12 avril 2024
Cour d'appel de Rennes
RG n° 23/02331

Chambre del'Expropriation

Texte de la décision

Chambre de l'Expropriation





ARRÊT N° 5



N° RG 23/02331 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVXZ













M. [Y] [S]



C/



SAS OCDL LOCOSA (GROUPE GIBOIRE)

DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES DE BRETAGNE

















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à : Me Le Dantec

Me Paul

cc commissaire du gouvernement





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,





GREFFIER :

Madame Isabelle OMNES, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Février 2024, devant Monsieur Fabrice ADAM, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial



En l'absence de Monsieur le commissaire du gouvernement représentant le directeur régional des finances publiques de la région Bretagne et du département d'Ille et Vilaine





ARRÊT :

réputé contradictoire, prononcé publiquement le 12 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats





****





APPELANT :

Monsieur [Y] [S]

né le 27 Septembre 1942 à [Localité 21], de nationalité française, retraité

[Adresse 5]

[Localité 17]

Représenté par Me Marie LE DANTEC, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Béatrice de PUYBAUDET, plaidant, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉS :

SAS OCDL LOCOSA (GROUPE GIBOIRE), immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 739 202 166, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 3]

[Localité 24]

Représentée par Me Gwendoline PAUL, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES




FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES' :



Par délibération du 26 novembre 2013, la commune de [Localité 21] a créé la zone d'aménagement concertée (ZAC) dite de [Adresse 23], ayant pour objectif la création de 314'logements individuels et collectifs. La réalisation de cette zone a été confiée par délibération du 9'septembre 2014 à la société OCDL Locosa (Groupe Giboire), cette dernière étant notamment chargée de l'acquisition des parcelles inscrites dans le périmètre de l'opération.



Après enquête publique ordonnée par arrêté du 17 janvier 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine a, par arrêté du 17 décembre suivant, déclaré d'utilité publique le projet de réalisation de cette ZAC.

Par arrêté du 6 janvier 2020 modifié le 27 mai 2020, le préfet a déclaré cessibles les terrains nécessaires à la création de la ZAC au nombre desquels figure une parcelle cadastrée section AL n° '[Cadastre 7] de 1' 751 m², propriété de M. [Y] [S].



Par ordonnance du 20 juillet 2020, le juge de l'expropriation a transféré à la société OCDL Locosa la propriété de cette parcelle.



----------------



La commune de [Localité 21] est située dans le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale [Localité 24] Métropole dont le plan local d'urbanisme intercommunal a été adopté par délibération du 19 décembre 2019 (n° 'C-19-172), reçue en préfecture le 13 janvier 2020 et en vigueur depuis le 4 février 2020, après la dernière mesure de publicité. Le même jour, une autre délibération (n°' C-19-216) a institué une droit de préemption simple sur le territoire de [Localité 24] Métropole, sur une partie des zones U et AU du plan local d'urbanisme intercommunal dont la zone UO1 de la commune de [Localité 21] où se trouve la parcelle de M.' [S].



----------------



La société OCDL Locosa a, par lettre recommandée du 1er septembre 2020, adressé à M.' [S] une offre à hauteur de 9'euros/m² pour l'indemnité principale, soit 15 '750 euros, et 2' 575 euros pour l'indemnité de remploi.



M. [S] a refusé cette offre par acte du 21 septembre 2020.



La société OCDL Locosa a alors saisi, par mémoire enregistré au greffe le 3'décembre 2020, le juge de l'expropriation du département d'Ille-et-Vilaine d'une demande aux fins de fixation des indemnités d'expropriation.



La visite des lieux a été effectuée par le juge de l'expropriation le 19 septembre 2022.



Ce dernier a, par jugement du 21 novembre 2022, rouvert les débats afin que les parties puissent présenter leurs observations quant à la qualification ou non de ce bien en terrain à bâtir, à la date du 4 février 2020 (dont il est précisé dans les motifs de la décision qu'il s'agit de la date de référence).



Par jugement du 6 mars 2023, le juge de l'expropriation a ':

- fixé aux sommes de 17' 510 euros, soit 10'euros/m², le montant de l'indemnité principale et de 2' 751 euros le montant de l'indemnité de remploi,

- laissé les dépens à la charge de la société Locosa,

- rejeté toute autre demande.



