11 avril 2024
Cour d'appel de Douai
RG n° 23/03757

CHAMBRE 8 SECTION 3

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 11/04/2024



N° de MINUTE : 24/300

N° RG 23/03757 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VBYV

Jugement (N° 23/00101) rendu le 13 Juillet 2023 par le Juge de l'exécution de Lille





APPELANT



Monsieur [X] [T] [D]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 2] - de nationalité Iranienne

[Adresse 4]

[Localité 2] (Iran)



Représenté par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Philippe Mammar, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



INTIMÉE



SA La Société Générale, société anonyme au capital de 1.062.354.722,50 €, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 552 120 222 représentée par ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant aux droits et obligations de la banque Crédit du Nord, en suite de l'opération de fusion-absorption intervenue entre la Société Générale, société absorbante, d'une part, et le Crédit du Nord, société absorbée, d'autre part, ladite fusion-absorption étant devenue définitive en date du 1er janvier 2023

[Adresse 3]

[Localité 5] (France)



Représentée par Me Caroline Chambaert, avocat au barreau de Lilla, avocat constitué assisté de Me Dominique Santacru, avocat au barreau de Paris





DÉBATS à l'audience publique du 14 mars 2024 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe



GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ



Sylvie Collière, président de chambre

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Catherine Ménegaire, conseiller



ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Ménegaire, conseiller pour le président empêché conformément aux dispositions de l'article 452 du cpc et Ismérie capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 22 février 2024








EXPOSE DU LITIGE



Par jugement du 21 février 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :



- condamné la société Crédit du Nord à payer à M. [X] [T] [D] la somme de 304 006,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- rejeté le surplus des demandes indemnitaires de M. [X] [T]

[D] ;

- déclaré non prescrite la demande reconventionnelle en paiement de la société Crédit du Nord;

- rejeté cette demande ;

- condamné la société Crédit du Nord à payer à M. [X] [T] [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- prononcé l'exécution provisoire ;

- condamné la société Crédit du Nord aux dépens, en ce compris les frais d'expertise confiée à M. [F] ;

- rejeté toutes les autres demandes.



En raison de l'exécution provisoire attachée à ce jugement, le Crédit du Nord a, par chèque du 16 juillet 2020, réglé à M. [T] [D] la somme de 306 006,18 euros.



Il a relevé appel de cette décision par déclaration du 15 janvier 2021 et M. [T] [D] en a également relevé appel par déclaration du 23 juillet 2021.



Par arrêt du 12 mai 2022, la cour d'appel de Versailles a :



- déclaré irrecevable la demande d'annulation des opérations d'achats, ventes de titres contestés réalisés sans ordre ni instruction ;

- déclaré irrecevable la demande d'annulation du nantissement et à défaut l'inopposabilité de l'acte de nantissement ;

- confirmé le jugement contesté en ce qu'il :

* rejette les demandes indemnitaires de M. [T] [D] ;

* déclare la demande reconventionnelle en paiement de la SA Crédit du Nord recevable ;

* condamne la SA Crédit du Nord aux frais d'expertise ;

- infirmé le jugement contesté quant au quantum de la condamnation en paiement de la SA Crédit du Nord et en ce qu'il rejette la demande en paiement de la banque au titre du solde débiteur du compte bancaire ;

Statuant à nouveau,

- condamné la SA Crédit du Nord à payer à M. [T] [D] la somme de 408 320,33 euros, à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

- condamne M. [T] [D] à payer à la SA Crédit du Nord la somme de

949 876,36 euros outre intérêts au taux légal à compter du 17 février 2003 ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Crédit du Nord aux entiers dépens de la procédure d'appel.



Par acte du 9 juin 2022, la société Crédit du Nord a fait signifier cet arrêt à M. [T] [D].



Par acte du 14 février 2023, M. [T] [D] a, en vertu de l'arrêt du 12 mai 2022, fait signifier à la société Crédit du Nord un commandement de payer la somme de 103 730,06 euros aux fins de saisie-vente (soit 408 320,33 euros au titre du principal, 723,10 euros au titre des intérêts échus et 692,81 euros au titre des frais, sous déduction d'un acompte de 306 006,18 euros).



