10 avril 2024
Cour d'appel de Rennes
RG n° 21/01406

8ème Ch Prud'homale

Texte de la décision

8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°116



N° RG 21/01406 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RM6V













SAS AXILONE PLASTIQUE



C/



M. [Y] [L]

















Confirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN

-Me Christophe LHERMITTE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 15 Février 2024



En présence de Madame [UG] [C], Médiatrice judiciaire



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats







****



APPELANTE et intimé à titre incident :



La SAS AXILONE PLASTIQUE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Ayant Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée par Me Véronique MARRE substituant à l'audience Me Jean-charles GUILLARD de la SELARL SELARL MARRE & GUILLARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉ et appelant à titre incident :



Monsieur [Y] [L]

né le 31 Mars 1959 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]



Présent à l'audience, ayant Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté par Me Caroline COUTE, Avocat plaidant du Barreau de LORIENT



La SAS AXIlLONE PLASTIQUE est un acteur du secteur du packaging, spécialiste du bouchage, de l'habillage et des boîtiers pour la parfumerie, le soin, l'hygiène et le maquillage.



M. [Y] [L] a été engagé par la société AXILONE PLASTIQUE à compter du 13 avril 1992 en qualité de Technicien Etudes Développement sous la responsabilité de Monsieur [P] [M].



En avril 2003, M. [L] a postulé à une fonction de responsable grands comptes consécutivement à laquelle il a signé un avenant à son contrat de travail à la date du 23 avril 2003 et pour laquelle sa rémunération annuelle s'élevait à 51.170 euros bruts.



Aux termes dudit avenant, était stipulé que, conformément à l'accord d'établissement du 1er octobre 2002 il percevait en sus un pécule de vacances forfaitaire de 914,70 euros bruts ainsi qu'une prime de fin d'année forfaitaire de 914,70 euros bruts.



M. [L] percevait également un bonus variable sur objectif.



Par courrier du 17 décembre 2004, Monsieur [L] en sa qualité de responsable grands comptes prenait la responsabilité du secteur Grand Ouest de la France.



Au mois d'avril 2019, l'entretien annuel d'appréciation de M. [L] s'est tenu.



Le 24 juillet 2019, la SAS AXILONE PLASTIQUE a proposé à M. [L] de conclure une rupture conventionnelle, qu'il a refusée.



Le 26 août 2019, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 5 septembre suivant, auquel le salarié s'est rendu.



Le 10 septembre 2019, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de l`exécution de son préavis et levée de sa clause de non-concurrence.



Le 18 septembre 2019, il a contesté les motifs de son licenciement.



Le 31 janvier 2020, M. [L] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lorient aux fins de :



' Dire et juger que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse,

' Dire et juger que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de sécurité de résultat,

' Condamner la SAS AXILONE PLASTIQUE à lui verser :

- 214.200 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 85.800 € de dommages et intérêts pour non-respect par l`employeur de son obligation de sécurité de résultat,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Exécution provisoire,

' Dépens à la charge de la partie défenderesse.



La cour est saisie de l'appel interjeté par la SAS AXILONE PLASTIQUE le 2 mars 2021 contre le jugement du 11 février 2021, par lequel le Conseil de prud'hommes de Lorient a :



' Jugé que le licenciement de M. [L] était dénué de fondement et ne pouvait donc s'analyser en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

' Condamné la SAS AXILONE PLASTIQUE à verser à M. [L] les sommes de :

- 135.850 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 € au titre de l`article 700 du code de procédure civile,

' Condamné la SAS AXILONE PLASTIQUE à rembourser à Pôle Emploi l'équivalent de 6 mois d`indemnités de chômage versées à M. [L],

' Débouté M. [L] de ses plus amples demandes et prétentions,

' Débouté la SAS AXILONE PLASTIQUE de l'ensemble de ses demandes,

' Dit que les dépens seront supportés par la SAS AXILONE PLASTIQUE.



