28 mars 2024
Cour d'appel de Dijon
RG n° 22/00571

Chambre sociale

Texte de la décision

S.A.S.U. LDC BOURGOGNE





C/



[T] [B]



























Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 28/03/24 à :

-Me [U]





C.C.C délivrées le 28/03/24 à :

-Me [Y]

-M.[A]



























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 28 MARS 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00571 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GAIU



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, décision attaquée en date du 29 Juin 2022, enregistrée sous le n° F 20/00267





APPELANTE :



S.A.S.U. LDC BOURGOGNE

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Fabrice CHARLEMAGNE de la SCP BEZIZ-CLEON - CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON, Me Pierre THOBY de la SELARL CAPSTAN OUEST, avocat au barreau de NANTES





INTIMÉE :



[T] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par M. [P] [A] (Délégué syndical ouvrier)





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :



Olivier MANSION, Président de chambre,

Fabienne RAYON, Présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Jennifer VAL,



ARRÊT : rendu contradictoirement,



PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Jennifer VAL, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


FAITS ET PROCÉDURE



Mme [T] [B] a été embauchée le 11 septembre 2017 par la société LDC BOURGOGNE (ci-après LDC) par un contrat de travail à durée indéterminée avec reprise d`ancienneté au 6 juillet 2017 en qualité d'opératrice de maintenance, coefficient 145, échelon 2, statut ouvrier de la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles.



Le 19 février 2020, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 suivant.



Le 24 mars 2020, elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle avec dispense de préavis.



Par requête du 5 novembre 2020, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône afin de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre un rappel de salaire pour des heures supplémentaires, des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et salariale et pour non-respect de la convention collective applicable et l'accord d`entreprise du 26 juin 2001.



Par jugement du 29 juin 2022, le conseil de prud'hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre notamment un rappel de salaire sur heures supplémentaires de modulation et les congés payés afférents.



Par déclaration formée le 1er août 2022, la société LDC a relevé appel de cette décision.



Aux termes de ses dernières écritures du 9 mars 2023, l'appelante demande de :



- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :



* jugé que la rupture du contrat de travail n'est pas justifiée par une cause réelle et sérieuse,

* condamné la société LDC à lui verser les sommes de :

- 5 900 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 593,17 euros à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires de modulation et les congés payés afférents,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



* ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement payées à la salariée licenciée, du jour du prononcé du jugement, dans la limite de six mois d'indemnités,

* dit qu'une copie certifiée conforme du présent jugement sera adressée à la direction

générale de Pôle Emploi par le secrétariat-greffe dans les conditions prévues par l'article R.1235-2 du code du travail,

* débouté la société LDC de sa demande conventionnelle,

* dit qu'elle devra supporter la charge des dépens,



- le confirmer en ses autres dispositions,



- en tirer toutes conséquences de droit,



à titre principal,



- juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié,



- juger que Mme [B] n'a pas subi de discrimination syndicale et/ou salariale,



- juger que Mme [B] ne peut solliciter de rappel d'heures supplémentaires de modulation



- juger que la société LDC a respecté les dispositions conventionnelles,



- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,



à titre subsidiaire si la cour estime que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,



- limiter le montant des dommages-intérêts à la somme de 5 085 euros bruts,



en tout état de cause,



- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Aux termes de ses dernières écritures du 8 décembre 2022, Mme [B] demande de :



- Dire 'il recevable' la déclaration d'appels du 18 octobre 2022 de la SCP BEZIZ-CLEON-CHARLEMAGNE-CREUSVAUX représentant la société LDC et Maître [U] formée hors délai légal,



à titre subsidiaire,



- confirmer le jugement déféré,



- condamner la société LDC à payer à Mme [B]



* à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 5 900 euros,

* à titre de 'rappel de salaire sur heures supplémentaires de modulation + 1/ 10 CP' 593,175 euros,

* au titre de l'article 700 du code de procédure civile 1 000 euros,



- condamner la société LDC aux entiers dépens de première instance et d'appel,



- ordonner conformément aux dispositions de l'article L12 35- 4 du code du travail, le remboursement à Pôle Emploi de Bourgogne des indemnités de chômage éventuellement payées à la salariée licenciée du jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,



- dire qu'une copie certifiée conforme 'du présent jugement' sera adressé à la direction générale de Pôle Emploi par le secrétariat greffe dans les conditions prévues par l'article R1235- 2 du code du travail.



Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.














MOTIFS DE LA DECISION



A titre liminaire, la cour relève :



- d'une part que la salariée sollicite à titre principal que 'la déclaration d'appel du 18 octobre 2022 de la SCP BEZIZ-CLEON-[Y]-CREUSVAUX représentant la société LDC BOURGOGNE et Maître [U]' soit déclarée irrecevable car hors délai légal.



Toutefois, la cour relève que le conseiller de la mise en état a déjà statué sur cette fin de non recevoir par ordonnance d'incident du 10 novembre 2022 et rejeté les prétentions de la salariée à cet égard. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la fin de non recevoir alléguée,



- d'autre part que Mme [B] formule dans le dispositif de ses conclusions une demande de confirmation du jugement déféré, ce y compris en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre d'une discrimination syndicale et salariale et à titre de dommages-intérêts pour non respect de la convention collective et l'accord d'entreprise. Il s'en déduit qu'elle est réputée avoir abandonner ces prétentions, qu'elle ne développe d'ailleurs pas dans le corps de ses conclusions, et les développements de la société LDC sur ces points dans ses propres écritures sont sans objet, la cour n'étant saisie d'aucune demande à cet égard.



I - Sur le rappel d'heures supplémentaires de modulation :



Au visa de l'accord relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail du 28 juin 1999, Mme [B] soutient qu'un système d'heure de modulation a été mis en place. Elle ajoute que sur son bulletin de paye de janvier 2019 figure 62,10 heures de modulation et que le mois suivant ce solde a été ramené à zéro avec paiement de seulement 22,10 heures (pièce n°12), soit un reliquat de 40 heures devant être payées en heures supplémentaires majorées à 25%, outre les congés payés afférents, soit la somme de 593,175 euros.



L'employeur oppose que si Mme [B] bénéficiait d'une modulation positive, sa demande n'est pas justifiée car en suite d'une erreur de paramétrage de la paye concernant la salariée ainsi que les quatre autres élèves de la promotion 'TMI', une durée du travail durant la période de formation de 35 heures par semaine a été enregistrée alors que Mme [B] n'en réalisait que 32. Les données permettant le calcul des heures et du solde de modulation étaient donc faussées, ce qui justifie le retrait de 40 heures de modulation (pièces n°28, 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 35).



Le paragraphe 5 de l'accord pré-cité stipule que 'les heures effectuées au delà de 25 heures par semaine mais compensées dans le cadre de l'annualisation ne donnent pas lieu à paiement d' heures supplémentaires.



Les heures effectuées au-delà des plafonds d'annualisation ou du plafond 44 heures donnent lieu à paiement d' heures supplémentaires et sont imputées sur le contingent d' heures supplémentaires prévu par la convention collective nationale, sauf récupération. En cas de non respect de la durée moyenne hebdomadaire de 25 heures sur l'année, les heures effectuées au-delà de cette durée devront être payées ou récupérées selon leur nature avec, le cas échéant, l'incidence de la majoration dans les conditions prévues par l'article L.212-5 du code du travail, dans les conditions des dispositions conventionnelles. [...]



En l'espèce, les conditions d'application de cet accord à la salariée ne sont pas discutée, seul le quantum des heures comptabilisées jusqu'en janvier 2019 étant contesté, la société LDC arguant à cet égard d'une erreur de calcul affectant les 62,10 heures cumulées par Mme [B] et justifiant selon elle le retrait en février 2019 de 40 heures.



