27 mars 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/08386

Pôle 6 - Chambre 4

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 27 MARS 2024



(n° /2024, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08386 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZNX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 19/00145





APPELANTE



S.A.R.L. FB AUTO ECOLE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Virginie GARCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0039





INTIME



Monsieur [H] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jeannet NOUTEAU REVENU, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 241







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Mme Florence MARQUES, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [I] [U] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL







ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.






RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES



M. [H] [Y], né en 1959, a été engagé par la société FB Auto Ecole, en qualité de moniteur d'auto école, par un premier contrat de travail à durée déterminée du 2 avril 2013 jusqu'au 31 juillet 2013. La relation de travail s'est poursuivie par un second contrat à durée déterminée du 1er août 2013 au 30 novembre 2013, puis un contrat à durée indéterminée du 2 décembre 2013.



Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des services de l'automobile.



Par lettre datée du 31 décembre 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 janvier 2019 avec notification d'une mise à pied conservatoire.



Il a été placé en arrêt de travail à compter du 11 janvier 2019 jusqu'au 8 février 2019 pour syndrome anxio-dépressif.



M. [Y] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 25 janvier 2019 ainsi libellée :



'Mi-décembre 2018, plusieurs clientes et élèves, essentiellement des jeunes filles dont certaines sont mineures, se sont plaintes de votre attitude déplacée et de vos propos à connotation sexuelle à leur égard. En effet, elles nous ont fait part du fait que vous auriez eu des gestes déplacés (en recherchant notamment souvent le contact physique). Il nous a été relaté le fait que vous faites preuve d'insistance sur les tenues des élèves, que vous vous touchiez les parties intimes durant les cours et que vous teniez régulièrement des propos tendancieux. La tenue de ce type de propos m'a été confirmée par certaines employées.



Ce type de comportement mettant très mal à l'aise certaines de nos clientes et élèves, certaines d'entre elles ont demandé à ne plus vous avoir comme moniteur.



Nous avons donc interrogé d'autres de vos élèves qui nous ont confirmé votre comportement inconvenant ou qu'elles ont qualifié de «bizarre» à leur égard. Ainsi les faits rapportés ne semblent pas être des cas isolés. Ces propos et gestes s'accompagnent de regards insistants instaurant un climat à connotation sexuelle.



En outre, certaines nous ont indiqué que vous disposiez de leur numéro personnel. Ce qui nous a été confirmé par d'autres élèves, dont certaines sont mineures, sans que votre direction n'en soit informée, ni ne vous y ait autorisé.



Lors de l'entretien, vous avez reconnu détenir les numéros et photos de certaines de vos élèves, en prétendant que vous aviez leur autorisation et que vous entreteniez encore des relations avec d'anciennes élèves de l'auto-école.



Suite à l'entretien, vous n'avez pas repris votre poste à 14h comme prévu sur les plannings. Nous avons alors pu constater que vous avez eu un échange téléphonique avec l'élève dont vous deviez assurer le cours concernant votre absence, confirmant encore une fois que vous détenez les numéros de téléphone de certaines élèves.



L'ensemble de ces éléments met en exergue la violation flagrante de votre contrat de travail, quant à votre obligation de loyauté et au respect d'un certain code de conduite des moniteurs d'auto-école.



Comme évoqué durant l'entretien préalable, certains élèves nous ont informés que vous leur aviez proposé des heures de conduite sur votre temps de repos, ce qui nous a été confirmé par des personnes extérieures à l'auto-école. Vous avez nié ce fait en indiquant que vous ne disposiez pas de véhicule personnel pour proposer de telles prestations. Ceci constitue encore une fois une violation de votre obligation de loyauté au regard de votre contrat de travail.



Il vous a été également reproché lors de cet entretien le fait que vous ne respectiez pas les instructions de votre employeur notamment concernant l'interdiction formelle de manger dans les véhicules appartenant à l'auto-école, votre tenue vestimentaire, l'absence de signalement d'accident intervenu sur les véhicules appartenant à l'auto-école.



Nous vous avons aussi fait part du fait que certains de vos collègues vous auraient vu fouiller dans les bureaux notamment dans les fichiers des élèves et prendre des photos de l'auto-école et des véhicules depuis la mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Vous nous avez répondu que vous ne faisiez rien de mal, que vous cherchiez du scotch et que vous aviez le droit de prendre des photos. Vous avez reconnu avoir pris des photos des fichiers des élèves en précisant que vous ne voyiez pas en quoi «c'était mal».