Par acte du 9 mars 2023 remis au parquet de Lille, la SA Société générale, venant aux droits de la SA Crédit du Nord à la suite d'une fusion-absorption du 1er janvier 2023, a fait assigner M. [T] [D] demeurant à [Localité 2] en Iran, devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille à l'audience du 19 juin 2023, aux fins de voir annuler le commandement du 14 février 2023 et condamner M. [T] [D] au paiement de dommages et intérêts.



Par jugement contradictoire du 13 juillet 2023, le juge de l'exécution a :



- débouté M. [T] [D] de l'exception de nullité de l'assignation ;

- débouté M. [T] [D] de l'exception de caducité de l'assignation ;

- débouté M. [T] [D] de l'exception de litispendance et de connexité ;

- débouté M. [T] [D] de sa demande de sursis à statuer ;

- annulé le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré par M. [T] [D] le 14 février 2023 ;

- débouté la Société générale de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné M. [T] [D] à verser la somme de 2 000 euros à la Société générale au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leur demande ;

- condamné M. [T] [D] aux dépens.



Par déclaration adressée par la voie électronique le 9 août 2023, M. [T] [D] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la Société générale de sa demande en dommages et intérêts.



Aux termes de ses dernières conclusions du 23 novembre 2023, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en conséquence

de :



A titre principal, in limine litis, vu les articles 643, 683 à 688 et notamment 687-2, 114 et 117 du code de procédure civile,



- prononcer la nullité de l'assignation qui lui a été prétendument délivrée et dont il est seulement justifié d'une remise à parquet le 9 mars 2023, et renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;



Subsidiairement, vu l'article 754 du code de procédure civile,

- prononcer la caducité de l'assignation qui lui a été prétendument délivrée et dont il est seulement justifié d'une remise à parquet le 9 mars 2023, et ainsi remise au greffe du tribunal le 17 mars 2023 ;



Très subsidiairement, vu les articles 100 et 101 du code de procédure civile,

- juger recevable et bien fondée l'exception de litispendance et/ou de connexité élevée ;

Ce faisant,

- se dessaisir au profit du tribunal judiciaire de Paris 9ème chambre, 2ème section, instance enrôlée sous le numéro RG 23/11471 et à défaut et subsidiairement de la cour d'appel de Paris pôle 1 chambre 10, instance enrôlée sous le numéro RG 23/14235 ;



A titre infiniment subsidiaire, vu les articles 378 à 380-1 du code de procédure civile,

- surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris pôle 1 chambre 10, instance enrôlée sous le numéro RG 23/14235 et subsidiairement dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Paris 9 ème chambre, 2 ème section instance enrôlée sous le numéro RG 23/11471,



En tout état de cause,

- débouter la Société générale de toutes ses demandes en déclarant son appel incident irrecevable et mal fondé ;

- confirmer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les prétentions à dommages-intérêts de la Société générale ;

- condamner la Société générale venant aux droits du Crédit du Nord à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Processuel représentée par Maître Bernard Franchi, avocat près la cour d'appel de Douai.



Aux termes de ses dernières conclusions du 12 janvier 2024, la Société générale demande à la cour, au visa des articles 100 et 101 du code de procédure civile, L. 221-1, R. 221-1 et suivants et R. 121-5 du code des procédures civiles d'exécution, 700 du code de procédure civile, de :



- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de M. [T] [D] au paiement de dommages et intérêts ;



Et statuant à nouveau de ce chef,

- condamner M. [T] [D] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;



En tout état de cause,

- débouter M. [T] [D] de toutes ses demandes comme mal fondées ;

- condamner M. [T] [D] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel.




MOTIFS



Sur l'exception de nullité de l'assignation du 9 mars 2023 :



Selon l'article 683 du code de procédure civile, les notifications des actes judiciaires et extra-judiciaires à l'étranger ou en provenance de l'étranger sont régies par les règles prévues par la présente section, sous réserve de l'application des règlements européens et des traités internationaux.



Les articles 684 à 688 du même code énoncent les règles applicables à la notification des actes à l'étranger.



Selon l'article 693 du code de procédure civile, ce qui est prescrit par les articles 683 à 684-1, 686 et par le premier alinéa de l'article 688 est observé à peine de nullité.



Aux termes de l'article 694 du même code, la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.