Vu les écritures notifiées par voie électronique le 28 octobre 2021 suivant lesquelles la SAS AXILONE PLASTIQUE demande à la cour de :



' Recevoir la SAS AXILONE PLASTIQUE en son appel,

' Dire la SAS AXILONE PLASTIQUE bien fondée,

' Infirmer la décision entreprise,

' Débouter M. [L] de sa demande d'une somme de 214.200 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Subsidiairement,

' Dire et juger qu'en l'état du préjudice matériel démontré par M. [L], il y a lieu de limiter à 6 mois de salaire les dommages et intérêts dus au titre d'un éventuel licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Plus subsidiairement,

' Limiter à 135.850 € le montant d'éventuels dommages et intérêts au regard des règles gouvernant le plafond,

' Débouter M. [L] de sa demande en paiement de la somme de 85.800 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

' Condamner M. [L] aux dépens,

' Autoriser la SCP AB LITIS, Me PELOIS, Me ANIOYEL-VICQUELIN, avocats postulants à les recouvrer conformément aux dispositions de |'article 699 du code de procédure civile.



Vu les écritures notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021, suivant lesquelles M. [L] demande à la cour de :



' Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Lorient du 11 février 2021 en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [L] était dénué de cause réelle et sérieuse,

' Réformer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Lorient sur le quantum des dommages et intérêts alloué à M. [L],

En conséquence,

' Condamner la SAS AXILONE PLASTIQUE à verser à M. [L] la somme de 214.200 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner, en tout état de cause, la SAS AXILONE PLASTIQUE à verser à M. [L] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la même aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2024.





Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties aux conclusions susvisées.




* * *





*

MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur le bien fondé du licenciement



Pour infirmation, l'employeur expose que M. [L] a été licencié parce qu'il ne remédiait pas aux insuffisances qu'il manifestait dans l'exercice de ses fonctions, que ce soit en matière de communication ou de démarche commerciale, restant sourd aux alertes qui lui étaient signifiées. ll précise qu'il n'a jamais été reproché à M. [L] une quelconque insuffisance professionnelle, mais que le licenciement procède du constat que M. [L] n'était plus perçu comme un interlocuteur audible par les clients d'AXlLONE du fait d'une méthode de travail non en phase avec celle attendue. Pour contester le caractère discriminatoire lié à l'âge de M. [L], la société expose que celui-ci n'aurait jamais été un critère d'appréciation pris en compte au sein de l'entreprise et produit le CV de plusieurs salariés seniors.



Si M. [L] invoque une discrimination en raison de l'âge, il n'expose aucune raison de faits qui serait de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination et ne formule pas plus de demande expresse à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, tels que des dommages et intérêts à ce titre ou un licenciement nul. Concernant les griefs relevés par l'employeur, M. [L] expose que l'évolution de l'entreprise entraîne une modification des emplois, nécessitant pour l'employeur une obligation d'adaptation des salariés à ces évolutions, essentiellement au moyen de la formation. Il ne reconnaît par ailleurs aucun des griefs relevés par son employeur.



Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.



Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.



Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.



La cause doit être objective et exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.



La lettre de licenciement doit être suffisamment motivée et énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.



Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié.



En l'espèce, la lettre de licenciement du 10 septembre 2019 qui circonscrit les limites du litige énumère les griefs suivants :



- présentations et mails peu compréhensibles, avec des fautes d'orthographe, mauvaise communication avec les acheteurs,

- absence de réaction aux alertes en matière de communication (réponse et organisation des mails) ou de démarche commerciale.



Elle est rédigée comme suit :



[...]



...nous constatons depuis un certain temps que la qualité de l 'exercice de votre fonction se dégrade et ce malgré une implication forte à votre égard de votre directeur commercial.



Vos présentations pour le Business Review, réunions dont vous ne pouvez ignorer l'importance, s'avèrent insuffisantes. Vous n'utilisez pas les modèles existants, les textes ne sont pas toujours compréhensibles et les fautes d'orthographes fréquentes, malgré les corrections et les modifications systématiques apportées par votre Directeur Commercial.



Vos courriers et emails sont également fréquemment mal rédigés, peu compréhensibles et incomplet.

