28 mars 2024
Cour d'appel de Dijon
RG n° 22/00562

Chambre sociale

Texte de la décision

S.A.S. OFFICE NOTARIAL DIJON CORDELIERS VENANT AUX DROITS DE LA SCP ALHERITIERE - CHATELOT - [C]





C/



[E] [L]

















Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 28/03/24 à :

-Me DEMONT-HOPGOOD









C.C.C délivrées le 28/03/24 à :

-Me LLAMAS



























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 28 MARS 2024



MINUTE N°



N° RG 22/00562 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GAGT



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, décision attaquée en date du 07 Juillet 2022, enregistrée sous le n° F 20/00496



APPELANTE :



S.A.S. OFFICE NOTARIAL [Localité 1] CORDELIERS VENANT AUX DROITS DE LA SCP ALHERITIERE - CHATELOT - [C] , prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]



représentée par Me Félipe LLAMAS de la SELARL LLAMAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON



INTIMÉE :



[E] [L]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substituée par Maître Pierre NDONG NDONG, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :



Olivier MANSION, Président de chambre,

Fabienne RAYON, Présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Jennifer VAL,



ARRÊT : rendu contradictoirement,



PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Jennifer VAL, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


FAITS ET PROCEDURE :



Mme [E] [L] a été embauchée le 1er avril 1999 par la SCP ALHERITIERE-CHATELOT-[C], au droit de laquelle vient l'Office notarial [Localité 1] Cordeliers, par un contrat à durée indéterminée en qualité de comptable taxateur notarial.



Le 2 mars 2020, elle a été déclarée inapte à son poste de travail sans possibilité de reclassement par le médecin du travail.



Le 31 mars 2020, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.



Par requête du 30 septembre 2020, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, un rappel de salaire, une indemnité pour procédure irrégulière et des dommages-intérêts pour manquement aux articles D.3171-11 et D.3121-12 du code du travail et pour manquement à l'obligation de sécurité.



Par jugement du 7 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Dijon a jugé que l'inaptitude est consécutive au manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité et que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné l'Office notarial [Localité 1] Cordeliers aux conséquences indemnitaires afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, rejeté la demande au titre de la procédure irrégulière, pris acte du paiement par l'employeur d'une indemnité pour absence de signalement à la CNPE et de l'engagement de celui-ci à lui verser un rappel de salaire et les congés payés afférents, condamné l'employeur au titre des articles D.3171-11 et D.3171-12 du code du travail et pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat.



Par déclaration du 1er août 2022, l'Office notarial [Localité 1] Cordeliers a relevé appel de cette décision.



Aux termes de ses écritures du 5 décembre 2023, l'appelante sollicite de :



- réformer le jugement déféré,



- juger régulier et reposant sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude non-professionnelle de Mme [L],



- la débouter des demandes suivantes :

* 63 298,56 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause

réelle et sérieuse,

* 7 912,32 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 791,23 euros bruts au titre des congés payés afférents,



- juger irrecevable car prescrite la demande au titre du défaut d'information du repos compensateur de remplacement,



- rejeter la demande pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,



- la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,



- confirmer le jugement déféré ayant rejeté la demande au titre de la procédure irrégulière,



- condamner Mme [L] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Aux termes de ses dernières écritures du 27 janvier 2023, Mme [L] demande de :



à titre principal,



- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,



à titre subsidiaire si la cour l'infirme en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,



- juger que la procédure de licenciement est irrégulière,



- condamner l'Office notarial [Localité 1] Cordeliers au versement de la somme de 3 956,16 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,



- le confirmer pour le surplus,



en tout état de cause,



- condamner l'Office notarial [Localité 1] Cordeliers à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIFS DE LA DECISION



A titre liminaire, la cour relève que dans le corps de ses écritures, la salariée demande à l'employeur de produire aux débats les comptes-rendus des inspections annuelles des années précédentes correspondant à la période durant laquelle elle était effectivement en poste, soit 2014, 2015 et 2016. Néanmoins, nonobstant le fait que cette demande n'a pas été formulée en temps utiles devant le conseiller de la mise en état, aucune demande en ce sens ne figure dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n'en est pas saisie.