Il en résulte que les irrégularités découlant du non-respect des formalités prévues par les articles 683 à 684-1, 686 et par le premier alinéa de l'article 688, qui ne font pas partie de celles limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile, constituent donc des irrégularités de forme soumises aux articles 112 à 116 de ce code, de sorte que les dispositions de l'article 114 alinéa 2 aux termes desquelles la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public, sont applicables.



M. [T] [D] se fondant sur les articles 684 à 688 du code de procédure civile et notamment l'article 687-2 du code de procédure civile, fait valoir qu'alors qu'il demeure à l'étranger, la Société Générale ne justifie pas qu'il ait régulièrement reçu de quelque manière que ce soit l'assignation du 9 mars 2023. Il en déduit que la nullité est établie, l'atteinte aux droits de la défense étant majeure et substantielle au sens de l'article 119 du code de procédure civile et que, s'agissant de l'omission d'un acte et non d'un vice de forme dont un acte de procédure serait entaché, les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile ne sont pas applicables et la nullité est acquise sans grief. Il ajoute qu'à l'audience du 19 juin 2023, le juge de l'exécution aurait dû au minimum renvoyer l'affaire à l'audience du 25 septembre 2023, comme il le demandait, ou tirer les conséquences de l'omission de la banque en faisant droit à sa demande de nullité de l'assignation.



Or, d'une part il est constant que l'assignation de M. [T] [D] à l'audience du 19 juin 2023 a été remise au parquet de Lille le 9 mars 2023, de sorte qu'à l'égard de la Société générale la date de la notification est à fixer à cette date, en application de l'article 647-1 du code de procédure civile qui dispose que la date de notification, y compris lorsqu'elle doit être faite dans un délai déterminé, d'un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l'étranger, est, à l'égard de celui qui y procède, la date d'expédition de l'acte par le commissaire de justice ou le greffe, ou, à défaut, la date de réception par le parquet compétent ; d'autre part, la preuve est rapportée que M. [T] [D] a reçu l'assignation remise au parquet de Lille le 9 mars 2023, puisqu'il figure au dossier de première instance la constitution pour lui de la société Hepta prise en la personne de Maître [H] [W] 'sur l'assignation qui lui a été délivrée par commissaire de justice en date du 9 mars 2023'.



Il a lui-même produit cette assignation devant le juge de l'exécution en précisant qu'elle a été diffusée par lettre officielle du conseil de la banque du 10 mars 2023 à son propre avocat, versée aux débats. Il a par ailleurs conclu de manière complète et produit de nombreuses pièces pour l'audience du 19 juin 2023 et le jugement déféré mentionne qu'il n'a sollicité aucun délai pour préparer sa défense.



Ainsi, et à supposer même que les dispositions des articles 683 à 684-1, 686 et du 1er alinéa de l'article 688 du code de procédure civile, seules prescrites à peine de nullité (l'article 687-2 du de ce code expressément invoqué par l'appelant n'étant pas visé par l'article 693) n'aient pas été intégralement respectées, force est de constater que M. [T] [D] n'a subi aucun grief de sorte que la nullité de l'assignation du 9 mars 2023 ne saurait être prononcée.



Le jugement déféré qui a rejeté l'exception de nullité de l'assignation sera donc confirmé.





Sur l'exception de caducité de l'assignation du 9 mars 2023 :



L'article 754 du code de procédure civile, dans sa rédaction résultant du décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose que :

La juridiction est saisie, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation.

Sous réserve que la date de l'audience soit communiquée plus de quinze jours à l'avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date.

La remise doit avoir lieu dans ce délai sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d'une partie.



Selon l'article R. 121-5 du code des procédures civiles d'exécution, sauf dispositions contraires, les dispositions communes du livre I du code de procédure civile sont applicables, devant le juge de l'exécution, aux procédures civiles d'exécution à l'exclusion des articles 481-1 et 484 à 492.



Selon l'article R. 121-11 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, sauf dispositions contraires, la demande est formée par assignation à la première audience utile du juge de l'exécution.



Selon l'article R. 121-13 du même code, le juge de l'exécution s'assure qu'il s'est écoulé un délai suffisant entre la convocation ou l'assignation et l'audience pour que la partie défenderesse ait pu préparer sa défense.



