28 mars 2024
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 22/01822

Chbre Sociale Prud'Hommes

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 28 MARS 2024



N° RG 22/01822 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HDPE



S.A.S. LABEL ETUDE & PROGRESSION etc...

C/ [B] [V] etc...





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANNEMASSE en date du 26 Septembre 2022, RG F 19/00130



Appelantes



S.A.S. LABEL ETUDE & PROGRESSION,

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Jean-marie LAMOTTE de la SELARL LAMOTTE & AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS



S.E.L.A.R.L. MJ ALPES Es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION,

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Jean-marie LAMOTTE de la SELARL LAMOTTE & AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS



Intimées



Mme [B] [V]

née le 23 Juillet 1979 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Laura GANDONOU, avocat au barreau de LYON



Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 4],

demeurant [Adresse 6]



COMPOSITION DE LA COUR :



Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 25 janvier 2024 par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente de la Chambre Sociale, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Cyril GUYAT, conseiller, assisté de Monsieur Bertrand ASSAILLY, greffier, à l'appel des causes, dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré.

Et lors du délibéré par :

Madame Valéry CHARBONNIER, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,






********









Exposé du litige':



Mme [B] [L] épouse [V] a été engagée par la SAS Label étude & progression (activité de soutien scolaire et cours à domicile) en qualité de conseillère pédagogique en contrat à durée déterminée à compter du 22 avril 2013 puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2013.



Mme [B] [V] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 6 novembre 2018.



Par courrier du 9 février 2019, Mme [B] [V] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 20 février 2019, à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.



Mme [B] [V] a été licenciée pour faute grave par courrier du 27 février 2019.



Mme [B] [V] a saisi le conseil des prud'hommes d'Annemasse, en date du 31 juillet 2019 aux fins d'annuler son licenciement comme fondé sur une discrimination, obtenir les indemnités afférentes et solliciter des rappels de salaire.



Par jugement du 13 décembre 2019, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression désignant Maître [X] et la SELARL MJ ALPES en qualité de liquidateur judiciaire de la procédure.



Par jugement de départage du'26 septembre 2022, le conseil des prud'hommes d'Annemasse, a :

- Débouté Mme [B] [V] de son exception d'incompétence,

- Déclaré recevable mais mal fondée la demande reconventionnelle de la SAS Label étude & progression

- Déclaré nul et de nul effet le licenciement pour motif discriminatoire,

- Fixé au passif de la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL MJ ALPES es qualité de liquidateur judiciaire les sommes suivantes :

* 19.031,70 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires et heures majorées pour la période du 1 er août 2016 au 31 Octobre 2018,

* 2.365,09 euros en rappel au titre de la garantie incapacité de travail,

* 3000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

* 25.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement fondé sur un motif discriminatoire,

* 4.179,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 417,95 euros au titre des congés payés afférents,

* 3.134,60 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

- Ordonné à la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL MJ ALPES es qualité de liquidateur de remettre des documents de fins de contrat rectifiés, à savoir un certificat de travail, une attestation POLE EMPLOI et un reçu pour solde de tout compte, dans le délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision ;

- Dit que faute de respecter cette obligation, la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL MJ ALPES sera redevable, passé le délai de huit jours accordé, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé à hauteur de 20 euros par jour de retard pendant un délai maximum de 6 mois, et qui pourra être liquidée par le Conseil de Prud'hommes de céans.

- Condamné la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL MJ ALPES à verser à Mme [V] la somme de 2000 euros en indemnisation des frais exposés non compris dans les dépens de l'instance

- Débouté Mme [L] épouse [V] du surplus de ses demandes,

- Déclaré l'arrêt opposable à l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4] dont la garantie s'exercera dans le s limites légales et réglementaires en l'absence de fonds disponibles,

- Rappelé que l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-7 et L.3253-19 du code du travail,

- Dit que l'obligation de l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4] de faire l'avance des sommes garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire liquidateur et justification de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pur procéder à leur paiement

- Dit que les indemnités allouées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , les dépens et l'astreinte ne constituent pas une créance visée aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et doivent être exclus de la garantie de l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4]

- Dit que la garantie de l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4] est légalement plafonnée en application des articles L.3253-57 et D.'3253-5 du code du travail'

- Dit que les dépens d'instance seront fixés au passif de la liquidation de la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL MJ Alpes est qualité de liquidateur judiciaire

- Rejeté le surplus des demandes

- Rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.



La décision a été notifiée aux parties et la SARL MJ ALPES, es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Label étude & progression, en a interjeté appel par le Réseau privé virtuel des avocats en date du'20 octobre 2022.