La cour relève toutefois que :



- s'agissant de l'erreur alléguée, l'employeur se borne à produire les bulletins de paye de janvier et février 2019 des 4 autres salariés concernés par cette prétendue erreur. Néanmoins, ces éléments, s'ils confirment que Mme [B] n'étaient pas seule concernée, sont sans conséquence sur la solution du litige puisqu'ils ne justifient aucunement la réalité ni la nature de l'erreur de paramétrage alléguée, laquelle n'est confirmée par aucun élément,



- l'affirmation que la salariée n'effectuait que 32 heures par semaine est contredite par le contrat de travail qui prévoit 35 heures (pièce n°2).



En conséquence, le non paiement à Mme [B] de 40 heures de travail sur le bulletin de paye de février 2019 demeure non justifié, de sorte que la salariée est fondée à en réclamer le paiement.



Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 593,17 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires de modulation, congés payés afférents inclus.



II - Sur le bien fondé du licenciement :



L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.



L'insuffisance professionnelle se caractérise par l'incapacité du salarié à exercer ses fonctions et est caractérisée par des manquements ou des carences de celui-ci dans l'exécution des tâches qui lui ont été confiées contractuellement. Sauf mauvaise volonté délibérée ou abstention volontaire du salarié, elle ne constitue pas une faute.



La perte de confiance et l'insuffisance de résultats ne constituent pas en elles-mêmes une cause réelle et sérieuse de licenciement sauf s'il est établi que la non-atteinte des résultats ou objectifs fixés résulte d'une carence du salarié et notamment d'une insuffisance professionnelle.



En l'espèce, la lettre de licenciement du 24 mars 2020 est rédigée dans les termes suivants :



'[...] Nous vous rappelons que les principales missions inhérentes à votre fonction d'opératrice de maintenance sont notamment les suivantes :

- Réaliser les opérations de maintenance curative et corrective : intervenir à la demande de la production sur toutes les installations de l"usine pour les remettre en marche en se référant aux documents techniques des installations.

- Réaliser les activités de maintenance préventive : Réaliser les opérations d'entretien préventif sur la base d'un programme élaboré parle responsable ou de sa propre initiative avec information du responsable.



Plus encore, nous vous rappelons qu'afin de mener à bien ces missions, l'opérateur de maintenance doit notamment :

- Avoir une bonne connaissance du parc machines de l'usine (paramètre de conduite, procédures d'intervention, dossiers techniques)

- Faire preuve d'organisation lors de ses interventions pour réussir à bien gérer les priorités

- Avoir un bon sens de l'analyse et agir avec méthodologie pour résoudre les pannes au plus

vite

- Faire preuve de rigueur dans son reporting journalier afin de fiabiliser les données renseignées et assurer l'efficacité du service

- Respecter les modes opératoires et les règles de sécurité.



Cependant, nous avons constaté un certain nombre de dysfonctionnements dans l'exercice normal de vos fonctions qui vous ont d'ailleurs été signalés à plusieurs reprises notamment à l'occasion des différents entretiens que vous avez eus avec votre encadrement et le service RH depuis le mois de septembre 2020, ainsi que dans notre courrier daté du 7 février 2020.



Ainsi, en date du 25 septembre 2019, lors d'un entretien informel dont l'objet était de réaliser le bilan de votre formation et d'échanger sur la prise de vos fonctions, nous vous avions fait part des difficultés que nous avions identifiées, et qui, malgré l'obtention de votre titre professionnel, restaient à pallier afin d'assurer pleinement les missions d'un opérateur de maintenance au sein de notre entreprise.



Toutefois, force est de constater que malgré l'accompagnement et les conseils dont vous avez bénéficié, de nombreuses carences dans l'exercice normal de vos fonctions demeurent, liées principalement à :



- Une méconnaissance du parc machines,

- Des connaissances techniques insuffisantes.



En effet, vous avez de nombreuses difficultés à diagnostiquer et résoudre les pannes, méme les plus simples et ce, malgré l'aide de vos collègues.