I - Sur l'origine de l'inaptitude :



L'inaptitude est professionnelle lorsqu'elle est consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie, que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement et nonobstant la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude.



Il est par ailleurs constant que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.



En l'espèce, au visa des dispositions légales applicables en la matière et d'un accord national interprofessionnel relatif au stress au travail du 2 juillet 2008 étendu par arrêté du 23 avril 2009 à effet au 6 mai 2009 pour tous les employeurs appartenant à une branche d'activité représentée au Medef, à la CGPME ou à l'UPA, Mme [L] demande qu'il soit jugé que son inaptitude est d'origine professionnelle au motif qu'elle résulte de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et d'exécution loyale du contrat de travail, de sorte que son licenciement serait sans cause réelle et sérieuse.



Elle indique à cet égard que :



- avant son embauche elle bénéficiait d'une solide expérience de près de 15 ans en qualité de comptable taxatrice au sein de nombreuses études de notaire,



- elle était chargée de l'activité comptable au sein de l'étude qui se scindait en deux grandes parties : la comptabilité générale de l'étude, outre la gestion de l'ensemble des comptes clients de la SCP, et les missions lui incombant en qualité de comptable taxatrice. Epaulée par une aide-comptable de 2000 à 2007, celle-ci a toutefois été placée à plusieurs reprises en arrêt maladie de longue durée puis en invalidité, de sorte qu'elle a dû assumer seule l'ensemble de l'activité comptable sans aucun contrôle ni accompagnement, alors même qu'en raison de la nature de l'activité de cette profession, il est obligatoire de tenir une comptabilité journalière des opérations réalisées. Elle avait également la charge des missions mensuelles annexes concernant le compte office (déclarations URSSAF, déclarations à la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, déclarations de TVA, préparation des éléments nécessaires à la rédaction des fiches de paie rédigés ensuite par un cabinet d'expert-comptable, pointage des comptes de tiers, rapprochements bancaires comptes offices et clients, ...), le tout selon un planning précis, ajoutant que la taxation des actes effectués impliquait de lire chaque acte en vue de le taxer de manière certaine (donation, vente, liquidation de communauté, donation-partage, déclaration de successions, ...), chaque acte ayant une taxation particulière hormis certains d'entre eux mais qui nécessitent tout de même une lecture pour procéder à la taxation. Cette surcharge de travail, également causée par la désorganisation des tâches au sein de l'étude du fait des nombreuses nouvelles réglementations modifiant la manière de travailler des notaires qui vont connaître de grandes difficultés à s'adapter or toute entrave, oubli ou négligence de leur part a un impact direct sur le travail de la comptable taxatrice, l'a contrainte à réaliser de nombreuses heures supplémentaires.



Or en plus de 20 ans de présence au sein de l'étude, elle n'a bénéficié que d'un seul entretien annuel d'évaluation, ce qui contrevient à l'article 16 de la convention collective applicable du 8 juin 2001 qui fixe une échéance annuelle dans le courant du premier semestre civil, alors qu'il était l'opportunité pour l'employeur de prendre la mesure de ses conditions de travail qui ont conduit à son burn-out. Cette carence caractérise un premier manquement à son obligation de sécurité,



- l'article 7 de la convention collective nationale du notariat fixe la durée de travail hebdomadaire à 35 heures et les articles 14-9 et 14-10 de ce même texte définissent les heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ainsi que le droit au repos compensateur obligatoire. Or l'organisation du travail au sein de l'étude et les missions excessives qui lui étaient confiées ont généré une surcharge de travail importante nécessitant de nombreuses heures supplémentaires dès 2008 jusqu'à son arrêt de travail le 14 décembre 2016, situation que l'employeur ne pouvait ignorer puisque les associés ont fait réaliser un audit en 2015, fin janvier 2016 elle a été convoquée à un entretien pour l'informer que ses conditions de travail allaient évoluer et s'améliorer car l'ensemble de la manière de travailler devait être refondue, projet sans suite car il remettait en cause l'organisation des notaires. En outre, lors de nombreux contrôles par la Chambre régionale des notaires, les inspecteurs ont indiqué aux associés la nécessité de la soulager de sa charge de travail au risque que sa santé ne se dégrade, avertissements qui sont demeurés lettre morte (pièce n°3).



