21 mars 2024
Cour d'appel de Poitiers
RG n° 24/00011

Référés Premier Président

Texte de la décision

Ordonnance n 15

















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21 Mars 2024

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N° RG 24/00011 -

N° Portalis DBV5-V-B7I-G63T

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[X] [J] liquidateur amiable de la Sté TP INNOV



C/

E.U.R.L. MENUISERIE GODU

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE



RÉFÉRÉ









Rendue publiquement le vingt et un mars deux mille vingt quatre par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière,



Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt deux février deux mille vingt quatre, mise en délibéré au vingt et un mars deux mille vingt quatre.





ENTRE :





Monsieur [X] [J] liquidateur amiable de la Sté TP INNOV

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Charlotte JOLY de la SCP BCJ BROSSIER - CARRE - JOLY, avocat au barreau de POITIERS





DEMANDEUR en référé ,



D'UNE PART,





ET :





E.U.R.L. MENUISERIE GODU

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pauline MARQUES-MELCHY, avocat au barreau de POITIERS





DEFENDEUR en référé ,



D'AUTRE PART,







Faits et procédure :

Par devis en date du 16 mai 2018, l'EURL MENUISERIE GODU a confié divers travaux à la SARL TP INNOV.



Le maître d'ouvrage ayant fait part de son insatisfaction à l'égard de certaines prestations réalisées par la société TP INNOV, cette dernière a, par exploit en date du 14 octobre 2019, été assignée aux fins d'expertise judiciaire.



Ladite mesure d'expertise judiciaire a été ordonnée selon ordonnance en date du 20 novembre 2019.



L'expert a déposé son rapport d'expertise le 17 mars 2020.



Monsieur [X] [J] fait valoir qu'à cette époque la société TP INNOV se trouvait dans une situation financière précaire et qu'il était dans l'incapacité, en sa qualité de gérant, de travailler compte-tenu de son état de santé.



Il indique que la société aurait été administrativement gérée par son comptable la SAS MF AUDIT CONSEIL et que décision aurait été prise de procéder à la fermeture de l'entreprise.



Il soutient que la SAS MF AUDIT CONSEIL se serait occupée des démarches idoines et qu'elle aurait indiqué à Monsieur [X] [J] de ne rien faire, de sorte que la société TP INNOV ne se serait pas défendue à la procédure en référé et n'aurait pas été représentée lors des opérations d'expertise judiciaire.



La société TP INNOV a été dissoute selon procès-verbal d'assemblée générale du 17 décembre 2019 avec publication au journal officiel le 9 février 2020, la dissolution étant mentionnée au BODACC le 6 novembre 2020.



Parallèlement, le maître d'ouvrage a fait assigner la SARL TP INNOV devant le tribunal de commerce de Poitiers aux fins d'indemnisation des travaux de reprise estimés à 60 000 €.



Le liquidateur amiable de ladite société n'ayant pas été attrait à la cause, le tribunal de commerce de Poitiers a statué à l'encontre de la SARL TP INNOV dans son jugement du 28 juin 2021 et l'a condamnée à hauteur de 66 933,52 €.



La SARL TP INNOV a été radiée le 19 février 2022.



C'est ainsi que par exploit en date du 31 mai 2023, l'EURL MENUISERIE GODU a fait assigner à titre personnel Monsieur [X] [J] en qualité de liquidateur amiable de la SARL TP INNOV aux fins de le voir condamné à indemniser les sommes mises à la charge de ladite société selon jugement du tribunal de commerce de Poitiers en date du 28 juin 2021.



Par jugement en date du 18 septembre 2023, le tribunal de commerce de Poitiers a :



- dit que Monsieur [X] [J] a commis une faute dans la liquidation amiable de son entreprise TP INNOV en ne provisionnant pas de garanties suffisantes ou en ne différant pas la liquidation de son entreprise en vue de répondre aux condamnations éventuelles dont il avait connaissance, et le sachant en ne sollicitant pas l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société.

- engagé la responsabilité de Monsieur [X] [J] en vertu de l'article L.237-12 du code de commerce ;





- condamné Monsieur [X] [J] à indemniser l'intégralité des préjudices subis par l'EURL MENUISERIE GODU et à lui verser au titre de dommages et intérêts, l'intégralité des sommes mises à la charge de TP INNOV par jugement du tribunal de commerce de Poitiers en date du 28 juin 2021, soient 66 933,52 euros ;

- assorti des intérêts au taux légal à compter du jugement du 18 septembre 2023 ;

- condamné Monsieur [X] [J] à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [X] [J], partie qui succombe, aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 69,59 euros toutes taxes comprises ;


- dit que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.



