12 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/17472

Chambre 4-3

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 12 AVRIL 2024



N° 2024/ 69



RG 19/17472

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFA4







SAS SO FRA DE





C/



[O] [R]















Copie exécutoire délivrée le 12 Avril 2024 à :



- Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE



-Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 17 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01763.





APPELANTE



SAS SO FRA DE, Les Etines - 42120 LE COTEAU



représentée par Me Maxime DE MARGERIE de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLEsubstitué par Me Philippe GAUTIER, avocat au barreau de LYON





INTIMEE



Madame [O] [R], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller



Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024.





ARRÊT



CONTRADICTOIRE,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024



Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



FAITS ET PROCÉDURE



Mme [O] [R] était engagée par la société Sofrade Devernois à compter du 22 octobre 2008 en qualité de directrice de magasin à structure simple, catégorie cadre A, position 1 selon contrat à durée déterminée à temps complet au centre commercial de [Adresse 2] à [Localité 3].

La convention collective nationale applicable était celle des maisons à succursales de vente au détail d'habillement.



La relation de travail s'est poursuivie le 24 novembre 2008 selon contrat à durée indéterminée à temps complet.



En janvier 2013, la rémunération fixe mensuelle brute de la salariée était fixée à 1 878 € avec un intéressement mensuel de 3,5 % sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé, porté à 4 % dès le 1er euro dès lors que l'objectif fixé était atteint, le nouveau taux s'appliquant alors à l'ensemble du chiffre d'affaires hors taxes réalisé ainsi qu'une prime de gestion.



Mme [R] était convoquée le 17 mars 2017 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 28 mars 2017. Elle était licenciée pour insuffisance professionnelle pour insuffisance de résultats par courrier du 31 mars 2017.



Mme [R] saisissait le 25 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.



Par jugement du 17 octobre 2019 le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a statué comme suit :

« Déclare le licenciement de [O] [R] par la SAS Sofrade dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Condamne la SAS Sofrade à verser à [O] [R] la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et ce, jusqu'à parfait paiement ;

Ordonne la capitalisation des intérêts, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ;



Déboute [O] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Condamne la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne aux entiers dépens de la présente procédure ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ».



Par acte du 15 novembre 2019, le conseil de la société a interjeté appel de cette décision.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 16 janvier 2020, la société Sofrade Devernois demande à la cour de :

«Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à verser à Madame [R] 23 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle, ni sérieuse,

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à verser à Madame [R] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [R] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Et statuant à nouveau,

Débouter Madame [R] de l'ensemble de ses demandes,

La condamner à verser à la société 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ».



Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 30 mars 2020, Mme [R] demande à la cour de :

« Vu le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille, en sa formation de départage, le 17 octobre 2019, qui, d'une part, déboutait Madame [R] de sa dénonciation au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail aux torts de l'employeur et de sa demande indemnitaire afférente et, d'autre part, faisait droit à la contestation de Madame [R] et décidait le licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse.

Vu ce même jugement qui condamnait la Société Sofrade au paiement des indemnités suivantes :

- Dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 23 000,00 €,

- Frais d'article 700 du Code de Procédure civile, exposés en première instance :1 500,00 €.

qui fixait les intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu'à parfait paiement et ordonnait la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

En l'état de l'appel diligenté par la Société Sofrade sollicitant devant la Cour l'infirmation du jugement au motif que les griefs reprochés à la salariée sont bien réels et fondés sur une cause sérieuse.

Ainsi que la condamnation de Madame [R] au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouter la Société Sofrade de son appel et de ses demandes, fins et conclusions exposées en cause d'appel infondées inexactes et contraires aux textes, à la jurisprudence et aux pièces produites par l'intimée,

Confirmer le jugement en ce qu'il a justement décidé le licenciement dénué de toute cause réelle et sérieuse et évalué l'étendue du préjudice subi par la salariée et condamné la société au paiement des frais de procédure exposés en première instance par la salariée pour un montant de 1 500,00 €.

A titre d'appel incident et reconventionnellement,

Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [R] de sa contestation au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail du fait de l'employeur et qu'il soit fait droit à la demande indemnitaire présentée par cette dernière de ce chef.

Condamner la société Sofrade au paiement de la somme de 3 000.00 € au titre des frais de procédure prévus par l'article 700 du Code de Procédure Civile exposés en cause d'appel ;

En conséquence,

Vu le caractère infondé des griefs invoqués à l'appui du licenciement pour insuffisance de résultat,

Vu les manquements de l'employeur durant l'exécution du contrat de travail,

Condamner la société Sofrade au paiement des sommes suivantes :

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 23 000,00 €

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 8.000,00 €

Fixer les intérêts de droit et capitalisation de ces mêmes intérêts, à compter de la demande en justice.



