10 avril 2024
Cour d'appel de Reims
RG n° 22/02023

Chambre sociale

Texte de la décision

Arrêt n°

du 10/04/2024





N° RG 22/02023





AP/MLB/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 10 avril 2024





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 16 novembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 21/00453)



S.A.S. HOLDING AMPI

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par la SELARL GUYOT - DE CAMPOS, avocats au barreau de REIMS





INTIMÉE :



Madame [L] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par la SARL BELLEC & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :



En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 février 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 10 avril 2024.



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :



Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller



GREFFIER lors des débats :



Monsieur Francis JOLLY, greffier



ARRÊT :



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, en remplacement du président régulièrement empêché, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






* * * * *













Exposé du litige :



Mme [L] [U] a signé une promesse unilatérale de contrat de travail à durée indéterminée avec la SAS AMPI le 2 novembre 2020 pour un emploi de responsable d'agence à [Localité 4].



Mme [L] [U] a été embauchée par la SAS Holding AMPI à compter du 4 janvier 2021 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable d'agence.



Par avenant en date du 12 mai 2021, elle a été promue directrice commerciale de l'entité Airwork Industries à compter du 1er mai 2021, gardant toutefois l'exclusivité de ses clients AMPI.



A compter du 13 juillet 2021, elle a été placée en arrêt maladie.



Le 26 juillet 2021, Mme [L] [U] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé à la date du 11 août 2021 et a été mise à pied à titre conservatoire.



Le 16 août 2021, elle a été licenciée pour faute grave.



La relation de travail était soumise aux dispositions de la convention collective de la métallurgie.



Le 1er octobre 2021, Mme [L] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Reims d'une contestation du bien-fondé de son licenciement, sollicitant des dommages-intérêts, à titre principal, pour nullité du licenciement et, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre des demandes en paiement à caractère salarial et indemnitaire.



Par jugement du 16 novembre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que :


l'enquête réalisée par un détective privé à la demande de la SAS Holding AMPI est licite et recevable ;

la convention de forfait jours est licite ;

le licenciement de Mme [L] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;


- condamné la SAS Holding AMPI à verser à Mme [L] [U] les sommes suivantes :


5 830 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

583 euros à titre de congés payés afférents ;

17 993,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

1 799,34 euros à titre de congés payés afférents ;

5 997,67 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement déloyal ;

584,65 euros à titre de remboursement des frais professionnels ;

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


- débouté Mme [L] [U] de sa demande de paiement d'astreinte ;



- débouté Mme [L] [U] de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour comportement vexatoire ;

- condamné la SAS Holding AMPI à rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [L] [U], du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, selon les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail ;

- dit que l'exécution provisoire, pour les sommes non incluses dans l'exécution provisoire de droit prévue au code du travail s'accompagnera, dans l'intérêt des parties, d'une consignation à la Caisse des Dépôts jusqu'à décision devenue définitive ;

- débouté Mme [L] [U] de l'ensemble de ses autres demandes ;

- condamné la SAS Holding AMPI aux entiers dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.



Le 1er décembre 2022, la SAS Holding AMPI a formé une déclaration d'appel.



Exposé des prétentions et moyens des parties :



La SAS Holding AMPI a conclu, en dernier lieu, le 9 puis le 19 janvier 2024.



Mme [L] [U] demande à la cour, dans des écritures remises au greffe le 19 janvier 2024 :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :


condamné la société Holding AMPI à lui verser les sommes suivantes :


5 830 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

583 euros à titre de congés payés afférents,

17 993,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 799,34 euros à titre de congés payés afférents,

584,65 euros au titre du remboursement des frais professionnels,


condamné la société Holding AMPI à rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [L] [U], du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, selon les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail ;


- d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il :


a dit et jugé que l'enquête réalisée par un détective privé à la demande de la SAS holding AMPI est licite et recevable ;

a dit et jugé que la convention de forfait jours est licite ;

a dit et jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

a condamné la SAS Holding AMPI à lui verser les sommes suivantes :


5 997,67 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


l'a déboutée de sa demande de paiement d'astreinte ;

l'a déboutée de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour comportement vexatoire ;

l'a déboutée de l'ensemble de ses autres demandes ;

a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;. Statuant à nouveau,


- dire que l'enquête menée par un détective privé est illicite et irrecevable ;