Il en résulte que l'article 754 du code de procédure civile invoqué par l'appelant n'est pas applicable en l'espèce puisqu'il est inséré dans le livre II du code de procédure civile ('Dispositions particulières à chaque juridiction') et plus précisément dans le titre I de ce livre ('Dispositions particulières au tribunal judiciaire') et non dans le livre I auquel l'article R. 121-5 du code des procédures civiles d'exécution renvoie sauf dispositions contraires. En outre, il n'est prévu par les articles R. 121-11 et R. 121-13 du code des procédures civiles d'exécution aucun délai entre la remise au greffe de l'assignation à l'audience devant le juge de l'exécution et l'audience.



En tout état de cause, l'assignation du 9 mars 2023 remise au parquet de Lille a été transmise au greffe du juge de l'exécution le 17 mars suivant, soit plus de deux mois avant l'audience du 19 juin 2023, et il a été précisé ci-dessus que cette assignation n'était pas nulle.



M. [T] [D] ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 688 du code de procédure civile qui pose des conditions pour que le juge saisi de l'affaire puisse statuer au fond 's'il n'est pas établi que le destinataire de l'acte en a eu connaissance en temps utile' , alors qu'il a été précisé ci-dessus qu'il avait eu connaissance de l'assignation du 9 mars 2023 le 10 mars 2023 par remise de cette dernière à son avocat et que le premier juge a relevé dans le jugement déféré qu'il avait constitué avocat, avait conclu et n'avait sollicité aucun délai pour préparer sa défense.



Le jugement déféré qui a rejeté l'exception de caducité de l'assignation du 9 mars 2023 sera donc confirmé.





Sur l'exception de litispendance ou de connexité :



Selon l'article 100 du code de procédure civile, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande.



Selon l'article 101 du code de procédure civile, s'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.



Selon l'article 102 du même code, lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l'exception de litispendance ou de connexité ne peut être soulevée que devant la juridiction de degré inférieur.



En l'espèce, pour recouvrer sa créance à l'égard de M. [T] [D] découlant de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 12 mai 2022, le Crédit du Nord a, le 26 septembre 2022, procédé à la cession des titres déposés sur un compte sur lequel un nantissement avait été consenti par son client le 21 novembre 2000 et appréhendé les espèces déposées sur le compte espèces rattaché à ce compte titres, pour un montant total de 758 659,23 euros.



Par acte du 22 février 2023, M. [T] [D], considérant que la mise en oeuvre du nantissement constituait une mesure d'exécution forcée irrégulière a fait assigner le Crédit du Nord devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris afin de le voir condamner à lui régler la somme de 765 307,99 euros avec intérêts au taux légal, celle de 103 730,06 euros avec intérêts au taux légal, ainsi qu'à lui communiquer diverses informations sous astreinte.



Par jugement du 19 juin 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. [T] [D] et a renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris pour y être distribué au Pôle civil compétent.







M. [T] [D] a relevé appel de ce jugement et l'affaire est pendante devant la cour d'appel de Paris sous le numéro RG n°23/14235 et est par ailleurs enrôlée devant le tribunal judiciaire de Paris sous le numéro RG n°23/11471 dans l'attente de la décision de la cour d'appel.



M. [T] [D] demande d'abord le renvoi de la présente affaire devant le tribunal judiciaire de Paris saisi de l'instance suivie sous le numéro RG 23/11471.

Or, le tribunal judiciaire étant de degré inférieur à la cour, l'exception de litispendance ou de connexité ne peut, en application de l'article 102 susvisé, être soulevée devant la cour.



M. [T] [D] demande qu'à défaut de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris, celle-ci soit renvoyée devant la cour d'appel de Paris saisie de l'appel qu'il a formé contre le jugement du juge de l'exécution en date du 19 juin 2023.



Or, la cour d'appel de Paris est saisie d'un appel à l'encontre d'un jugement d'incompétence tandis que la présente cour est saisie d'une contestation formée à l'encontre d'un commandement aux fins de saisie-vente de sorte qu'il ne peut être soutenu que le litige porté devant chaque cour est le même, ni qu'il existe un lien suffisant entre les deux affaires.



Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de litispendance ou de connexité soulevée par M. [T] [D].





