21 mars 2024
Cour d'appel de Rennes
RG n° 22/04640

4ème Chambre

Texte de la décision

4ème Chambre





ARRÊT N° 68



N° RG 22/04640

N°Portalis DBVL-V-B7G-S7BV











(2)











Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 MARS 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Mme Juliette SAUVEZ, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 16 janvier 2024





GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 18 Janvier 2024

devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE et Madame Nathalie MALARDEL, magistrates tenant seules l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial





ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Mars 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats





****





APPELANTE :



S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentée par Me Valérie POSTIC de la SELARL ATHENA AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER







INTIMÉS :



Monsieur [S] [T]

né le 09 Septembre 1964 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Pauline GOURRET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER







Madame [R] [T] épouse [T]

née le 01 Août 1964 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Pauline GOURRET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER





S.A.R.L. LE CORRE CONSTRUCTIONS

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Hélène DAOULAS de la SELARL DAOULAS-HERVE ET ASS., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER





Compagnie d'assurance CRAMA de BRETAGNE-PAYS DE LA LOIRE dite GROUPAMA LOIRE- BRETAGNE

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es-qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Gérard BRIEC de la SELARL BRIEC GERARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER










FAITS ET PROCÉDURE



 

Suivant devis du 3 août 2005, M. et Mme [T] ont confié à la société Le Corre-Le Pape, assuré par la CRAMA, l'exécution des lots maçonnerie, charpente, isolation, menuiseries intérieures et extérieures, dans le cadre de la rénovation d'un bâtiment ancien et de la construction d'une maison attenante [Adresse 1].



Les travaux se sont déroulés entre le 1er décembre 2005 et le 5 décembre 2007.

 

La réception a été prononcée le 5 janvier 2008.

 

En 2010, M. et Mme [T] ont confié à M. [M] [V], assuré auprès de la société Axa France Iard, la mise en 'uvre d'une étanchéité et la pose de carrelage sur la terrasse extérieure du premier étage.

 

Se plaignant de dégradations du nouvel enduit, d'entrée d'eau en sous-sol dans la maison neuve, de remontées capillaires en jonction avec le bâtiment existant et d'une altération de la terrasse carrelée auxquelles les interventions successives de la société Le Corre-Le Pape n'avaient pu mettre un terme, M. et Mme [T] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Quimper aux fins d'expertise.

 

Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 31 janvier 2018. M. [Y] a été désigné. Il a déposé une première note le 6 mars 2019. Il a été remplacé par ordonnance du 9 septembre 2019 par M. [X] qui a déposé son rapport le 22 octobre 2020.

 

Par actes d'huissier des 24 février et 2 mars 2021, M. et Mme [T] ont fait assigner les sociétés Le Pape-Le Corre, devenue Le Corre Constructions, ainsi que la société Axa France Iard, en qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [M] [V] devant le tribunal judiciaire de Quimper en indemnisation de leurs préjudices.

 

Par actes d'huissier des 7 et 10 mai 2021, la société Le Corre Constructions a appelé à la cause son assureur au jour des travaux, la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire, et son assureur au jour de la réclamation, la société Axa France Iard.

 

Par un jugement en date du 21 juin 2022, le tribunal judiciaire a :

 

- déclaré irrecevable la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité décennale de la société Le Corre Constructions, à soulever la fin de non-recevoir tiré de la forclusion des demandes présentées par M. et Mme [T] ;

- déclaré la société Le Corre Constructions responsable sur le fondement de la garantie décennale des désordres affectant l'enduit des façades Ouest et Sud, des traces d'humidité en sous-sol, et des remontées capillaires à la jonction entre l'existant et l'extension constatées par M. [X] dans son rapport déposé le 22 octobre 2020 ;

- déclaré la société Le Corre Constructions responsable sur le fondement de la responsabilité contractuelle, des désordres affectant l'enduit des façades Nord et Est ; 

- dit et jugé que la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [W] [V], exerçant sous l'enseigne Ouest Céramic, doit sa garantie pour les désordres affectant la terrasse carrelée réalisée par son assurée ;

- condamné la société Le Corre Constructions à verser à M. et Mme [T] les sommes de :

          - 21 943,47 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des travaux de reprise des façades ;

- 3 807,59 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre des travaux de reprise des désordres constatés en jonction de l'existant et de l'extension ; 