Par ordonnance du 12 mai 2023, le conseiller de la mise en état a':

- Rejeté la demande Mme [B] [V] tendant à voir déclarer irrecevable dans le cadre de la procédure d'incident, la demande reconventionnelle de LA SELARL MJ ALPES es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Label étude & progression ';

- Fait injonction à la SELARL MJ ALPES es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Label étude & progression 'de communiquer à Maître Laura Gandonou l'intégralité des pièces à l'appui de ses conclusions d'appelant, dans un format lisible, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente ordonnance';

- Condamné la SELARL MJ ALPES, agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Label étude & progression 'aux dépens de l'incident';

- Rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [B] [V]';

- Déclaré la présente décision opposable à l'AGS-CGEA.



Par conclusions du 7 juillet 2023, la SELARL MJ ALPES es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Label étude & progression demande à la cour d'appel de':



- Déclarer ledit appel recevable et bien-fondé ;



Statuant à nouveau ;



- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Débouter Madame [B] [L] épouse [V] de sa demande de prononcé de nullité de son licenciement pour discrimination prétendument liée à sa maladie, ainsi que de toutes demandes financières en résultant ;

- Dire et juger justifié et bien-fondé le licenciement pour faute grave de Madame [B] [L] épouse [V] ;

- La débouter en conséquence de toutes demandes financières liées à son licenciement ;

- Statuant sur ses demandes a titre de rappel d'heures supplémentaires, heures majorées, dimanches et jours fériés travaillés, violation des durées maximales de travail et temps de repos;

- Déclarer prescrite en application de l'article L. 3245-1 du Code du Travail toutes demandes antérieures au 19 mars 2017, subsidiairement de toutes demandes antérieures au 31 juillet 2016;

- Statuant sur lesdites demandes, en débouter purement et simplement Madame [B] [L] épouse [V] ;

- La débouter de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité ;

- La débouter également de sa demande de dommages et intérêts pour prétendue exécution déloyale de son contrat de travail ;

- La débouter encore de sa demande au titre du travail dissimulé ;

- Statuer ce qu'il appartiendra sur sa demande de rappels de salaires au titre de la garantie incapacité de travail ;

- Statuant sur la demande reconventionnelle de la SELARL MJ ALPES es qualités de Mandataire Liquidateur de la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION ;

- Confirmer la recevabilité de ladite demande ;

- Vu les agissements de Madame [B] [L] épouse [V] caractérisant l'existence d'actes relevant de l'intention de nuire ;

- La condamner au paiement d'une somme de 80 000,00 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre ;

- La condamner encore au paiement :

* d'une somme de 3 500,00 euros en application de l'article 700 du CPC ;

* aux entiers dépens ;



Par conclusions du'10 juillet 2023, Mme [B] [V] demande à la cour d'appel de':

- Déclarer recevable et bien-fondé l'appel incident interjeté par Madame [V] à l'encontre du Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Annemasse du 26 Septembre 2022.

- Confirmerle Jugement en ce qu'il a :

* Déclaré mal fondée la demande reconventionnelle de la SELARL MJ ALPES es qualité de Liquidateurs judiciaires de la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION,

* Débouté la SELARL MJ ALPES es qualité de Liquidateurs judiciaires de la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION de l'intégralité de ses demandes,

* Déclaré nul et de nul effet le licenciement pour motif discriminatoire,

* Fixé au passif de la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION représentée par la SELARL MJ ALPES es qualité de liquidateur judiciaire les sommes suivantes :

- 19.031,70 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires et heures majorées pour la période du 1 er Août 2016 au 31 Octobre 2018,

- 2.365,09 euros en rappel au titre de la garantie incapacité de travail,

- 25.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement fondé sur un motif discriminatoire,

- 3.134,60 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

* Ordonné à la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION représentée par la SELARL MJ ALPES es qualité de liquidateur de remettre des documents de fins de contrat rectifiés, à savoir un certificat de travail, une attestation POLE EMPLOI et un reçu pour solde de tout compte, dans le délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision ;

* Dit que faute de respecter cette obligation à la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION représentée par la SELARL MJ ALPES sera redevable, passé le délai de huit jours accordé, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé à hauteur de 20 euros par jour de retard pendant un délai maximum de 6 mois, et qui pourra être liquidée par le Conseil de Prud'hommes de céans.

- Le Réformer pour le surplus,



Statuant à nouveau,

- Inscrire au passif de la Société LABEL ETUDE & PROGRESSION les sommes suivantes :

* 4.931,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 493,17 euros au titre des congés payés afférents.

- Juger que les demandes de Madame [V] à titre de rappel d'heures supplémentaires et des heures majorées ne sont pas prescrites,

- Juger que la Société LABEL ETUDE & PROGRESSION a dissimulé une partie de l'activité de Madame [V].

- Juger que la Société LABEL ETUDE & PROGRESSION a abusivement retenu des jours de congés payés à Madame [V].









En conséquence,

- Inscrire au passif de la Société LABEL ETUDE & PROGRESSION les sommes suivantes :

* 3.104,90 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires et les heures majorées sur a période comprise entre le 4 Janvier 2016 et le 1 er Août 2016,

* 2.213,66 euros au titre des congés payés afférents aux rappels d'heures supplémentaires et d'heures majorées sur la période comprise entre le 4 Janvier 2016 et le 31 Octobre 2018,

* 12.550,00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 3.196,82 euros au titre de rappel des congés payés.

