à nouveau sur l'appel de la société But International :

- juger que M. [U] [R] s'est rendu responsable de détournements de produits appartenant à la société But International, son employeur, sans y avoir été autorisé,

- juger que le conseil de prud'hommes de Toulouse ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société But International au seul motif que (en se faisant juge pénal) le « vol a été écarté » en faisant fi de la réalité matérielle de l'implication de M. [U] [R] et en se fondant uniquement sur un « classement sans suite » n'ayant aucune autorité de la chose jugée au pénal mais constituant une pure décision d'administration judiciaire,

- juger que M. [U] [R] est mal fondé en ce qu'il a considéré qu'il pouvait s'être senti autorisé à procéder au détournement desdits produits,

- en conséquence, juger que le licenciement de M. [U] [R] repose sur une faute grave et débouter M. [U] [R] de toutes ses prétentions,

- juger que la société But International a respecté son obligation de formation et d'adaptation concourant à l'employabilité de M. [U] [R] dans les différents aspects de son métier,

- en conséquence, infirmer le jugement du conseil de prud'hommes également sur ce point,

- en conséquence, débouter M. [U] [R] de toutes ses prétentions,

- juger que le licenciement prononcé par la société But International n'a aucun caractère vexatoire et que la plainte pénale déposée par la société But International ne saurait constituer en tant que tel un acte vexatoire ; en conséquence infirmer le jugement du conseil de prud'hommes également sur ce point,

- en conséquence, débouter M. [U] [R] de toutes ses prétentions,

- ordonner le remboursement des sommes réglées à M. [U] [R] au titre de l'exécution provisoire de droit pour un montant de 18 398,09 euros,

- condamner M. [U] [R] à la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle considère que la faute grave est établie et qu'elle a respecté son obligation de formation.



Dans ses dernières écritures en date du 6 juillet 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [U] [R], formant appel incident, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [U] [R] non seulement dépourvu de cause réelle et sérieuse mais également entouré de circonstances vexantes et humiliantes, le réformer quant au quantum des sommes allouées.

Et statuant à nouveau :

- condamner la société But International au paiement des sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 064,50 euros,

- indemnité de préavis : 5 586,42 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 558,64 euros,

- rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 5 586,42 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés sur mise à pied : 558,64 euros,

- indemnité de licenciement légale : 12 723,66 euros,

- dommages et intérêts pour les circonstances vexantes et humiliantes entourant le licenciement : 13 362,00 euros,

- condamner la société à remettre à M. [U] [R] les documents sociaux rectifiés (certificat de travail, bulletins de salaire et attestation pôle emploi conformes), sous astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société But International n'avait pas respecté son obligation de formation tout en le réformant sur le quantum des sommes allouées à ce titre.

Et statuant à nouveau, condamner la société But International au paiement de la somme de 4 454 euros à titre de dommages et intérêts,

- en tout état de cause, condamner la société But International au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 de code de procédure civile en appel, ainsi qu'aux éventuels dépens.



Il conteste toute faute grave qui justifierait son licenciement. Il estime avoir été licencié dans des circonstances vexatoires et ajoute que son employeur a manqué à son obligation de formation.



La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 20 février 2024.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur le licenciement



La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l'entreprise, d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise.



Lorsque l'employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié.



La lettre de licenciement de M. [U] [R] est ainsi motivée':

'Monsieur,

Suite à la procédure engagée à votre encontre, nous venons par la présente vous faire part de la décision que nous avons été amenés à prendre vous concernant.

A la suite de remboursements fictifs réalisés au sein du magasin, nous avons procédé au visionnage des enregistrements de vidéosurveillance et avons constaté, qu'à plusieurs reprises, vous aviez en fin de journée, sorti de la marchandise du dépôt afin de les mettre près de la benne et qu'à la fermeture de celui- ci, vous avez récupéré les produits pour les charger dans votre véhicule.