- 1 833,59 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre des travaux de reprise de la cloison ;

- 5 300 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre des frais de maîtrise d''uvre ;

- rejeté la demande présentée par M. et Mme [T], tendant à la condamnation de la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions, au règlement des frais de maîtrise d''uvre ;

- condamné in solidum la société Le Corre Constructions et son assureur responsabilité civile décennale, la société Axa France Iard, à verser à M. et Mme [T], la somme de 1 000 euros, en réparation du préjudice de jouissance subi ;

- dit et jugé bien fondée la société Axa France Iard, à opposer au maître de l'ouvrages, la franchise contractuellement fixée à la somme de 1 279 euros ;

- condamné la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions, à la date d'ouverture du chantier, à garantir son assurée, du coût des travaux de reprise des seuls désordres de nature décennale, à savoir, la reprise des façades Ouest et Sud (16 275,02 euros) et reprise des désordres constatées à la jonction de l'existant et de l'extension (3 807,59 euros) ;

- condamné la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions au jour de la réclamation à garantir son assurée des condamnations prononcées au bénéfice de M. et Mme [T] au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance subi ; 

- condamné la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [V], exerçant sous l'enseigne Ouest Céramique à verser à M. et Mme [T] la somme de 13 895,76 euros TTC avec intérêt au taux légal à compter du jugement, au titre des travaux de reprise de la terrasse ;

- condamné in solidum la société Le Corre Constructions, la CRAMA, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions à la date de l'ouverture de chantier, la société Axa France Iard en sa en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions au jour de la réclamation et la société Axa France Iard, en sa en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [V], exerçant sous l'enseigne Ouest Céramic, à verser à M. et Mme [T] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire :

- rejeté toute autre demande ;

- condamné in solidum la société Le Corre Constructions, la CRAMA, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions, à la date de l'ouverture de chantier, la société Axa France Iard, en sa en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions, au jour de la réclamation et la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [V], exerçant sous l'enseigne Ouest Céramic, au dépens incluant les frais d'expertise judiciaire ;

- condamné la société Axa France Iard, en sa en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Construction à garantir son assurée des condamnations prononcées au titre de dépens et des frais irrépétibles exposés.  

 

La société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision par déclaration du 20 juillet 2022.

 

L'instruction a été clôturée le 5 décembre 2023.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



 

Dans ses dernières conclusions en date du 23 mai 2023, au visa de l'article 1792 du code civil, la société Axa France Iard demande à la cour de :

 

- recevoir la société Axa en qualité d'assureur de responsabilité décennale de M. [V] en son appel ;

- la déclarer bien fondée ;

Y faisant droit,

- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a :

- dit et jugé que la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [W] [V], exerçant sous l'enseigne Ouest Céramic, doit sa garantie pour les désordres affectant la terrasse carrelée réalisée par son assuré ;

- condamné la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [V], exerçant sous l'enseigne Ouest Céramic, à verser à M. et Mme [T] la somme de 13 895,76 euros TTC avec intérêt au taux légal à compter du jugement, au titre des travaux de reprise de la terrasse ;

- condamné in solidum la société Le Corre Constructions, la CRAMA, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions, à la date de l'ouverture de chantier, la société Axa France Iard, en sa en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions au jour de la réclamation et la société Axa France Iard en sa en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [V], exerçant sous l'enseigne Ouest Céramic, à verser à M. et Mme [T] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Le Corre Constructions, la CRAMA, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions à la date de l'ouverture de chantier, la société Axa France Iard, en sa en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions au jour de la réclamation et la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de M. [V], exerçant sous l'enseigne Ouest Céramic, au dépens incluant les frais d'expertise judiciaire ;

- juger que les travaux de pose de carrelage réalisés par M. [L] les travaux de carrelage réalisés sur la terrasse extérieure existante attenante à l'habitation des époux [T] ne sont pas constitutifs d'un ouvrage ;

- juger que les désordres affectant les travaux réalisés par M. [L] n'entrainent pas d'impropriété à destination de la terrasse ni ne compromettent la solidité de la terrasse ;

- par conséquent, débouter les époux [T] de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Axa ès qualités d'assureur de responsabilité décennale de M. [V] au titre des désordres affectant les travaux de carrelage réalisés sur la terrasse extérieure existante attenante à leur habitation ;

- juger que la demande de la société Le Corre Constructions de voir condamner la société Axa en sa qualité d'assureur de responsabilité civile de la société Le Corre Constructions au titre de la garantie des dommages intermédiaires est constitutive d'une demande nouvelle en cause d'appel ;

- par conséquent, déclarer irrecevable la demande de la société Le Corre Constructions de voir condamner la société Axa en sa qualité d'assureur de responsabilité civile de l'entreprise au titre de la garantie des dommages intermédiaires ;

- l'en débouter ;

- débouter les époux [T] et la société Le Corre Constructions de leur réclamation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les époux [T] au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.