-Juger que la Société LABEL ETUDE & PROGRESSION a violé son obligation d'exécution loyale du contrat.



Par conséquent,

- Inscrire au passif de la Société LABEL ETUDE & PROGRESSION la somme de 10.000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts.

- Juger que la Société LABEL ETUDE & PROGRESSION a violé son obligation de sécurité.



Par conséquent,

- Inscrire au passif de la Société LABEL ETUDE & PROGRESSION la somme de 10.000,00 euros nets à titre de dommages-intérêts.

- Juger que la demande reconventionnelle du Liquidateur judiciaire à titre de dommages et intérêts est irrecevable.



Par conséquent,

-Débouter le liquidateur judiciaire de sa demande reconventionnelle.



Subsidiairement, si la Cour devait juger que licenciement n'est pas discriminatoire, considérer à tout du moins qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.



Par conséquent,

- Fixé au passif de la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION représentée par la SELARL MJ ALPES es qualité de liquidateur judiciaire la somme de 25.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Y ajoutant,

- Condamner la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION représentée par la SELARL MJ ALPES à verser à Madame [V] la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de Procédure Civile, dont 3.000 euros pour les frais engagés en première instance et 3.000,00 euros en cause d'appel.

- Condamner la SAS LABEL ETUDE & PROGRESSION représentée par la SELARL MJ ALPES aux entiers dépens de l'instance.

- Condamner les organes de la procédure aux entiers dépens de l'instance.

- Déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS-CGEA.



L'ordonnance de clôture a été rendue le'21 décembre 2023.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.




SUR QUOI':



Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires :



Moyens des parties :



Mme [B] [V] soutient avoir réalisé des heures supplémentaires non payées. Elle expose qu'elle a progressivement été soumise à une surcharge de travail, a été contrainte d'effectuer un nombre considérable d'heures supplémentaires, dont aucune n'a été rémunérée. Elle expose qu'elle travaillait en dehors des horaires d'ouvertures du bureau, exerçait ses missions de travail le lundi matin, a été contrainte de se tenir à disposition de son employeur en cas d'appel téléphonique ou de rendez-vous clients. Elle affirme que l'employeur avait parfaitement conscience des nombreuses heures de travail qu'elle effectuait. Le représentant de l'employeur n'apporte aucun élément de nature à déterminer précisément la durée du travail réelle de la salariée, tirée d'un dispositif fiable et infalsifiable.



S'agissant de la prescription soulevée par la SELARL MJ Alpes es qualité, Mme [L] épouse [V] vise l'article L.3245-1 du code du travail'et soutient que les demandes formulées au titre des trois dernières années précédant la rupture sont recevables.



La SARL MJ ALPES es qualité soutient pour sa part que'la salariée n'a jamais formulé aucune réclamation à ce titre durant la relation contractuelle. Elle expose qu'elle a sollicité un rappel de salaire pour la première fois le 19 mars 2020, de sorte que toutes les demandes antérieures au 19 mars 2017 sont prescrites. Subsidiairement, au 31 juillet 2016. La salariée ne produit par ailleurs aucune précision ni détails autre que le tableau informatique produit et l'employeur produit un tableau de synthèse qui contredit le tableau produit par la salariée.



Sur ce,



S'agissant des heures supplémentaires, conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.



Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.



Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.



Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où elle retient l'existence'd'heures'supplémentaires, la juridiction prud'homale évalue souverainement, sans être tenue de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.



En l'espèce, Mme [L] épouse [V] verse aux débats les éléments suivants quant aux heures non rémunérées dont elle réclame le paiement':

- Le contrat à durée déterminée du 22 avril au 30 juin 2013

- Le contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2013 qui prévoit une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, soit une moyenne mensuelle de 151,67 heures avec une répartition en fonction de l'horaire usuel et des heures d'ouverture du bureau de [Localité 8] à la date de signature du contrat de travail et dans lequel Mme [L] épouse [V] s'engage à effectuer sur demande de la direction et compte tenu des nécessités de la société des heures complémentaires.





- Une publicité internet pour la SAS Label étude & progression qui précise que le bureau de [Localité 8] est fermé le lundi matin et ouvert de 14 H à 18h30 le lundi et de 9H à 11h30 et de 14h à 18h30 du mardi au vendredi.

- Des échanges SMS dans lesques Mme [K] indique le 18 février 2018 qu'elle a autorisé le fermeture du bureau le lundi matin pour leur être agréable afin qu'elles puissent régler leurs affaires personnelles et rendez-vous sachant qu'elles se sont engagées à répondre aux appels à domicile, que ce n'est pas une demi-journée de repos et qu'elle peut être utilisée de temps à autre pour des réunions nécessaires aux deux bureaux...

