27 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-84.461

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CR00388

Titres et sommaires

SAISIES - Saisies spéciales - Autorisation du procureur de remise d'un bien meuble à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) aux fins d'aliénation - Motifs - Exclusion - Frais de justice engendrés par la conservation des biens

Selon l'article 41-5 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut autoriser la remise à l'AGRASC, en vue de leur aliénation, des biens meubles saisis dont la conservation en nature n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur. L'importance des frais de justice engendrés par la conservation de ces biens ne constitue pas un motif propre à justifier cette remise. Encourt la cassation, l'arrêt de la chambre de l'instruction qui retient, pour confirmer la décision du procureur de la République de remise à l'AGRASC de biens placés sous main de justice, qu'ils sont soit volumineux et engendrent des frais de justice conséquents, soit nécessitent des conditions de conservation et d'entretien particulières pour éviter leur dépréciation, ce qu'un service des scellés n'est pas en mesure d'offrir

Texte de la décision

N° F 23-84.461 F-B

N° 00388


MAS2
27 MARS 2024


IRRECEVABILITE
CASSATION

M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 MARS 2024




M. [X] [L] [R] et la société [X] [L] [R] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 7 juillet 2023, qui, dans la procédure suivie des chefs d'escroquerie aggravée et abus de biens sociaux, a confirmé la décision de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation prise par le procureur de la République.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X] [L] [R] et de la société [X] [L] [R], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre de l'enquête diligentée des chefs susvisés, et par acte du 8 décembre 2022, le procureur de la République a décidé de remettre à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) aux fins d'aliénation divers biens meubles saisis au domicile de M. [X] [L] [R].

3. L'intéressé a contesté la décision devant la chambre de l'instruction.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la société [X] [L] [R]


4. Le pourvoi, formé le 8 août 2023, plus de cinq jours francs après la notification de l'arrêt, est irrecevable comme tardif, en application de l'article 568 du code de procédure pénale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le recours formé contre l'autorisation de remettre les objets saisis à l'AGRASC en vue de leur aliénation, alors :

« 3°/ que l'aliénation d'objets saisis n'est possible que lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien ; que les frais et les difficultés de conservations ne peuvent donc justifier l'aliénation ; qu'en autorisant néanmoins celle-ci, au motif qu'« Il apparaît par ailleurs, que les biens saisis, de natures diverses, sont soit volumineux et engendrent des frais de justice conséquents, soit nécessitent des conditions de conservation et d'entretien particulières pour éviter leur dépréciation ce qu'un service des scellés n'est pas en mesure d'offrir », la chambre de l'instruction a méconnu les articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21 du code pénal, préliminaire, 41-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 41-5 et 593 du code de procédure pénale :

7. Selon le premier de ces textes, le procureur de la République peut autoriser la remise à l'AGRASC, en vue de leur aliénation, des biens meubles saisis dont la conservation en nature n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi, lorsque le maintien de la saisie serait de nature à en diminuer la valeur.

8. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

9. Pour confirmer la décision, l'arrêt attaqué retient notamment qu'il apparaît que les biens saisis, de natures diverses, sont soit volumineux et engendrent des frais de justice conséquents, soit nécessitent des conditions de conservation et d'entretien particulières pour éviter leur dépréciation, ce qu'un service des scellés n'est pas en mesure d'offrir.

10. En se déterminant, alors que l'importance des frais de justice engendrés par la conservation des biens placés sous main de justice ne constitue pas un motif de remise à l'AGRASC au fins d'aliénation de ces biens, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

11. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par la société [X] [L] [R] :

Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;

Sur le pourvoi formé par M. [L] [R] :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 7 juillet 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-quatre.

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