 

Dans leurs dernières conclusions en date du 24 novembre 2023, M. et Mme [T] demandent à la cour de :

 

- confirmer le jugement de première instance rendu par le tribunal judiciaire de Quimper le 21 juin 2022,

Y ajoutant,

- condamner in solidum les parties succombant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- débouter les défendeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions.



 

Dans ses dernières conclusions en date du 10 janvier 2023, la société Le Corre Constructions demande à la cour de :

 

- réformer le jugement ;

- débouter les époux [T] pour les enduits situés en façade Nord et Est ;

- limiter la reprise à l'enduit en façade Sud et Ouest et les remontées capillaires limitées au pied du mur encoffré ;

- limiter la réclamation financière au cout réel de reprise soit 2 900 euros et 600 euros ;

- débouter totalement les époux [T] pour le surplus tant au titre du préjudice matériel, qu'immatériel ;

- débouter les époux [T] pour toutes demandes fondées sur la responsabilité contractuelle, aucune faute n'étant établie ;

En tout état de cause,

- dire et juger la société Le Corre Constructions recevable en son action initiée à l'encontre des compagnies CRAMA et Axa France Iard ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la compagnie CRAMA à garantir la société Le Corre Constructions de toutes condamnations en principal, frais, dépens et intérêts qui pourraient être mises à sa charge au bénéfice de M. et Madame [T], au titre des préjudices matériels de nature décennale ;

Faisant droit à la demande reconventionnelle société Le Corre ;

- condamner la compagnie Axa France Iard à garantir la société Le Corre Constructions de toutes condamnations en principal, frais, dépens et intérêts qui pourraient être mises à sa charge au bénéfice de M. et Madame [T], au titre des préjudices immatériels, et dommages intermédiaires liés à la responsabilité contractuelle de la société Le Corre ;

- condamner la ou les parties succombant au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



 

Dans ses dernières conclusions en date du 13 janvier 2023, la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire demande à la cour de :

 

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Quimper en ce qu'il a :

- jugé que la garantie décennale de l'entreprise Le Corre Constructions s'appliquait aux désordres affectant le pignon sud de la maison appartenant aux époux [T], à l'exception des décollements d'enduit pour 629,41 euros HT ;

- intégré au coût des réparations le poste « Option ' plus-value pour imperméabilisation en finition talochée en remplacement de la finition lisse », pour 3 303,23 euros HT ;

- juger en conséquence que la garantie de la CRAMA doit s'appliquer uniquement aux postes :

- reprises pour le pignon ouest (imperméabilisation) : 6 989,32 euros HT ;

- reprises d'enduit pour le pignon sud : 629,41 euros HT ;

- prorata de 50 % pour les postes frais « d'aménagement et repli » chiffrés à 658,48 euros HT, du poste « gestion des déchets » chiffré à 41,80 euros HT ;

- débouter  M. et Mme [T] de toute demande excédant les sommes ci-dessus mentionnées ;

- juger qu'en toute hypothèse le poste « Option ' plus-value pour imperméabilisation en finition talochée en remplacement de la finition lisse », pour 3 303,23 euros HT ne peut pas être intégré au coût des travaux de réparation et débouter M. et Mme [T] de leur demande sur ce point.








MOTIFS



 

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Elle n'examinera donc les « dire et juger » et « constater » figurant au dispositif des conclusions des parties qu'autant qu'ils constituent des prétentions et non des moyens.





I. Sur la terrasse

 

La société Axa France Iard conteste la responsabilité décennale de M. [V] retenue par le tribunal. Elle soutient que les travaux de son assuré réglés 3 566,30 euros ne constituent pas un ouvrage et que le désordre n'est pas de nature décennale.