Ce fut notamment le cas pour les produits suivants :

- le 28 juillet 2020 : 2 lots de 4 chaises Lynette d'un montant de 39.99 euros, soit un montant de 159.96 euros,

- le 1er août 2020 : 2 matelas (90x190) Lento 2 d'un montant de 79.99 unité, soit un montant total de 159,98 euros,

- le 12 août 2020: un meuble cuisine.



Compte tenu de la gravité de la situation, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, par courrier remis le 25 août 2020 et vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire. Lors de l'entretien qui s'est tenu le 1er septembre 2020, au cours duquel vous étiez assisté par M. [N], vous avez indiqué les éléments suivants.



S'agissant des chaises Lynette, vous avez précisé avoir fait chuter une palette qui serait tombée sur les cartons de chaises, détériorant ainsi celles-ci. Vous auriez alors pris l'initiative de sortir du dépôt les chaises abîmées afin de les récupérer pour votre compte personnel. Vous avez ajouté que ces dernières étant trop détériorées, vous aviez finalement décidé de les jeter.

Or, il s'avère que vous n'avez jamais averti votre chef de dépôt de la chute d'une palette, ni de la détérioration des chaises Lynette. En tout état de cause, vous ne pouviez décider de sortir des produits du dépôt sans l'accord de votre responsable.

En effet, en cas produits abîmés, il vous appartient d'en référer au chef de dépôt qui examine, au regard de la situation, si les produits doivent être sortis des stocks pour être jetés à la benne ou s'ils peuvent être vendus avec remise. En aucun cas, vous ne pouvez, en votre qualité de magasinier, prendre la décision de sortir du dépôt des produits que vous estimez comme étant abîmés.



Concernant les matelas, vous avez indiqué que ces derniers étaient tâchés et que vous aviez donc pris la décision de les récupérer pour votre compte personnel. Une fois encore, vous n'avez pas prévenu votre responsable de la présence de tâches et ne pouviez décider de récupérer ces produits qui auraient pu être vendus avec remise, en cas de tâches avérées.



Enfin s'agissant du meuble cuisine, vous avez indiqué que ce dernier n'était pas dans les stocks informatiques du dépôt, raison pour laquelle vous avez décidé de le récupérer. Or, il s'avère que ce produit appartenait au magasin et vous n'aviez aucunement le droit de le soustraire frauduleusement.



Après vérifications, il apparaît bien que les 8 chaises Lynette et les 2 matelas Lento sont manquants des stocks puisque vous avez récupéré ces derniers sans qu'ils ne soient sortis de façon informatique.



Il apparaît donc que vous avez, sur une période de 15 jours, pris la décision de sortir de la marchandise du dépôt pour votre compte personnel sans la moindre autorisation de votre responsable. La fréquence de ces manoeuvres conduit nécessairement à s'interroger sur l'ampleur de cette pratique sur les derniers mois.

Ces manoeuvres frauduleuses sont inacceptables et rien ne permet d'expliquer et justifier vos actes qui constituent une faute caractérisée de vos obligations et qui ont engendré un préjudice financier pour le magasin.

Vos agissements sont en effet en totale contradiction avec les valeurs mêmes de notre entreprise et témoignent de votre part d'une absence de probité qui ne peut être tolérée. Une telle attitude relève donc d'une extrême gravité et porte atteinte à l'indispensable confiance qui doit présider au bon déroulement de nos relations contractuelles.



En conséquence, par la présente, nous vous informons de votre licenciement pour faute grave. Cette mesure sera effective dès sa date d'envoi et met fin par là même à la mise à pied conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 25 août 2020.

Cette décision ne donnera lieu à versement d'aucune indemnité à l'exception de votre indemnité compensatrice de congés payés. (...) '.