Au regard de tout ce qui précède et en particulier, s'agissant des faits relatés concernant votre comportement à l'égard de certaines jeunes élèves, il apparaît que nous ne pouvons accepter des agissements d'une telle gravité au sein de notre entreprise, d'autant que de tels faits sont de nature à pouvoir engager la responsabilité de notre société' »



A la date du licenciement, M. [Y] avait une ancienneté de 5 ans et 9 mois.



Contestant cette rupture, M. [H] [Y] a saisi le 28 mars 2019 le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, des demandes suivantes :

- Condamner la SARL FB Auto Ecole à lui payer, en application de l'article 2.10 de la convention collective des services de l'automobile, au titre du maintien de salaire pendant son arrêt maladie du 11 janvier au 25 janvier 2019 la somme de 330,65 euros et au titre des congés payés afférents la somme de 33,06 euros ;

- Condamner la SARL FB Auto Ecole à payer à M. [Y] à titre de dommages et intérêts pour non-respect du principe 'à travail égal, salaire égal' la somme de 15 000 euros ;

- Condamner la SARL FB Auto Ecole à payer à M. [Y] une indemnité pour non-respect des dispositions sur le temps de pause la somme de 3 350,25 euros ;

- Condamner la SARL FB Auto Ecole à payer à M. [Y] à titre de rappel d'heures supplémentaires, pour la période d'avril et décembre 2016 la somme de 2 659,37 euros, pour la période de janvier à décembre 2017, la somme de 2 609,75 euros, pour la période de janvier à octobre 2018 la somme de 585 euros et au titre des congés payés y afférents pour la période comprise entre avril 2016 et octobre 2018 la somme de 585,41 euros ;

- Condamner la SARL FB Auto Ecole à payer à M. [Y] à titre d'indemnité pour travail dissimulé, en application de l'article L.8223-1 du Code du travail la somme de 12 122,96 euros ;

- Dire et juger que le licenciement de M. [Y] pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse et par conséquent, condamner la SARL FB Auto Ecole à lui payer :

1) à titre d'indemnité compensatrice de préavis la somme de 4 040,80 euros ;

2) au titre des congés payés y afférents la somme de 404,00 euros ;

3) à titre d'indemnité légale de licenciement la somme de 2 988,40 euros ;

4) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail la somme de 12 122,96 euros ;

- Condamner la SARL FB Auto Ecole à payer à M. [Y] à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour avoir invoqué au titre de son licenciement des motifs particulièrement infamants la somme de 12 000 euros ;

- avec intérêt au taux légal sur toutes ces sommes à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- Condamner la SARL FB Auto Ecole à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.



Par jugement du 4 novembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges a déclaré le licenciement de M. [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société FB Auto Ecole à verser à M. [Y] les sommes suivantes :

- 330,65 euros au titre du maintien de salaire, en application de l'article 2.10 de la convention collective des services de l'automobile et 33,06 euros d'indemnité de congés payés afférents ;

- 3 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect du principe 'à travail égal salaire égal' ;

- 3 943,42 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 394,34 euros d'indemnité de congés payés afférents ;

- 2 916,48 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- 7 886,84 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



Le conseil a rappelé que les indemnités compensatrices de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement portaient intérêts au taux légal à compter de la date de saisine, à savoir, le 28 mars 2019 et que le surplus des sommes allouées était assorti des intérêts à taux légal à compter de la décision, a ordonné à la société FB Auto Ecole de remettre à M. [Y] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi conformes à la décision, dans les meilleurs délais, a rejeté le surplus des demandes des parties et a condamné la société aux dépens et éventuels frais d'exécution forcée.



Par déclaration du 7 décembre 2020, la SARL FB Auto Ecole a interjeté appel de cette décision, notifiée le 12 novembre 2020.



Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 janvier 2022, l'appelante demande à la cour de réformer partiellement la décision déférée, en ce qu'elle demande de débouter M. [H] [Y] de l'ensemble de ses demandes, à l'exception de celle ayant trait au maintien du salaire pendant l'arrêt maladie et l'indemnité de congés payés y afférents. Il sollicite l'allocation de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 septembre 2023, l'intimée demande l'infirmation partielle, en ce qu'il demande la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 3 350,25 euros d'indemnité pour non-respect des dispositions conventionnelles sur le temps de pause ;

-à titre de rappel d'heures supplémentaires :

1) 2 659,37 euros pour la période d'avril à décembre 2016 ;

2) 2 609,75 euros pour la période de janvier à décembre 2017 ;

3) 585 euros pour la période de janvier à octobre 2018 ;

- 585,41 euros d'indemnité de congés payés y afférents pour la période comprise entre avril 2016 et octobre 2018 ;

- 12 122,96 euros d'indemnité pour travail dissimulé, en application de l'article L 8223-1 du code du travail ;

- 4 040,80 euros d'indemnité de préavis ;

- 404, 08 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 998,40 euros d'indemnité de licenciement ;

- 12 122,76 euros en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;

- 12 000 euros en réparation de son préjudice moral.



En tout état de cause, il prie la cour de lui allouer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 novembre 2023.



Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


MOTIFS



La cour n'est pas saisie de la demande fondée sur le droit au maintien du salaire pendant l'arrêt maladie et de l'indemnité de congés payés y afférents.



1 : Sur l'exécution du contrat



1.1 : Sur le temps de pause



M. [H] [Y] sollicite le paiement de la somme de 3 350,25 euros en rémunération du temps de pause conventionnel de 30 minutes de repos après 6 heures de travail.



La société FB Auto Ecole répond que l'intéressé était le seul à ne pas bénéficier de ce temps de pause, à sa demande, car il préférait faire des journées continues, d'autant plus qu'il s'octroyait des pauses pendant la journée et que dans ce secteur d'activité, les moniteurs ont des pauses d'environ 5 minutes entre chaque élève.



Sur ce



Aux termes de l'article 1.10 de la convention collective les journées de travail d'une durée égale ou supérieure à 6 heures doivent être interrompues par une ou plusieurs pauses. La durée totale de la pause ou des pauses journalières, y compris celles pouvant être consacrées au repas, ne peut être inférieure à une demi-heure, sauf accord du salarié.



Les entreprises, quel que soit leur statut et même si elles sont soumises à une législation spécifique, doivent respecter les dispositions relatives au temps de pause, lesquelles constituent des prescriptions minimales impératives justifiées par la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et s'appliquent, sauf incompatibilité absolue, à l'ensemble d'entre eux.



Toutefois, aucune stipulation ne paraît prévoir que ce temps de pause devait être rémunéré. Dés lors, le salarié ne peut prétendre qu'à une réparation sous forme de dommages-intérêts.



Il ne justifie pas d'un préjudice et sera donc débouté de ce chef.



1.2 : Sur le principe 'à travail égal, salaire égal'



M. [H] [Y] sollicite l'allocation de la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du principe 'à travail égal, salaire égal', en observant qu'un autre moniteur en la personne de M. [R], embauché près de 4 ans après lui, a perçu dès son embauche un salaire brut horaire de 15 euros, supérieur au sien de 2 euros, alors que ce dernier n'a obtenu son autorisation d'enseigner que plus de 2 ans plus tard.



L'employeur répond que M. [R] a en réalité une expérience bien supérieure à celle de M. [H] [Y] et a obtenu une autorisation d'enseigner et son brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière dit BEPECASER bien plus anciennement.



Sur ce



Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles'L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.



Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, des capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.



En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.



Le fait que le salarié qui prétend être victime d'une différence et le salarié de référence soient classés dans la même catégorie professionnelle prévue par la convention collective applicable à leur emploi n'est pas, à lui seul, suffisant pour conclure que les deux travailleurs concernés accomplissent un même travail ou un travail auquel est attribuée une valeur égale au sens des textes et principes précités'; cette circonstance ne constitue qu'un indice parmi d'autres.



L'octroi à M. [R] d'un salaire horaire de 15 euros au lieu de 13 caractérise une inégalité de traitement.



Les documents versés aux débats démontrent que M. [H] [Y] a obtenu comme il l'indique lui-même son autorisation d'enseigner le 29 octobre 2012 et son BEPECASER à la session de 2012, tandis que M. [R] a obtenu son autorisation d'enseigner le 3 juin 2006, bien avant son embauche le 1er décembre 2016.