- Des échanges de mail y compris les lundis matin, les temps de midi, entre 11H30 et 14H, le samedi et certains soirs

- L'attestation de M. [V], époux de Mme [L] épouse [V], qui témoigne qu'au fur et à mesure du temps, il a vu sa charge de travail augmenter notamment au départ de Mme [K] pour la Tunisie surtout en fin de mois où elle devait effectuer les facturations des clients ainsi que les salaires de tous les collaborateurs. Il explique que «'cela lui prenait beaucoup de temps jusqu'à très tard le soir et ou les week-ends ...'»

- L'attestation de Mme [S], professeur, qui témoigne avoir commencé à travailler pour Mme [K] en octobre2 011 et a pris le poste de conseillère pédagogique en 2014 pour le bureau d'[Localité 5] sachant que Mme [L] épouse [V] serait là pour l'aider si besoin. Cette expérience s'est terminée à la fin de l'été 2014 et a été catastrophique à tous les niveaux, elle s'est sentie très seule bien que constamment épaulée par Mme [L] épouse [V] ... toutes ses tentatives de communication se terminaient dan l'humiliation de Mme [K]... elle décrit la disponibilité de Mme [L] épouse [V] le soir même tard, le week-ends, ses capacité sa gérer seule pour les soucis de dernière minute...

- Les échanges Messenger et courriels entre Mme [K] et Mme [L] épouse [V] y compris le soir et la nuit

- Un décompte des heures supplémentaires effectués jusqu'en 2018 par jours et semaines et les montants réclamés à ce titre



Les éléments ainsi produits par Mme [L] épouse [V], constituent une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.



Sur la prescription soulevée :



En application des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat



Ce délai de prescription court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement du salaire en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.



L'alternative dont le salarié prétend pouvoir bénéficier en application de la seconde phrase du texte susvisé n'intervient que lorsque le jour de la connaissance du droit est postérieur au jour de la rupture du contrat travail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.



Mme [L] épouse [V] avait connaissance chaque mois lorsqu'elle recevait son salaire et son bulletin de salaire du défaut prétendu de paiement de ses heures supplémentaires. Par conséquent, ayant intenté son action devant la juridiction prud'homale le 31 juillet 2019, ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires prétendument réalisées et à payer avant le 31 juillet 2016 sont prescrites, peu important que la rupture de son contrat de travail soit intervenue avant la saisine du conseil des prud'hommes. Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré sur ce point.



Sur les heures supplémentaires':



L'employeur qui répond que Mme [L] épouse [V] a réduit le nombre d'heures d'ouverture du bureau et donc le nombre de ses heures de travail prévues contractuellement à 30,5 heures par semaine, ne produit que des copies d'extrait publicitaire sans date et insuffisants pour en justifier et ne démontre pas au surplus que Mme [V] serait à l'origine de la modification prétendue de ces horaires d'ouverture de l'agence. L'employeur ne démontre pas non plus avoir enjoint à Mme [L] épouse [V] de cesser de fermer le bureau à des horaires non prévus ou «'sans raison'».



Il résulte des nombreux échanges de mails entre Mme [Y] et Mme [L] épouse [V] en dehors des heures de travail prévues contractuellement, comportant des demandes de l'employeur, et qu'il était demandé à la salariée de rester connectée même en dehors des heures de travail à son domicile non pour la simple «'commodité dans les relations'» comme alléguée, mais pour permettre la poursuite de l'activité en l'absence de Mme [K] et aux dépens du droit à déconnexion le soir et les week-ends et que la salariée travaillait également pendant la pause méridienne. Par ailleurs, il doit être rappelé que l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.



Le tableau constitué par l'employeur de l'activité prétendue de Mme [L] épouse [V] n'est pas fondé sur un système d'enregistrement ou des données fiables et infalsifiables (historique carte d'abonnement de parking) compte tenu notamment de l'activité professionnelle de Mme [L] épouse [V] exercée à la fois à l'agence et à son domicile.



Le fait pour un salarié de ne pas réclamer le paiement de ses salaires et de continuer à travailler alors qu'il n'est pas payé de l'intégralité des heures de travail effectuées, ne suffit pas à caractériser une volonté non équivoque de sa part de renoncer à sa créance salariale ou la preuve qu'il n'a pas effectué des heures supplémentaires.



Faute par conséquent pour l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, il convient de juger que Mme [L] épouse [V] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées par la SAS Label étude & progression.



Il convient dès lors de confirmer la décision déférée et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression s'agissant de la période non prescrite postérieure au 31 juillet 2016, la somme de 19 031,70 € au titre des heures supplémentaires impayées y ajoutant la somme de 1903,17 € de congés payés afférents.



Sur la demande au titre de la garantie incapacité de travail':



Moyens des parties':



Mme [B] [V] soutient que son employeur ne lui pas intégralement versé la garantie incapacité temporaire de travail alors qu'elle remplissait les conditions prévues par la convention collective.



La SARL MJ ALPES s'en rapporte sur ce point à l'appréciation de la Cour.