Sachant que lorsqu'elle atteignait un nombre d'heures conséquent, elle les transposait sous la mention 'complément de salaire', elle a effectué au delà du contingent annuel légal 385,42 heures supplémentaires en 2014 (pièce n°8), 349,92 heures supplémentaires en 2015 (pièce n°9) et 375,42 heures supplémentaires en 2016 (pièce n°10).



Ces heures effectuées en violation de la durée légale du travail, le rythme ainsi que la surcharge de travail anormalement élevés ont provoqué la dégradation de ses conditions de travail et sa santé, ce qui caractérise un deuxième manquement de l'employeur qui n'a pris aucune mesure de prévention alors même qu'elle a été placée en arrêt de travail le 14 décembre 2016 en raison d'un syndrome anxiodépressif, puis le 7 février 2017.



- ses bulletins de salaire produits dans le cadre du présent litige démontrent non seulement qu'elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires au-delà du contingent d'heures annuel mais aussi qu'ils ne font pas état de l'information obligatoire en matière de repos compensateurs prévue par l'article D.3171-11 du code du travail, de sorte que faute d'être informée elle n'a pas pu prendre ses heures de contrepartie obligatoire en repos qui étaient très importantes (plus de 100 heures en 2015, plus de 160 en 2016), ce qui caractérise un troisième manquement de l'employeur,



- après son arrêt de travail pour maladie à compter du 14 décembre 2016 et faute de reprendre son emploi, elle devait bénéficier d'une prise en charge par la CRPCEN et par LSN Assurances. Or cette prise en charge était subordonnée à l'envoi par l'employeur d'une attestation indiquant qu'aucun maintien de salaire ne serait effectué au-delà des 6 mois mais en dépit de ses démarches à cette fin (pièces n°11, 12) ce n'est que le 20 juillet 2017 que la CRPCEN a été destinataire de l'attestation réclamée, ce qui caractérise une exécution déloyale du contrat de travail en raison du stress que le risque de se retrouver sans revenus.



Elle ajoute que ces différents manquements de l'employeur ont causé son arrêt de travail du 14 décembre 2016, puis son inaptitude et enfin son licenciement (pièces n°6 et 7).



A cet égard, elle indique que :



- le lien entre ces manquements et ses problèmes de santé ne fait aucun doute pour Mme [U] qui atteste le 24 octobre 2017 que 'la patiente vient en consultation depuis 2015 car elle éprouvait déjà des difficultés professionnelles qui se sont fortement aggravées dans le temps et qui ont conduit malheureusement la patiente vers un épuisement professionnel et un syndrome dépressif majeur. Les symptômes continuant de persister, elle a été obligée d'aller consulter en parallèle le Docteur psychiatre madame [P] [N] (CMP ' [H] [K] à [Localité 5]). De plus, elle bénéficie aussi d'une prise en charge en relaxation au CMP' (pièce n°22),



- une pension d'invalidité de catégorie 2 lui a été attribuée à compter du 15 décembre 2019 (pièces n°13 et 14)



- le docteur [N], psychiatre, atteste que la salariée poursuit des soins depuis le mois de mars 2017 (pièce n°23),



- pendant son arrêt de travail, l'employeur a poursuivi ses agissements irrespectueux de la situation psychologique dans laquelle il l'avait conduite, étant régulièrement la cible d'actes ou de paroles vexatoires (pièce n°15) ou questionnée sur des problématiques professionnelles par Me [C] (pièces n°16 à 20). Elle a en outre été destinataire chaque mois d'une lettre recommandée lui notifiant- une date de visite de reprise (pièces n°21-1 à 21-4), ces agissements étant constitutifs d'une exécution manifestement déloyale du contrat de travail.



Elle conclut que l'ensemble de ces manquements et faits fautifs de l'employeur justifie de requalifier le licenciement pour inaptitude en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à lui verser les sommes suivantes :



- 63 298,56 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 912,32 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 791,23 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.