Le fait que votre Directeur Commercial soit contraint de reprendre fréquemment certains de vos écrits, de rédiger lui-même tous ceux présentant un certain enjeu pour l'entreprise n'est pas compatible avec votre niveau de responsabilité.

De plus, nous avons à déplorer des comportements inadaptés lors de rendez-vous clients, notamment lors de discussions en situation de 'tension' et des difficultés récurrentes de positionnement.

De manière générale, notre société est aujourd'hui confrontée à une nouvelle génération d'acheteurs chez nos clients. Ces acheteurs, issus initialement de l'automobile puis de la grande distribution, sont extrêmement agressifs et peuvent se montrer durs. Ils ont pour seul objectif de faire baisser les prix en n'hésitant pas à créer des rapports de force.

Malgré l'expérience, vous n'avez pas réussi à vous adapter à de tels profils et vous imposer auprès de ces interlocuteurs.

Votre comportement et votre discours ne sont pas en adéquation avec ces interlocuteurs : vous êtes trop dans la réaction, dans l'affect, et de ce fait perdez vos moyens.

Vous n'êtes pas suffisamment dans l'anticipation. Vous n'êtes pas force de proposition pour diriger et piloter la relation client et instaurer une relation équilibrée avec les clients.

De ce fait, le Directeur Commercial a dû vous retirer YVES ROCHER, les relations avec l'acheteuse étant devenues trop tendues et ne pouvant se poursuivre.

Plus généralement, la communication avec vos interlocuteurs que sont les acheteurs n 'est plus satisfaisante, certains n'hésitant pas à nous le faire savoir.

Ainsi DIOR, un de nos clients très importants, a qualifié 'une approche commerciale peu flexible et pas assez soutenue' s'interrogeant au-delà de cette appréciation dans ces termes 'Dior est-il toujours un client prioritaire pour Axilone ''

Il en est de même avec vos interlocuteurs internes : vous n'arrivez pas à vous imposer et obtenir par exemple les informations demandées dans les délais impartis.

Le Directeur commercial vous a clairement alerté sur ces points, notamment lors de vos entretiens d'évaluation mais vous n'avez pas remédié pour autant et ce malgré son accompagnement.

En votre qualité de responsable Grands Comptes vous auriez dû être porteur de solutions pour faire avancer les projets, résoudre les difficultés, défendre une image positive et solide de l'entreprise, vous positionner avec plus d'affirmation. Tel n'a pas été le cas et cette situation ne peut perdurer.

Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu'ils peuvent impacter l'entreprise.



[...]



Pour établir la réalité et le sérieux des griefs susmentionnés, la SAS AXILONE PLASTIQUE verse aux débats notamment :

- le contrat de travail initial de M. [L] en date du 6 juillet 1992 ;

- l'entretien annuel d'appréciation en date du 5 avril 2018 ;

- l'entretien annuel d'appréciation en date du 16 avril 2019 ;

- la revue Performance Fournisseur en date du 12 décembre 2017 ;

- la revue Performance Fournisseur en date du 26 novembre 2018 ;

- l'entretien professionnel en date du 16 avril 2019 ;

- la feuille de formation « Présentation du nouvel environnement de travail Office '' ainsi que la feuille de présence à ladite formation ;

- l'attestation de M. [X] [D], directeur général de la société AXILONE, qui expose que, depuis les années 2012 et 2013, M. [L] s'était vu demander de mieux gérer ses clients ;

- l'attestation de M. [E] [C], qui expose notamment que M. [L] faisait de nombreuses fautes d'orthographes ;

- le tableau performance de M. [L] ;

- les CV de Mmes [O] [ME] et [UV] ainsi que de M. [D] ;

- la feuille d'émargement à la formation en date du 29.11.2018 ;

- l'invitation à la formation injection ;

- la feuille d'émargement à la formation du 18.09.2018 ;

- la feuille de présence interne en date du 17.05.2017 ;

- un organigramme ;

- le CV de Mme [W] [VJ] ;

- les attestation d'emploi M. [S], Mme [EN], Mme [VJ] et M. [H].