M.'[S] a interjeté appel de la décision par déclaration du 14 avril 2023.



Aux termes de ses dernières écritures (31 janvier 2024 et notifiées le 2 février 2024), M. [Y] [S] demande à la cour de ':

avant dire droit,

- enjoindre à la société OCDL Locosa de communiquer les plans des réseaux d'assainissement, eau potable et électricité réalisés dans les tranches T1 et T2 de la ZAC, dans un délai de quinze jours et sous peine d'astreinte de 200 euros par jour,

en tout état de cause,

- réformer le jugement en ce qu'il fixe aux sommes de 17' 510 euros le montant de l'indemnité principale et de 2'751 euros le montant de l'indemnité de remploi,

- fixer les indemnités d'expropriation aux sommes de 175' 100 euros l'indemnité principale et de 18'510 euros l'indemnité de remploi,

- débouter la société OCDL Locosa de ses demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner celle-ci à lui verser la somme de 4' 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société OCDL [Localité 24] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, aux offres de roit, par Me Le Dantec.



M. [S] rappelle que la commune est très bien dotée en équipements publics et privés, et que la parcelle se trouve à proximité de tous les commerces, services, établissements scolaires et transports publics.

Il estime n'avoir reçu qu'une communication partielle des éléments concernant les plans des réseaux d'assainissement, d'eau potable et d'électricité réalisés dans les tranches T1 et T2 de la ZAC, ce qui ne lui permet pas de vérifier l'état des réseaux à proximité de la parcelle. Il critique le jugement en ce qu'il refuse à la parcelle la qualification de «'terrain à bâtir'». Il affirme à cet égard qu'à la date de référence (4 février 2020), le bien était situé en zone urbaine selon le PLUi de [Localité 24] Métropole et était desservi par une voie d'accès et l'ensemble des réseaux dimensionnés à l'échelle de l'opération. Il prétend que, l'expropriation ayant eu lieu tardivement, tous les réseaux de la ZAC étaient déjà réalisés à la date de l'enquête publique amorcée en février 2019 comme a pu le relever le commissaire enquêteur. Il ajoute que le raccordement direct de la parcelle aux réseaux est possible en raison de leur proximité géographique comprise entre 25 et 45'mètres.

Il soutient que la société OCDL Locosa se contredit en ne remettant pas en cause la date de référence retenue par le jugement, tout en soutenant que celle-ci n'est utile qu'à la détermination de l'usage effectif du bien, tandis que la qualification de terrain à bâtir devrait être vérifiée un an avant l'ouverture de l'enquête publique.

Il considère que la méthode d'évaluation des indemnités retenue par le jugement est valide, mais conteste les termes de comparaison retenus puisque aucun de ces derniers ne concernait un terrain à bâtir et que le jugement n'a pas pris en compte la hausse de prix des terrains situés sur la commune, passant de 10'euros/m² à plus de 17'euros/m². Il propose six nouveaux termes correspondant à des ventes récentes de terrains à bâtir situés dans le périmètre de la ZAC, dont le prix unitaire était compris entre 100 et 196'euros/m².













Dans son dernier mémoire déposé le 25 janvier 2024 et notifié le 29 janvier, la société OCDL Locosa demande à la cour, au visa des articles L.321-1, L.322-3 et R.322-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, L.213-4 et L.213-6 du Code de l'urbanisme de' :

- confirmer le jugement en date du 6 mars 2023,

en conséquence,

- débouter M. [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause,

- condamner ce dernier à lui verser la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La société OCDL Locosa fait valoir que, si la parcelle était effectivement en zone urbaine du PLUi à la date de référence, elle ne peut pas, pour autant, être considérée comme un terrain à bâtir, puisqu'à la date du 18'février 2018 le réseau d'évacuation des eaux usées et l'alimentation en électricité basse tension n'étaient pas de capacité suffisante pour desservir l'ensemble de la ZAC. Elle affirme qu'à ce jour, la parcelle n'est d'ailleurs toujours pas viabilisée et que M. [S] ne peut se prévaloir de l'existence de réseaux privés auxquels il ne peut se raccorder et qui sont, de surcroît, éloignés de sa parcelle. Elle ajoute que par sa configuration, la parcelle expropriée est inconstructible et a d'ailleurs vocation à être aménagée en aire de jeux et bande d'agrément végétalisée.