- dire que les faits fautifs portant sur son prétendu comportement toxique sont prescrits ;

- dire que les faits fautifs ont déjà été sanctionnés par la suppression de l'avantage en nature véhicule ;

- dire que le licenciement est nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse ;

- dire que la convention de forfait jours est nulle ;

en conséquence,

- condamner la SAS Holding AMPI à lui payer les sommes suivantes :


35986,86 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

14500,50 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires,

1450,05 euros à titre de congés payés afférents,

3683,15 euros à titre de repos compensateur,

368,31 euros à titre de congés payés afférents,

17993,43 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

316,32 euros à titre de compensation sur astreintes,

10000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement excessivement déloyal,

2000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


- débouter la SAS Holding AMPI de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la SAS Holding AMPI en tous les frais et dépens liés à la présente instance.



Dans des écritures remises au greffe le 22 janvier 2024, Mme [L] [U] demande à la cour :

A titre principal,

- d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture ;

A titre subsidiaire,

- d'écarter des débats les conclusions n°5 de l'appelante principale et intimée incidente, transmises le 19 janvier 2024 au soir ;

- d'écarter des débats les pièces adverses n°78 à 82 transmises le 19 janvier 2024 au soir.




Motifs :



Sur la révocation de l'ordonnance de clôture et à défaut sur le rejet des débats des conclusions de la SAS Holding AMPI en date du 19 janvier 2024 et des pièces n°78 à 82



La demande de Mme [L] [U] tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture, en l'absence de cause grave, doit être rejetée.



En revanche, sa demande tendant au rejet des dernières écritures de la SAS Holding AMPI et des nouvelles pièces est justifiée.







En effet, la SAS Holding AMPI a communiqué de nouvelles écritures le vendredi 19 janvier 2024 à 18 h 09, accompagnées de cinq nouvelles pièces, de sorte que Mme [L] [U] n'a pu en prendre connaissance que le lundi 22 janvier suivant, soit le jour de l'ordonnance de clôture, la privant de la possibilité d'y répondre et d'obtenir le cas échéant des attestations en réponse à celles produites par l'appelante, ce qui caractérise ainsi une atteinte au principe du contradictoire, et ce d'autant qu'elle disposait des écritures de Mme [L] [U], en réponse à ses propres écritures en date du 9 janvier 2024, depuis le 15 janvier 2024, puisque les nouvelles écritures communiquées par Mme [L] [U] le 19 janvier 2024 à 12 h 05, n'étaient que la modification de la numérotation de ses écritures et pièces communiquées le 15 janvier 2024.



Dans ces conditions, les écritures de la SAS Holding AMPI en date du 19 janvier 2024 doivent être rejetées, ainsi que les 5 nouvelles pièces produites à cette occasion.



Aux termes de ses écritures en date du 9 janvier 2024, la SAS Holding AMPI demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ses dispositions ayant :


dit et jugé que le licenciement de Mme [L] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la société Holding AMPI à verser à Mme [L] [U] les sommes suivantes :


5 830 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

583 euros à titre de congés payés afférents,

17 993,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 799,34 euros à titre de congés payés afférents,

5 997,67 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement déloyal,

584,65 euros à titre de remboursement des frais professionnels,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,


condamné la société Holding AMPI à rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [L] [U], du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, selon les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail,

dit que l'exécution provisoire, pour les sommes non incluses dans l'exécution provisoire de droit prévue au code du travail s'accompagnera, dans l'intérêt des parties, d'une consignation à la Caisse des Dépôts jusqu'à décision devenue définitive,

condamné la société Holding AMPI aux entiers dépens,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Statuant à nouveau de ces chefs,


- de juger que le licenciement est justifié par une faute grave, et subsidiairement par une cause réelle et sérieuse,

- de déclarer irrecevables, et subsidiairement, infondées les demandes de Mme [L] [U] au titre d'un comportement déloyal de l'employeur et d'un remboursement de frais professionnels,

En conséquence,

- de débouter Mme [L] [U] de toutes ses demandes,

- de confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

- de condamner Mme [L] [U] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [L] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Sur le forfait jours



Mme [L] [U] prétend à la nullité de sa clause de forfait jours en faisant valoir, d'une part, que sa mise en place ne respecte pas les dispositions législatives et conventionnelles et que, d'autre part, elle est incompatible avec les dispositions contractuelles qui la soumettent aussi à des horaires. Elle indique également que sa promesse unilatérale d'embauche faisait état d'un forfait mensuel en heures.