En réplique, M. [L] produit notamment les éléments suivants :



- les objectifs individuels bonus 2017 et 2018 ;

- plusieurs courriels de Mme [A] .



Il verse aux débats plusieurs attestations ainsi rédigées :



- 'Je relève chez M.[L]R une grande maîtrise de soi dans les situations conflictuelles, l'amenant à défendre posément les intérêts de son entreprise sans entrer dans le jeu de l'agressivité parfois initiée par le client dans le cadre de négociations commerciales. Je relève son empathie naturelle et son sens du devoir, qui suscitent confiance et sympathie et contribuent a donner une image saine et positive de son entreprise' (Mme [K]) ;



- 'Ses communications étaient d'un niveau très satisfaisant' (M. [R]) ;



- 'M. [L] a toujours su rester positif et a toujours été force de proposition' (M. [L]) ;



- 'Ses compétences, ses connaissances techniques et sa bonne communication sont des qualités qui ont permis à [Y] [L] de construire une véritable relation de confiance Client/Fournisseur' (Mme [G]) ;



- 'll a toujours su faire preuve de réactivité et de productivité dans les réalisations problématiques techniques et industrielles.' (Mme [LP]) ;



- 'll avait à la fois les compétences techniques et commerciales (rares dans ce poste) lui permettant d'être à l'aise à la fois avec les acheteurs mais aussi les développeurs techniques' (M. [N]) ;



- 'Je n 'ai jamais vu [Y] [L] perdre ses moyens (..) Je n'ai vu chez [Y] [L] aucun comportement inadapté de quelque sorte que ce soit.' (Mme [F]) ;



- 'Toutes mes collaborations avec [Y] ont été positives'. (M. [DZ])



- '[Y] n'a jamais eu un comportement inadapté. ll était à l'aise, compétent et il maîtrisait ses sujets' (M. [J]) ;



- 'Nos échanges étaient directs et clairs pour générer nos projets' (M. [Z]) ;



- 'J'ai apprécié sa disponibilité et son écoute lors de nos rendez-vous'. (M. [U]) ;



- '(..) il sait faire « la part des choses » de façon à sortir de ces situations par des décisions équilibrées entre les parties et a garder la confiance de ses clients' (M. [MT]) ;



- 'A aucun moment je n'ai douté de ses aptitudes et moyens durant les échanges' (M. [B]) ;



- '(..) [Y] [L] réussissait a créer et entretenir une collaboration remarquable entre les clients des comptes qu'il suivait et les collègues d'AXILONE, tout en représentant et respectant la culture, des valeurs et les objectifs d'AXILONE' (Mme [V]).






Sur le grief relatif à la dégradation de son travail




Il ressort de l'examen des pièces produites que M. [L] n'a été destinataire d'aucun courrier de remarque, ni d'avertissement ni même d'une remise en cause de ses capacités professionnelles de la part des différentes directions commerciales avec lesquelles il a travaillé au sein de la société durant les 27 années que dura la relation de travail.



Plus précisément, il ressort de l'entretien annuel d'appréciation de M. [L] au titre de l'année 2017, que ses objectifs quantitatifs ont été atteints à 113 %, ce qui a pour conséquence d'établir qu'il a dépassé les objectifs assignés par son employeur à ce titre pour l'année considérée.



L'employeur ne produit aucune pièce venant établir que les méthodes de travail de M. [L] ne sont plus adaptées aux nouveaux marchés et n'apporte pas plus la preuve que ses résultats commerciaux en pâtissent.



C'est par voie d'affirmation que l'employeur expose que, malgré l'accompagnement dont il a fait l'objet, M. [L] n'a pas su s'adapter a une forte évolution des marchés, ainsi qu'aux exigences des clients et à son environnement professionnel en général, en ce qu'est évoqué aux termes de son entretien annuel d'appréciation pour l'année 2017 une progression de son chiffre d'affaires de 7 % par rapport à l'année précédente ainsi qu'une bonne prise de nouvelles affaires.