M. [U] [R] soutient que son licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse en exposant que':

- les chaises Lynette étaient extrêmement endommagées suite à une chute de palette qu'il avait provoquée en raison de l'encombrement du dépôt ; il devait donc les placer à l'extérieur près de la benne pour qu'elles puissent être jetées ; il ne pouvait en informer le chef de dépôt qui était absent mais en a informé le chef de dépôt adjoint M. [F] qui a validé l'opération ; en outre, l'employeur ne verse aucun élément pour justifier qu'il a réalisé les formalités obligatoires concernant la preuve par vidéosurveillance';

- les matelas faisaient partie d'un lot de matelas tachés ne faisant plus partie des stocks; ils étaient destinés à la destruction ; il a pu les récupérer pour ses enfants avec l'autorisation de M. [F]'; ce dernier a lui-même pris quatre matelas et n'a pas été sanctionné ;

- le petit meuble de cuisine avait été mis à côté de la benne à ordures car il allait être détruit ; il pouvait donc le prendre.

Il ajoute qu'il était d'usage dans la société de récupérer des éléments abîmés qui ne pouvaient pas être vendus ou remisés, avec l'accord du supérieur hiérarchique, et qu'il n'a pas été poursuivi pour vol malgré la plainte déposée par l'employeur.



La société But international fait valoir que :

- le salarié a reconnu la matérialité des faits ;

- il ne lui appartenait pas de décider que les chaises Lynette devaient être mises au rebut ; qu'il pouvait attendre le retour du chef de dépôt, ou s'adresser à un autre responsable alors qu'en fait, il a profité de l'absence du chef de dépôt pour agir ;

- les matelas n'étaient pas tachés puisqu'ils étaient sous film plastique ;

- la preuve par video-surveillance est licite car les salariés, dont M. [U] [R], ont été informés de la mise en place de ce dispositif ;

- il n'existait pas de pratique autorisant les magasiniers à déclasser des marchandises, en tous cas depuis que le magasin exploité en franchise par la société TSA avait été repris en direct par la société But international en 2017'; d'ailleurs, elle avait conclu un contrat de valorisation pour la récupération des produits destinés à la benne'; en outre M. [U] [R] ne justifie pas avoir obtenu l'autorisation formelle du directeur du magasin'; il a donc commis un vol.



Les images issues du dispositif de vidéo-surveillance mis en place au sein de la société But international constituent un moyen de preuve licite dès lors que la société produit une note d'information relative à la mise en place et à l'utilisation de ce dispositif qui a été signée le 7 décembre 2019 par M. [U] [R].



La société rapporte la preuve, par l'analyse de ces images effectuée par huissier de justice, que M. [U] [R] a':

- le 28 juillet 2020, sorti du dépôt du magasin But deux cartons de quatre chaises pour les mettre derrière la benne située sur le quai de déchargement,

- le 1er août 2020, sorti du même dépôt deux matelas «'sous film plastique'» pour les déposer derrière la benne et les emporter dans sa voiture,

- le 12 août 2020, chargé dans sa voiture un carton se trouvant derrière la benne.



Le salarié reconnaît qu'il a sorti du dépôt le 28 juillet 2020 deux cartons de quatre chaises Lynette, le 1er août deux matelas et le 12 août un meuble de cuisine. Il admet également avoir emporté pour son usage personnel les matelas et le meuble de cuisine. Il fait valoir qu'il a laissé les chaises sur place, mais dans un courrier du 14 septembre 2020, il a écrit qu'il avait reculé sa voiture pour les emporter mais s'était rendu compte qu'elles étaient en trop mauvais état.



Il ressort des attestations produites par les deux parties que les marchandises abîmées, destinées à être mises à la benne, ne pouvaient en aucun cas être emportées par les salariés de l'entreprise sans autorisation expresse du chef de dépôt ou du directeur du magasin, que ce soit avant 2017 dans le cadre de la société TSA ou postérieurement.

Mme [Z], chef de rayon, explique qu'il existe une procédure pour les marchandises invendables, en l'occurrence une mise à la benne avec un bon signé, ajoutant qu'il n'est en aucun cas permis de se servir dans la benne.