Condamner la société Sofrade au paiement de la somme de 3 000.00 € au titre des frais de procédure prévus par l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens exposés en cause d'appel».



Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.






MOTIFS DE LA DÉCISION



I) Sur le licenciement



La société critique la décision du conseil des prud'hommes en ce qu'il a considéré que la salariée avait été licenciée pour défaut de réalisation de ses objectifs ou des objectifs de la boutique, alors qu'elle a été licenciée du fait d'indicateurs commerciaux bien en deçà de ceux obtenus par les autres boutiques et des résultats enregistrés au sein du secteur et du groupe d'achats dans les périodes précédant le licenciement.

Elle explique que l'insuffisance professionnelle peut être révélée en dehors de toute référence à des objectifs fixés et qu'elle est établie par comparaison avec les résultats enregistrés par le secteur, le groupe achat et réseau des succursales.

Elle souligne que la salariée était informée des difficultés et consciente de l'insuffisance de sa prestation, qu'elle a été assistée pendant plusieurs années par sa responsable régionale pour tenter de redresser la situation, mais que malgré ces actions, les résultats sont restés insatisfaisants.

Elle précise que le licenciement n'était pas causé par une suppression de poste mais par l'insuffisance professionnelle avérée de la salariée et que les résultats enregistrés par la boutique en 2018 sont meilleurs que ceux de l'année 2017, en terme de progression.



La salariée objecte que la lettre de licenciement est essentiellement motivée sur une insuffisance de résultats qui lie les parties et le juge, et que la société tente vainement de détourner cette motivation en lui reprochant une insuffisance professionnelle et de faire croire qu'elle lui aurait offert tous les moyens nécessaires pour permettre de redresser la situation.

Elle rappelle que la baisse du chiffre d'affaires du magasin situé à [Adresse 2] ne lui est aucunement imputable, que la marque concernait des collections d'un coup onéreux réservées à une clientèle féminine de type senior, dans un complexe commercial paupérisé et que le magasin a eu à subir la concurrence des autres centres commerciaux, captant la clientèle puisque ouverts le dimanche.

Elle précise qu'il n'existait aucun accord des parties concernant la fixation d'objectifs à atteindre qui avaient été contestés par courrier du 20 janvier 2013, que le rapport d'expertise sur les risques psychosociaux a fait état de nombreux dysfonctionnements ne pouvant être imputés aux directeurs de magasins et de l'impact de la crise économique sur l'entreprise et qu'en réalité elle s'est vue notifier un licenciement reposant sur un motif économique.



L'insuffisance professionnelle consiste en l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle se définit comme une incapacité objective et durable d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à la qualification du salarié.



De même, l'insuffisance de résultat peut constituer un motif valable de licenciement si celle-ci est objectivement vérifiable et si les résultats non atteints étaient réalistes et atteignables par le salarié au regard notamment des moyens à sa disposition, de son secteur d'activité et de la conjoncture.



En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur et la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.



Le conseil de prud'hommes a reproduit in extenso la lettre de licenciement et les indicateurs commerciaux dont fait état la société pour contester la motivation du premier juge sont bien en corrélation avec les objectifs fixés à la salariée en termes de chiffre d'affaires figurant sur les entretiens annuels.



Il est ainsi reproché à la salariée dans la lettre de licenciement de ne pas avoir atteint ses objectifs en raison d'une perte du chiffre d'affaires du magasin [Adresse 2] sur trois ans, soit la somme de 77'890 €, avec des indicateurs de vente insuffisants (panier moyen, indice de vente, taux de transformation) en comparaison avec le réseau, le secteur et le groupe d'achats « à fin décembre 2016, le chiffre d'affaires de 184'465 € est en retrait de 6,7 % par rapport à décembre 2015. Le chiffre d'affaires de 2015 était lui-même un retrait de 24,6 % par rapport à 2014 qui lui-même était en régression de 18,9 % par rapport à 2013 ».