Aux termes de l'article 1792 du code civil tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.



Il résulte de la facture du 16 septembre 2010, de l'expertise et des photographies qui l'illustrent que la terrasse litigieuse est située à hauteur du premier étage de la maison et que M. [V] a déposé la rambarde en inox, mis en 'uvre une natte de drainage et une chape armée et posé le carrelage.



Selon l'expert, la natte est un procédé Dural lequel impose un mastic étanche périphérique. Il a constaté qu'elle s'arrête au droit de la façade sans gorge en remontée et que les joints sont ouverts contre la façade. Il indique que toute l'eau de ruissellement passe sous la natte et contre la chape et vient altérer l'ensemble carrelé et entraine des coulures à l'aplomb de façade et sur le plancher haut du sous-sol.



Il précise que la non-conformité de la terrasse induit des passages d'eau dans le local sous la terrasse (page 19 de l'expertise).



Il conclut que les défauts de la terrasse rendent celle-ci impropre à sa destination, que le décollement évolutif ira exponentiellement créant des ressauts entrainant des risques de chutes et de coupures par les carreaux.



A. Sur l'ouvrage



Contrairement à ce que soutient la société Axa France Iard, M. [V] n'a pas seulement posé des carreaux mais a mis en 'uvre une nappe d'étanchéité et de drainage puis une chape armée avant de poser le carrelage.



Les techniques du bâtiment utilisées, l'ajout de matériaux et notamment d'une étanchéité sur toute la surface de la terrasse destinée à éviter toute propagation de l'eau dans le sous-sol caractérisent la réalisation d'un ouvrage.



La question de l'existence d'un élément d'équipement évoqué par le maître de l'ouvrage est sans objet étant observé ainsi que le rappelle l'assureur que la nappe comme la chape ou le carrelage sont des éléments inertes qui ne fonctionnent pas et que ne peuvent être qualifiés d'éléments d'équipement au sens de l'article 1792 du code civil.





B. Sur la gravité du désordre



La société Axa France Iard conteste l'existence de ressaut ou de carreaux tranchants dans le délai décennal.



Ainsi que l'a retenu le tribunal, l'expert n'a observé aucun ressaut et carreaux tranchants alors que le délai d'épreuve décennal est échu depuis plus de trois ans.



En revanche, M. [X] a constaté des entrées d'eau en sous-sol, ce qu'illustrent les photographies page 14 ainsi que des coulures de calcites le long des façades.



Contrairement à ce que soutient l'assureur, la natte d'étanchéité est disposée sous la chape. Le premier expert judiciaire, M. [Y] avait constaté lors d'un sondage contradictoire des coulures de colle depuis la natte de drainage « sous la chape », ce qui est illustré par la photographie page 4 de la note d'expertise du 6 mars 2019 (pièce 16 ). La chape de carrelage, couche de mortier qui a pour fonction notamment de corriger les aspérités du sol, devait en effet être mise en 'uvre sous le carrelage sauf directives contraires de la notice de pose de la natte Dural que la société Axa France Iard ne produit pas pour étayer sa contestation.



Dès lors la natte d'étanchéité ne permet pas d'éviter toute entrée d'eau en sous-sol et ne protège pas la chape et les carreaux en l'absence de remontées contre la façade. L'étanchéité de la terrasse, élément constitutif de l'ouvrage, est donc impropre à sa destination.



La nature décennale du désordre est démontrée. La responsabilité de plein droit de la société Le Corre Constructions qui a réalisé les travaux est engagée ainsi que l'a justement retenu le tribunal.



En l'absence de contestation sur le montant des réparations fixé à 13 895,76 euros TTC par le tribunal, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard au paiement de cette somme à M. et Mme [T].





II. Sur la jonction entre le bâtiment existant et l'extension



L'expert a constaté de l'humidité et des cloques sur le doublage en placoplâtre qui habille le mur de l'ancienne bâtisse. Il précise que cet ancien bâtiment n'était pas isolé de l'humidité du sol comme cela est fréquemment le cas des constructions anciennes. Il ajoute qu'en l'absence de drainage l'environnement favorise les passages d'eau à proximité de ces parois.



La nature décennale du désordre qui porte atteinte au clos n'est pas contestée par les parties.