Or, M. [U] [R] reconnaît qu'il n'a pas obtenu l'autorisation du chef de dépôt ou du directeur du magasin pour sortir les huit chaises Lynette car ils étaient en vacances.

Il ne rapporte pas la preuve que le chef de dépôt adjoint a validé cette opération, alors que les chaises en question n'ont pas été retirées du stock, que la mise au rebut n'a été signalée d'aucune manière et que le chef du dépôt et le directeur n'en ont pas été informés à leur retour. Or, force est de constater que la mise à la benne ne présentait aucune urgence.



De même, le salarié ne justifie pas avoir obtenu l'autorisation du chef de dépôt ou du directeur de magasin pour emporter le meuble de cuisine et les matelas, dont on ignore s'ils étaient tachés puisqu'ils étaient emballés dans un film plastique.



Certes, il invoque l'aval de M. [F], mais n'en rapporte pas la preuve.

Or, ce dernier a fait l'objet d'une convocation en vue d'une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement par lettre du 24 septembre 2020, postérieure de quelques jours au courrier de M. [U] [R] informant la société But international que M. [F] avait lui-même pris quatre matelas. Cette procédure s'est terminée par une rupture conventionnelle.



De l'ensemble de ces éléments, il résulte que M. [U] [R] a effectué des manoeuvres pour emporter huit chaises Lynette qu'il a finalement laissées dans la benne, qu'il a emporté deux matelas et un meuble de cuisine, et ce sans autorisation de son employeur.



Ainsi, même si la plainte déposée par la société But international n'a pas été suivie d'effet, il est établi que le salarié a commis des manquements répétés qui, par leur nature, constituent une faute grave. Indépendamment des termes relevant d'une qualification pénale qui ne peut être retenue, la lettre contient en effet des mentions relevant de la seule sphère disciplinaire qui permettent de caractériser la faute sur ce seul terrain. Son licenciement est donc justifié.



Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement déféré qui a dit que le licenciement de M. [U] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société But international à lui verser les salaires et indemnités en découlant.



M. [U] [R] sera donc débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement ainsi que de sa demande de remise des documents sociaux rectifiés.



Sa demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement sera également rejetée, dès lors qu'elle est fondée sur la plainte pénale pour vol déposée par l'employeur laquelle ne caractérise pas des conditions vexatoires du licenciement. En effet, aucun élément produit par le salarié n'établit un comportement fautif de l'employeur dans la mise en oeuvre du licenciement, de nature à caractériser les circonstances vexatoires de la rupture alléguées par l'intimé.



Sur le niveau d'employabilité



Aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.



M. [U] [R] soutient qu'il n'a bénéficié au cours de la relation contractuelle de quasiment aucune formation lui permettant de maintenir son niveau d'employabilité.



Toutefois, la société But international produit un historique des formations réalisées par l'intéressé depuis 2012, dont quatre jours en 2019, cinq jours en 2020.

Ce document, qui indique précisément les dates, les thèmes des formations et le nom de l'organisme formateur constitue une preuve suffisante du respect par la société But international de son obligation de formation.



M. [U] [R] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.



Sur la restitution de sommes



La société But international sollicite le remboursement de la somme de 18 398,09 euros qu'elle a versée au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement du conseil de prud'hommes.



Le présent arrêt, qui infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société But international au paiement de sommes, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de ce jugement.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société But international.



Sur les frais irrépétibles et les dépens



Le jugement entrepris sera également infirmé en ce qui concerne les frais et dépens.



M. [U] [R], partie perdante, devra supporter les entiers dépens.



Compte tenu des situations respectives des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau,



Dit que le licenciement de M. [D] [U] [R] est fondé sur une faute grave,qu'il n'a pas été prononcé dans des circonstances vexatoires, que l'employeur n'a pas commis un manquement à l'obligation de formation,



Déboute M. [D] [U] [R] de l'intégralité de ses demandes,



Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,



Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [U] [R] aux dépens de première instance et d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.





La greffière La présidente









A. Raveane C. Brisset





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