Son implication dans ses fonctions est démontrée non seulement par les résultats sur objectifs qu'il a obtenus tant au titre de l'année 2017 qu'au titre de l'année 2018, peu important qu'une partie des primes dépende des résultats commerciaux attachés au groupe, mais aussi par les nombreuses attestations produites parmi ses interlocuteurs professionnels.



Par ailleurs, contrairement à ce qu'invoque l'employeur, M. [L] ne reconnaît pas un problème de performance de sa part au titre des revues de performance des années 2017 et 2018, mais un problème de compétitivité au niveau de l'entreprise expliqué par le

fait que le prix des outils commercialisés par la société AXILONE PLASTIQUE était plus élevé que celui des concurrents, ce qui était reproché notamment par le client DIOR.



De même, l'employeur ne démontre pas plus que les reproches formulés par la société DIOR proviennent de la relation de travail interpersonnelle établie avec M. [L] ni même de ses compétences professionnelles.



Au surplus, ne constitue pas un motif précis et matériellement vérifiable l'allégation de son inadaptation à l'évolution de l'activité, pour laquelle l'employeur a l'obligation d'adapter le poste de travail de son salarié aux évolutions du monde du travail.



C'est à tort que la SAS AXILONE PLASTIQUE expose que M. [L] ne démontre pas sa performance en matière de prise de nouvelle affaire ou de nouveaux clients en ce que ce n'est pas à M. [L] de démontrer le caractère probant du grief allégué par son employeur.



Enfin, si l'employeur produit le classement des commerciaux au fil des années et atteste de ce que M. [L] est passé de la première à cinquième place, il ressort du jugement de première instance que la société a reconnu ne pas avoir licencié le commercial ayant le moins bon classement, en ce qu'il était plus jeune et moins experimenté. Elle n'expose cependant pas en quoi les marges de progression de M. [L] n'étaient pas moins réelles que celles du salarié moins bien classé et pourtant toujours en poste.



La Cour constate ainsi que l'employeur n'apporte pas la preuve que les performances de M. [L] se sont dégradées au fil des années, d'autant que les bonus sur objectifs et primes exceptionnelles ont été versés à M. [L] au titre des années 2017 et 2018.






Sur l'insuffisance de ses présentations pour le Business Review




L'employeur reproche à M. [L] des difficultés dans la présentation des business

revues mais n'apporte pas plus des éléments dans le cadre de la présente procédure.



M. [L] expose que ces documents sont rédigés par le service communication sous les directives du directeur commercial M. [C], et qu'ils ne relèvent par conséquent pas de ses compétences.



En l'absence d'élément probant, ce grief ne pourra prospérer.






Sur la rédaction des courriers et e-mails




Est reproché aux termes de la lettre de licenciement la rédaction de courriels et de courriers, qui présenteraient des fautes d'orthographe ou qui seraient rédigés de manière incompréhensible voire incomplète.



En l'absence de production de courriels et courriers en attestant, la Cour relève que ce grief revêt un caractère imprécis et matériellement invérifiable en ce que la seule attestation de M. [C], Directeur Commercial et Marketing, ne peut suffire à établir ce grief, au vu du poste occupé par celui-ci.



===


Sur les comportements inadaptés et la communication avec ses interlocuteurs




Concernant le non-respect des procédures au niveau des offres de prix, M. [L] expose que ces derniers sont réalisés par le service technique et que c'est le seul directeur commercial, M. [C], qui définit les marges appliquées. Il ajoute que le rôle du responsable grands comptes, qu'était l'emploi occupé par M.[L], consistait à transmettre les offres aux clients et obtenir en retour le niveau de positionnement de l'entreprise. Il précise que seul le directeur commercial, M. [C], décidait des efforts commerciaux à consentir.



Un tel grief ne peut être reproché à M. [L] puisque ce n'est que par voie d'affirmation que l'employeur fait part du non-respect des procédures sans produire de pièce utile à l'appui de ce grief et sans rapporter la preuve de ce qu'il s'agissait bien de la fonction de M. [L] dans l'entreprise.



