4 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-21.268

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00196

Texte de la décision

COMM.

MB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 avril 2024




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 196 F-D

Pourvoi n° X 22-21.268







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 AVRIL 2024

M. [W] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-21.268 contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à :

1°/ Le comptable responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne, domicilié direction départementale des finances publiques cité administrative [Adresse 3], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Marne et du directeur général des finances publiques,

2°/ la directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [N], de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable responsable du pôle recouvrement spécialisé de la Marne, du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 juillet 2022), la société Curtayn holding, dont M. [N] était le gérant, a été mise en liquidation judiciaire le 11 février 2014. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 14 décembre 2016.

2. Le 18 novembre 2019, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne (le comptable public) a assigné M. [N], sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin qu'il soit déclaré solidairement responsable, avec la société Curtayn holding, de la dette fiscale de cette dernière.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [N] fait grief à l'arrêt de déclarer le comptable public recevable en ses demandes, de le déclarer solidairement responsable avec la société Curtayn holding au paiement de la somme de 312 901,48 euros au titre des impositions dues par celle-ci et de le condamner en conséquence à payer au comptable public la somme de 312 901,48 euros, alors « que, lorsqu'un dirigeant d'une société est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance ; qu'à cette fin, le comptable public compétent assigne le dirigeant devant le président du tribunal de grande instance du lieu du siège social ; que selon l'instruction fiscale 12 C-20-88 du 6 septembre 1988 relative à l'action des créanciers contre les dirigeants et liquidateurs des sociétés commerciales, l'action engagée sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales doit l'être dans un délai satisfaisant ; que cette instruction prévoit par ailleurs qu'il appartient aux comptables d'accomplir, en vue du recouvrement, des diligences adéquates, complètes et rapides ; que si l'instruction du 6 septembre 1988 ne définit pas le délai satisfaisant et si le juge peut, dans ce silence, se référer au délai de prescription prévu aux articles L. 274 et L. 275 du livre des procédures fiscales, à titre seulement indicatif, le délai satisfaisant ne se confond pas avec le délai de prescription prévu par ces articles et n'en suit pas le régime, en termes notamment d'interruption ; qu'en l'espèce, pour juger que le comptable public avait agi dans un délai satisfaisant, la cour d'appel a, après avoir relevé que le tribunal de commerce de Reims avait prononcé la liquidation judiciaire de la société Curtayn holding par jugement du 11 février 2014, que l'administration avait déclaré deux créances privilégiées et que cette procédure avait été clôturée pour insuffisance d'actif par un jugement du 14 décembre 2016, relevé que l'action en recouvrement fondée sur l'article L. 267 du livre des procédures fiscales à l'encontre de M. [N] avait été engagée "suivant l'assignation délivrée par acte d'huissier en date du 18 novembre 2019, soit plus d'un an avant l'expiration du délai de prescription quadriennale" qui avait été interrompu par la déclaration de créance et recouru à compter de la clôture pour insuffisance d'actif ; qu'en statuant ainsi, par des motifs tirés de l'engagement de l'action du comptable avant l'acquisition de la prescription quadriennale qui avait été interrompue et avait recouru entièrement, ce qui était impropre à caractériser de la part du comptable le respect d'un délai satisfaisant d'engagement de l'action à compter du moment où il avait la possibilité de le faire, la cour d'appel a violé l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, ensemble l'instruction du 6 septembre 1988. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 267 du livre des procédures fiscales :

4. L'action engagée par le comptable public sur le fondement de ce texte aux fins de déclarer le dirigeant social solidaire du paiement des impositions et pénalités dues par la société doit l'être dans un délai satisfaisant.

5. Pour dire que le comptable public a agi contre M. [N] dans un délai satisfaisant, l'arrêt relève que l'action a été engagée plus d'un an avant l'expiration du délai de prescription quadriennal prévu à l'article L. 274 du même livre, lequel a recommencé à courir à compter du 14 décembre 2016, date du jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif de la société Curtayn holding.

6. En se déterminant par de tels motifs, tirés de l'absence de prescription de l'action en recouvrement de la créance fiscale de la société Curtayn holding, sans rechercher à quelle date le constat de l'impossibilité définitive de recouvrer les impositions et pénalités dues par cette société pouvait être fait par l'administration, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande d'annulation de l'assignation délivrée le 18 novembre 2019 et déclare le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne recevable en ses demandes, l'arrêt rendu le 5 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne le comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Marne et du directeur général des finances publiques, et le directeur général des finances publiques aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la Marne, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de la Marne et du directeur général des finances publiques, et le directeur général des finances publiques à payer à M. [N] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux vingt-quatre.

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