12 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 24/00455

Rétention Administrative

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA



ORDONNANCE

DU 12 AVRIL 2024



N° 2024/00455





N° RG 24/00455 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BM3XV



























Copie conforme

délivrée le 12 Avril 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



Signature,

le greffier



















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 11 Avril 2024 à 11h44.







APPELANT



Monsieur [M] [W]

né le 20 août 1994 à [Localité 4] (ALGERIE) (99)

de nationalité algérienne



Comparant en personne, assisté de Me Maëva LAURENS, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE, substituant Me Sabrina GUERS, avocat au barreau de Marseille, avocat choisi,











INTIME



Monsieur le préfet des Bouches du Rhône



Représenté par Monsieur [S] [X]









MINISTÈRE PUBLIC :



Avisé et non représenté

DEBATS





L'affaire a été débattue en audience publique le 12 Avril 2024 devant M. Laurent SEBAG, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier,







ORDONNANCE



contradictoire,



Prononcée par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024 à 15H10,



Signée par M. Laurent SEBAG, Conseiller et Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier,






PROCÉDURE ET MOYENS



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;



Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 27 novembre 2023 par le préfet des Bouches du Rhône, notifié le même jour à 11h10 ;



Vu la décision de placement en rétention prise le 8 avril 2024 par le préfet des Bouches du Rhône notifiée le 9 avril 2024 à 10h15;



Vu l'ordonnance du 11 Avril 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [M] [W] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;



Vu l'appel interjeté le 11 avril 2024 à 18h56 par Monsieur [M] [W] ;



Monsieur [M] [W] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare 'Je parle français et je comprends. Mais je ne lis pas le français. Mon prénom est [M] (monsieur épèle son prénom). Je confirme mon identité. Madame [R] est ma femme. On est mariés. Nous nous sommes mariés en Algérie. On va faire un mariage en France. Sur le passeport, il était dans ma fouille avec mon téléphone. Quand je suis sorti de prison, on n'a pas trouvé le téléphone et le passeport. Oui je l'ai signalé. Si je l'ai dit à l'OPJ. Je l'ai signalé. On m'a dit que j'étais arrivé sans téléphone et sans passeport. Je n'ai rien à ajouter'.



Son avocat a été régulièrement entendu. Il conclut à :

-l'absence de preuve que la consultation du fichier Visabio a été faite par un personnel habilité, faisant nécessairement grief, précisant ne pas savoir si on a lu le document à son client et donc cela l'a empêché de contester le placement en rétention,

-à l'absence de connaissance de la personne ayant notifié le placement en rétention et de sa qualité pour le faire,

-à la nécessité de renvoyer l'intéressé en Allemagne où il a fait une demande d'asile non tranchée à cette heure, ajoutant d'ailleurs un nouveau moyen non prévu dans la déclaration d'appel, au terme duquel, faute d'avoir sollicité l'Allemagne pour réadmission, elle a manqué à ses diligences en vue de la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement, précisant que conformément aux conventions internationales, on ne peut pas renvoyer une personne dans son pays d'origine tant qu'on a pas statué sur la demande d'asile,

la nécessité de l'assigner à résidence en l'état de ses garanties de représentation, présentant une attestation d'hébergement, son passeport ne lui ayant pas été remis à sa sortie de détention. Il demande en conséquence, l'infirmation de l'ordonnance querellée,

-l'existence de garanties de représentation sans pour autant solliciter une assignation à résidence : dans la mesure où sa compagne est de nationalité belge, qu'elle a pris un logement sur [Localité 8] pour se rapprocher de son mari et qu'il détient un passeport en cours de validité.





Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée concluant au rejet des moyens opposés et à l'absence de garanties de représentation et de passeport valide.






MOTIFS DE LA DÉCISION





La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.



Il est donc recevable.



-Sur le moyen relatif à la consultation visabio irrégulière :



Selon l'article L. 142-2 du CESEDA, en vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents mentionnés à l'article L. 812-1 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une décision de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une peine d'interdiction du territoire français ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en ouvre par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.



Cette disposition dont le retenu se prévaut de la violation n'a pas vocation à s'appliquer comme en l'espèce en dehors de la procédure de placement en rétention, aux consultations réalisées par les services de police ou de l'administration pénitentiaire pendant la détention carcérale de l'intéressé.



Ce seul élément suffit à écarter ce moyen.



-Sur le moyen tiré de l'absence d'identité ou de qualité de la personne ayant notifié le placement en rétention:



En premier lieu, l'intéressé se prévaut de l'absence d'identité ou de qualité de la personne ayant notifié le placement en rétention de l'intéressé.



A cet égard, il n'est fait référence à aucune disposition textuelle prévoyant des conditions à cet effet, le procès civil étant la chose des parties.



Au demeurant, il apparaît sur l'arrêté qu'il a été notifié par un agent de la direction zone de la PAF, sans démontrer en quoi, il ne lui aurait pas été fait lecture de l'arrêté lui causant grief, s'agissant d'un individu qui s'exprime en français.