Monsieur [X] [J] a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 10 novembre 2023.



Par exploit en date du 29 janvier 2024, Monsieur [X] [J] a fait assigner l'EURL MENUISERIE GODU devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.



L'affaire a été appelée à l'audience du 22 février 2024.



Monsieur [X] [J] fait valoir que la condamnation du liquidateur amiable ne pourrait être égale au montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société, mais seulement partielle, selon la perte de chance subie par le créancier eu égard aux perspectives concrètes de règlement par la personne morale de ladite condamnation et selon la perte de chance induite par la faute du liquidateur d'obtenir le paiement par la société dans le cadre de la liquidation judiciaire qui aurait du être sollicitée, de sorte qu'il existerait un moyen sérieux de réformation dudit jugement.



S'agissant des conséquences manifestement excessives, Monsieur [X] [J] indique ne pas avoir les capacités financières pour assumer le montant total des condamnations prononcées à son encontre.



Il indique ne disposer d'aucune épargne et être le gérant d'une autre société, la société INNOV ART, dont le dernier bilan laisserait apparaitre un déficit de 43 000 euros.



Il indique, en outre, que son revenu personnel pour l'année 2022 s'élèverait à la somme de 16 200 euros telle que retenue au terme de la décision d'aide juridictionnelle et soutient ne pas être admissible à l'emprunt.



L'EURL MENUISERIE GODU s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de Monsieur [X] [J].



Elle soutient que ce dernier ne justifierait d'aucun moyen sérieux d'annulation ou de réformation.

Elle indique que Monsieur [X] [J] ne serait pas fondé à opposer que le jugement dont appel ne se soit pas prononcé sur la question de l'indemnisation au titre de la perte de chance alors qu'il n'a pas comparu à l'audience et ne s'est pas fait représenter pour faire état d'une prétendue perte de chance.



Elle fait valoir que selon la jurisprudence constante de la cour de cassation, le liquidateur amiable est tenu, dès la naissance du litige, de constituer une provision dans les comptes liquidatifs, et qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation, alors que Monsieur [X] [J] ne justifierait pas de ce que les actifs de la société TP INNOV n'auraient pas permis de régler les dommages et intérêts dus.



Elle soutient que la société TP INNOV aurait été sciemment radiée afin d'échapper à toute poursuite et paiement de dommages et intérêts mis à sa charge par le jugement du tribunal de commerce de Poitiers le 28 juin 2021 alors qu'il continuerait à exploiter à la même adresse à Jardres, une autre entreprise, ART INNOV, laquelle proposerait des services pour des travaux d'aménagement extérieur.



Elle fait ainsi valoir qu'il appartenait à Monsieur [X] [J] de différer la clôture et de solliciter une liquidation judiciaire.



L'EURL MENUISERIE GODU soutient que Monsieur [X] [J] ne justifierait ni de ses revenus, ni de son patrimoine actuel et qu'il ne ressortirait pas des éléments versés aux débats que l'exécution provisoire risquerait d'entraîner pour lui des conséquences manifestement excessives.



Elle sollicite la condamnation de Monsieur [X] [J] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Il est renvoyé aux conclusions écrites des parties déposées lors de l'audience pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.






Motifs :



L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.



La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.



En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.



Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes : la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.



Les pièces versées aux débats par Monsieur [X] [J] sont lacunaires et ne permettent pas d'apprécier la réalité de sa situation financière et patrimoniale.



Il en résulte que Monsieur [X] [J] échoue à démontrer que le paiement des sommes mises à sa charge au titre de l'exécution provisoire aurait pour lui des conséquences manifestement excessives.



Ainsi, les conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, faute pour Monsieur [X] [J] de rapporter la preuve de l'existence de conséquences manifestement excessives à l'exécution provisoire de la décision litigieuse, il n'y a pas lieu d'examiner les autres conditions liées aux moyens sérieux d'annulation ou de réformation, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est rejetée.







Succombant à la présente instance, Monsieur [X] [J] est condamné à payer à l'EURL MENUISERIE GODU la somme 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Décision :



Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :



Déboutons Monsieur [X] [J] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision rendue par le tribunal de commerce de Poitiers le 18 septembre 2023,



Condamnons Monsieur [Z] [J] à payer à l'EURL MENUISERIE GODU la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamnons Monsieur [X] [J] aux entiers dépens.



Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.





La greffière, La conseillère,







Inès BELLIN Estelle LAFOND

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