L'expert a préconisé au titre des travaux de reprise le piquage du crépi, le sablage des pierres et le suivi du jointement des pierres pour un coût de 3 558,50 euros TTC suivant le devis de M. [N] [A] ainsi que la dépose de la cloison dégradée, la réalisation d'une barrière hydrofuge et après séchage la pose d'une cloison type Fermacell, devisée 1 433,59 euros TTC puis sa mise en peinture pour 400 euros TTC.



La société Le Corre Constructions demande de voir limiter le montant de sa condamnation à 600 euros. Elle fait valoir avoir elle-même devisé les reprises pour 190 euros HT, que le piquage du mur permet d'assécher les remontées capillaires qui préexistaient aux travaux, que le surplus des travaux acceptés par l'expert et le tribunal constituent une amélioration non justifiée.



La CRAMA n'a pas conclu sur ce point.

 

Le devis de 190 euros HT de la société Le Corre Constructions ne comprend que le remplacement de la cloison sans traiter les causes de l'humidité qui auraient dû l'être durant les travaux de construction de l'extension. L'entrepreneur ne produit aucun devis complémentaire pour le piquage. Sa demande de réduction du coût des travaux n'est pas sérieuse et est incomplète en ce qu'elle ne comporte pas même de traitement hydrofuge.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'évaluation de l'expert après réactualisation des montants par M. [A] le 26 octobre 2021 et fixé le montant des travaux de reprise à 3 807,59 euros TTC et à 1 833,59 euros TTC le remplacement et la mise en peinture de la cloison dégradée.





III. Sur l'enduit



Le tribunal a considéré que les désordres affectant les façades Ouest et Sud étaient de nature décennale et que ceux affectant les deux autres façades entrainaient un préjudice esthétique relevant de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.



L'expert avait évalué à 16 038,76 euros HT le montant des travaux de reprise des quatre façades sur la base d'un devis de la société Poupon du 17 janvier 2020 dont 2 900 euros HT pour la reprise de la façade ouest, sauf à parfaire.



Les maîtres de l'ouvrage ont produit devant le tribunal un devis de la société Poupon actualisé au 30 septembre 2021 de 16 645,37 euros HT, lequel effectue en sus le chiffrage par façade suivant :



- facade ouest : 6 939,82 euros HT,

- façade sud : 3 336,82 euros HT dont 629,41euros HT pour la reprise de l'enduit cloqué,

- façade nord : 1 356 euros HT,

- façade Est : 4 312,45 euros HT,

- aménagement, nettoyage de fin de chantier, repli et gestion des déchets : 700, 28 euros HT.



La société Poupon propose en outre une option pour imperméabilisation en finition talochée en remplacement de la finition lisse pour 3 303,23 euros HT.



Le tribunal a condamné M. Le Corre Constructions au montant du devis de la société Poupon incluant l'option finition talochée pour un coût total de 21 943,47 euros TTC.





A. Sur la façade Ouest



Cette façade est affectée de fissures infiltrantes constatées par l'expert.



La nature décennale du désordre eu égard à l'atteinte au clos n'est pas contestée. Le tribunal a fixé à 6 939,82 euros HT le montant des travaux de reprise.



La société Le Corre Constructions demande à ce que son montant soit limité à 2 900 euros HT, correspondant à l'estimation de M. [X]. A contrario, son assureur la CRAMA ne conteste pas sa garantie pour le montant retenu par le tribunal.



L'expert n'a pas explicité la base sur laquelle il a opéré la répartition des montants de reprise par façade. Le coût de 2 900 euros HT retenu pour la façade ouest est surprenant alors qu'il est inférieur au quart du montant total des reprises et que la façade ouest est la seule affectée de fissures infiltrantes et que sa surface de 97m² est la plus importante, celle de la façade nord étant de 17,65m², celle de la façade sud de 35,31m² et celle de la façade Est de 60,40m².



Ainsi, alors que la société Le Corre Constructions n'oppose aucun argument technique pour s'opposer à la répartition précise effectuée par la société Poupon dans son deuxième devis, le tribunal a pertinemment écarté la répartition de l'expert et fixé à 6 939,82 euros HT la reprise de la façade Ouest.



B. Sur la façade sud



L'expert a constaté des fissurations de l'enduit avec faïençage et cloquage ponctuel.



Le tribunal a retenu la nature décennale du désordre affectant la façade sud compte tenu du décollement de l'enduit.