Ainsi, nous avons notamment relevé les événements suivants, dont la liste n'est pas exhaustive :



- le 06 décembre 2019, suite à votre intervention, l'enrouleur du quai vif ne fonctionnait plus. L'un de vos collègue a été appelé pour intervenir sur ce même enrouleur, il a constaté que l'enrouleur ne fonctionnait pas car vous ne l'aviez pas remonté correctement, ilo a donc remédié au problème.



- le 3 janvier 2020, une soudure devait être effectuée sur le module coupe-pilon en découpe poulet, un de vos collègues vous demande de vous en charger, celui-ci étant déjà en intervention. Vous lui avez alors répondu 'je suis une bille en soudure', contraignant ainsi votre collègue à stopper son intervention pour effectuer la soudure en question.



- le 07 janvier, vous deviez réparer un tapis col de cygne à palette en découpe poulet. Vous avez mis une mauvaise palette sur ce tapis (trop haute) et avez indiqué à votre collègue que tout état ok. Dans les 5 minutes qui ont suivi, votre collègue a été appelé par la production car le tapis faisait du bruit. Vous auriez dû comparer la hauteur de palette chargée avec les autres palettes, surtout vous auriez dû vérifier votre travail et faire un contrôle en production, ce qui aurait évité 10minutes d'arrêt de chaine.



- le 10 janvier 2020, vous interveniez sur le moteur disjoncté de la machine coupe-crosses. Vous avez demandé à [N] [D] (votre chef d'équipe) et à l'un de vos collègues ce que vous deviez faire alors qu'il s'agit d'une panne récurrente d'un disjoncteur présent dans la plupart des moteurs de notre parc machine.



- Le 15 janvier 2020, vous deviez intervenir sur une pompe à sang qui disjonctait. Vous avez sollicité un collègue pour réaliser cette opération, ce dernier a dû arrêter son opération de maintenance pour vous donner les instructions. Malgré les instructions, vous avez inversé les deux phases, la pompe refoulait au lieu d'aspirer. Vous avez à nous appelé votre collègue pour lui demander quoi faire. Il vous a indiqué qu'il fallait simplement inverser 2 phases, et vous avez demandé à nouveau à quel endroit (réponse de votre collègue : à l'endroit où vous veniez de modifier le câblage). Il s'agit pourtant d'une opération simple.



Force est de constater que vous n'êtes pas autonome sur des opérations basiques inhérentes à la fonction d'opératrice de maintenance et ce, malgré les conseils apportés.



- Autre exemple, le samedi 18/01/2020, vous étiez en intervention sur un disjoncteur (GV2) de la machine coupe-crosses qui était à changer. L'un de vos collègues qui se rendait sur une autre intervention a constaté que vous n'arriviez pas à mettre la barrette de connexion du nouvel appareil, il vous a donc expliqué qu'il fallait desserrer les vis pour positionner cette barrette correctement. Afin de vous aider il a positionné la barrette, il a serré une partie des vis pour la maintenir, et vous a laissé terminer votre intervention car il était attendu sur une autre panne. Le lundi suivant, à 5 heures du matin, au démarrage de la découpe poulet, certains modules ne fonctionnaient plus. En contrôlant l'armoire électrique, votre collègue a constaté que vous n'aviez pas serré toutes les vis de la barrette du disjoncteur, ce qui provoquait des arrêts de module de la découpe et des arcs électriques dans l'armoire électrique. C'est sur ce disjoncteur que vous étiez intervenue en fin de production le samedi. Or, vous n'avez pas contrôlé la fin de votre intervention ni vérifié que tout était correctement serré suite à l'aide apportée par votre collègue. Et surtout vous n'avez pas remis la ligne en fonctionnement pour vérifier si tous les modules fonctionnaient correctement. Ceci a occasionné des difficultés au démarrage de la production le lundi matin, provoquant une perte de production de 15 minutes (80 salariés arrêtés), ce qui a généré des impacts financiers non négligeables. De plus, cette mauvaise intervention a engendré un risque d'incendie puisque les arcs électriques auraient pu provoquer un départ de feu dans l'armoire.