L'employeur oppose que :



- le syndrome anxio-dépressif dont souffre la salarié n'est pas causé par l'employeur mais par l'annonce de sa volonté de divorcer et le suicide de son mari (pièces n°20, 79),



- elle a toujours été accompagnée et soutenue, notamment durant cette épreuve, étant souligné qu'aucune difficulté n'est venue émailler une collaboration harmonieuse de près de 20 ans,



- les éléments médicaux produits par la salariée sont inopérants dans la démonstration d'une prétendue cause professionnelle puisqu'ils reposent sur ses seules déclarations et le médecin du travail, seul à même de juger des conditions effectives de travail d'un salarié, l'a toujours déclarée apte sans aucune réserve (pièces n°22 à 24, 27) et dans son courrier du 29 janvier 2020 consécutif à la visite de pré-reprise de Mme [L], il indique que la salariée ne sera pas en mesure de reprendre son activité professionnelle à l'issue de son arrêt de travail et ajoute que 'au regard de son état de santé et de l'attribution d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie, je ne suis pas en mesure de formuler des préconisations pour un reclassement son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi' (pièce n° 7) sans faire de lien entre son état de santé et son poste de travail (pièce n°70),



- Mme [L] tente longuement de convaincre qu'elle avait en charge seule sans aucun contrôle ni accompagnement l'ensemble des missions relevant de la gestion de la comptabilité générale et la gestion des comptes clients de l'étude. Or le comptable-taxateur d'une étude notariale a pour mission la gestion économique et comptable de l'activité de l'office. A ce titre, il établit la facturation des actes notariés et des prestations notariales. Il lui appartient également de procéder au virement bancaire, pour chaque acte et sur les indications du clerc taxateur, de la part d'impôts qui doit être reversée à l'Etat (pièces n°27 et 28) de sorte que les tâches énumérées dans ses écritures relevaient pleinement de son poste et elle n'a jamais émis la moindre observation auprès de ses employeurs s'agissant d'une prétendue surcharge de travail,



- elle soutient avoir eu la charge des missions mensuelles annexes concernant le compte office propre à l'étude or la comptabilité propre à l'étude était confiée d'une part au cabinet Fiduciale Expertise pour tout ce qui concerne le traitement informatique des données comptables, fiscales et sociales (élaboration des bulletins de paye, transmission des écritures comptables de salaires et charges sociales mensuelles, établissement des déclarations sociales mensuelles et annuelles (pièce n°25), et d'autre part au cabinet d'expertise comptable ETC concernant l'accomplissement de l'intégralité des obligations déclaratives (suivi des obligations comptables, établissement des déclarations fiscales, tenue du fichier des immobilisations et amortissements, contrôle de TVA, justification des soldes et contrôle de cohérence des principaux comptes, établissement des déclarations de résultats, établissement des documents OGA, établissement des autres déclarations fiscales, déclaration de la DSI - pièce n°26).



Par ailleurs, Mme [L] n'était pas la seule salariée dans le service comptabilité de l'étude (pièce n°29),



- ses heures supplémentaires ont été intégralement payées ou récupérées conformément à l'accord sur l'aménagement du temps de travail en vigueur,



- Mme [L] ne démontre nullement une prétendue surcharge de travail et s'agissant de l'inspection annuelle de 2012, elle développe une argumentation spécieuse car à aucun moment il n'a été demandé à l'employeur de soulager Mme [L] 'de sa charge de travail au risque que sa santé ne se dégrade', l'observation de l'inspecteur concernant uniquement une réorganisation du service comptable,



- Mme [L] ne démontre aucun préjudice lié au défaut d'entretien d'évaluation, s'agissant d'une simple carence de la société. Là encore la salariée n'a jamais émis la moindre remarque auprès de son employeur à ce sujet et pour cause, la communication entre les parties était naturelle et il était régulier qu'elles s'entretiennent au sujet de son évaluation et de son évolution professionnelle. D'ailleurs comme elle le soulève elle-même dans ses écritures, les modifications réglementaires intervenues dans la profession pendant ses 20 années d'exercice au sein de l'étude ont bien évidemment fait l'objet de formations,



- conformément aux dispositions conventionnelles, la salariée a bénéficié d'un maintien de salaire du 15 décembre 2016 au 15 juin 2017 inclus puis au mois de juillet 2017 a été transmis aux organismes de prévoyance une attestation justifiant de l'arrêt du maintien de salaire à compter du 15 juin 2017, de sorte qu'il ne saurait lui être fait grief d'un quelconque manque de réactivité sur ce point, et en tout état de cause Mme [L] ne peut sérieusement soutenir que le syndrome anxio-dépressif dont elle souffre est causé par ce délai de traitement très court (1 mois),