C'est par des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour que le conseil des prud'hommes a dit que l'insuffisance de résultats ne résultait ni d'une insuffisance professionnelle, ni d'un comportement fautif imputable à la salariée, au regard des pièces présentées, attestant notamment que :

- les éléments chiffrés portant non seulement sur le magasin de l'appelante mais aussi sur les magasins de la région et du secteur démontraient que la conjoncture économique rendait difficile la réalisation des objectifs fixés par suite d'une perte importante de trafic pour le centre commercial [Adresse 2], d'une clientèle difficile à renouveler et à recruter, du fait de l'implantation du magasin au sein d'un centre commercial attirant une clientèle plus jeune,

- les magasins de la région sud ainsi que ceux du secteur pris dans leur ensemble n'avaient également pas atteint les chiffres d'affaires fixées en 2014, 2015 et 2016 avec des chiffres d'affaires réalisées par ses magasins en baisse chaque année, et ce, quand bien même les résultats des indicateurs commerciaux relatifs à l'indice de vente, panier moyen et le taux de transformation apparaissaient meilleurs dans les magasins de la région sud et du secteur que ceux réalisés par le magasin [Adresse 2],

- en l'état des constatations du rapport d'expertise 'risque grave' demandé par le CHSCT Sofrade, remis le 6 mars 2015, les objectifs assignés par la société Sofrade étaient difficilement réalisables compte tenu de la conjoncture économique, de l'emplacement du magasin et d'une clientèle avec faible pouvoir d'achat ne correspondant pas aux types de produits hauts de gamme vendus par la marque Devernois, ce qui était le cas de la clientèle du centre commercial à Valentine dans lequel est situé le magasin dont la salariée avait la charge. Le rapport relevait des disparités entre les magasins exerçant sous l'enseigne de Devernois avec l'existence d'une logique de chiffres et un besoin de résultat, suite à l'ouverture d'un plan de sauvegarde de l'emploi en 2013 par la société.



La cour ajoute que la société avait bien conscience de la difficulté à rajeunir la clientèle du magasin, au regard l'âge moyen de la clientèle de la marque Devernois qui était pour le magasin de [Adresse 2] de 67,22 ans, soit au-dessus du secteur de 66,96 ans et égal au réseau. Ainsi, il est indiqué dans l'appréciation des écarts figurant dans l'entretien annuel de 2016 que « la boutique accuse une perte importante en trafic, cette perte est calée au centre commercial qui accuse aussi une perte de trafic importante, de plus les enseignes implantés dans l'extension du centre commercial attirent une population en décalage avec notre cible clientèle » ( pièce appelante 13).



Par ailleurs, la société n'établit pas que la perte du chiffre d'affaires du magasin de [Adresse 2] soit la conséquence du comportement de la salariée alors même que l'évaluation des performances de la salariée lors de l'entretien annuel de 2015 notait un bon relationnel avec la clientèle et de la réactivité, que le compte-rendu de visite de Mme [S], responsable régionale, relevait cette même année que la boutique était très qualitative et très propre que le 'merch' était séduisant et respecté, qu'un effort a été fait pour recruter des nouvelles clientes dont 38 % dans la tranche d'âge 30/60 (pièces appelante 12 et 15).



L'entretien de 2016 souligne aussi les points forts de la salariée notamment le très bon relationnel clientèle, le dynamisme, le merchandising ainsi que l'ordre et le rangement et le compte rendu de visite de Mme [S] notait que le magasin était très beau et qualitatif, avec un très beau rendu et félicitait la salariée puisqu'à la fin octobre de nouvelles clientes avaient été recrutées dont 34 % dans la tranche d'âge 30/60 engendrant 28,36 % du chiffre d'affaires sur la période (pièces appelante 13 et 15).

Le tableau des performances et qualités de la salariée mentionne en 2016 « 12 Très bien » contre « 6 Très bien » l'année précédente, ce qui attestait de la satisfaction de la hiérarchie malgré des indicateurs toujours bas, l'appréciation globale étant « Bonnes Performances ».



Il est observé cependant que l'entretien annuel de 2017 ne présentait plus les mêmes items que ceux de 2015 et 2016, l'évaluation des compétences étant déterminée en terme de «Aquis, Non Acquis et Accompagnement », ce qui ne permet plus une comparaison objective avec les précédentes évaluations.

Ainsi, la curiosité, l'ambition le dynamisme, l'équipe d'esprit étaient notés « Bien » en 2016 et curieusement « Non Acquis » en 2017, la gestion des priorités « Très Bien » en 2016 et « Non Acquis » en 2017, sans que soit précisé le motif sur lequel s'était basée la hiérarchie pour cette appréciation. Il en est de même pour les autres performances.



De même, le fait que la salariée ait eu conscience de son manque de résultats le 7 janvier 2017 ne permet pas de considérer qu'elle se considérait comme incompétente dans ses fonctions de directrice du magasin.

