28 mars 2024
Cour d'appel de Douai
RG n° 20/03929

CHAMBRE 1 SECTION 1

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 28/03/2024





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N° de MINUTE :

N° RG 20/03929 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TG6X



Jugement rendu le 30 janvier 2018 par le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe



APPELANTE



La SAS Aliteams

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Christian Delevacque, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant



INTIMÉES



La SELARL MJS Partners représentée par Me [V] [H] en qualité de liquidateur judiciaire du GAEC de Linières

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Myriam Mazé, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué substitué par Me Jean-Marc Villesèche, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe



DÉBATS à l'audience publique du 14 décembre 2023, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ



Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller









ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024 après prorogation du délibéré en date du 14 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 novembre 2023



****



Par acte d'huissier de justice du 25 avril 2017, la SAS Aliteams, société de négoce en nutrition animale, a fait assigner le GAEC de Linières devant le tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe afin d'obtenir la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 46'285,41 euros au titre de diverses factures, pénalités et frais demeurés impayés.



Par jugement du 30 janvier 2018, le tribunal l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement au GAEC de Linières de la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.



La société Aliteams a interjeté appel de cette décision et, par arrêt du 2 mai 2019, la présente cour d'appel a :

- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,

- condamné le GAEC de Linières à payer à la société Aliteams la somme de 28 159,24 euros avec intérêts courant au taux légal à compter du 31 août 2015, date de la mise en demeure,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus par année entière en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamné le GAEC de Linières à payer à la société Aliteams la somme de 680 euros au titre des frais de recouvrement,

- débouté la société Aliteams de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné le GAEC de Linières aux dépens et à verser à la société Aliteams la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Or, tandis que l'instance était pendante devant la cour d'appel, et avant l'ouverture des débats devant elle lors de l'audience du 25 février 2019, le GAEC avait été mis en redressement judiciaire par un jugement du 15 janvier 2019 désignant un mandataire judiciaire.

Ce dernier s'étant pourvu en cassation, la Cour de cassation, par arrêt du 3 février 2021, a constaté que l'arrêt rendu le 2 mai 2019 par la cour d'appel de Douai, après l'interruption de l'instance, sans que celle-ci eût été reprise régulièrement, à défaut pour la cour d'appel de disposer d'une copie de la déclaration de créance faite le 26 mars 2019 après la clôture des débats et en cours de délibéré, et faute de mise en cause du mandataire judiciaire, était réputé non avenu, cette cour d'appel restant saisie du litige.



Entre-temps et par acte du 3 août 2020, la société Aliteams avait fait assigner la SELAS MJS Partners, en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire du GAEC de Linières, en reprise d'instance et l'affaire a été remise au rôle de la cour d'appel.







Aux termes de ses dernières conclusions remises le 4 novembre

2021, la société Aliteams demande à la cour, au visa des articles 1103, 1217 et 1231-1 du code civil, de l'ancien article 1132 du même code, de l'article L. 441-6 du code de commerce, d'infirmer le jugement rendu en première instance en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- fixer au passif du GAEC de Linières les créances suivantes :

* 28 159,24 euros à titre principal, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 août 2015,

* 680 euros au titre des frais de recouvrement,

* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu des dispositions de l'article 1342-3 du code civil,

- débouter le GAEC de Linières de l'ensemble de ses demandes,

- condamner ce dernier aux dépens et à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions remises le 14 juillet 2022, la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire du GAEC de Linières, demande à la cour, au visa des articles 2 et 1325 et suivants du code civil, de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société appelante aux dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.



Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.



Aux termes de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.



L'article 1341 du même code dispose qu'il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et qu'il n'est reçu aucune preuve par témoins contre ou outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre, le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.



L'article 1347 stipule que les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit ; qu'on appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.





Enfin, il résulte des dispositions de l'alinéa 1er de l'article 1348 du code civil que les règles ci-dessus reçoivent encore exception lorsque l'obligation est née d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, ou lorsque l'une des parties, soit n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure.



En l'espèce, la société Aliteams expose qu'elle a régulièrement livré des marchandises commandées par le GAEC de Linières et que celui-ci s'est abstenu d'honorer intégralement à leur échéance le paiement de dix-sept factures pour la période comprise entre le mois d'août 2012 et le mois d'avril 2013.



Si le GAEC de Linières soutient qu'il s'agit de factures qui ne correspondent à aucune commande ni livraison effective en l'absence de production de bons de commande ou de livraison signés par son représentant légal, il n'explique pas pourquoi la société Aliteams aurait ainsi émis dix-sept factures à son nom, afférentes à la livraison d'aliments pour bétails sur une période de neuf mois, qui ne correspondraient en réalité à aucune livraison.