L'employeur réplique ne pas être le signataire de la promesse unilatérale d'embauche, que la condition de l'écrit exigée par l'article L.3121-55 du code du travail est remplie, au regard des articles 4 et 5 du contrat de travail, que la salariée a approuvé par suite le forfait jours et ses modalités, que le contrat de travail et son avenant définissent les caractéristiques de la fonction exercée justifiant par essence même une réelle autonomie, qu'il n'y a pas eu d'entretien annuel puisque la salariée avait une ancienneté de moins d'un an et que les dispositions du contrat de travail ne sont pas incompatibles avec l'application d'un forfait jours.



C'est à tort en premier lieu que Mme [L] [U] invoque le contenu de la promesse unilatérale d'embauche au soutien de sa demande de nullité de la convention de forfait jours, laquelle n'a pas été souscrite avec la SAS Holding AMPI mais avec la SAS AMPI.



C'est à raison en revanche qu'elle soutient que les mentions reprises à son contrat de travail sont incompatibles avec une convention de forfait jour.



En effet, le contrat de travail signé par la salariée comporte un article 5 relatif à la rémunération aux termes duquel il est indiqué que 'Madame [U] [L] percevra une rémunération mensuelle brute de Cinq milles huit cent trente euros (5830 euros) pour un forfait cadre annuel en jours sur la base de 218 jours' et un article 4 relatif à l'emploi et à la qualification aux termes duquel il est indiqué qu'en 'cas de difficulté, Madame [U] [L] devra saisir sa hiérarchie pour examiner la compatiblité de sa charge de travail avec son forfait'.



Mais aux termes de son article 6 relatif précisément à la durée du travail il est indiqué que 'La durée du travail de Madame [U] [L] ainsi que ses modalités d'aménagement sont celles appliquées :

. dans son service ;

. à la catégorie professionnelle à laquelle elle appartient.

Les horaires de travail de Madame [U] [L] et leur aménagement peuvent être modifiés en fonction de l'organisation de l'entreprise et des nécessités de service'.





Ainsi, dans le même contrat de travail Mme [L] [U] est soumise à un forfait jours et à une durée de travail pré déterminée. Au regard d'une telle contradiction, elle n'a pu approuver, contrairement à ce que la SAS Holding soutient, ladite clause de forfait, peu important à cet effet que la SAS Holding AMPI relève que ni le contrat de travail ni son avenant ne prévoient le nombre d'heures de travail hebdomadaire ou mensuel.



Une telle clause est donc nulle.



Le jugement doit être infirmé en ce sens.



Il convient en outre de relever qu'une telle convention était à tout le moins privée d'effet, en ce que l'employeur -qui ne répond d'ailleurs pas sur ce point- n'a pas établi de document de contrôle du nombre de jours travaillés de la salariée dans les conditions de l'article 14.2 de l'accord national de la métallurgie du 28 juillet 1998.



Sur les heures supplémentaires



La convention de forfait en jours étant nulle, toute heure effectuée au-delà de la durée légale du travail constitue une heure supplémentaire.



Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.



Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.



Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.



Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires, Mme [L] [U] expose avoir travaillé certains samedis, avoir quitté tard du lundi au vendredi, avoir été fréquemment la dernière à quitter son poste. Elle indique ainsi avoir réalisé 45 heures par semaines soit 10 heures supplémentaires par semaine.



Dès lors que Mme [L] [U] indique avoir effectué 10 heures supplémentaires par semaine, elle fournit des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement, ce qu'il ne fait pas puisqu'il ne produit aucun élément de contrôle des heures de travail de la salariée.



La réalité des heures supplémentaires est donc établie.



Elle ne l'est toutefois pas dans la proportion réclamée par la salariée, alors que la SAS Holding AMPI produit des attestations (pièces n°18 et 20) desquelles il ressort que celle-ci partait avant 17 h 30, voire à 17 h, de sorte qu'elle ne 'quittait pas tard' du lundi au vendredi.