Cette dernière a en effet, adressé un e-mail le 5 janvier 2017, à la responsable régionale indiquant que si le nombre de visiteurs étaient à nouveau en très forte hausse, il n'y avait que 7,5 % d'acheteuses, que beaucoup de curieux découvraient la marque avec toujours la même problématique 'trop haut de gamme' pour beaucoup de ces personnes et qu'elle avait enregistré 22,2 % de nouvelles clientes mais qui restaient très âgées, 53 % des clients ayant plus de 70 ans (pièce intimée 14).

Le 4 février 2017, la salariée a adressé également un e-mail à Mme [Z], manager, faisant état de la baisse notamment du chiffre d'affaires de 49,5 % et des clients de 51 %, relevant la baisse du pouvoir d'achat de la clientèle du centre commercial [Adresse 2] et l'existence d'un stock avec beaucoup de manques et l'impossibilité de commander. Elle évoquait également les actions entreprises afin de 'performer'(pièce intimée 15).

À cet égard, l'expertise « risque grave » de l'audit 3E conseil, relevait une disparité quant à l'étendue de la collection présentée et le stock disponible, souvent insuffisant selon les boutiques avec un réassort non systématique et des ruptures de stocks fréquentes représentant un frein à la vente, « le transfert de produits d'autres boutiques ne constituant pas toujours une réponse commerciale efficace face à une clientèle de plus en plus volatile et en particulier pour la clientèle plus jeune qui était ciblée » (pièce intimée 12).



Le rapport a souligné que l'entreprise a eu un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en 2013 suite à des pertes financières conséquentes en lien avec la crise économique ayant entraîné un changement dans l'organisation et le management de la société et qu'il n'avait été tenu compte des facteurs externes (moyens de travail, situation géographique du magasin) dans la remise en question systématique des compétences individuelles, lors de la non atteinte des objectifs et des visites de boutiques.

L'enquête de satisfaction Vocaza produite par la société ne saurait remettre en cause les conclusions de ce rapport et la société ne peut utilement soutenir qu'elle a mené des actions pour soutenir la salariée, lors des visites, aux fins de remédier aux difficultés.



Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par la société, les résultats enregistrés par la boutique n'ont cessé de baisser régulièrement à compter de 2013 puisqu'en 2016 le chiffre d'affaires réalisé était de 184'465 €, en 2017 de 129'89687 € et en 2018 de 123 042,04 € avec -29% Prog, ce qui démontre que la directrice du magasin n'était évidemment pas la cause de cette perte de chiffre d'affaires.



En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'au titre des dommages-intérêts alloués dont le montant n'est pas discuté.



La cour applique d'office la sanction des dispositions de l'article 1235-4 du code du travail.



II) Sur l'exécution déloyale



La salariée soutient que le conseil des prud'hommes a fait une inexacte appréciation de sa situation et sollicite des dommages-intérêts en raison de l'absence de prise en compte des risques psychosociaux et les pressions exercées pour faire accepter une rupture conventionnelle du contrat de travail.



La société conteste fermement avoir exercé des pressions pour l'obtention d'une signature de rupture conventionnelle et souligne que la salariée ne s'est jamais plainte de la relation de travail et qu'elle se prévaut de manière opportuniste, du rapport d'audit 3E conseil.



Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l'employeur d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.



La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.



En l'espèce, les manquements de la société dans l'exécution du contrat de travail de la salariée ainsi que les pressions sont démontrés non seulement au regard des éléments relevés dans le rapport d'audit 3E conseil faisant suite aux réunions CHST Sofrade qui souligne le climat anxiogène et le management agressif renvoyant notamment aux vendeuses et directrices du magasin la situation économique de l'entreprise liée à leur supposée incompétence mais également en l'état des courriers de la salariée 17 mars 2017 et du 30 mai 2017.



Mme [R] qui invoque avoir été particulièrement affectée et déstabilisée par ces différentes man'uvres justifie en conséquence d'un préjudice moral en lien avec ce manquement, dont il convient de fixer l'indemnisation à hauteur de 1 500 euros.









III) Sur les autres demandes



La société qui succombe doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à la salariée la somme supplémentaire de 2 000 € .





PAR CES MOTIFS



La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,



Confirme le jugement déféré SAUF s'agissant du rejet de la demande au titre de l'exécution déloyale,



Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,



Condamne la société Sofrade Devernois à payer à Mme [O] [R] les sommes suivantes:

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Ordonne le remboursement par la société Sofrade Devernois à France Travail (ex Pôle Emploi) des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de 3 mois ;



Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à France Travail, par le greffe ;



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;



Condamne la société Sofrade Devernois aux dépens d'appel.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

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