- Le 22 janvier 2020 : Les douches du vestiaire du quai vif fonctionnant plus, vous avez été

missionnée pour changer les pommeaux de douches. Suite à cela, constatant que malgré votre intervention cela ne fonctionnait toujours pas, vous en avez parlé à l'un de vos collègues, qui est intervenu et a résolu le problème en 10 minutes.



- Le jeudi 6 février : Vous avez été appelée sur une panne à l'abattoir (bac anesthésie). Après 45 minutes de tentatives pour diagnostiquer le problème, vous appelez l'un de vos collègues qui est intervenu et qui a résolu le problème en 10 minutes, tout simplement en réarmant le process. A noter que durant votre intervention, vous n'aviez pas vérifié la bonne armoire électrique, ce qui prouve s'il en était besoin, votre méconnaissance du parc machines. Impact : La production a été arrêtée pendant 45 minutes, 25 salariés à l'arrêt, avec la perte financière qui en découlent.



Ces différents événements, démontrant les difficultés rencontrées dans l'exercice normal de vos fonctions, mettent plus généralement en exergue de graves lacunes techniques, engendrant une incapacité régulière à régler des problèmes techniques basiques survenant sur notre parc machine, et à fortiori, à réaliser les missions les plus simples de votre fonction.



Pourtant, vous avez suivi une formation de deux ans en alternance au sein de notre entreprise pour l'obtention d'un titre pro 'Technicien de Maintenance industrielle'. Or, nous constatons que malgré la formation, le suivi et l'accompagnement dont vous avez pu bénéficier, vous n'avez pas su pallier les carences dans l'accomplissement de vos principales missions.



Il est indéniable que vos lacunes ont des répercussions sur l'efficacité du service de maintenance et à fortiori sur la bonne marche de l'entreprise avec des impacts importants sur la production (machines arrêtées, salariés à l'arrêt, perte de productivité...) et d'éventuels risques en matière de sécurité sur le site (exemple : risque incendie suite à une mauvaise intervention).



Ainsi, tous ces éléments ne peuvent que caractériser votre insuffisance à remplir pleinement votre fonction d'opératrice de maintenance.



De ce fait, nous avions proposé oralement lors de notre entretien du 31 janvier, puis dans notre courrier du 6 février, de changer de poste pour devenir opératrice au sein de notre atelier de découpe poulet.



[R] [Z], Responsable RH a réitéré cette proposition lors de fentretien du 28 février 2020, en présence de Madame [K]. Cette dernière vous a également demandé si vous étiez certaine de ne pas vouloir occuper ce poste en découpe poulet afin de pouvoir rester dans l'entreprise en CDI. Malgré ces demandes réitérées, vous avez confirmé lors de cet entretien votre refus de changer de poste.



Par conséquent, nous sommes aujourd'hui contraints de vous notifier votre licenciement pour

insuffisance professionnelle' (pièce n°12).



Mme [B] oppose pèle-mêle que :



- le contrat de travail est régi par les dispositions des articles L1221-1 et suivants du code du travail et les articles 1103, 1104 et 1194 de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,



- l'article I du contrat de travail 2ème paragraphe prévoit une formation de 1155 heures, de même que le contrat pédagogique de formation et son avenant or l'attestation de fin de formation fait état de seulement 1124,50 heures de formation et il ne peut être confondu formation et tutorat,



- la formation n'a pas été réalisée sur 24 mois mais sur 20 mois et 11 jours, et le diplôme est daté du 9 février 2017, délivré le 18 juin 2019 alors que la fin de formation était prévue au 31 juillet 2019, de sorte que la formation n'a pas été à son terme et n'a pas été complète,



- contrainte par les directives de l'IFRIA et par le lien de subordination avec la société LDC, la salariée n'a fait que subir les manquements des autres parties à la convention puis en a été victime par son licenciement,