Sur la demande de sursis à statuer :



Il est sans intérêt de surseoir à statuer jusqu'à la décision de la cour de Paris dans l'instance enrôlée sous le n° RG 23/14235 ou dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Paris sous le n°23/11471 dans la mesure où la cour de Paris n'est saisie que d'un appel sur la compétence et que la compétence du tribunal judiciaire de Paris n'a pas encore été confirmée. Au surplus, il sera précisé ci-dessous que, quelle que soit la solution donnée au litige porté devant la juridiction parisienne (juge de l'exécution ou tribunal judiciaire) dont la compétence sera retenue, M. [T] [D] n'est pas créancier de la Société générale en vertu de l'arrêt du 12 mai 2022.



Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [T] [D] de sa demande de sursis à statuer.





Sur la validité du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 14 février 2023 :



Selon l'article L. 221-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.



En l'espèce, le Crédit du Nord a été condamné par l'arrêt de la cour de Versailles en date du 12 mai 2022 à régler à M. [T] [D] la somme de 408 320,33 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et cette même décision a condamné M. [T] [D] à régler au Crédit du Nord la somme de

949 876,36 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2003.



Il est constant que le Crédit du Nord avait réglé à M. [T] [D], en exécution du jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 21 février 2020, la somme de 306 006,18 euros de sorte qu'il lui restait à dû à ce dernier par la banque la somme de 102 314,15 euros (408 320,33 - 306 006,18).



M. [T] [D] ayant lui-même été condamné à payer au Crédit du Nord la somme de 949 876,36 euros, restait donc débiteur, après compensation avec sa créance de 102 314,15 euros, de la somme de 847 562,21 euros.



Le Crédit du Nord a, le 26 septembre 2022, appréhendé, en mettant en jeu le nantissement consenti par M. [T] [D] le 21 novembre 2000, une somme de 384 796,75 euros provenant de la cession des titres déposés sur le compte d'instruments financiers objet du nantissement ainsi qu'une somme de 373 862,48 euros correspondant au solde du compte espèces rattaché au compte titres, soit une somme totale de 758 659,23 euros, la régularité de cette appréhension ayant été, ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, contestée par M. [T] [D] devant le juge de l'exécution de Paris qui s'est déclaré incompétent par jugement du 19 juin 2023, frappé d'appel par M. [T] [D].



Ainsi :

- soit la somme de 758 659,23 euros a été appréhendée régulièrement par le Crédit du Nord générale, de sorte que la créance de ce dernier a été réduite à 88 902,98 euros (847 562,21 - 758 659,23), sans même tenir compte des intérêts légaux que la banque chiffrait dans le décompte du 6 octobre 2022, transmis par son avocat à celui de M. [T] [D], à la somme de 271 892,44 euros pour la période du 17 février 2003 au 6 octobre 2022 ;

- soit la somme de 758 659,23 euros n'a pas été appréhendée régulièrement par le Crédit du Nord de sorte qu'elle ne pouvait être déduite du montant de sa créance qui restait fixée à 847 562,21 euros, sans davantage tenir compte des intérêts.



Il s'ensuit qu'en tout état de cause, quand il a fait délivrer le commandement aux fins de saisie-vente du 14 février 2023 pour une somme de 103 730,06 euros, M. [T] [D] n'était plus créancier de la Société générale en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 12 mai 2022, mais débiteur de cette dernière.



C'est donc à juste titre que le jugement déféré a annulé le commandement litigieux.





Sur la demande de dommages et intérêts de la Société générale :



Selon l'article L. 121-2 du même code, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.



A supposer même que le commandement du 14 février 2023 puisse être considéré comme abusif, force est de constater que, pas plus qu'en première instance, la Société générale ne démontre le préjudice qui en découlerait pour elle.



Le jugement déféré qui a débouté la Société générale de sa demande indemnitaire sera donc rejeté.



Sur les frais du procès :



La sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.



Partie perdante en appel, M. [T] [D] sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à régler à la Société générale la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles que cette dernière a été contrainte d'exposer en appel.





PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement déféré ;



Y ajoutant,



Condamne M. [X] [T] [D] à payer à la SA Société générale la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;



Condamne M. [X] [T] [D] aux dépens d'appel.





Le greffier, Pour le président empêché,

L'un des conseillers ayant délibéré

(article 456 cpc)









Ismérie CAPIEZ Catherine MENEGAIRE

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