10 avril 2024
Cour d'appel de Rennes
RG n° 21/01284

8ème Ch Prud'homale

Texte de la décision

8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°115



N° RG 21/01284 -

N° Portalis DBVL-V-B7F-RMN3













M. [I] [W]



C/



S.A.S. GROUPE FEE

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :

-Me Bruno CARRIOU

-Me Frédérick DANIEL











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 15 Février 2024



En présence de Madame [A] [K], Médiatrice judiciaire



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats







****



APPELANT :



Monsieur [I] [W]

né le 17 Septembre 1959 à [Localité 5] (44)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Samir LAABOUKI substituant à l'audience Me Bruno CARRIOU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocats au Barreau de NANTES







INTIMÉE :



La S.A.S. GROUPE FEE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Frédérick DANIEL, Avocat au Barreau de BREST

















Suivant contrat à durée indéterminée du 02 mars 1992, M. [I] [W] a été engagé par la société SAPEL en qualité de chef d'équipe, niveau IV, position I, coefficient 250 en application de la convention collective du bâtiment.



En 2009, le contrat de travail de M. [W] a été transféré à la SAS GROUPE FEE suite à la reprise de la société SAPEL.



À compter du 29 juin 2009, le salarié a été promu chargé d'affaires, statut cadre.



À compter du 1er octobre 2015, il a été promu au poste de directeur commercial.



Le 24 février 2016, M. [W] a reçu une fiche de mutation avec effet au 1er mars 2016, prévoyant une réduction de son salaire et un retrait de ses missions commerciales et managériales.



Le 29 février 2016, M. [W] a été placé en arrêt de travail, qui sera prolongé plusieurs fois jusqu'au 18 juin 2018.



Par courrier recommandé du 08 mars 2016, M. [W] a dénoncé les pressions de son employeur et a refusé la modification de son contrat de travail.



Le 19 juin 2018, au terme d'une visite médicale de reprise, le salarié a été déclaré inapte, le médecin du travail précisant que 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable pour sa santé'.



Le 29 juin 2018, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable auquel il ne s'est pas rendu. Le 16 juillet 2018, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.





Le 11 avril 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de, notamment :

' Dire et juger que le licenciement est nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS GROUPE FEE à lui verser les sommes suivantes :

- 2.050 € de rappel de primes d'objectifs (octobre 2015 à février 2016),

- 205 € de congés payés afférents,

- 15.000 € nets de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 90.000 € nets de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- 13.507,53 € nets au titre du préavis,

- 1.350,75 € bruts de congés afférents,

- 35.738,54 € de rappel d'indemnité de licenciement,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [W] le 25 février 2021 contre le jugement du 21 janvier 2021, par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que la SAS GROUPE FEE n'avait pas manqué à son obligation de sécurité,

' Dit que le licenciement de M. [W] n'était pas nul et qu'il reposait sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

' Débouté la SAS GROUPE FEE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné M. [W] aux éventuels dépens.



Vu les écritures notifiées par voie électronique le 28 août 2023 suivant lesquelles M. [W] demande à la cour de :

' Dire et juger son recours recevable et bien fondé,

' Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

' Débouter la SAS GROUPE FEE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Statuant à nouveau,

' Dire et juger que le licenciement est nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS GROUPE FEE à lui verser les sommes suivantes :

- 15.000 € nets de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 90.000 € nets, à titre principal, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- 83.000 € nets, à titre subsidiaire , de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- 13.507,53 € nets au titre du préavis,

- 1.350,75 € bruts de congés afférents,

- 35.738,54 € de rappel d'indemnité de licenciement,

- 2.050 € de rappel de primes d'objectifs (octobre 2015 à février 2016),

- 205 € de congés payés afférents,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dépens,

' Assortir lesdites sommes de l'intérêt légal outre le bénéfice de l'anatocisme (articles 1231-7 et 1343-2 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016),

' Ordonner la remise de documents sociaux sous astreinte de 80 € par jour suivant la notification de la décision à intervenir, se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte,

' Fixer le salaire de référence à 4.502,51 € bruts.



Vu les écritures notifiées par voie électronique le 23 juin 2021, suivant lesquelles la SAS GROUPE FEE demande à la cour de :

' Confirmer le jugement de conseil de prud'hommes de Nantes,

' Débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

' Condamner M. [W] à payer la somme de 5.000 € à la SAS GROUPE FEE au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Le condamner aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2024.





Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.






MOTIFS DE LA DÉCISION





Sur le harcèlement moral



Pour infirmation à ce titre, M. [W] soutient, à titre principal, avoir subi :

- Une rétrogradation injustifiée résultant d'un retrait de ses fonctions de management,

- Des pressions pour accepter une modification de son contrat de travail.



En réplique, la SAS GROUPE FEE conteste tout manquement à son obligation de sécurité.



Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.



Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.





M. [W] verse aux débats :



- l'avenant de son contrat de travail portant promotion au poste de directeur commercial à compter du 1er octobre 2015 ainsi qu'une revalorisation salariale pour un montant mensuel brut de 4 100 € (pièce n°6) ;



- Un compte rendu d'entretien annuel d'évaluation réalisé le 21 janvier 2016 dans lequel il est indiqué que l'objectif du chiffre d'affaires est atteint et mentionnant plusieurs 'axes d'amélioration, notamment : '[I] accepte les critiques et sais se remettre en question. Il doit cependant améliorer le dialogue et sa capacité à convaincre avec ses collaborateurs directs. [I] insiste sur le manque de dialogue au sein du cercle de Direction (GC et GE).' (pièce n°7) ;



- Une fiche de mutation datée du 24 février 2016 à effet au 1er mars 2016 mentionnant un salaire mensuel de 3 800 € ainsi qu'une 'réduction de son champ d'actions commerciales // Plus de collaborateur à encadrer' ; comportant uniquement la signature de M. [E] [C], directeur régional de la société (pièce n°8) ;



- Un courrier recommandé avec accusé de réception du 08 mars 2016 dans lequel il dénonce à M. [C] les pressions qu'il subit pour signer le document et indique le refus de cette modification du contrat de travail (pièce n°10) ;



- Un avis d'inaptitude daté du 19 juin 2018 indiquant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé (pièce n°11) ;



- Un compte rendu du 13 octobre 2017 du Docteur [Z], médecin au service de pathologie professionnelle et environnementale dans lequel il est indiqué : '[...] Il me dit que c'est début 2016 que, brutalement, au retour de ses vacances, on lui annonce que la direction va reprendre la direction commerciale elle-même. Monsieur [W] me dit avoir été totalement assommé par cette nouvelle, avoir eu l'impression de ne pas être respecté. D'après lui, on lui propose, à l'époque, soit une baisse de salaire, soit une démission... Monsieur [W] propose une rupture négociée, ce qui est refusé. A ce moment là, me dit-il, la pression est devenue insupportable puisqu'il y avait une demande permanente qu'il signe l'acceptation de sa baisse de salaire, qui avait été elle-même signée par la direction. [...] Il a traversé, à mon avis, un état dépressif profond à la suite de tout cela. [...] Je pense donc qu'il y a un lien direct entre l'état dépressif de Monsieur [W] et son travail. [...]' (pièce n°19) ;



- Des extraits du dossier médical de la médecine au travail mentionnant une visite datée du 04 avril 2016 ainsi que la mention suivante : 'Examen clinique ce jour est mal cela se voit [...] Perte appétit...' ainsi qu'un courrier pour avis daté du 21 septembre 2017 dans lequel le Dr [S], médecin du travail indique : '[...] Il est maintenant, depuis 2014, directeur commercial, poste occupé jusqu'au 29 février 2017, date à laquelle, son médecin traitant le Dr [O], l'a mis en arrêt de travail. Cet arrêt est dû à l'apparition de symptômes en rapport avec un syndrome dépressif réactionnel que le salarié attribue à une organisation de travail altérée, qui le fragilise, et dit-il, à un non-respect des termes de son contrat de travail. [...]' (pièce n°24) ;



- Un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 16 juillet 2018 notifiant son licenciement pour inaptitude totale et définitive au poste de travail occupé (pièce n°13).



Sur les pressions subies, M. [W] ne produit aucune pièce autre que son courrier du 8 mars 2016.



Les faits dénoncés par M. [W] ne sont pas établis de sorte qu'ils ne permettent pas de supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral.



Le jugement sera confirmé sur ce point.