La CRAMA et la société Le Corre Constructions ne contestent pas la nature décennale de la perte de l'enduit provoquée par le cloquage et le montant des travaux de reprise estimé par l'expert à 572,25 euros HT.



En revanche, la société Le Corre Constructions et la CRAMA sont fondées à soutenir que la reprise du surplus de la façade ne concerne que des désordres de nature esthétique. La gravité décennale n'est ni argumentée ni caractérisée par les maîtres de l'ouvrage.



S'agissant du faïençage non infiltrant, il a été constaté par l'expert et est illustré par les photographies. Le préjudice esthétique est démontré.



L'expert a mesuré l'épaisseur de l'enduit. Il attribue l'origine des désordres à une épaisseur d'enduit insuffisante qui ne respecte pas le DTU 20.1. Il en résulte une résistance de l'enduit à la pluie moindre.



Contrairement à ce qu'elle soutient, la faute de la société Le Corre Constructions qui n'a pas appliqué une couche d'enduit suffisante a été démontrée par les investigations de l'expert.



Le jugement a ainsi à juste titre condamné société Le Corre Constructions à payer aux époux [T] la somme de 3 336,82 euros HT dont 629,41 euros HT pour la reprise de l'enduit cloqué au titre de la façade sud suivant le devis réactualisé de la société Poupon.



 

C. Sur les façades nord et Est



L'expert a constaté des auréoles en partie basse, une fissure horizontale en pieds de paroi sur la façade Nord et des faïençages généralisés et une fissuration sous allège avec délavage.



Le préjudice esthétique est démontré, les photographies illustrant les faïençage, dégradation et délavage des façades.



À l'instar de la façade Sud, la faute de la société Le Corre Constructions qui n'a pas appliqué une couche d'enduit suffisante est caractérisée.



La reprise des enduits de ces deux façades a été devisée 4 312,45 euros HT et 1 356 euros HT. La société Le Corre Constructions sera condamnée au paiement de ces sommes à M. et Mme [T].





D. Sur les frais de mise en place et repli, de nettoyage et gestion des déchets



Les frais d'aménagement de chantier, nettoyage et repli de fin de chantier et gestion des déchets s'élèvent à 700,28 euros HT, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal qui a inclus l'option enduit taloché.



La CRAMA observe à juste titre que l'option enduit en finition talochée est une amélioration et qu'il n'appartient ni à la société Le Corre Construction ni à son assureur de payer la somme de 3 303,23 euros HT.



Au regard de ce qui précède, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la société Le Corre Constructions à payer aux époux [T] la somme de 21 943,47 euros TTC.



La société Le Corre Constructions sera condamné à payer à M. et Mme [T] les sommes suivantes :

-7 633,80 euros TTC euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des travaux de reprise de la façade Ouest,

-3 670,50 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des travaux de reprise de la façade sud incluant 692,35 euros TTC pour la reprise de l'enduit cloqué,

- 1 491,60 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des façades Nord,

- 4 743,69 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des façades Est,

- 770,31 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des travaux aménagement, de repli, de nettoyage de fin de chantier et de gestion des déchets.





IV. Sur les garanties des assureurs





A. La CRAMA



Elle reconnait avoir été l'assureur décennal de la société Le Corre Constructions au moment des travaux et demande que sa garantie soit limitée, s'agissant de l'enduit, aux désordres matériels de nature décennale (pignon ouest, reprise d'enduit pour le pignon sud et participation aux frais de chantier).



Les désordres de nature décennale de l'enduit représentent 47,47% du montant total des travaux de reprise de l'enduit (8 326,15 (7 633,80+692,35) /17 539,59 (7 633,80+3 670,50+1 491,60+4 743,69)*100).



Compte tenu de ce qui a été jugé, la CRAMA sera tenue de garantir la société Le Corre Constructions au titre des frais de reprise de la façade Ouest, de la reprise de l'enduit de la façade Sud et du prorata des frais accessoires d'aménagement et nettoyage du chantier pour un montant total de 12 499,40 euros TTC comprenant 8 691,81 euros TTC (7 633,80+692,35+(770,31*47,47% )) au titre de l'enduit et 3 807,59 euros TTC au titre de la jonction entre le bâtiment existant et l'extension.





B. La société Axa France Iard



Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »



L'assureur soutient que la demande de garantie de la société Le Corre Constructions pour les désordres intermédiaires est nouvelle.