La société ne verse pas plus de pièce permettant d'établir que M. [L] aurait eu un comportement inadapté lors de ses rendez-vous clients. Aucun témoignage de ses clients faisant preuve d'insatisfaction sur la qualité de son travail n'est ainsi communiqué par son employeur.



Contrairement à son employeur, le salarié verse aux débats plusieurs témoignages permettant d'attester de ce qu'il était apprécié de nombreux interlocuteurs au sein de l'entreprise mais aussi parmi les clients de celle-ci, notamment les témoignages de M. [R], cadre de l'industrie chez YVES ROCHER, M. [L], responsable innovation packaging pour l'ensemble du groupe LVMH, ou encore Mme [I], ingénieur chez GUERLAIN.



Lui reprocher enfin de ne pas avoir le bon profil pour s'adresser aux jeunes acheteurs est un moyen inopérant en ce qu'il est à la fois matériellement invérifiable et trop imprécis, d'autant que la Cour relève qu'aucune formation ne lui a été proposée pour adapter son poste de travail aux nouveaux profils des jeunes acheteurs.



Concernant plus spécifiquement les relations avec la société DIOR, il ressort des attestations de M. [Z] (ingénieur DIOR), M. [U] (ingénieur DIOR) et M. [MT] (alors Directeur Technique DIOR), que les contacts avec M. [L] n'ont jamais posé de difficulé particulière.



Il ressort enfin de l'attestation de M. [P] [M], qui a travaillé en qualité de directeur technique AXILONE avant de devenir directeur innovation au sein de l'entreprise jusque fin mai 2017, que les dossiers de M. [L] étaient remarquablement bien tenus et qu'il participait à ce titre à de nombreuses réunions de travail constatant la maîtrise de [Y] [L] à gérer ses dossiers ainsi qu'à faire travailler les équipes avec les clients.



Le moyen tiré de ce que M. [L] aurait commandé les attestations produites est inopérant en ce que le fait de demander des attestations relève de l'exercice normal de ses droits en justice et le fait que les témoignages aient été produits à sa demande ne les rend pas moins objectifs.



Par ailleurs, la Cour constate que plusieurs attestations proviennent d'acheteurs (notamment celle de Mme [T] ou M. [LP]), contrairement à ce qu'allègue l'employeur.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement ayant considéré que le licenciement de M. [L] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.





Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse



Le licenciement ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse, M. [L] est fondé à solliciter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Pour infirmation quant à la somme allouée à ce titre par les premiers juges, M. [L] sollicite la somme de 214.200 euros nette à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, exposant que son entier préjudice ne peut être réparé avec l'application des barèmes issus de l'article L. 1235-3 du code du travail.



L'employeur expose que lesdits barèmes doivent être appliqués, mais que ne saurait être justifiée l'allocation d'une somme correspondant au maxima prévu en ce que M. [L] n'a pas été sujet à une rupture de ressource puisqu'il a été pris en charge par Pôle Emploi. Elle sollicite dès lors l'allocation d'une somme correspondant à six mois de salaire.



L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.



Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.



Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.



Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).



En l'espèce, M. [L] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de vingt-sept années entières et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s'agissant d'une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois mois et dix-neuf mois de salaire.



Au regard de l'ancienneté de M. [L], de son âge lors de la rupture (60 ans), de ce qu'il a retrouvé un emploi comme chauffeur de voyageurs dans le cadre de missions d'intérim, à la suite d'une formation suivie à cet effet, du montant mensuel de son salaire brut (7.150 €), il y a lieu de lui accorder la somme de 135.850 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Le jugement sera confirmé de ce chef.





Sur le remboursement des indemnités Pôle Emploi



Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.



Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société AXILONE PLASTIQUE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [L] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités.



Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.





Sur les dépens et les frais irrépétibles



Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.



Les dépens d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante.



Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens en cause d'appel. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant publiquement. par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,



CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;



RAPPELLE qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;



et y ajoutant,



CONDAMNE la SAS AXILONE PLASTIQUE à verser à M. [L] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;



DÉBOUTE la SAS AXILONE PLASTIQUE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la SAS AXILONE PLASTIQUE aux dépens d'appel.





LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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