La production aux débats par le GAEC de Linières de bons de commande et de bons de livraison signés par son représentant légal dans le cadre de contrats régularisés avec d'autres sociétés ne saurait suffire pour justifier de l'existence de cette même pratique dans le cadre de sa relation d'affaires avec la société Aliteams alors qu'il est constant qu'il existe un usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d'aliments pour le bétail sans régulariser un contrat écrit.

Le GAEC de Linières ne conteste pas avoir déjà acquis un certain nombre de produits de la société Aliteams, le relevé du « compte'» du GAEC auprès de cette dernière (pièce 8) fait apparaître des règlements s'imputant sur un solde antérieur et sur partie des factures litigieuses et l'appelante apporte la preuve de l'existence de relations d'affaires suivies entre les parties.



En outre, alors que l'appelante justifie avoir mis le GAEC de Linières en demeure de régler les factures impayées par deux courriers en date des 31 août 2015 et 14 septembre 2015 en indiquant expressément : 'Nous vous rappelons que vous restez redevable envers Aliteams de la somme de 46 298,31 €', le GAEC de Linières a indiqué dans un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 15 septembre 2015 adressé à la SAS Aliteams, :

' Nous revenons vers vous par ce courrier car nous n'avons pas pu vous joindre par téléphone, afin de pouvoir vous proposer une solution dans le but de régulariser votre compte.

La situation financière de notre gaec, comme beaucoup dans le monde agricole à l'heure actuelle, ne nous permet pas de vous régler en ce moment, la totalité de la somme.

Nous vous avons réglé un montant de 20 000 euros en janvier 2015 et nous nous engageons à vous verser la somme de 1 500 euros chaque mois jusqu'au paiement intégral, à moins que notre situation nous permette d'augmenter les versements à l'avenir', un chèque de 1 500 euros étant joint à ce courrier.



Si le GAEC de Linières, qui, ainsi que cela a été dit, ne conteste pas avoir été livré de certains produits par la société appelante, relativise la portée de ce courrier en faisant valoir qu'il s'agit d'une lettre de portée générale qui ne saurait s'analyser en un aveu judiciaire, la concomitance de ce celui-ci avec les deux mises en demeure adressées par la SAS Aliteams ainsi que la précision des termes employés, faisant état de l'existence d'une dette, d'un règlement de 20 000 euros intervenu en janvier 2015 et de l'impossibilité de régler immédiatement la totalité de « la somme'», autrement dit la somme réclamée par la mise en demeure, démontrent une reconnaissance non équivoque par le GAEC tant de l'existence de la dette que de son quantum.



Si les mises en demeure susvisées portaient sur une somme de 46'298,31 euros, le décompte qu'elles comportaient faisait état d'un principal de 36'159,24 euros, accompagné d'intérêts, d'indemnités et des frais de recouvrement. Il est avéré qu'à la suite de ces mises en demeure, le GAEC a versé 8'000 euros. La somme dont l'inscription au passif est demandée (28'159,24 euros) ne représente donc que le principal (36'159,24 - 8'000).



Par conséquent, en l'absence de preuve de libération de ce dernier, il y a lieu de faire droit à la demande de l'appelante, qui justifie d'une déclaration de sa créance dans le cadre de la procédure collective sur laquelle le mandataire judiciaire ne formule aucune observation, tendant à l'inscription au passif du GAEC de Linières de la somme de 28 159,24 euros avec intérêts courant au taux légal à compter du 31 août 2015, date de la mise en demeure, jusqu'à la date d'ouverture du redressement judiciaire qui en a arrêté le cours comme le prévoit l'article L 621-48 du code de commerce, et capitalisation des intérêts par année entière et successive en application de l'article 1343-2 du code civil, outre les frais de recouvrement exigibles en vertu de l'article L 441-6 du code de commerce, soit 680 euros, qui ne se confondent pas avec l'indemnité pour frais irrépétibles prévue par l'article 700 du code de procédure civile.



La décision entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions.



En revanche, la société Aliteams ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui qui résulte du retard de paiement dont elle est indemnisée par les intérêts et sa demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée.



Il incombe au GAEC de Linières, partie perdante, de supporter la charge des dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi que de ses frais irrépétibles, mais il n'est pas inéquitable, vu l'article 700 du même code, de laisser à la société Aliteams la charge de ses propres frais irrépétibles.



PAR CES MOTIFS



La cour



infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau,



ordonne l'inscription au passif du GAEC de Linières d'une créance de la SAS Aliteams de 28'159,24 euros, avec intérêts courant au taux légal, capitalisables par année entière, du 31 août 2015 à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur, outre 680 euros de frais de recouvrement,



déboute la SAS Aliteams de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité pour frais irrépétibles,



déboute la SELAS MJS Partners ès qualités de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,



la condamne, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.











Le greffier







Delphine Verhaeghe







Le président







Bruno Poupet

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