Par ailleurs, il est patent que M. [W] n'a pas demandé le concours d'un interprète alors que ses droits lui ont été notifiés à son arrivée au CRA, et pour cause alors que la mesure d'éloignement lui était notifiée le 27 novembre 2023, soit six mois avant sa rétention dans une langue comprise et que, le 25 mars 2024 il faisait des observations en détention après l'avis de l'annonce par le préfet d'une mesure d'éloignement à sa sortie de détention.



Il ne démontre donc nullement en quoi il n'aurait pas bénéficié d'une notification régulière de la mesure de placement en rétention tiré de l'absence de lecture de cette décision.



Ce moyen est donc totalement inopérant.









-Sur le choix du pays de destination :



L'intéressé oppose à la cour qu'il doit être renvoyé vers l'Allemagne où il aurait fait une demande d'asile, et vers l'Algérie.



Or, la contestation du choix du pays de destination pour mise à exécution de la mesure d'éloignement relève de la seule compétence du tribunal administratif.



La cour se déclare donc incompétente pour en connaître.



-Sur le défaut de diligences préfectorales :



La directive européenne n°2008-115/CE dite directive 'retour' dispose en son article 15§1 que toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. La rétention doit reposer sur des circonstances de fait qui la rendent nécessaire et proportionnée ( CJUE 5 juin 2014 M. [F], C-146/14).



Aux termes de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Si ce texte impose en effet au préfet d'effectuer sans désemparer les démarches nécessaires à l'exécution, dans les meilleurs délais, de la décision d'éloignement, l'appréciation des diligences qu'il a effectuées doit être faite in concreto en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.



S'il est constant qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité de la décision fixant le pays de retour, il lui incombe d'apprécier les diligences mises en oeuvre pour reconduire l'intéressé dans son pays ou tout autre pays.



En prison, monsieur [W] n'a jamais mentionné l'existence d'une éventuelle demande d'asile en Allemagne alors qu'il a été questionné sur sa situation personnelle avant la mise à exécution de la mesure d'éloignement. Il n'apporte d'autre preuve de son existence en l'espèce, telle qu'un récépissé de dépôt notamment.



Dès lors, rien n'établit que la préfecture devait entamer une procédure de réadmission vers l'Allemagne, plutôt que solliciter un laissez-passer consulaire auprès des autorités algériennes, ce qu'elle a fait dès le placement en rétention le 9 avril dernier. Elle a par la suite, dès la demande de l'avocat de l'intéressé consulté la borne EURODAC sans désemparer, se trouvant dans l'attente du retour et n'ayant pas pour l'heure, de raison de privilégier l'Allemagne au pays d'origine.



Dès lors, les diligences utiles à l'exécution de la mesure d'éloignement dans les meilleurs délais ont été effectuées et ce moyen sera rejeté.



-Sur la remise en liberté :



En l'espèce, le retenu n'a pas préalablement remis a un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité, nonobstant les conditions dans lesquelles il pourrait l'avoir perdu. A ce titre, il est peu probable d'ailleurs qu'il ait détenu un passeport valide avant son entrée en détention à la maison d'arrêt de [Localité 7] alors que:

-il déclarait ne pas en avoir quand lui a été notifié le 27.11.2023 la mesure d'éloignement,

-dans le procès-verbal de fouille contradictoire réalisé à sa sortie de détention de la maison d'arrêt de [Localité 7], le jour de son placement en rétention, il a coché la case 'je ne conteste pas le dépôt de ma fouille', avalisant que tout ce qu'il avait en sa possession à son arrivée, lui avait été remis à sa sortie, donnant peu de crédit à ce que ce document ait été finalement conservé par l'administration pénitentaire.



Concernant ses garanties de représentation, l'attestation d'hébergement de Mme [R] remise par l'intéressée est très ancienne (11.12.2023) ayant servi durant sa détention, sans que ne puisse être vérifiée son actualité, laquelle d'ailleurs ne justifie pas de son droit d'occupation du logement marseillais où elle prétend héberger M. [W], alors que l'adresse ne figure pas sur le seul document d'identité fourni à savoir une carte nationale d'identité belge.



Le retenu n'a donc aucune résidence stable sur le territoire français.



Sa demande de remise en liberté doit donc être rejetée et l'ordonnance confirmée.





PAR CES MOTIFS





Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,



Nous déclarons incompétent pour trancher le pays de destination dans le cadre de l'exécution de la mesure d'éloignement,



Renvoyons en conséquence, [M] [W], à mieux se pourvoir de ce chef,



Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 11 avril 2024.





Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.





Le greffier, Le président,

















Reçu et pris connaissance le :





Monsieur [M] [W]

né le 20 août 1994 à [Localité 4] (ALGERIE) (99)

de nationalité algérienne

































COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Service des Rétentions Administratives

[Adresse 5]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX01]

[XXXXXXXX03]

[Courriel 6]







Aix-en-Provence, le 12 avril 2024





- Monsieur le préfet des Bouches du Rhône

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le directeur du Centre

de Rétention Administrative de [Localité 8] - Maître Sabrina GUERS

- Monsieur le greffier du

Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE







OBJET : Notification d'une ordonnance.





J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 12 avril 2024, suite à l'appel interjeté par :



Monsieur [M] [W]

né le 20 août 1994 à [Localité 4] (ALGERIE) (99)

de nationalité algérienne





VOIE DE RECOURS





Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.









Le greffier,













Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

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