Par ailleurs, M. [R] bénéficait d'une expérience supérieure à celle du salarié, dans la mesure également où, selon une inscription au Sirene de l'entreprise '[P] [R]' en mars 2012, il exploitait une auto école.



Ainsi l'employeur apporte des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.



Par suite, le salarié sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.



1.3 : Sur les heures supplémentaires



M. [H] [Y] sollicite un rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents au titre des années 2016, 2017 et 2018 outre les congés payés y afférents, en invoquant des plannings établis par lui et en niant la mise en place du régime du repos compensateur.



La société FB Auto Ecole objecte qu'il est curieux que le salarié ait conservé des agendas depuis 2016, si ce n'est pour les besoins d'un contentieux et qu'il n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires. Elle souligne que s'agissant d'une entreprise de cinq salariés à peine, il était difficile pour elle de mettre en place un régime de repos compensateur dans les délais légaux.



Sur ce



En application des articles L.3121-27 et L.3121-28 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine et toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L'article L.3121-36 du même code prévoit que, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires et 50% pour les suivantes.



Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.



Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.



Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.



Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.



Par ailleurs, même en l'absence d'accord exprès, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.



Le salarié apporte des agendas rapportant les heures effectuées au jour le jour.



L'employeur se borne à les contester sans apporter ses propres éléments de preuve sur le temps de travail effectué par M. [H] [Y].



En conséquence, il sera fait droit à la demande.



1.4 : Sur l'indemnité de travail dissimulé



L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.



L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



Le montant de cette indemnité doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat.



L'élément matériel du travail dissimulé est établi puisque les heures supplémentaires n'ont pas été portées sur les bulletins de paie.



Toutefois, la mention de celle-ci sur un agenda, ne signifie pas que le dirigeant de l'auto école recensait les heures effectuées par le salarié, puisque celui-ci ne les réclamait pas.



Par ailleurs, il est allégué qu'il était admis au sein de l'entreprise le rattrapage des heures supplémentaires sous la forme de repos en compensation.



Il s'ensuit que l'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas acquis et que la demande d'indemnité formée de ce chef sera rejetée.



2 : Sur le licenciement



2.1 : Sur la cause du licenciement



La société FB Auto Ecole invoque la faute grave. Elle fait valoir qu'au cours du mois de décembre 2018, plusieurs élèves et essentiellement des jeunes filles, dont certaines mineures, se sont plaintes de l'attitude et des propos déplacés à connotation sexuelle du salarié, dont il ressortait un comportement bizarre, étrange voire pervers, favorisant les rapprochements physiques en touchant la main de l'élève, en recourant au tutoiement, conservant les numéros de téléphone personnels des clients et proposant des cours particuliers. La société impute aussi au salarié le non-respect de ses instructions. Elle souligne que les attestations adverses sont mensongères.



M. [H] [Y] soulève l'antériorité de plus de deux mois de certains agissements reprochés par rapport à la date d'engagement de la procédure disciplinaire, conteste en tout état de cause les griefs de la société, demande d'écarter les attestations adverses comme de pure complaisance et estime que ses agissements sont interprétés de manière tendancieuse.



Sur ce



Il résulte des articles L. 1234 - 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.



La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié d'entreprise.



L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.



Il n'y a pas lieu d'examiner la question de la tenue vestimentaire, que l'employeur écarte des griefs de nature à justifier la rupture.



Les attestations de l'employeur, dont deux doivent être regardées avec circonspection comme émanant de salariés de la société, évoquent en termes vagues, peu circonstanciés et interprétatifs, sans date, le comportement du salarié qui pour apparaître trop familier et expansif, n'était pas nécessairement à connotation sexuelle. Une sanction plus légère adaptée à la situation ou un recadrage n'apparaît pas cependant être apparu nécessaire à l'employeur antérieurement à l'engagement de la procédure disciplinaire.



Les témoignages d'élèves ayant eu l'intéressé comme moniteur, quel que soit le nombre de leçons qu'ils ont prises avec lui, ne militent pas en faveur d'agissements ayant la signification que leur prête l'employeur.



Le fait de guider la main d'un élève pour manier le levier de vitesse ou de mettre la main derrière le siège ou l'appui-tête du conducteur ne saurait être assimilé à des acte à connotation sexuelle.