Sur le manquement à l'obligation de sécurité



Pour infirmation à ce titre, M. [W] soutient que la SAS GROUPE FEE a manqué à son obligation de sécurité à son égard dans un contexte managérial anxiogène. Il indique avoir fait l'objet de reproches à son retour de congés alors que cela n'avait pas été évoqué dans le cadre de son entretien d'évaluation, qu'il a subi des pressions afin de modifier son contrat de travail de sorte qu'il a été arrêté sans pouvoir reprendre d'activité professionnelle.



En réplique, la SAS GROUPE FEE fait valoir que la relation de travail était ancienne et sereine et qu'aucun courriel ne révèle de difficulté entre M. [W], ses collègues et la direction.

Elle soutient que les difficultés rencontrées par M. [W] étaient si évidentes qu'il lui a été proposé un retour à des fonctions plus adaptées mais qu'aucune modification de son contrat de travail n'a été imposée au salarié qui devait seulement se prononcer sur une proposition.



Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.



L'employeur est également tenu de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.



Tel qu'il résulte des articles L. 4121-2 à L. 4121-5 du même code, l'employeur est tenu d'évaluer dans son entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et de transcrire les résultats dans un document unique.



Il appartient à l'employeur d'assurer l'effectivité de cette obligation en assurant la prévention des risques professionnels.



Dès lors que le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, il revient à l'employeur de démontrer l'absence de manquement de sa part à son obligation de sécurité.

En l'espèce, il résulte des éléments produits par M. [W] et précédemment évoqués, que si le salarié échoue à établir la réalité d'agissements répétés résultant de pressions exercées par son employeur afin de modifier son contrat de travail, il est cependant établi qu'il s'est subitement vu proposer une modification substantielle de son contrat de travail avant d'être placé en arrêt de travail pour état dépressif.



La SAS GROUPE FEE verse aux débats :



- L'avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) émis le 15 mars 2018 et rejetant le lien direct et essentiel entre la maladie caractérisée de M. [W] et son travail habituel (pièce n°8) ;



- Le document unique d'évaluation des risques (DUER) mis à jour le 18 avril 2019 et indiquant s'agissant des situations de travail de bureau une fréquence d'exposition d'une à plusieurs fois par jours aux risques psychosociaux (RPS) avec une priorité d'action évaluée à 3 (pièce n°18) ;



- L'attestation de M. [M] [J], salarié, indiquant : '[...] En juin 2015, [I] m'a informé qu'il n'était pas bien, et qu'il était sous traitement pour état dépressif. Il m'a confié qu'il avait une grave maladie et qu'en parallèle, il avait des difficultés relationnelles avec son fils. [...] C'est en partie à cause de ce mal être que j'ai proposé à M. [C] de promouvoir [I] au poste de Directeur commercial électricité pour m'accompagner dans ma prise de fonctions au poste de Directeur d'agence électricité en octobre 2015. Ce changement de poste devait lui diminuer son stress car il avait de plus en plus de conflits avec les techniciens de maintenance lorsqu'il était responsable de l'activité maintenance électricité.' (pièce n°12) ;



- L'attestation de Mme [V] [P], responsable des ressources humaines, indiquant que : '[...] Il était de plus en plus irritable avec ses collaborateurs lorsqu'il était responsable de l'activité maintenance (1er semestre 2015). La promotion au poste de directeur commercial en octobre 2015 devait pouvoir le soulager et lui redonner un nouvel élan à sa carrière. Il m'a d'ailleurs confié qu'il était très content de cette promotion. Malheureusement, je n'ai pas vu d'amélioration dans le comportement de [I] suite à cette prise de poste.' (pièce n°13).



Si la SAS GROUPE FEE produit le document unique d'évaluation des risques mentionnant la prise en compte des risques psychosociaux en 2019 ainsi que deux attestations indiquant que M. [W] était confronté à des problèmes familiaux en 2015, il n'en demeure pas moins que ces éléments sont dénués de portée dès lors qu'ils n'apportent aucun éclairage sur les faits litigieux de février 2016.



