4 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.382

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200309

Titres et sommaires

CASSATION - Pourvoi - Délai - Interruption - Absence d'effet - Aide juridictionnelle en vue de se pourvoir - Retrait postérieur

Selon l'article 44 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, le dépôt de la demande d'aide juridictionnelle, en vue de se pourvoir devant la Cour de cassation, interrompt le délai imparti pour le dépôt du pourvoi. Le retrait postérieur du bénéfice de l'aide juridictionnelle est sans effet sur l'interruption du délai résultant de cette demande

AIDE JUDICIAIRE - Aide juridictionnelle - Demande - Effets - Cassation - Pourvoi - Délai - Interruption - Conditions

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 avril 2024




Cassation sans renvoi


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 309 F-B

Pourvoi n° K 22-18.382





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024

M. [G] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-18.382 contre l'ordonnance n° RG : 21/02053 rendue le 13 janvier 2022 par le premier président de la cour d'appel de Pau (chambre spéciale), dans le litige l'opposant à la société Darmendrail & Santi, société d'avocats, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [J], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Darmendrail & Santi, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Pau, 13 janvier 2022), M. [J] a confié la défense de ses intérêts à la société Darmendrail & Santi (l'avocat), dans un litige l'opposant à son employeur.

2. Une convention d'honoraires a été signée entre les parties prévoyant un honoraire forfaitaire et un honoraire de résultat. Elle ne comportait aucune clause prévoyant le sort des honoraires en cas de dessaisissement de l'avocat.

3. Le 22 mai 2019, M. [J] a déchargé l'avocat de la procédure.

4. Il a signé en octobre 2019 une transaction avec son employeur.

5. L'avocat, qui lui a réclamé, en vain, paiement des honoraires de résultat calculés sur la base de cette transaction, a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de ses honoraires.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

6. L'avocat soulève l'irrecevabilité du pourvoi au motif que ce dernier a été formé plus de deux mois après la signification de l'ordonnance rendue le 13 janvier 2022, soutenant que la décision par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation a retiré le bénéfice de cette aide juridictionnelle pour déclaration inexacte de ressources prive la demande d'aide juridictionnelle de tout effet interruptif.

7. Cependant, il résulte des productions que M. [J] a déposé sa demande le 2 février 2022, et que la décision lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale lui a été notifiée le 17 juin 2022.

8. Le pourvoi formé le 30 juin 2022 est, dès lors, recevable, en application de l'article 44 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, le retrait postérieur du bénéfice de l'aide juridictionnelle étant sans effet sur l'interruption du délai résultant du dépôt de la demande d'aide juridictionnelle.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [J] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires de l'avocat à la somme de 16 200 euros, avec intérêts au taux légal, alors « que le dessaisissement de l'avocat avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable a pour effet de rendre caduque la convention prévoyant un honoraire de résultat ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond qu'il a dessaisi l'avocat avant de conclure un accord transactionnel avec la partie adverse ; que pour taxer les honoraires de l'avocat à la somme de 16 200 euros, la cour a décidé que ce dessaisissement, intervenu avant qu'il ait été mis fin à l'instance, était sans effet et que la convention d'honoraires devait s'appliquer, aux motifs que l'exposant ne l'avait pas exécutée de bonne foi dès lors que la partie adverse avait manifesté son intention de transiger avant qu'il ne dessaisisse son conseil et que cette proposition de transaction avait été le résultat des diligences de ce dernier ; qu'en statuant ainsi, le premier président n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que ladite convention était devenue caduque, violant ainsi les articles 1103 et 1224 du Code civil, ensemble les articles 10, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 et 10, alinéa 4, du décret du 12 juillet 2005. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 :

9. Il résulte de ce texte que, lorsqu'à la date du dessaisissement de l'avocat, il n'a pas été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, la convention préalable d'honoraires cesse d'être applicable et les honoraires correspondant à la mission partielle effectuée par celui-ci jusqu'à cette date doivent être appréciés en fonction des seuls critères définis par l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971.

10. Pour fixer à la somme de 16 200 euros le montant des honoraires de résultats dus à l'avocat, l'ordonnance retient que le dessaisissement de l'avocat par M. [J] est intervenu deux jours après la formalisation d'une proposition transactionnelle d'un montant deux fois supérieur à celui initialement proposé par l'employeur. Elle en déduit qu'en signant ensuite une transaction hors la présence de l'avocat, la convention a été exécutée de mauvaise foi par M. [J] et que le dessaisissement doit être privé d'effet.

11. En statuant ainsi, alors qu'il constatait que le client avait, en cours de procédure, avant la signature d'un protocole d'accord transactionnel, mis fin au mandat confié à l'avocat, le premier président a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. Il résulte des paragraphes 10 et 12 que la demande de fixation des honoraires de résultat formée par la société Darmendrail & Santi doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 13 janvier 2022, entre les parties, par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de fixation d'honoraires de résultat formée par la société Darmendrail & Santi ;

Condamne la société Darmendrail & Santi aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées tant devant la Cour de cassation qu'au titre de la procédure devant la cour d'appel ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.