S'il ressort de ces témoignages que M. [H] [Y] mangeait dans sa voiture malgré l'interdiction manifestée par le dirigeant de la société, d'une part, une mise en garde eût été nécessaire avant d'en venir à des sanctions et, d'autre part, ceci était lié à l'absence de prise de pause, que la société aurait dû lui imposer.



Le fait d'obtenir le numéro de téléphone d'élèves comme le rappellent plusieurs attestations n'est pas nécessairement répréhensible et peut correspondre à des nécessités de communication pour l'organisation des cours.



Si deux témoins observent laconiquement qu'ils ont vu le salarié 'au moins deux fois' 'à des heures tardives et le dimanche' avec le véhicule de l'auto-école et des élèves, sans que l'on sache comment on pouvait deviner la qualité de ceux-ci, cette description est trop peu précise, pour qu'il puisse en être déduit une faute du salarié caractérisée par l'organisation de cours de conduite le week end avec le véhicule de la société en violation des intérêts de l'employeur.



Le grief tiré du défaut de déclaration d'accident avec le véhicule de la société repose sur des factures ou un document de la main de M. [H] [Y] antérieur de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement et ne permet en tout état de cause pas d'établir les griefs allégués.



Surabondamment, il est étrange que les agissements invoqués par l'employeur soient anciens, supposés très sérieux et n'aient jamais fait l'objet de sanction, avant de servir de fondement à une faute grave.



Il s'ensuit que le licenciement doit être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse.



2.2 : Sur les conséquences financières du licenciement



Reprenant le calcul exact du salarié sur la base du salaire mensuel reconstitué avec les heures supplémentaires retenues, la cour fait droit aux demandes d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement qu'il sollicite.



S'agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux termes de l'article L. 1235-3 du Code du travail i le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 1,5 et 6 mois, s'agissant d'une entreprise de moins de 11 salariés et d'un salarié d'une ancienneté comprise entre 5 et 6 ans.



Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H] [Y], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 7 886,84 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.







2.3 : Sur le préjudice moral



M. [H] [Y] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice moral causé par les griefs infamants contenus dans la lettre de licenciement.



L'employeur oppose qu'aucun justificatif n'est versé aux débats à l'appui du préjudice revendiqué.



Sur ce



La reconnaissance de l'absence de cause réelle et sérieuse répare le préjudice prétendu, en l'absence de justification de dommage plus ample spécifique.



De plus, la mauvaise foi de l'employeur, qui fonderait la demande de dommages-intérêts, n'est pas établie avec une parfaite certitude.



La demande sera rejetée.



3 : Sur les documents de fin de contrat et l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné la délivrance du bulletin de salaire sollicité dans les conditions prévues au dispositif, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte.



Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société qui succombe à payer à M. [H] [Y] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi que les dépens.



Pour le même motif, l'employeur sera débouté de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Il convient de rejeter les demandes au titre des frais d'exécution et du droit de recouvrement de l'huissier qui ne relèvent pas des dépens.



PAR CES MOTIFS



Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;



INFIRME le jugement déféré, sauf sur les demandes d'indemnité au titre du maintien du salaire, de l'indemnité de congés payés y afférents, d'indemnité au titre du temps de pause, d'indemnité de travail dissimulé, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Statuant à nouveau ;



CONDAMNE la société FB Auto Ecole à payer çà M. [H] [Y] les sommes suivantes :

- 4 040,80 euros d'indemnité de préavis ;

- 404,08 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 988,40 euros d'indemnité de licenciement ;

- 2 659,37 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de l'année 2016 ;

- 2 609,75 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de l'année 2017 ;

- 585 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de l'année 2018 ;

- 585,51 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;



REJETTE les demandes de dommages-intérêts pour violation du principe 'A travail égal, salaire égal',



ORDONNE la délivrance d'un bulletin de paie conforme au présent arrêt dans les deux mois de la signification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte ;



DIT que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l'accusé de réception de la convocation de la société FB Auto Ecole devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;



DIT que les frais d'exécution n'entrent pas dans les dépens ;



CONDAMNE la société FB Auto Ecole aux dépens de première instance ;



Y ajoutant ;



CONDAMNE la société FB Auto Ecole à payer à M. [H] [Y] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;



REJETTE la demande de la société FB Auto Ecole en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la société FB Auto Ecole aux dépens d'appel ;



Le greffier Le président de chambre

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