Au vu de l'ensemble de ces éléments, et sur la base de 75 heures supplémentaires sur la période travaillée, la cour évalue le rappel de salaire à la somme de 3605 euros, outre les congés payés y afférents.



La SAS Holding AMPI sera donc condamnée au paiement de ces sommes et le jugement doit être infirmé en ce sens.



Sur le repos compensateur



Mme [L] [U] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du repos compensateur, sans toutefois ne présenter au soutien d'une telle demande aucun moyen, au mépris des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, de sorte que le jugement doit être confirmé de ce chef, étant en toute hypothèse précisé que le seuil annuel du contingent d'heures supplémentaires de 220 heures n'était pas dépassé.



Sur le travail dissimulé



Mme [L] [U] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité de travail dissimulé, sans toutefois ne présenter au soutien d'une telle demande aucun moyen, au mépris des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, de sorte que le jugement doit être confirmé de ce chef.



Sur les astreintes



Mme [L] [U] soutient avoir effectué des astreintes les 6 et 8 mai 2021, alors qu'aucune disposition contractuelle ne prévoyait le recours à de telles prestations et sans qu'aucune contrepartie ne lui ait été versée, de sorte qu'elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de fixation d'une compensation à ce titre.



L'employeur conteste l'existence de telles astreintes. Il fait valoir que le tableau produit par Mme [L] [U], que celle-ci qualifie de tableau d'astreinte sans que cette qualification apparaisse sur ledit document, ne comporte aucun logo ou entête de la société et que selon ce tableau Mme [L] [U] aurait été présente les 6 mars, et non le 6 mai, et le 8 mai 2021 dans un show-room, ce qui ne correspond pas à la définition de la période d'astreinte du code du travail qui suppose que le salarié ne soit pas sur son lieu de travail ou lieu apparenté, et sans précision sur le prétendu nombre d'heures réalisées.



Selon l'article L3121-9 du code du travail 'Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.'



Dès lors que Mme [L] [U] produit aux débats un tableau, dont elle n'établit pas la provenance et dont il ne ressort d'aucune des mentions qu'il concerne des astreintes au sein de la SAS Holding AMPI, elle n'établit pas la réalité des astreintes. De surcroît, même à la suivre en ses explications, la SAS Holding AMPI fait exactement valoir qu'une activité de Mme [L] [U] dans le show room, soit sur son lieu de travail, ne correspond pas à la définition légale de l'astreinte.



Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] [U] de sa demande.



Sur le remboursement des frais professionnels



Mme [L] [U] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SAS Holding AMPI au paiement de la somme de 584,65 euros à titre de remboursement des frais professionnels tandis que l'employeur soulève à titre principal l'irrecevabilité de la demande - à laquelle Mme [L] [U] ne répond pas- en faisant valoir qu'elle n'était pas mentionnée dans la requête initiale et qu'elle ne se rattache aucunement aux prétentions originaires, et à titre subsidiaire qu'elle n'est pas fondée.



Aux termes de l'article 70, alinéa 1er, du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.



En l'espèce, Mme [L] [U] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande initiale portant sur la nullité de la convention de forfait, le paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateur, de travail dissimulé, d'astreintes, de dommages-intérêts pour licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.



La demande additionnelle en paiement de frais de déplacement ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.



La demande est donc déclarée irrecevable et le jugement doit être infirmé en ce sens.



Sur le licenciement



1. Sur la nullité du licenciement :



Mme [L] [U] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, dès lors que celui-ci a été prononcé en violation de l'article L.1226-9 du code du travail, alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail dans le cadre d'un accident du travail et que les griefs qui lui sont reprochés ne justifient pas la rupture du contrat de travail.



La SAS Holding AMPI conclut à la confirmation de ce chef, faisant valoir que le pôle judiciaire du tribunal judiciaire de Reims a débouté Mme [L] [U] de sa demande de prise en charge au titre des risques professionnels de l'accident allégué du 13 juillet 2021 et que les pièces qu'elle produit établissent l'absence de tout fait accidentel le 13 juillet 2021.



Si Mme [L] [U] oppose à raison à la SAS Holding AMPI l'autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale, les conditions d'application des règles protectrices du droit du travail ne sont toutefois pas réunies.