Bien que la société conteste avoir imposé une modification du contrat de travail de M. [W], elle ne s'explique pas utilement sur la remise d'une fiche de mutation prévoyant une diminution des fonctions du salarié ainsi qu'une baisse de salaire dûment signé du directeur régional le 24 février 2016. À cet égard, la cour observe que l'employeur qui affirme vainement 'que les difficultés qu'il rencontrait dans ses relations avec certains clients ont contraint son directeur d'agence à ponctuellement prendre le relais, pour sauver les contrats conclus avec ces derniers.' (page 24), ne produit strictement aucun élément permettant de corroborer lesdites difficultés relationnelles de M. [W] et que ces allégations sont d'ailleurs contredites par la promotion du salarié à compter du 1er octobre 2015 et par le compte rendu de l'entretien annuel d'évaluation du 24 janvier 2016 ne comportant aucune remarque quant aux relations du salarié avec les clients.

Dans ces conditions où il est établi qu'au terme d'une ancienneté de 25 ans sans passé disciplinaire notoire, M. [W] a été confronté, le 24 février 2016, à une fiche de mutation signée de son supérieur hiérarchique prévoyant un retrait de ses fonctions commerciales et managériales assorti d'une diminution de son salaire et dès lors que l'employeur ne produit aucun élément objectif permettant de justifier une telle proposition s'analysant comme une modification arbitraire du contrat de travail du salarié, il y a lieu de considérer que la SAS GROUPE FEE a manqué à son obligation de sécurité.



Enfin, contrairement aux allégations de la société, il ressort explicitement des éléments médicaux produits par M. [W] que ses conditions de travail ont altéré sa santé physique et mentale de sorte qu'il a été placé en arrêt de travail pour syndrome dépressif réactionnel le 29 février 2016, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 16 juillet 2018.



Dès lors, le licenciement de M. [W] qui procède directement du manquement reconnu de l'employeur à son obligation de protection de la santé physique et mentale de ses salariés, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.



Il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point et de condamner la SAS GROUPE FEE à verser à M. [W] la somme 5.000 € nets en réparation du préjudice subi au titre du manquement à l'obligation de sécurité.





Sur les conséquences financières



Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [W] est fondé à solliciter l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que des dommages et intérêts.



- Sur l'indemnité de préavis

La rupture des relations contractuelles est soumise à un préavis de trois mois. Le salaire mensuel brut moyen à retenir étant de 4.502,51 €, il sera alloué à M. [W] une indemnité compensatrice de préavis de 13.507,53 € bruts outre la somme de 1.350,75 € bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis.



- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d'emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l'ancienneté du salarié.



Au cas d'espèce, le montant des dommages et intérêts est compris entre 3 et 18 mois pour une ancienneté en années complètes de 25 ans à la date du licenciement.



Au regard de l'ancienneté de M. [W] (25 ans et 4 mois), de son âge lors de la rupture (59 ans), du montant mensuel de son salaire brut (4.502,51 €) et faute d'éléments sur sa situation personnelle postérieure à la rupture et il y a lieu de lui accorder la somme de 32.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Le jugement sera infirmé de ce chef.





Sur la remise des documents sociaux rectifiés



La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, les circonstances de l'espèce ne rendant cependant pas nécessaire d'assortir cette décision d'une mesure d'astreinte.





Sur le remboursement des indemnités de chômage



Par application combinée des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.



Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SAS GROUPE FEE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [W] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de deux mois d'indemnités.





Sur l'anatocisme



Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus.

Conformément à l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus produiront eux-mêmes des intérêts, pourvu qu'ils soient dus pour une année entière.





Sur les dépens et frais irrépétibles



En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SAS GROUPE FEE, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.



Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.



L'équité commande en revanche de condamner la SAS GROUPE FEE, sur ce même fondement juridique, à payer à la M. [W] une indemnité d'un montant de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,



INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [I] [W] de ses demandes de rappel de salaire au titre de la prime sur objectif et de sa demande de nullité du licenciement.



Statuant à nouveau et y additant,



DIT que le licenciement pour inaptitude de M. [I] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;



CONDAMNE la SAS GROUPE FEE à verser à M. [I] [W] les sommes suivantes :

- 5.000 € nets de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 13.507,53 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.350,75 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 32.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



ORDONNE la remise des documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt ;



CONDAMNE la SAS GROUPE FEE à rembourser aux organismes concernés les éventuelles indemnités de chômage payées à M. [I] [W] dans la limite de deux mois d'indemnités ;



RAPPELLE qu'en application de l'article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l'article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;



DÉBOUTE la SAS GROUPE FEE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la SAS GROUPE FEE à payer à M. [I] [W] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la SAS GROUPE FEE aux entiers dépens.





LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

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