- l'employeur ose faire état de l'objectif de la formation alors que celui-ci ne pouvait être réalisé puisqu'il manquait 30,50 heures,



- alors que la salariée a obtenu une certification professionnelle de niveau W, l'employeur n'a jamais appliqué l'accord entreprise du 29 septembre 2001 en matière de classification et n'a même pas mis en oeuvre une adaptation alors que l'engagement contractuel de la formation n'a pas été respectée,



- l'employeur a un devoir de loyauté dans l'exécution de bonne foi du contrat de travail, notamment dans les modalités de mise en 'uvre de certaines clauses, or la clause de la durée de formation n'a pas été respectée, et dans la mise en 'uvre de la législation du travail, notamment l'obligation de devoir assurer l'adaptation des salariés à 1'emploi de surcroît quand il s'agit d'un nouvel emploi,



- à l'évidence l'employeur n'a en rien suivi ou contrôlé la formation dispensée à la salariée avec les responsables pédagogique ou même pendant les semaines de formation,



et conclut que les motifs du licenciement au regard de ce qui précède sont totalement contestés et contestables et que son licenciement est le résultat d'une négligence des deux parties au contrat et à la convention précitée, donc sans cause réelle et sérieuse.



Il résulte des pièces produites Mme [B] a été embauchée le 11 septembre 2017 par un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'opératrice de maintenance, coefficient 145, échelon 2, statut ouvrier de la convention collective nationale des industries de la transformation des volailles.



Le même jour, un contrat pédagogique de formation a été signé entre la salariée et l'organisme de formation GRETA 71 pour une formation de 1 155 heures sur la période de septembre 2017 à août 2019 aux fins d'obtention du titre professionnel de technicien maintenance industrielle.



La cour relève néanmoins que :



- si le contrat de travail fait effectivement référence au fait qu'il comprend du 11 septembre 2017 au 31 juillet 2019 une action de formation par le biais du CPF visant à obtenir le diplôme de technicienne de maintenance d'une durée de 1155 heures, le contrat pédagogique de formation allégué par la salariée pour justifier de l'engagement de lui offrir ce quantum de 1 155 heures ne concerne en réalité que l'IFRIA Bourgogne Franche-Comté et le GRETA 71, organismes de formation chargé du suivi et du contrôle de la formation, et non la société LDC qui n'en est pas signataire,



- il ressort que le 18 juin 2019, l'IFRIA a délivré une attestation de fin de formation à Mme [B] sur la base de 1124,50 heures de formation sur la période du 11 septembre 2017 au 30 août 2019 (pièce n°6),



de sorte qu'il ne saurait être reproché à la société LDC, au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse fondé sur une insuffisance dans la mise en oeuvre de la formation prodiguée, de ne pas avoir respecté un quota d'heures de formation qu'il n'a pas lui-même déterminé, ce d'autant que l'institut de formation atteste que le cursus était achevé le 30 août 2019, nonobstant les heures résiduelles manquantes par rapport au total initialement prévu.



Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle l'employeur n'a en rien suivi ou contrôlé la formation dispensée avec les responsables pédagogique ou même pendant les semaines de formation n'est corroborée par aucun élément.



Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



En l'occurrence, l'employeur verse aux débats :



- le contrat de travail de la salariée prévoyant une embauche en qualité d'opératrice de maintenance (pièce n°2),



- une convention de formation professionnelle continue signée avec l'IFRIA Bourgogne Franche-Comté le 27 juillet 2017 prévoyant l'accueil de salariés en formation, dont Mme [B], un engagement individuel de formation signé entre l'IFRIA et Mme [B] ainsi que le programme de formation de septembre 2017 à août 2019 (pièces n°3, 4 et 5),



- une attestation de fin de formation du 18 juin 2019 (pièce n°6),



- une lettre d'observation du 1er juillet 2019 relevant un manquement de la salariée aux règles de sécurité (non port de lunettes de protection le 25 juin 2019) (pièce n°8),