Elle estime que le jugement a retenu, à juste titre, une indemnité principale d'un montant de 10'euros/m², le Service des Domaines l'ayant estimé à 9'euros/m² et le Commissaire du Gouvernement à 10 euros/m². Elle ajoute que les termes de comparaison proposés par M. [S] sont inadéquats puisqu'ils concernent des terrains à bâtir ou, à tout le moins, viabilisés.



Le commissaire du gouvernement n'a pas conclu.



L'ordonnance de clôture initialement fixée au 26 janvier 2024 a été reportée à la demande conjointe des parties au jour de l'audience.




SUR CE, LA COUR' :



Sur la description du bien exproprié' :



Le terrain exproprié consiste en une parcelle de terre de 1 751 m², de forme quasi rectangulaire, allongée, mesurant environ 122 mètres de longueur et dont la largeur varie entre 12 (à l'ouest) et 16 mètres (à l'est). Elle est située en limite nord de la ZAC de [Adresse 23] et jouxte le sud de la partie urbanisée de la commune. Elle se trouve, à vol d'oiseau, à environ 600 mètres à l'ouest du centre ville de [Localité 21], commune en forte expansion démographique, d'environ 6 000 habitants, implantée à 15 km au nord de [Localité 24] et desservie par la voie rapide [Localité 24]-[Localité 30] (dont elle est distante de 3 km).



Sur la date de référence ':



Le premier juge a fixé la date de référence au 4 février 2020 ce que conteste la société OCDL Locosa qui, opérant une distinction entre la situation urbanistique et la qualification de terrain à bâtir, sollicite qu'elle soit fixée au 18 février 2018, soit un an avant l'ouverture de l'enquête publique conformément aux dispositions de l'article L 322-3 du code de l'urbanisme.











Il convient de rappeler que le montant des indemnités d'expropriation doit être fixé :

- à la date du jugement de première instance (article L.'322-2),

- d'après la consistance du bien à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété (article L.'322-1 du code de l'expropriation),

- et, lorsque le bien exproprié est situé à l'intérieur du périmètre d'une ZAC mentionnée à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, suivant son usage effectif (article L. 322-2) à la date (dite date de référence) de «'la publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique'».



Cependant, dérogeant au code de l'expropriation, le code de l'urbanisme prévoit, notamment lorsqu'un droit de préemption urbain a été institué, une date de référence différente. En effet, en ce cas, l'article L. 213-6 du code de l'urbanisme dispose que «'lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L.'322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L.'213-4'». Ce dernier article distingue suivant que le bien se trouve ou non dans le périmètre d'une zone d'aménagement différé (ZAD). Lorsque, comme en l'espèce, tel n'est pas le cas (le bien litigieux étant situé dans une ZAC), il prévoit que :

«'a) La date de référence prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est : pour les biens non compris dans une telle zone, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien'».



Dans l'hypothèse (qui est celle du terrain appartenant à M. [S]) où un bien se trouve compris à la fois dans une ZAC et dans un périmètre de préemption urbain, la jurisprudence retient que la date de référence est celle définie par les articles du code de l'urbanisme (3e Civ., 30 mars 2023, n° 22-14163).



L'argumentation de la société OCDL Locosa qui tente vainement d'opérer une distinction que le loi ne prévoit pas et de faire remonter la date de référence qu'il conviendrait de retenir à un événement antérieur sera, en conséquence, écartée



C'est dès lors à bon droit que le juge de l'expropriation a retenu que la date de référence devait être fixée au 4 février 2020, date à laquelle est devenu opposable le plan local d'urbanisme intercommunal, acte le plus récent au sens du texte du code de l'urbanisme précité.



Sur la qualification de terrain à bâtir' :



Préliminairement, il convient de rejeter la demande de M. [S] tendant à communiquer les plans des réseaux, ceux produits et les éléments du dossier étant suffisants pour appréhender la situation.



Selon l'article L 322-3 du code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrains qui, à la date de référence, sont quelle que soit leur utilisation à la fois ':

1° situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;



2° effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone.

Cet article précise que «'Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L. 322-2'».



