27 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-22.787

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00346

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mars 2024




Cassation partielle sans renvoi


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 346 F-D

Pourvoi n° Y 22-22.787







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MARS 2024

La société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 22-22.787 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [R], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Air France, de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Palle, conseiller, M. Juan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 septembre 2022) et les pièces de la procédure, M. [R] a été engagé en qualité d'officier mécanicien navigant le 16 juin 1992 par la société Air France. A compter du 5 mai 1997, il a exercé les fonctions d'officier pilote.

2. Déclaré définitivement inapte à exercer sa profession de navigant comme classe 1 ou 2 par le conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) le 20 mai 2015, le salarié a été licencié le 19 juin 2015.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger le licenciement du salarié nul, de le condamner à verser à ce dernier une somme à titre de dommages-intérêts et d'ordonner de rembourser aux organismes sociaux concernés les indemnités de chômage éventuellement versées dans la limite de six mois, alors :

« 1°/ que le médecin du travail n'a pas à se prononcer sur l'inaptitude d'un salarié à exercer ses fonctions de pilote, cette inaptitude ayant été constatée par une décision définitive et objective du conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) qui s'impose tant au salarié qu'à l'employeur et qui interdit la poursuite des fonctions de pilote en raison de la perte de licence consécutive à l'inaptitude constatée ; que la cour d'appel qui a constaté que par décision du 20 mai 2015, le CMAC a déclaré M. [R] définitivement inapte à exercer ses fonctions de pilote et qu'il a refusé d'être reclassé dans un emploi au sol, a cependant considéré que le médecin du travail aurait dû se prononcer sur l'état de santé de l'intéressé et son aptitude à un changement de poste dans le cadre d'une visite médicale de reprise, ce qui rendait nulle la rupture du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, R. 4624-31 du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause et les articles L. 6511-4 et L. 6521-6 du code des transports ;

2°/ que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir du chef du dispositif de l'arrêt attaqué par la première branche du moyen qui a retenu que le licenciement de M. [R] était nul faute pour l'employeur d'avoir organisé une visite médicale de reprise auprès du médecin du travail aux fins de constater son inaptitude à exercer des fonctions de pilote entraînera la cassation par voie de conséquence des chefs du dispositif de l'arrêt attaqué qui ont condamné la société Air France à verser à l'intéressé la somme de 102 000 euros à titre de dommages-intérêts et à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a exactement décidé que les dispositions spéciales du code de l'aviation civile et du code des transports qui prévoient la compétence du CMAC pour se prononcer sur le caractère définitif des inaptitudes des personnels navigants titulaires d'un titre aéronautique n'ont pas le même objet que les dispositions d'ordre public du code du travail, de sorte que le médecin du travail doit se prononcer sur l'inaptitude du salarié.

6. Le moyen, privé de portée en ce qu'il invoque une cassation par voie de conséquence en sa seconde branche, n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à rembourser aux organismes sociaux concernés les indemnités de chômage éventuellement payées à Pôle emploi dans la limite de six mois, alors « que dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 1235-4 du code du travail prévoyait que dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 (licenciement sans cause réelle et sérieuse) et L. 1235-11 du code du travail (procédure de licenciement nulle pour non-respect par l'employeur de l'article L. 1235-10 du même code), le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois; que le remboursement des indemnités chômage ne pouvait donc pas être ordonné en cas de licenciement jugé nul pour discrimination ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2 du code civil et l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

9. Après avoir décidé que le licenciement du salarié était nul, l'arrêt ordonne d'office à l'employeur le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à l'intéressé dans la limite de six mois d'indemnisation.

10. En statuant ainsi, alors que le licenciement du salarié a été prononcé le 19 juin 2015, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, et qu'ainsi le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation du chef de dispositif ordonnant, s'il y a lieu, le remboursement à Pôle emploi des sommes éventuellement versées au salarié au titre du chômage dans la limite de six mois d'indemnités n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée par voie de retranchement n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce que qu'il ordonne le remboursement par la société Air France à Pôle emploi des sommes éventuellement versées au salarié au titre du chômage dans la limite de six mois d'indemnité, l'arrêt rendu le 9 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air France et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-quatre.

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