- Mme [L] fait preuve d'une mauvaise foi exacerbée en accusant son ancien employeur de ne pas s'être soucié du bon suivi de l'exécution de son contrat de travail alors que contrairement à ce qu'elle tente de faire croire, il a toujours tout mis en 'uvre pour qu'elle bénéficie des meilleures formations nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions (pièces n°30, 32 à 40, 42 à 47),



- elle a également toujours été soutenue et c'est parce qu'elle était soucieuse de son état de santé qu'elle anticipait l'organisation de la visite médicale de reprise avant d'avoir connaissance de la prolongation de l'arrêt de travail.



Néanmoins, en application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur est débiteur de l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment par le biais d'actions de prévention des risques professionnels, d'actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.



L'employeur veille en outre à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.



A ce titre, la cour relève en premier lieu qu'il ressort des pièces produites, et plus particulièrement des bulletins de paye de 2014 à 2016, que Mme [L] a très régulièrement et dans des proportions importantes réalisés des heures supplémentaires. Nonobstant le fait que celles-ci lui ont été payées, ce qui n'est pas discuté, la récurrence et l'ampleur de ces heures supplémentaires, que l'employeur ne discute pas caractérise une surcharge objective de travail que l'employeur ne saurait contester au seul motif que, contrairement à ce que la salariée soutient, elle n'était pas seule en charge de l'ensemble de la comptabilité de l'étude et qu'elle a été formée pour s'adapter aux réformes qui sont intervenues, ce qui dans l'un et l'autre cas n'est aucunement exclusif d'une surcharge de travail en lien avec ses fonctions au sein de l'étude en qualité de comptable taxateur.



Par ailleurs, l'employeur ne saurait sérieusement se prévaloir de l'absence d'observation ou de réclamation de la salariée à cet égard pour s'exonérer de ses responsabilité dès lors qu'il ressort des écritures des parties qu'il n'est pas discuté qu'il n'a pas respecté l'obligation qui lui est faite par l'article 16 de la convention collective du notariat du 8 juin 2001 de réaliser, une fois par an, un entretien individuel d'évaluation. Or selon ce texte, cet entretien a précisément pour finalité d'instaurer un échange avec le salarié sur son activité professionnelle, ses résultats et ses objectifs et, notamment, de lui permettre de porter à la connaissance de son employeur ses demandes sur ses conditions de travail, ses attributions, sa classification ou sa rémunération, ce que Mme [L] n'a donc pas été en mesure de faire et l'employeur ne saurait renvoyer à une prétendue communication 'naturelle' et 'régulière' pour s'en exonérer.



En outre, il n'est justifié d'aucun élément établissant que conformément à l'article D.3171-11 du code du travail, la salariée a été informée de ses droits en matière de repos compensateurs.



Enfin, s'agissant du manquement relatif à l'envoi tardif par l'employeur d'une attestation permettant sa prise en charge par les organismes de prévoyance, l'employeur ne peut utilement considérer qu'il a rempli ses obligations à cet égard puisqu'en dépit du fait qu'il ne pouvait ignorer que la période de maintien de salaire s'achevait le 15 juin 2017, il admet n'avoir transmis qu'en juillet 2017, après relances de Mme [L] (pièces n°11 et 12), l'attestation réclamée, peu important que celle-ci ait eu un effet rétroactif au 15 juin 2017.



Il se déduit de ces éléments que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail allégués par la salariée sont caractérisés.



Néanmoins, contrairement à ce que soutient Mme [L] dans ses écritures, il ne ressort pas des éléments médicaux produits la démonstration d'un lien entre les manquements de l'employeur tels qu'énoncés ci-dessus et son inaptitude, procédant à cet égard par voie d'affirmation.



En effet, nonobstant le fait que l'employeur ne saurait sérieusement mettre la dépression de la salariée sur le compte d'un événement tragique survenu dans sa vie dans la mesure où cet événement est survenu deux ans auparavant sans qu'aucun lien entre les deux ne soit établi, la cour constate que les certificats médicaux produits ne font que rapporter les propres propos de la salariée, à l'exclusion de toute constatation effectuée par le praticien lui-même.



