20 mars 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/20115

Pôle 3 - Chambre 1

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 20 MARS 2024



(n°2024/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20115 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGYTU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Octobre 2022 - Tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 22/03550





APPELANT



Monsieur [T] [N]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11] (ALGERIE)

[Adresse 9]

[Adresse 9]



représenté et plaidant par Me Maguy BIZOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0941







INTIMEE



Madame [C] [K] [A] [F] divorcée [N]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 13] (MAROC)

[Adresse 8]

[Adresse 8]



représentée par Me Delphine TOMEZYK de l'ASSOCIATION SMADJA TOMEZYK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P86

ayant pour avocat plaidant Me Denis SMADJA, avocat au barreau de PARIS, toque : P86







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

M. Bertrand GELOT, Conseiller



Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON







ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.






***





EXPOSE DU LITIGE :



M. [T] [N] et Mme [C] [F] se sont mariés le [Date mariage 3] 1984 à [Localité 12] sous le régime de la séparation des biens suivant contrat de mariage signé le 3 juillet 1984 devant Me [B] [S], notaire.



De cette union sont issus quatre enfants :

-[I] né le [Date naissance 7] 1986,

-[E] née le [Date naissance 6] 1989,

-[R] née le [Date naissance 5] 1991,

-[X] né le [Date naissance 4] 1998.



M. [T] [N] et Mme [C] [F] ont acquis dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, par acte authentique signé le 7 mars 1988, conjointement pour le tout ou chacun pour la proportion de moitié, un pavillon sis [Adresse 8], constituant le lot n°104 de la copropriété, moyennant le prix de 1 600 000 francs, payé notamment au moyen d'un prêt de 1 444 000 francs consenti par la [10].



Par ordonnance de non-conciliation en date du 8 avril 2008, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Bobigny, désormais tribunal judiciaire, a :

-attribué à l'épouse, pour y fixer sa résidence provisoire, la jouissance à titre onéreux du logement et des biens mobiliers du ménage (à l'exception de certains) sis [Adresse 8],

-débouté les époux de leur demande de pension alimentaire,

-désigné Me [M] sur le fondement des articles 255.9° et 255.10° du code civil, la consignation devant être supportée par moitié par chacun des époux,

-fixé la résidence des enfants au domicile de la mère,

-organisé le droit de visite et d'hébergement du père,

-fixé la part contributive mensuelle du père à l'entretien et à l'éducation de chaque enfant à la somme de 500 euros, soit 2 000 euros par mois.



Sur l'appel interjeté par M. [T] [N], la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de non-conciliation en toutes ses dispositions, déboutant notamment M. [T] [N] de sa demande de réduction de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.



Puis M. [T] [N] a fait assigner Mme [C] [F] en divorce par exploit de Me [W] [J] en date du 9 juillet 2008.



Par ailleurs, par exploit d'huissier en date du 10 février 2015, M. [T] [N] a fait assigner Mme [C] [F] afin de voir fixer provisoirement à 102 541,64 euros la part des bénéfices de l'indivision lui revenant au titre de l'occupation par Mme [C] [F] des biens immobiliers indivis sis [Adresse 8], entre le 8 avril 2008 et le 31 décembre 2014.





Par jugement en date du 15 juillet 2015, devenu définitif, le président du tribunal de grande instance de Bobigny a :

-fixé provisoirement les bénéfices de l'indivision pour la période du 8 avril 2008 au 31 décembre 2014 à la somme de 134 990 euros,

-condamné Mme [F] à payer à M. [N] la somme de 67 245 euros à titre provisionnel sur sa part annuelle dans les bénéfices de l'indivision du 8 avril 2008 au 31 décembre 2014, sous réserve du compte à établir au moment de la liquidation de l'indivision,

-constaté l'accord des parties sur la compensation de cette somme avec les sommes dues par Mme [F] au titre de l'indemnité d'occupation et celles dues par M. [N] au titre des pensions alimentaires pour les enfants,

-dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté les demandes plus amples ou contraires,

-rappelé que la présente décision est exécutoire par provision,

-condamné Mme [F] aux dépens.



Le divorce des époux a été prononcé par jugement du 31 mars 2017 aux termes duquel le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Bobigny a :

-constaté que l'ordonnance de non-conciliation ayant statué sur les modalités de vie séparée des époux est en date du 8 avril 2008,

-débouté les parties de leurs demandes en divorce fondées sur les dispositions de l'article 242 du code civil,

-dit que les dépens sont partagés par moitié entre les parties,

-dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles.