Sur ce,



Par une juste motivation que la cour fait sienne, les premiers juges ont à bon droit relevé qu'il y a lieu de fixer au passif de la liquidation de la SAS Label étude & progression la somme de 2365,09 € au titre de la garantie incapacité de travail prévue par la convention collective applicable.





Sur le travail dissimulé':



Moyens des parties :



Mme [B] [V] soutient que l'employeur a eu recours au travail dissimulé. Elle expose qu'elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées en totalité et ne figuraient pas sur les bulletins de salaire et que l'employeur avait parfaitement conscience des heures de travail réalisées en dehors des horaires de travail. L'employeur ayant volontairement dissimulé les heures de travail réellement réalisées par la salariée.



La SARL MJ ALPES conteste une quelconque violation des règles sur le temps de travail ou repos. En effet elle expose que dans les faits, la salariée gérait seule ses horaires de travail et les heures supplémentaires sollicitées par la salariée ne sont pas justifiées.



Sur ce,



Vu les articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail,



Faute de démontrer le caractère intentionnel du travail dissimulé qui ne peut résulter du seul défaut de paiement des heures supplémentaires, Mme [L] épouse [V] doit être déboutée de sa demande à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.



Sur l'obligation légale de sécurité':



Moyens des parties :



Mme [B] [V] soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité et expose que sa santé physique et mentale a été menacée à de nombreuses reprises durant la relation de travail en raison de la violation des durées maximales de travail, contrainte de travailler plus 48 heures par semaine et privée de son temps de repos hebdomadaire, contrainte même de travailler pendant ses congés payés ou arrêts maladie, ces éléments ayant eu des conséquence graves sur son état physique et mental.



La SARL MJ ALPES es qualité soutient pour sa part que la SAS Label étude & progression n'a pas violé son obligation de sécurité. Elle expose que la salariée n'a jamais été sollicitée par son employeur durant les périodes de repos ou de suspension de son contrat de travail et que Mme [L] épouse [V] n'a jamais alerté son employeur, ni le médecin du travail, ni relais institutionnel en ce sens.



Sur ce,



Il résulte des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, une obligation légale de sécurité qui impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs notamment par des actions de prévention des risques. Il appartient au salarié de démontrer le préjudice qu'il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l'existence. Enfin l'article L. 4121-2 du même code définit les principes généraux de prévention que doit respecter l'employeur pour mettre en 'uvre ces mesures.



En l'espèce, il est établi que Mme [L] épouse [V] a accompli des heures supplémentaires et a travaillé à distance les week-ends et les soirs en dehors des horaires de travail contractuellement prévus y compris pendant ses congés payés et la cour a fixé à son profit une créance au titre des heures supplémentaires au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression. Elle en alerté son employeur par SMS en octobre 2018.





Mme [L] épouse [V] justifie avoir d'abord consulté son médecin traitant (Dr [W]) en août 2018 pour «'fatigue et insomnie du petit matin sévère'», le praticien ayant suspecté un état anxiodépressif, diagnostic non accepté par la patiente. Le Dr [W] atteste l'avoir revue en novembre 2018 avec un «'état d'épuisement physique et psychique sévère, des nuits courtes avec cauchemars, crises de larmes quotidiennes y compris dans son cabinet, perte d'appétit et d'envie et tremblement physique intense lorsqu'elle décrivait son état'». Le médecin l'a adressé à un psychiatre et a dû demander le 8 janvier 2019 une hospitalisation en urgence afin de la protéger et éviter qu'elle s'en prenne à elle-même. Elle a finalement été prise en charge en ambulatoire faute de lit disponible. Mme [L] épouse [V] a bénéficié d'un arrêt de travail à compter de novembre 2019 avec un traitement anxiodépressif.



Le Dr [U], psychiatre, atteste que Mme [L] épouse [V] a sollicité son premier rendez-vous le 3 novembre 2018 et qu'elle présentait un syndrome dépressif et anxiogène aigu.



Il résulte également du dossier médical du médecin du travail que Mme [L] épouse [V] a fait part au médecin du travail en décembre 2018, de son arrêt maladie, de la proposition de direction de l'entreprise faite par l'employeur, «'de la dégradation des relations avec son employeur ++'», et ses difficultés à retourner dans l'entreprise et de son suivi psychiatrique. En janvier 2019, Mme [L] épouse [V] lui a relaté des problèmes relationnels avec la direction de l'entreprise depuis des mois, son suivi médicamenteux psychiatrique et sa volonté d'une une rupture conventionnelle qui serait refusée.



Le médecin du travail envisageait de la déclarer inapte à tous les postes le 5 mars 2019, mais la salariée avait été entre temps licenciée pour faute grave.



Il ressort ainsi de l'analyse des éléments susvisés que la SAS Label étude & progression a manqué à son obligation légale de sécurité en imposant de manière consciente à la salariée une surcharge de travail manifeste et en ne mettant en 'uvre aucune mesure malgré les arrêts maladie et l'alerte de Mme [L] épouse [V], cette situation entrainant manifestement une dégradation de son état de santé physique et psychique.