La parcelle litigieuse était située, à la date de référence (4 février 2020), en secteur UO1 du plan local d'urbanisme métropolitain (alors qu'elle était auparavant classée, selon les conclusions du commissaire du gouvernement en première instance ' pièce n° 11 de l'intimée ' en zone 1AUo).



Il ressort du règlement d'ensemble du plan local d'urbanisme intercommunal que la zone UO est une zone urbaine définie comme «'zone opérationnelle aménagée par le biais d'une opération d'aménagement d'ensemble ou de plusieurs opérations d'aménagement'».



Les terrains situés dans cette zone sont juridiquement constructibles. Le premier des deux critères cumulatifs est donc satisfait.



S'agissant du critère matériel, il ressort des plans et des photos produits que le terrain exproprié est desservi par un chemin de terre aboutissant, à l'est, [Adresse 27] et, à l'ouest, [Adresse 28] (qui donne sur [Adresse 23]), chemin que l'intimée n'a cessé d'utiliser pendant le chantier ainsi qu'il est établi par les constats dressés à la demande de M. [S].



Ce dernier produit aux débats le dossier de réalisation de la ZAC (avril 2015) et plus particulièrement le programme global des équipements publics. Il en ressort, pour ce qui est des réseaux, que' :

- concernant l'assainissement, l'opération sera raccordée au réseau existant d'assainissement des eaux usées collectif et que sur la ZAC sera créé un réseau de type séparatif (EU/EP). Il est précisé que «'l'ensemble des réseaux (eaux usées) aboutiront au point bas de la ZAC, en bordure est de la zone humide au sud de l'opération collective de 28 logements puis un collecteur en fonte traversant en servitude la parcelle AL [Cadastre 1]
1:

Cette parcelle de 44 982 m², partiellement cessible (2 262 m²), a été divisée, la partie hors ZAC est cadastrée section AL n° [Cadastre 8] (42 720 m²), cf. rapport du commissaire enquêteur, pièce n° 24 de l'appelant.


permettra le raccordement gravitaire des effluents au réseau communal existant en limite ouest du lotissement du [Adresse 29]. Après passage dans le réseau communal existant, les effluents seront traités par la station d'épuration intercommunale...'», «'le réseau eaux pluviales à réaliser suivra le tracé du réseau eaux usées... Avant rejet au milieu naturel, les eaux pluviales issues de l'opération transiteront par un bassin tampon régulateur de débit situé sur la parcelle AL [Cadastre 1], au sud est de l'opération. Ce bassin figure au schéma directeur des eaux pluviales de la commune de [Localité 21]... La liaison entre la ZAC de [Adresse 23] et ce bassin sera par l'intermédiaire d'un collecteur de diamètre 1000 mm, posé en servitude dans la parcelle AL [Cadastre 1], parallèlement au collecteur de transfert des eaux usées...'»,

- concernant l'alimentation en eau potable, il est précisé que «'le réseau à créer sera raccordé sur diverses conduites existantes' : au nord et au nord ouest sur le réseau Ø 110 de la RD 28 [Adresse 26]'; au sud est et à l'est sur le réseau du lotissement du [Adresse 29] ([Adresse 20] et [Adresse 18]) et sur la canalisation Ø 110 de la voie nouvelle raccordée sur la RD 287 - [Adresse 19]'»,

- le réseau téléphonique (Orange) sur raccordé au nord-ouest sur le réseau en attente [Adresse 26] et au sud-est et à l'est sur le réseau du lotissement du [Adresse 29] et sur le réseau de la voie nouvelle raccordée à [Adresse 19],

- concernant le réseau électrique, «'l'alimentation nécessitera la création de postes de transformation ERDF qui seront alimentés à partir des réseaux HTA existants à proximité'»,

- enfin et s'agissant du gaz, l'opération sera raccordée aux réseaux existants, [Adresse 26] (au droit du [Adresse 25] et au sud est et à l'est, sur le réseau du lotissement du [Adresse 29] et sur le réseau de la voie nouvelle.



Ainsi en 2015, l'ensemble des réseaux nécessaires existait à proximité immédiate de la ZAC et ne nécessitait pas d'être renforcés pour la desserte de celle-ci (contrairement à ce que prétend l'intimée), les seuls travaux hors ZAC nécessaires (abstraction faite des raccordements sur les existants) concernaient la liaison assainissement entre le sud-est de la ZAC et les réseaux (ou bassin tampon) existants (et d'une capacité suffisante), sur une distance de l'ordre de 200 mètres.