- un compte-rendu d'entretien du 4 octobre 2019 faisant état 'd'un manque de concentration', 'elle pose plusieurs fois la même question (manque de mémoire ') mais elle écrit pour se remémorer','n'arrive pas toujours à mettre en application',, 'manque d'autonomie (en amélioration mais demande encore beaucoup de confirmation', 'manque de méthode','connaissances insuffisantes des machines' (pièce n°8 et 9),



- une lettre du 7 février 2020 rappelant l'ensemble des carences constatées et formulant une proposition de changement de poste à compter du 1er mars 2020 (pièce n°10).



Ces éléments ne sont pas utilement contredits par ceux produits par la salariée, limités à trois attestations de salariés indiquant qu'elle effectuait des opération de maintenance, ce qui n'est pas significatif puisque tel était son emploi et qu'il ne lui est pas fait grief de n'avoir rien fait, seulement d'être dans l'incapacité d'exercer ses fonctions, ce qui ressort des nombreux exemples de manquements et de carences listés dans la lettre du 7 février 2020 puis repris dans la lettre de licenciement, exemples - nombreux, variés et précisément décrits - qu'au demeurant elle ne discute pas.



Il est en outre justifié qu'à plusieurs reprises en 2019 l'attention de la salariée a été appelée sur ses manquements et carences, soit sous la forme d'un rappel des règles de sécurité, soit lors d'un entretien professionnel à l'occasion duquel ses insuffisances ont été discutées, jusqu'à lui proposer près de deux mois avant le licenciement, un autre poste.



Enfin, il ne saurait être ignoré que les manquements et les carences relevés sont pour la plupart liés aux capacités personnelles de la salariée (manque de concentration, manque de mémoire, manque d'autonomie) et pas seulement ses capacités techniques pour lesquelles elle était en formation depuis septembre 2017, soit depuis 18 mois, étant à cet égard rappelé qu'il ressort des développements qui précèdent que l'affirmation d'une défaillance de l'employeur dans le suivi et le contrôle la formation dispensée n'est corroborée par aucun élément et se trouve même contredit par la mention lors d'un bilan du 8 janvier 2019 que la salariée estimait alors que sa prise en charge au sein de la société (rubrique 'tutorat', la partie formation étant assurée par l'école et l'IFRIA) constitue un 'bon appui technique, écoute, formation tuteur = très bonne' (pièce n°9).



Il ressort donc de l'ensemble de ces éléments précis, objectifs et imputables à la salariée que l'insuffisance professionnelle reprochée à Mme [B] dans l'exécution de son contrat de travail est caractérisée. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et accueilli la demande de la salariée afférente à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



III - Sur les demandes accessoires :



- Sur le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée et la transmission d'une copie certifiée conforme de la présente décision :



le licenciement de Mme [B] pour insuffisance professionnelle étant bien fondé, la demande est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ces points.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens :



Le jugement déféré sera infirmé sur ces points sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société LDC au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel seront rejetées.



Mme [B] succombant pour le principal, elle supportera les dépens de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



DIT n'y avoir lieu de statuer sur la fin de non recevoir liée à la recevabilité de l'appel,



INFIRME le jugement rendu le 29 juin 2022 par le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône sauf en ce qu'il a :



- condamné la société LDC BOURGOGNE à verser à Mme [T] [B] la somme de 593,17 euros à titre de rappel de salaire sur des heures supplémentaires de modulation et les congés payés afférents,

- rejeté la demande de la société LDC BOURGOGNE au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



DIT que le licenciement de Mme [T] [B] pour insuffisance professionnelle est bien fondé,



REJETTE les demandes de Mme [T] [B] à titre de :



- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée et transmission d'une copie certifiée conforme de la présente décision à Pôle Emploi,



REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,



CONDAMNE Mme [T] [B] aux dépens de première instance et d'appel.



Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Jennifer VAL, greffier.







Le greffier Le président





Jennifer VAL Olivier MANSION

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