La société Le Corre Constructions n'a pas conclu sur ce point.



L'entrepreneur avait limité sa demande de garantie d'Axa France Iard en première instance aux préjudices immatériels. La demande de garantie au titre des préjudices matériels ne tend pas à la même fin et n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire visées aux articles 565 et 566 du code de procédure civile.



La demande de garantie de la société Le Corre Construction pour les préjudices matériels est nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et donc irrecevable.





V. Sur les demandes complémentaires de la société Le Corre Constructions



Si la société Le Corre Constructions fait plaider à la page 4 de ses écritures que son appel incident est limité à la mobilisation de la garantie contractuelle pour les défauts esthétiques et la garantie d'Axa France Iard réclamée à ce titre, elle sollicite pourtant dans son dispositif l'infirmation du jugement et demande de voir débouter les époux [T] de leur demande au titre de leur préjudice immatériel et du surplus du préjudice matériel.



Elle fait valoir que compte tenu des compétences de la société Poupon le recours à un maître d''uvre n'est pas indispensable.



Compte tenu de l'intervention de plusieurs sociétés pour réaliser les travaux réparatoires, [A], Poupon, Traitement de l'Ouest, et de la complexité de certaines reprises, la coordination par un maître d''uvre est nécessaire.



Cependant au regard du montant total des travaux de reprise, la somme accordée par le tribunal est excessive et sera réduite à 4 000 euros TTC, selon les honoraires usuels d'un maître d''uvre.



Le jugement est infirmé.



La société Le Corre Constructions soutient qu'il n'existe aucun préjudice de jouissance, que les époux [T] ont toujours occupé normalement leur habitation.



C'est cependant à juste titre que les premiers juges ont retenu que la jouissance de leur habitation à usage secondaire et de la terrasse sera perturbée durant les travaux et fixé à 1 000 euros le montant des dommages et intérêts. Le jugement est confirmé de ce chef.





VI. Sur les autres demandes



Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles et des dépens sont confirmées.



Les sociétés Axa France Iard et Le Corre Constructions, qui succombent pour l'essentiel seront condamnées in solidum à payer une indemnité supplémentaire de 2 500 euros à M. et Mme [T] et aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



Les parties seront déboutées du surplus de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







PAR CES MOTIFS



La cour,



Déclare irrecevable la demande de la société Le Corre Constructions de garantie contre la société Axa France Iard au titre des dommages intermédiaires,



Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a :



- déclaré la société Le Corre Constructions responsable sur le fondement de la garantie décennale des désordres affectant l'enduit des façades Ouest et Sud, des traces d'humidité en sous-sol, et des remontées capillaires à la jonction entre l'existant et l'extension constatées par M. [X] dans son rapport déposé le 22 octobre 2020 ;

- condamné la société Le Corre Constructions à verser à M. et Mme [T] la somme de 21 943,47 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des travaux de reprise des façades et celle de

5 300 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre des frais de maîtrise d''uvre

- condamné la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions, à la date d'ouverture du chantier, à garantir son assurée, du coût des travaux de reprise des seuls désordres de nature décennale, à savoir, la reprise des façades Ouest et Sud (16 275,02 euros) et reprise des désordres constatées à la jonction de l'existant et de l'extension (3 807,59 euros) ;



Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés



Condamne la société Le Corre Constructions à payer à M. et Mme [T] les sommes de :

           -7 633,80 euros TTC euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des travaux de reprise de la façade Ouest,

-3 670,50 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des travaux de reprise de la façade sud,

- 1 491,60 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des façades Nord,

- 4 743,69 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des façades Est,

- 770,31 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des travaux aménagement, de repli, de nettoyage de fin de chantier et de gestion des déchets,

- 4 000 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre des frais de maîtrise d''uvre,



Condamne la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Le Corre Constructions, à garantir la société Le Corre Constructions à hauteur de 12 499,40 euros TTC euros au titre des désordres décennaux,



Confirme le jugement entrepris pour le surplus,



Y ajoutant



Déboute les parties du surplus de leurs demandes



Condamne in solidum les sociétés Axa France Iard et Le Corre Constructions à payer une indemnité complémentaire de 2 500 euros à M. et Mme [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne in solidum les sociétés Axa France Iard et Le Corre Constructions aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.





Le Greffier, Le Président,

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