Il convient de confirmer la décision déférée et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression la somme de 3000 € de dommages et intérêts à ce titre.



Sur l'exécution déloyale du contrat :



Moyens des parties :



Mme [B] [V] soutient que l'employeur a exécuté le contrat de manière déloyale et demande des dommages et intérêts à ce titre. Elle expose que l'employeur':

- a abusivement retenu des jours de congés payés

- lui a attribué de multiples tâches étrangères à sa mission de travail

- lui a fait subir un management de pression et du dénigrement



La SARL MJ ALPES es qualité soutient que c'est la salariée qui a adopté un comportement déloyal envers la société. Elle expose que la SAS Label étude & progression n'a pas demandé à la salariée de réaliser des tâches étrangères à sa mission que la société Label Formation Pro est une société s'ur de la SAS Label étude & progression, que la salariée a de sa propre initiative, procédé à la gestion bancaire et comptable de la société et que les reproches de management par la pression et de dénigrement ne sont pas fondées. La SELARL MJ Alpes ne répond pas sur la retenue abusive des congés payés afférents.



Sur ce,



Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.



En l'espèce, s'agissant de la retenue de 31 jours de congés payés, il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a permis à la salariée de prendre ses congés payés afférents, ce qu'il ne fait pas.



Il convient dès lors par voie d'infirmation du jugement déféré de fixer au passif de la liquidation de la SAS Label étude & progression la somme de 3196,82 € à ce titre.



Mme [L] épouse [V] justifie qu'alors qu'elle a été engagée par la SAS Label étude & progression, elle a pu effectuer des tâches liées à la société Label Formation Pro dont la SELARL MJ Alpes admet qu'elle est une société «'s'ur'» de la SAS Label étude & progression. Toutefois la salariée ne justifie que de la transmission par courriel des bilans des deux sociétés à Mme [K] en octobre 2018 et d'un virement de l'une vers l'autre à la même date, et de la réalisation de tâches très ponctuelles hors de ses fonctions (recherche smartphone pour un collaborateur).



Il ressort des échanges produits aux débats que Mme [K] sollicitait Mme [L] épouse [V] compte tenu de son éloignement géographique de manière intensive et pouvait adopter des propos inadaptés à son égard ( «'A ce rythme là on va fermer la boite'» à l'annonce d'une opération que Mme [L] épouse [V] devait subir, «' ou alors fermer la boite. A vous de choisir'», «'vous le faites exprès'''' «'J'avais demandé... c'est quoi ce bordel''''»), et que Mme [L] épouse [V] l'a alertée notamment en octobre 2018 sur son refus de continuer à travailler « le soir et les week-ends'».



Ainsi il doit être retenu que la SAS Label étude & progression a exécuté le contrat de travail de Mme [L] épouse [V] de manière déloyale.



Toutefois Mme [L] épouse [V] se contentant d'alléguer que «'cette situation n'a pas été sans conséquence sur son état de santé'» sans justifier d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà indemnisé au titre du non-respect de l'obligation de sécurité, il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré



Sur la discrimination et la nullité du licenciement et subsidiairement le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement':



La lettre de licenciement de Mme [B] [V] du 27 février 2019 évoque les griefs suivants':

«'Au total, ce qui précède me fait déplorer de graves négligences fautives dans l'accomplissement de vos fonctions, un manquement caractérisé de votre obligation de loyauté contractuelle, une volonté évidente de me masquer la réalité (laquelle ne m'est apparue qu'à mon retour ce début janvier 2019 et à la reprise des dossiers) et une négligence professionnelle confinant pour moi à une mauvaise volonté délibérée, mettant en péril la société).'»



Moyens des parties :



Mme [B] [V] soutient que le licenciement est nul car discriminatoire en raison de son état de santé. Elle expose qu'en raison de la dégradation de son état de santé et de la procédure d'inaptitude engagée par le médecin du travail, l'employeur a cherché à rompre le contrat de travail à moindre coût.



Mme [B] [V] soutient à titre subsidiaire que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse. Elle expose que'l'employeur n'a jamais présenté les justificatifs caractérisant l'existence des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, que non seulement les griefs invoqués sont prescrits (L'employeur ayant connaissance des prétendus faits fautifs bien avant le déclenchement de la procédure disciplinaire.), mais leur matérialité et leur gravité ne sont pas établies. La notification de rupture du contrat de travail fait mention de treize griefs non datés.



La SARL MJ ALPES es qualité fait valoir pour sa part que le licenciement repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et sans relation avec sa maladie. Elle soutient au contraire que la salariée a sollicité une visite du médecin du travail en vue de prononcer son inaptitude pour entraver le licenciement qui s'annonçait à son encontre. La société n'a pas été informée des pré-visites de reprise ni d'une quelconque inaptitude de la salariée. L'employeur avait déjà décidé de licencier la salariée en raison des difficultés découvertes lors de son retour en France et de la reprise des dossiers.