Il résulte des documents produits (plans de récolement, dossier d'enquête publique) que l'ensemble des réseaux internes à la ZAC étaient achevés fin 2018. Il ressort notamment du dossier d'enquête publique (dont l'avis a été rendu le 18 avril 2019) que les constructions individuelles sont quasiment toutes achevées et habitées sur la tranche 1, que les constructions individuelles sont en cours sur la tranche 2 (50 % sont habitées), pour la tranche 3, la livraison des terrains date de l'automne 2018, les constructions sont en cours (non habitées), que l'ensemble des îlots collectifs sont à l'étude ou en cours de construction. Il est noté que restent dans le projet les quatre lots concernés par la parcelle AL n° [Cadastre 7] et mis en attente de commercialisation faute de maîtrise foncière. De fait, trois de ces quatre lots sont pour partie implantés sur la parcelle de M. [S] (cf. pièce n°'12 de l'intimée).



Il est ainsi établi qu'à la date de référence (4 février 2020), non seulement les réseaux publics situés à proximité de la ZAC étaient de dimension suffisante pour la desservir mais encore que tous les réseaux internes étaient réalisés, la parcelle de M. [S] étant distante de ces derniers réseaux de 35'm par l'est ([Adresse 27]), de 27'm ou de 44'm par le sud (deux accès possibles depuis [Adresse 22]) ou de 41'm par l'ouest ([Adresse 28]).



Pour soutenir que le second critère n'est cependant pas satisfait alors que la desserte de la parcelle litigieuse est parfaitement possible par les différents réseaux, la société OCDL Locosa, aménageur, fait valoir que ces réseaux sont privés et non publics et que M. [S] ne peut en aucune manière s'en prévaloir.



Il convient toutefois de relever qu'aux termes du dossier de réalisation de la ZAC, il s'agit d'équipements publics ' dont la société OCDL Locosa n'est que provisoirement concessionnaire et qui, de surcroît et comme le rappelle M. [S], auraient dû «'être rétrocédés à la ville au fur et à mesure de leur achèvement, conformément aux dispositions du traité de concession signé entre la commune et l'aménageur'» (Dossier de Réalisation de la ZAC [Adresse 23] ' 4 Programme global des équipements publics, pièce n° 37 de l'appelant). Celle-ci ne peut dès lors utilement se prévaloir de ce qu'en méconnaissance de son traité, elle n'y a (aurait ') toujours pas procédé.



La parcelle litigieuse sera qualifiée de terrain à bâtir, qualification qui s'impose d'autant plus qu'une partie du fonds de l'appelant est destinée à être intégrée dans des lots et à recevoir des constructions.



Sur l'évaluation de la parcelle de M. [S] et l'indemnité d'expropriation :



Pour estimer la parcelle expropriée, il convient de procéder par comparaison.



La société OCDL Locosa ne produit aucun terme de comparaison. Elle se fonde, en premier lieu, sur l'avis établi par le service des domaines le 24 octobre 2017. Abstraction faite de ce que ce document ne s'appuie sur aucun terme de comparaison, il est aujourd'hui obsolète puisque le zonage a évolué depuis qu'il a été rédigé. En effet, en 2017, la parcelle expropriée se trouvait en zone 1AUO (urbanisable à terme) alors qu'à la date de référence, elle se trouvait en zone UO (constructible).



De même, si la société OCDL Locosa expose qu'elle a acquis les autres terrains de la ZAC au prix de 9 à 10 euros/m², cette comparaison souffre de la même difficulté liée à l'évolution du zonage, situation due au fait que la procédure de déclaration d'utilité publique a été engagée très tardivement, pour acquérir la seule qui n'avait pas fait l'objet d'une cession amiable, celle de M.'[S].



L'intimée rappelle les termes de comparaison produit en première instance par le commissaire du gouvernement': pour deux d'entre eux (26 mai 2016 et 31 mai 2016), le zonage des parcelles en cause est inconnu. Ces ventes, au demeurant anciennes, ne sont donc pas pertinentes.