En effet, aucun des éléments soumis par la salariée ne permet à la cour de retenir qu'un fait accidentel se serait tenu sur son lieu de travail le 13 juillet 2021 lors d'un entretien avec Mr [X] à 13 h 30, alors même que la SAS Holding AMPI produit une attestation de Mr [N] [D], directeur d'agence et de l'épouse de Mr [X], lesquels attestent qu'ils déjeunaient tous les 3 au domicile de ce dernier à [F] et ce jusqu'à 13 h 45.



Les dispositions de l'article L.1226-9 du code du travail ne sont donc pas applicables et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] [U] de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul.



2. Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :



Mme [L] [U] soutient, ce que les premiers juges n'ont pas retenu, qu'il y a eu une annonce publique de la décision de la licencier, avant la tenue de l'entretien préalable et du licenciement, que les pièces qu'elle produit établissent que la SAS Holding AMPI avait décidé de la licencier avant même la tenue de l'entretien préalable et que dans ces conditions, son licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.



La SAS Holding AMPI réplique que Mme [L] [U] ne satisfait pas à la preuve qui lui incombe en matière de licenciement verbal.



En application de l'article L.1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre le notifiant au salarié, à défaut le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.



Le licenciement verbal suppose une décision irrévocable de l'employeur de rompre le contrat de travail. Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d'en établir l'existence. L'appréciation des éléments produits relève du pouvoir souverain des juges du fond.



Mme [L] [U] produit un mail émanant de Mr [A] [J] à son attention en date du 30 août 2021 ainsi rédigé :

'Bonjour [L] :

Sur le réseau Linkedin j'ai trouvé votre mail personnel !

J'ai rencontré [T] [X] le 2 août comme convenu lors de nos échanges de début d'année 2021. J'ai été très étonné de ne pas vous rencontrer.

J'ai donc demandé si vous étiez en vacances et il m'a fait savoir que vous ne faisiez plus partie des effectifs (il m'a dit qu'il vous avait licenciée).

Très étonné puisque vous veniez d'acquérir en collaboration avec AMPI votre propre société Airwork Industries.

A cela il m'a proposé de m'embaucher avec un salaire nettement plus élevé que sa première proposition.

J'aurais aimé m'entretenir avec vous afin de comprendre le fonctionnement de celui-ci, puis-je vous appeler'

J'ai l'impression si je peux me permettre qu'il cherche mon réseau ainsi mon fichier clients!

Bien à vous'.



Si la SAS Holding AMPI fait valoir à raison qu'une telle pièce ne correspond pas à une attestation au sens de l'article 202 du code de procédure civile, elle n'en conteste toutefois pas l'authenticité puisqu'elle le qualifie tout au plus de mail de complaisance contenant des allégations fantaisistes.



Or, le seul fait que Mr [A] [J] et Mme [L] [U] soient désormais collègues au sein de Meca Industries -concurrent direct de la SAS Holding AMPI selon cette dernière- n'est pas de nature à ôter toute force probante au contenu du mail, alors même qu'à la date de sa rédaction, ils ne l'étaient pas.



Ce n'est pas non plus, comme le soutient à tort la SAS Holding AMPI, que, parce qu'elle n'a adressé à Mme [L] [U] les motifs de son licenciement par écrit que le 16 août 2021, que Mr [X], PDG de la SAS Holding AMPI, n'a pas tenu les propos qui lui sont imputés le 2 août 2021.



Il ressort donc des propos tenus par le PDG de la SAS Holding AMPI à Mr [A] [J] que celui-ci avait à cette date pris la décision irrévocable de licencier Mme [L] [U].



Il s'en déduit que Mme [L] [U] a fait l'objet d'un licenciement verbal.







Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [L] [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et ce par substitution de motifs.



Sur les conséquences financières du licenciement



Le jugement doit être confirmé des chefs de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire -dès lors que celle-ci est injustifiée- des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents non contestés dans leur quantum.



S'agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de l'ancienneté de Mme [L] [U] et en application du barème de l'article L.1235-3 du code du travail qu'il n'y a pas lieu d'écarter, le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du montant de l'indemnité allouée. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.