Sur ce,



Il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en 'uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.



La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires.



L'article L. 1132-1 du code du travail prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.



L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



S'agissant du licenciement discriminatoire en raison de son état de santé invoqué par la salariée':



Il ressort du dossier médical de la médecine du travail produit aux débats que Mme [L] épouse [V] a rencontré le médecin du travail à sa demande («'visite occasionnelle à la demande du salarié'») à deux reprises, le 5 décembre 2018, et le 23 janvier 2019. Le médecin du travail a noté le 23 janvier 2019 que Mme [L] épouse [V] n'était «'pour le moment en arrêt jusqu'au 20/02/2019 pas bien du tout, probable prolongation Voir pour dossier inaptitude'».



Le 5 février 2019, Mme [L] épouse [V] a contacté le médecin du travail pour faire le point de sa situation, et «'a dit aller mieux sur le plan du moral et du sommeil (poursuite du suivi psychiatrique et psychologique traitement antidépresseur et anxiolytique) et a dit ne pas pouvoir retourner dans l'entreprise et dit vouloir sortir de cette situation'».



Le médecin du travail a ensuite noté avoir appelé l'employeur le même jour afin d'échanger sur le risque d'inaptitude de Mme [L] épouse [V] dans l'entreprise et avoir pris un rendez-vous pour une étude du poste le 20 février 2019 à 13h30.



Le 12 février 2019, Mme [L] épouse [V] a informé le médecin du travail avoir reçu une convocation pour un entretien préalable de licenciement de la part de l'employeur.



Mme [L] épouse [V] a été licenciée par courrier du 27 février 2019 pour faute grave après avoir été convoquée par courrier du 9 février 2019, soit quatre jours après que l'employeur ait été informé par le médecin du travail de la probable prochaine inaptitude de la salariée.



M. [Z], conseiller du salarié présent lors de l'entretien préalable, précise dans son compte-rendu que Mme [K] a, en fin d'entretien, informé Mme [L] épouse [V] avoir «'rencontré un peu plus tôt dans la journée la médecine du travail qui l'avait informée de sa décision de prononcer une inaptitude professionnelle de la société et qu'elle n'y opposerait pas'».



La lettre de licenciement invoque également l'arrêt maladie de Mme [L] épouse [V] depuis le 6 novembre 2018 et la nécessité pour Mme [K] de rentrer de Tunisie pour «'pallier les absences», 'et «'pour ne pas pénaliser le fonctionnement de la société'», ayant dû reprendre «'au pied levé' la gestion des bureaux de [Localité 8] et d'[Localité 5]'».



En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes susvisés, est établie notamment eu égard à la chronologie des événements et au licenciement de Mme [L] épouse [V] alors que le médecin du travail avait d'ores et déjà informé l'employeur de la possible inaptitude à venir de la salarié avant sa convocation à un entretien préalable.



Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les comportements et faits établis sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'état de santé de la salariée.



Le seul fait que la SAS Label étude & progression n'ait pas été informée des deux visites du médecin du travail les 5 décembre 2018 et 23 janvier 2019 ne dédouane pas l'employeur du fait que l'employeur était informé de la probable inaptitude à venir de la salariée dès le 5 février 2019 soit avant la convocation de Mme [L] épouse [V] à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave adressée par courrier du 9 février 2019.



Si la SAS Label étude & progression soutient qu'elle avait déjà décidé d'entreprendre cette procédure de licenciement avant d'être informée par la médecin du travail de la possible inaptitude de Mme [L] épouse [V], non seulement elle ne le démontre pas, mais ne justifie pas des raisons ayant mis obstacle à l'engagement de ladite procédure dès que la décision aurait été prise, ni de sanctions et avertissements préalables.



Faute d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'état de santé de la salariée, il convient de confirmer la décision déférée et de juger le licenciement nul car fondé sur un élément discriminatoire.



Il convient néanmoins de réformer le jugement déféré et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression la somme de 20000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul.



Il convient de confirmer le jugement déféré s'agissant des indemnités suivantes à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression':

- 179,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 417,95 euros au titre des congés payés afférents,

- 3.134,60 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement



Sur la demande reconventionnelle':



Moyens des parties :



La SARL MJ ALPES es qualité demande la condamnation de la salarié à verser des dommages et intérêts à hauteur de 80'000 € compte tenu de son intention de nuire, ayant mis en difficulté la société dans l'intention de reprendre l'activité dans des conditions financières avantageuses pur elle après avoir rompu les pourparlers en cours en vue du rachat de la société, ce qui a contribué aux difficultés rencontrées par la société. Elle réplique par ailleurs que cette demande est recevable devant la juridiction prud'homale, la preuve étant apportée de son intention de nuire.



