28 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.547

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200054

Titres et sommaires

CASSATION - Contrariété de décisions - Conditions - Décisions inconciliables

La contrariété de décisions n'est caractérisée au sens de l'article 618 du code de procédure civile, que lorsqu'elles sont inconciliables dans leur exécution

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 mars 2024




Annulation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 54 F-B

Pourvoi n° D 22-15.547




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MARS 2024

La société Alligator, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° D 22-15.547 contre l'arrêt rendu le 11 février 2011 par la cour d'appel de Paris (pôle 5-chambre 2), et le jugement rendu le 29 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Lyon (10e chambre civile) dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Impexit, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société [T], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [N] [T], en qualité de mandataire ad'hoc de la société Distribution nouveautés Gadgets Cash,

3°/ à la société Jerôme Allais, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], prise en qualité de mandataire ad'hoc de la société Startoy,

4°/ à la société MJ Juralp, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], succédant à la société Pascal Leclerc, prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Gautheron,

5°/ à la société MJ Alpes, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [G] [Z], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Alligator,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de Me Bertrand, avocat de la société Alligator, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Impexit, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt et le jugement attaqués (Paris, 11 février 2011 et Lyon, 29 juin 2017), se prévalant de droits d'auteur sur une marmotte en peluche, la société Alligator a assigné en contrefaçon et concurrence déloyale, en premier lieu, les sociétés Impexit et DNG Cash devant une cour d'appel qui a statué par un arrêt du 11 février 2011, en second lieu, les sociétés Gautheron, Startoy et DNG Cash devant un tribunal judiciaire qui s'est prononcé par jugement du 29 juin 2017.

2. La société a formé un pourvoi contre ces deux décisions sur le fondement de l'article 618 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Alligator fait grief à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 février 2011 et au jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 29 juin 2017 de respectivement décider que la société Impexit était titulaire des droits d'auteur sur un modèle de marmotte en peluche et que la société Alligator était titulaire de ces mêmes droits sur ce même modèle alors « que lorsque deux décisions, dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables ou aboutissent à un déni de justice, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique, la Cour de cassation annulant en ce cas l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux ; que la première décision frappée de pourvoi (arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 février 2011) désigne dans son dispositif la société Impexit en qualité de titulaire des droits d'auteur sur un modèle de peluche et que la seconde décision frappée de pourvoi (jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 29 juin 2017) désigne dans son dispositif la société Alligator comme étant titulaire de ces mêmes droits d'auteur ; que ces deux décisions, dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont contradictoires et aboutissent à un déni de justice sur la titularité des droits d'auteur sur le modèle litigieux, ce qui justifie leur annulation en application des dispositions de l'article 618 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 618 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ce texte que lorsque deux décisions non susceptibles d'un recours ordinaire sont inconciliables, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique. La contrariété entre des décisions toutes rendues par des juridictions civiles, qui doit s'apprécier en fonction de leurs dispositifs respectifs et non de leurs motifs, se trouve caractérisée lorsque ces décisions sont inconciliables dans leur exécution. Si la contrariété est constatée, la Cour de cassation annule l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux.

5. Par l'arrêt du 11 février 2011, la cour d'appel a dit que la société Impexit était titulaire de droits d'auteur sur le modèle de marmotte en peluche et fait interdiction sous astreinte à la société Alligator de fabriquer, importer, exposer et vendre la marmotte en peluche.

6. Par le jugement du 29 juin 2017, le tribunal judiciaire a dit que la marmotte en peluche était une oeuvre originale de la société Alligator et qu'elle était titulaire du droit d'auteur sur cette oeuvre.

7. Du rapprochement de ces deux décisions, il résulte tout à la fois que la société Alligator est titulaire des droits d'auteur sur le modèle de marmotte et qu'elle ne l'est pas.

8. Ces deux décisions sont inconciliables et aboutissent à un déni de justice.

9. Il y a lieu en conséquence d'annuler l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 11 février 2011 et le jugement devenu définitif rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 29 juin 2017.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,

ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 juin 2017, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et ce jugement et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des décisions annulées ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille vingt-quatre.

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