La troisième (2 novembre 2021) porte sur la cession à [Localité 21] de la parcelle située [Adresse 2], cadastrée section AC n° [Cadastre 16], d'une superficie de 2 048 m², en zone UO1, moyennant le prix de 35'652'euros, soit 17,40'euros/m². Cette cession est très intéressante puisqu'elle est récente et qu'elle se trouve dans un zonage identique (zone constructible). Il convient de préciser qu'il s'agit d'une parcelle qui ne dépend pas de la ZAC [Adresse 23] et qui est située à l'extrémité opposée de la commune.



M. [S] cite six termes de comparaison.

Les quatre premiers (14 novembre 2016, 17'mars 2017, 12 janvier 2018 et 17 mai 2018) concernent la vente par la société OCDL Locosa de parcelles viabilisées situées à proximité immédiate -quelques mètres- du terrain à estimer (parcelles AL n° [Cadastre 4], [Cadastre 6], [Cadastre 9] et [Cadastre 11]). Il s'agit de petites parcelles dont la superficie varie entre 345 et 492 m² cédées à des prix variant entre 193 et 196 euros/m². Ces parcelles se trouvent au sein de la ZAC et dans la même zone (UO1). Il s'agit d'éléments intéressants mais qui ne sont pas réellement comparables étant beaucoup plus petites et, surtout, viabilisés. Il convient donc d'écarter ces termes de comparaison.

Les deux autres cessions (16 novembre 2018 et 19 décembre 2019) concernent la vente par la société OCDL Locosa à la société d'habitations à loyer modéré Espacil Habitat de terrains (cadastrés section AL n° [Cadastre 10], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] de 2 748 m², d'une part, et section AL n° [Cadastre 15] de 3'323'm², d'autre part) beaucoup plus vastes, également viabilisés, destinés à un habitat collectif, aux prix de 144,14 euros/m² et 100,18 euros/m². Ces terrains sont situés au sein de la ZAC [Adresse 23], à faible distance du terrain à estimer. Ces ventes sont évidemment intéressantes puisque récentes, situées au sein de la ZAC et dans le même zonage (UO1). Leur taille les rend plus pertinentes que les termes de comparaison précédents.

Il convient cependant d'observer que leur configuration est beaucoup plus favorable que le terrain de M. [S] qui s'il a une superficie relativement étendue (1 751 m²) est étroit et de forme allongée ce dont l'appelant convient puisqu'il a pratiqué un abattement de 50 %.



Il ressort de ces différents éléments que le prix des terrains relativement étendus et constructibles situés en zone UO1 de la commune de [Localité 21] se négocient entre 17,40 euros /m² (non viabilisés) et 144 euros/m² (viabilisés). Le terrain de M. [S], non viabilisé et en raison de sa configuration, se situe en bas de cette fourchette. Une valeur de 20 euros/m² sera retenue.



L'indemnité principale d'expropriation sera fixée à la somme de (1 751 * 20) 35 020 euros.



L'indemnité de remploi sera arrêtée, comme d'usage, à la somme de (5' 000 * 0,2 + 10 '000 * 0,15 + 20 020 * 0,1) 4' 502 euros.



Le jugement de première instance sera infirmé en toutes ses dispositions, frais irrépétibles compris.



La société OCDL Locosa, partie succombante, supportera la charge des dépens et devra verser à son adversaire une somme de 4' 000'euros pour les frais exposés en première instance et en appel.





PAR CES MOTIFS':



Statuant par arrêt rendu publiquement et réputé contradictoirement,



Rejette la demande de communication des plans des réseaux.



Infirme en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'expropriation du département d'Ille et Vilaine et date du 6 mars 2023.



Statuant à nouveau,



Fixe ainsi qu'il suit les indemnités d'expropriation de la parcelle sise à [Localité 21], cadastrée section AL n° [Cadastre 7] dues par la société OCDL Locosa à M. [Y] [S]' :

- indemnité principale' : 35' 020'euros,

- indemnité de remploi ': 4' 502 euros.



Condamne la société OCDL Locosa aux dépens de première instance et d'appel.



Autorise Me Le Dantec à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont elle aurait pu faire l'avance sans avoir reçu provision.



Condamne la société OCDL Locosa à verser à M. [Y] [S] une somme de 4' 000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Le greffier, Le président,

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