Mme [B] [V] soutient que la demande reconventionnelle est infondée. Elle fait valoir que Mme [K] a informé le personnel de l'entreprise des résultats négatifs de la société dès l'année 2015, que des facilités de paiement étaient demandés à la banque et que pour cette raison elle a tenté de vendre la société à compter de l'année 2016. Elle conclut qu'elle était la seule attachée à son emploi et la survie de l'entreprise et que c'est la raison pour laquelle Mme [K] lui a confié la gestion en son absence et que si des négociations étaient en cours, elle n'avait jamais donné son accord pour racheter, l'avocat relevant des fautes de gestion de Mme [K] susceptibles de caractériser des infractions pénales. La salariée contestant les allégations relatives à la suppression des données de la société et la réinitialisation de l'ordinateur. Seule la gestion calamiteuse de Mme [K] étant à l'origine de la liquidation.



Sur ce,



Conformément aux dispositions de l'article L. 1222-1 code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise. Il doit également s'abstenir de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.



Toutefois, il est de principe que pour engager la responsabilité civile du salarié, l'employeur doit démontrer l'existence d'une faute lourde dès lors que le comportement du salarié n'est pas étranger à l'exécution du contrat de travail. La faute lourde implique une intention de nuire.



En l'espèce, non seulement la SAS Label étude & progression n'a pas licencié Mme [L] épouse [V] pour faute lourde mais pour faute grave, mais ledit licenciement a été annulé car fondé sur un motif discriminatoire. La demande de dommages et intérêts à ce titre doit par conséquent être rejetée par voie de confirmation du jugement déféré



Sur les demandes accessoires':



Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.



Mme [L] épouse [V] a été contrainte d'engager des frais non taxables de représentation en justice'; il est contraire à l'équité de les laisser à sa charge. La créance de la salariée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression à la somme de 2500 € tant au titre de la procédure d'appel.



Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression .



PAR CES MOTIFS':



La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,



CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':

- Débouté Mme [B] [V] de son exception d'incompétence,

- Déclaré recevable mais mal fondée la demande reconventionnelle de la SAS Label étude & progression

- Déclaré nul et de nul effet le licenciement pour motif discriminatoire,

- Fixé au passif de la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL

MJ ALPES es qualité de liquidateur judiciaire les sommes suivantes :

* 19.031,70 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires et heures majorées pour la période du 1 er août 2016 au 31 Octobre 2018,

* 2.365,09 euros en rappel au titre de la garantie incapacité de travail,

* 3000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

* 4.179,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 417,95 euros au titre des congés payés afférents,

* 3.134,60 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

- Ordonné à la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL MJ ALPES es qualité de liquidateur de remettre des documents de fins de contrat rectifiés, à savoir un certificat de travail, une attestation POLE EMPLOI et un reçu pour solde de tout compte, dans le délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision ;

- Dit que faute de respecter cette obligation, la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL MJ ALPES sera redevable, passé le délai de huit jours accordé, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé à hauteur de 20 euros par jour de retard pendant un délai maximum de 6 mois, et qui pourra être liquidée par le Conseil de Prud'hommes de céans.

- Condamné la SAS Label étude & progression, représentée par la SELARL MJ ALPES à verser à Mme [V] la somme de 2000 euros en indemnisation des frais exposés non compris dans les dépens de l'instance

- Débouté Mme [L] épouse [V] du surplus de ses demandes,

- Déclaré l'arrêt opposable à l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4] dont la garantie s'exercera dans les limites légales et réglementaires en l'absence de fonds disponibles,

- Rappelé que l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4] ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-7 et L.3253-19 du code du travail,

- Dit que l'obligation de l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4] de faire l'avance des sommes garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire liquidateur et justification de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pur procéder à leur paiement

- Dit que les indemnités allouées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , les dépens et l'astreinte ne constituent pas une créance visée aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et doivent être exclus de la garantie de l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4]

- Dit que la garantie de l'UNEDIC AGS délégation d'[Localité 4] est légalement plafonnée en application des articles L.3253-57 et D.'3253-5 du code du travail'

- Dit que les dépens d'instance seront fixés au passif de la liquidation de la SAS Label étude & progression représentée par la SELARL MJ Alpes est qualité de liquidateur judiciaire

- Rejeté le surplus des demandes

- Rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.



L'INFIRME pour le surplus



STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,



FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression les sommes suivantes':

* 1903,17 € de congés payés afférents aux heures supplémentaires

* 3196,82 € au titre des congés payés afférents non pris de 2017 à 2019

* 20000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul



Y ajoutant,



DIT que sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression la somme globale de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,



DIT que le présent arrêt est opposable à l'AGS représentée par l'AGS-CGEA d'[Localité 4] et qu'elle doit sa garantie dans les conditions définies par l'article L.3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux,



DIT que l'obligation de l'AGS de faire l'avance des sommes allouées à Mme [L] épouse [V] devra couvrir la totalité des sommes allouées à Mme [L] épouse [V] à l'exception de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



DIT que son obligation de faire l'avance des sommes allouées à Mme [L] épouse [V] ne pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement,



DIT que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SAS Label étude & progression.



Ainsi prononcé publiquement le 28 Mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier Le Président

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