En outre, l'avis d'inaptitude du médecin du travail, bien que faisant expressément mention de l'état de santé de la salarié pour expliquer que 'je ne suis pas en mesure de formuler des préconisations pour un reclassement son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi', ne fait aucunement état d'un quelconque lien entre l'inaptitude constatée et ses conditions de travail.



Dès lors que rien ne permet d'établir un lien de causalité entre les manquements de l'employeur et la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a jugé que l'inaptitude avait pour origine le manquement préalable de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité et déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Les demandes de Mme [L] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre du préavis et des congés payés afférents seront donc rejetées.



II - Sur les dommages-intérêts pour procédure irrégulière :



Mme [L] soutient que confinée à son domicile comme le reste de la population du 17 mars au 11 mai 2020, elle n'a jamais reçu la convocation à entretien préalable à licenciement, ce qui constitue une irrégularité de procédure.



Elle ajoute qu'alors qu'elle a reçu nombre de lettres recommandées adressés par son employeur durant la période de suspension de son contrat de travail, elle n'a reçu aucun avis de passage et le premier juge n'a pas vérifié que le courrier en question lui a bien été présenté.



Elle sollicite en conséquence la somme de 3 956,16 euros.



L'employeur oppose que la lettre de convocation à l'entretien préalable a été envoyée par pli recommandé avec accusé réception le 16 mars 2020, qu'il a été présenté au domicile de la salariée le 17 suivant (pièce n°15) et qu'un avis de passage a été déposé dans sa boîte aux lettres mais qu'elle n'a jamais été retirer son courrier, de sorte qu'au terme du délai de 15 jours dont elle disposait, le courrier a été retourné à l'employeur avec la mention «avisé et non réclamé'.



Il résulte des pièces produites que la lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement du 16 mars 2020 a été envoyée à la salariée le même jour par courrier recommandé avec accusé réception et que ce pli a été retourné à l'employeur avec la mention 'pli avisé et non réclamé', l'employeur justifiant en outre d'une copie d'un avis de passage daté du 17 mars 2020 au nom de la salariée.



Dans ces conditions, peu important que la salariée ait été destinataire d'autres courriers dans la même période, l'irrégularité alléguée n'est pas établie et la demande de dommages-intérêts sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.



III - Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :



Mme [L] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé que de nombreuses alertes sur la mise en danger de la santé et sécurité des salariés ont été portées à la connaissance de l'employeur, en particulier, la veille de son arrêt maladie quand elle a indiqué à l'une des associées 'Je ne vais pas bien... je ne viendrais pas aujourd'hui.... je vous tiens au courant. [...] Mon travail est mal fait je ne fais rien assez vite... on perd tous les clients à cause de moi." et alors que préalablement à son arrêt de travail l'employeur n'a pas cherché à prévenir les risques en mettant différentes actions visant à diminuer sa charge de travail et son épuisement et pendant celui-ci il a continuer de la contacter pour des questions d'ordre professionnel.



Elle sollicite en conséquence la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.



L'employeur oppose que des fiches médicales d'aptitude ont été délivrées continuellement par la médecine du travail de 2004 à 2016 (pièces n°21 à 24), des mesures ont été prises pour adapter la charge de travail en recourant à des prestataires externes (pièces n°25 et 26) et la salariée a suivi de nombreuses formations tout au long de sa carrière afin de pouvoir adapter loyalement son contrat de travail (pièces n°30 à 48).



Il produit en outre le document unique d'évaluation des risques professionnels établi le 29 novembre 2008 et sa mise à jour au 26 novembre 2021 (pièces n°52 et 54), la fiche d'entreprise de la médecine du travail du 29 janvier 2020 (pièce n°53).



Néanmoins, il résulte des développements qui précèdent qu'en se bornant à payer à la salariée les heures supplémentaires effectuées sans en tirer de conséquence sur la surcharge de travail que celles-ci, par leur nombre et leur récurrence, induisaient, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité.