Sur la licéité et la recevabilité de l'enquête



Mme [L] [U] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'enquête réalisée par un détective privé à la demande de la SAS Holding AMPI est licite et recevable, en ce qu'elle n'a pas été informée d'une telle enquête et qu'elle n'a pas été entendue par le détective privé, et qu'il y a dès lors violation des articles L.1222-1 et L.1222-4 du code du travail.



La SAS Holding AMPI conclut à la confirmation du jugement au motif qu'une enquête interne n'est pas un procédé de preuve déloyal au simple motif que le salarié en cause n'a pas été informé de sa mise en oeuvre ou entendu.



Il ressort de l'enquête que celle-ci a été confiée à une agence de recherches et d'investigations privées à la suite de dénonciations de faits de harcèlement moral à l'encontre de Mme [L] [U].



Or, l'enquête effectuée au sein d'une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d'un procédé clandestin de surveillance de l'activité du salarié, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit qu'elle est licite et recevable.



Sur les dommages-intérêts pour comportement excessivement déloyal



Les premiers juges ont accueilli en son principe la demande de Mme [L] [U] de dommages-intérêts pour comportement excessivement déloyal, que celle-ci indiquait ne présenter que si la cour n'écartait pas l'application du barème de l'article L.1235-3 du code du travail. Par voie d'infirmation, Mme [L] [U] demande que le quantum des dommages-intérêts soit porté à la somme de 10000 euros.



La SAS Holding AMPI conclut à l'irrecevabilité d'une telle demande -à laquelle Mme [L] [U] ne répond pas- et à titre subsidiaire à son rejet.



Il a été précédemment rappelé les demandes dont le conseil de prud'hommes était saisi à l'origine. Mme [L] [U] a formé la demande en cause postérieurement.



En application de l'article 70 du code de procédure civile, la demande de dommages-intérêts pour comportement excessivement déloyal doit être déclarée irrecevable, en ce qu'elle ne se rattache pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.



Le jugement doit être infirmé en ce sens.



Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire



Mme [L] [U] reproche aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, faisant valoir que rupture a été brutale et vexatoire et qu'elle a subi un préjudice.



L'employeur conclut à la confirmation de ce chef de jugement.



Le jugement doit être confirmé du chef du rejet de la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.



En effet, il ne saurait en toute hypothèse être fait droit à la demande de Mme [L] [U] que si elle caractérise la teneur du préjudice qu'elle allègue, ce qu'elle ne fait pas dans ses écritures.



Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail



Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dès lors que de telles dispositions ne sont pas applicables, puisque l'ancienneté de la salariée est inférieure à 2 ans.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Le jugement doit être confirmé du chef des dépens, de celui du rejet de la demande d'indemnité de procédure de la SAS Holding AMPI et du chef de sa condamnation à ce titre.



Partie succombante, la SAS Holding AMPI doit être condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée en équité à payer de ce chef à Mme [L] [U] la somme de 1500 euros.



Par ces motifs :



La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;



Déboute Mme [L] [U] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;





Ecarte des débats les conclusions n°5 et les pièces n°78 à 82 de la SAS Holding AMPI ;



Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit la convention de forfait licite ;

- débouté Mme [L] [U] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents ;

- condamné la SAS Holding AMPI à rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [L] [U], du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

- condamné la SAS Holding AMPI à payer à Mme [L] [U] la somme de 584,65 euros au titre de remboursement de frais professionnels et celle de 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement déloyal ;



Le confirme pour le surplus ;



Statuant à nouveau dans les limites des chefs d'infirmation et y ajoutant :



Déclare irrecevables les demandes de Mme [L] [U] de remboursement de frais professionnels et de dommages-intérêts pour comportement excessivement déloyal ;



Dit la convention de forfait jours nulle ;



Condamne la SAS Holding AMPI à payer à Mme [L] [U] les sommes de :

- 3605 euros au titre des heures supplémentaires ;

- 360,50 euros au titre des congés payés y afférents ;



Dit que les conditions d'application de l'article L.1235-4 du code du travail ne sont pas réunies ;



Déboute la SAS Holding AMPI de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la SAS Holding AMPI à payer à Mme [L] [U] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la SAS Holding AMPI aux dépens d'appel.



LE GREFFIER LE CONSEILLER

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