28 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.419

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200299

Titres et sommaires

CASSATION - Juridiction de renvoi - Pouvoirs - Moyens et prétentions soumis à la juridiction dont émanait la décision cassée - Prétentions nouvelles - Liens - Recherche - Office du juge - Etendue

Il résulte de la combinaison des articles 565, 566, 625, alinéa 1, et 633 du code de procédure civile que devant la cour d'appel de renvoi après cassation, les prétentions nouvelles sont recevables si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, ou si elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Il appartient, dès lors, à la cour d'appel de renvoi après cassation de rechercher, même d'office, si les demandes qui lui sont soumises ne tendent pas aux mêmes fins que la demande initiale sur laquelle il avait été statué par le chef de l'arrêt atteint par la cassation ou n'en constituent pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire

CASSATION - Moyen nouveau - Recevabilité - Conditions - Détermination - Décision sur renvoi après cassation - Cas

Texte de la décision

CIV. 2

EN1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 mars 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 299 F-B

Pourvoi n° R 22-13.419




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MARS 2024

M. [M] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-13.419 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (Chambre 1-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Swisslife assurance et patrimoine, société anonyme,

2°/ à la société Swisslife assurances de biens, société anonyme,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 2]

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [F], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Swisslife assurance et patrimoine, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 janvier 2022), rendu sur renvoi après cassation (2eCiv., 8 juillet 2021, pourvoi n°19-24.199), le 1er décembre 1974, M. [F] a souscrit, auprès de la société suisse d'assurances générales sur la vie humaine devenue la société Swisslife assurance et patrimoine (l'assureur), un contrat d'assurance combinée valorisable sur une tête avec options garanties à participation aux bénéfices intégrée, qui prévoyait notamment qu'en cas de vie de la personne au 1er décembre 2015, l'assuré pourrait solliciter le paiement d'un capital d'un montant de 153 408,09 euros augmenté des valorisations ou le cas échéant du bonus.

2. Tandis que l'assureur lui avait indiqué que le capital exigible au 1er décembre 2015 s'élevait désormais à la somme de 149 974 euros, M. [F], contestant ce montant, l'a assigné en paiement de certaines sommes en exécution du contrat souscrit et de dommages-intérêts pour résistance abusive.

3. Par un jugement du 5 septembre 2017, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 12 septembre 2019, un tribunal de grande instance a rejeté les demandes de M. [F].

4. La Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 12 septembre 2019 mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [F] tendant à la condamnation de l'assureur à lui verser une somme de 372 818 euros au titre du contrat d'assurance-vie et une somme de 100 000 euros au titre de la résistance abusive.

5. M. [F] a saisi une cour d'appel de renvoi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [F] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes et de le débouter de sa demande de versement d'une somme au titre de la résistance abusive, alors « qu'une cour d'appel de renvoi, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles ou qui la soulève d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour déclarer irrecevables les demandes de M. [F] tendant au paiement d'une pension annuelle de 43 511 euros à partir du 1er décembre 2016, avec recouvrement des intérêts par huissier chargé d'exécuter le jugement, et au versement sur le compte assurance vie n° 74076476 au taux technique de 3,50 %, d'une somme de 466 294 euros, réservée aux ayants droit de l'appelant, qu'il ne s'agissait pas de l'une des demandes visées par le moyen de cassation et soumise à la Cour de cassation, sans rechercher si elles ne tendaient pas aux mêmes fins ou si elles n'étaient pas l'accessoire ou le complément de la demande de condamnation de la société Swisslife à lui payer un capital au titre de la distribution des intérêts techniques et financiers formulée en première instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 565 et 566 du code de procédure civile, ensemble l'article 633 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 625, alinéa 1er , 633, 565 et 566 du code de procédure civile :

7. Aux termes du premier de ces textes, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

8. Aux termes du deuxième, la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée.

9. Aux termes du troisième, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent et, aux termes du quatrième, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que devant la cour d'appel de renvoi après cassation, les prétentions nouvelles sont recevables si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, ou si elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

11. Pour déclarer irrecevables les demandes de M. [F] tendant au paiement d'une pension annuelle de 43 511 euros à partir du 1er décembre 2016, outre intérêts, et au versement sur le compte assurance-vie d'une somme de 466 294 euros réservée à ses ayants-droits, l'arrêt relève que la décision du 12 septembre 2019 a confirmé le jugement du 5 septembre 2017 rejetant ses demandes et que la cassation n'est intervenue que du seul chef du rejet de la demande tendant à la condamnation de l'assureur en paiement d'une somme de 372 818 euros au titre du contrat d'assurance-vie et d'une somme de 100 000 euros au titre de la résistance abusive puis retient que les demandes en paiement d'une pension annuelle, des intérêts, et d'une somme à verser aux ayants-droit ne sont pas celles visées par le moyen de cassation et soumises à la Cour de cassation.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, si les demandes qui lui étaient soumises ne tendaient pas aux mêmes fins que la demande initiale sur laquelle il avait été statué par le chef de l'arrêt atteint par la cassation ou n'en constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déclare irrecevables les demandes de M. [F] tendant au paiement d'une pension annuelle de 43 511 euros à partir du 1er décembre 2016 et au versement sur le compte assurance-vie n° 74076476 au taux technique de 3,50 %, d'une somme de 466 294 euros entraîne la cassation des autres chefs de dispositif de l'arrêt, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Swisslife assurance et patrimoine et la société Swisslife assurances de biens aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Swisslife assurance et patrimoine et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille vingt-quatre.

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