Etant à cet égard observé qu'à plusieurs reprises en 2014 (semaines 7, 22, 27, 35, 46, 48, 51), en 2015 (semaines 4, 6, 28, 35, 47, 51) et 2016 (semaines 14, 31) il peut être constaté un dépassement de la durée maximale mensuelle de travail, ce qui a nécessairement causé un préjudice à la salariée.



Il lui sera donc alloué la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.



IV - Sur la demande de dommages-intérêts pour absence d'information sur la contrepartie obligatoire en repos :



Mme [L] soutient que l'employeur a omis de l'informer de ses droits en matière de repos compensateurs, de sorte qu'elle n'a pas pu prendre ses heures qui étaient très importantes (plus de 100 heures en 2015, plus de 160 en 2016).



L'employeur oppose que la contrepartie obligatoire en repos (anciennement repos compensateur légal ou obligatoire) a la nature d'une créance salariale or l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, de sorte que la demande de repos compensateur de remplacement au titre d'heures supplémentaires effectuées en 2015 et 2016 est prescrite.



a) sur la qualification de la demande :



Mme [L] sollicite une somme explicitement qualifiée de dommages-intérêts pour ne pas avoir été mise en situation, faute d'information à cet égard, de pouvoir bénéficier de ses repos compensateurs.



A cet égard, il est constant que le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, est fondé à réclamer l'indemnisation du préjudice subi.



Or en l'espèce, la demande de la salariée ne porte pas sur les sommes qu'elle aurait du percevoir à ce titre mais sur des dommages-intérêts pour ne pas avoir été mise en situation, faute d'information, de pouvoir bénéficier de ses repos compensateurs. Il s'en déduit que la créance alléguée est de nature indemnitaire et non salariale.



Il s'en déduit que le délai de prescription applicable est, depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, de cinq ans tel que défini par l'article 2224 du code civil et non le délai de prescription triennale tel qu'allégué.



Sur ce point, la saisine du conseil de prud'hommes le 30 septembre 2020 a interrompu le délai de prescription de sorte que l'action de la salariée portant sur des manquements datant des années 2015 et 2016 n'est pas prescrite.



Dès lors, la fin de non recevoir fondée sur la prescription sera rejetée.



b) sur le bien fondé de la demande :



Il résulte des développements qui précèdent que l'employeur ne justifie d'aucun élément établissant que conformément à l'article D.3171-11 du code du travail, la salariée a été informée de ses droits en matière de repos compensateurs.



Dans ces conditions, nonobstant le fait qu'elle a été payée des heures supplémentaires effectuées, Mme [L] est donc bien fondée à se prévaloir du fait de ne pas avoir été mise en situation de pouvoir en bénéficier, ce qui s'analyse en une perte de chance créatrice d'un préjudice indemnisable.



En réparation de ce préjudice, Mme [L] sollicite dans le corps de ses écritures la somme de 2 000 euros mais dans le dispositif de ses conclusions il est demandé la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme de 1000 euros à ce titre.



Le jugement déféré sera donc confirmée en ce qu'il lui a alloué la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement aux dispositions des articles D.3171-11 et D.3171-12 du code du travail.



V - Sur les demandes accessoires :



- Sur les intérêts au taux légal :



Mme [L] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts au taux légal à compter de la notification par le conseil de prud'hommes à l'employeur des demandes du salarié, soit le 30 septembre 2020.



Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.



Il sera dit que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,



- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :



Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.



Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel seront rejetées,



Mme [L] succombant pour l'essentiel, elle supportera les dépens de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



INFIRME le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le conseil de prud'hommes de Dijon sauf en ce qu'il a :



- rejeté la demande de Mme [E] [L] à titre de dommages-intérêts pour procédure irrégulière,

- alloué à Mme [E] [L] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement aux dispositions des articles D.3 171-11 et D.3171-12 du code du travail,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



REJETTE la fin de non recevoir,



DIT que le licenciement de Mme [E] [L] pour inaptitude avec impossibilité de reclassement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,



REJETTE les demandes de Mme [E] [L] afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,



CONDAMNE l'Office notarial [Localité 1] Cordeliers à payer à Mme [E] [L] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,



DIT que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,



REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE Mme [E] [L] aux dépens de première instance et d'appel,



Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Jennifer VAL, greffier.









Le greffier Le président





Jennifer VAL Olivier MANSION

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