Mme [C] [F] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 avril 2017.



Par arrêt rendu le 24 février 2021, la cour d'appel de Paris a notamment :

-infirmé le jugement rendu le 31 mars 2017 par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes en divorce fondées sur les dispositions de l'article 242 et 245 du code civil,

statuant de nouveau,

-prononcé le divorce aux torts partagés sur le fondement des articles 242 et 245 du code civil,

-dit irrecevable la demande de dommages et intérêts formée sur le fondement de l'article 226 du code civil,

-débouté Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts formée sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

-ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux [N]-[F],

-débouté Mme [F] de sa demande de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants majeurs [E], [R] et [X],

-débouté les parties de leurs demandes de prestation compensatoire,

-rejeté les demandes des parties aux fins de voir statuer sur leurs désaccords persistants.



Par assignation en date du 19 mars 2022, M. [T] [N] a fait citer Mme [C] [F] devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant selon la procédure accélérée au fond pour obtenir la répartition des bénéfices provisionnels.



Par jugement contradictoire rendu le 10 octobre 2022, le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant selon la procédure accélérée au fond a :

-débouté M. [T] [N] de ses demandes,

-débouté Mme [C] [F] de sa demande de compensation,

-rappelé que la décision est de droit assortie de l'exécution provisoire,

-débouté M. [T] [N] et Mme [C] [F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [T] [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 30 novembre 2022.

Mme [C] [F] a constitué avocat en date du 9 janvier 2023.



Par avis de fixation du 4 janvier 2023, l'affaire a été fixée à bref délai conformément à l'article 905 du code de procédure civile.

L'appelant a notifié ses premières conclusions par RPVA le 3 février 2023.

L'intimée quant à elle a notifié ses premières conclusions le 21 février 2023.



Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 mars 2023, M. [T] [N], appelant, demande à la cour de : 

-infirmer le jugement rendu le 10 octobre 2022 en ce qu'il :

*déboute M. [T] [N] de ses demandes,

*déboute M. [T] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamne M. [T] [N] aux dépens,

statuant à nouveau,

-dire M. [T] [N] bien fondé à solliciter le paiement immédiat de la somme lui revenant au titre de la répartition provisionnelle des bénéfices dus par Mme [C] [F] à l'indivision existant entre eux,

Fixer provisoirement la part provisionnelle des bénéfices dus par Madame [C] [F] à l'indivision [N] [F] au titre de l'occupation par elle des biens immobiliers indivis

- à la somme de 296.918 euros, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2021

-à la somme de 42.417 euros, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2022.

Condamner en conséquence Madame [C] [F] à payer à Monsieur [T] [N] la somme de 169.668 euros, sauf à parfaire, avec intérêts de droit à compter de la décision à intervenir et capitalisation de ceux-ci par année entière.

-condamner Mme [C] [F] à payer à M. [T] [N] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit 3 000 euros au titre de la procédure de première instance et 3 000 euros en raison de la procédure devant la cour, et les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Maguy Bizot, avocat aux offres de droit,

Confirmer le jugement pour le surplus.

Débouter Madame [C] [F] de toutes demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires.



M. [T] [N], appelant, a conclu à nouveau le 29 janvier 2024, veille de la clôture, demandant à la cour de :

-infirmer le jugement rendu le 10 octobre 2022 en ce qu'il :

*déboute M. [T] [N] de ses demandes,

*déboute M. [T] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamne M. [T] [N] aux dépens,

statuant à nouveau,

-dire M. [T] [N] bien fondé à solliciter le paiement immédiat de la somme lui revenant au titre de la répartition provisionnelle des bénéfices dus par Mme [C] [F] à l'indivision existant entre eux,

-fixer provisoirement la part provisionnelle des bénéfices dus par Mme [C] [F] à l'indivision [N]-[F] au titre de l'occupation par elle des biens immobiliers indivis sis [Adresse 8] :

*à la somme de 296 918 euros, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2021,

*à la somme de 42 417 euros, pour la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022,

*à la somme de 42 417 euros pour la période du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023,

soit un montant total de 381 752 euros,

-condamner en conséquence Mme [C] [F] à payer à M. [T] [N] la somme de 190 876 euros, sauf à parfaire, avec intérêts de droits à compter de la décision à intervenir et capitalisation de ceux-ci par année entière,

-confirmer le jugement pour le surplus,

-débouter Mme [C] [F] de toutes demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,

-condamner Mme [C] [F] à payer à M. [T] [N] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit 3 000 euros au titre de la procédure de première instance et 3 000 euros en raison de la procédure devant la cour, et les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Maguy Bizot, avocat aux offres de droit,



Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 février 2023, Mme [C] [F], intimée, demande à la cour de :

à titre principal,

-confirmer le jugement rendu le 10 octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Bobigny,

à titre subsidiaire,

-fixer provisoirement les bénéfices dus par Mme [C] [F] à l'indivision [F]-[N] pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2022 à la somme de 181 440 euros,

-dire que la somme réclamée par M. [T] [N] à titre de provision dans sa part sur les bénéfices de l'indivision ne saurait excéder la somme de 88 834,50 euros,

-ordonner la compensation de la somme dont est redevable Mme [C] [F] au titre des bénéfices de l'indivision avec les créances d'un montant total de 102 805 euros qu'elle détient à l'encontre de M. [T] [N] au titre de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants et des condamnations judiciaires,

en tout état de cause,

-condamner M. [T] [N] au règlement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Delphine Tomezyk, avocat aux offres de droit.

-débouter M. [T] [N] de toute demande plus ample ou contraire.



Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.



Le 9 février 2024, Mme [C] [F], intimée, a déposé des conclusions aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture et de nouvelles conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour de 

à titre principal,

-confirmer le jugement rendu le 10 octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire de Bobigny,

à titre subsidiaire,

-fixer provisoirement les bénéfices dus par Mme [C] [F] à l'indivision [F]-[N] pour la période du 1er janvier 2015 au 31décembre 2023 à la somme de 200 349 euros,

-dire que la somme réclamée par M. [T] [N] à titre de provision dans sa part sur les bénéfices de l'indivision ne saurait excéder la somme de 100 174,50 euros,

-ordonner la compensation de la somme dont est redevable Mme [C] [F] au titre des bénéfices de l'indivision avec les créances d'un montant de 102 805 euros qu'elle détient à l'encontre de M. [T] [N] au titre de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants et des condamnations judiciaires,

en tout état de cause,

-condamner M. [T] [N] au règlement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Delphine Tomezyk, avocat aux offres de droit,

-débouter M. [T] [N] de toute demandes plus ample ou contraire.

Subsidiairement elle demande que soient écartées des débats les conclusions et pièces de l'appelant notifiées le 29 janvier 2024, veille de la clôture.



L'affaire a été appelée à l'audience du 21 février 2024.








MOTIFS DE LA DECISION



Sur la procédure



Alors qu'il avait conclu il y a près d'un an, le 28 mars 2023, répondant ainsi aux conclusions de l'intimée du 28 févier 2023, l'appelant a déposé de nouvelles conclusions et quatre pièces la veille de la clôture dont la date avait été annoncée aux parties par un calendrier de procédure, qui n'ont pas permis à l'intimée, dans le respect du principe du contradictoire prévu par l'article 16 du code de procédure civile, d'y répondre dans le temps utile prévu par l'article 15 du code de procédure civile.

Par suite, les conclusions de l'appelant du 29 janvier 2024, ainsi que ses pièces 60 à 63 seront écartées des débats.



Sur la demande de fixation provisoire de la part provisionnelle des bénéfices dus par Madame [C] [F] à l'indivision et la demande en paiement subséquente



En l'espèce, il est constant que la jouissance du domicile conjugal a été attribuée à Madame [C] [F] de manière onéreuse par le juge conciliateur.

Celle-ci est donc redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation qui n'a pas encore été judiciairement fixée alors que les parties s'opposent sur son montant.



Le 10 février 2015, Monsieur [T] [N] a assigné son épouse devant le président du tribunal de grande instance de Bobigny, afin de solliciter le paiement de l'indemnité d'occupation par elle due pour la période du 8 avril 2008 au 31 décembre 2014.

Par ordonnance rendue en la forme des référés du 15 juillet 2015, le président du tribunal de grande instance de Bobigny, après avoir provisoirement évalué le montant de l'indemnité d'occupation et déduit la taxe foncière acquittée par Madame [F], a :

-fixé provisoirement les bénéfices de l'indivision pour la période du 8 avril 2008 au 31 mai 2015 à la somme de 134.490 € ;

-condamné Madame [F] à payer à Monsieur [N] la somme de 67.245 € à titre provisionnel sur sa part annuelle dans les bénéfices de l'indivision du 8 avril 2008 au 31 décembre 2014, sous réserve du compte à établir au moment de la liquidation de l'indivision.



Par acte du 18 mars 2022, Monsieur [T] [N] a fait assigner Madame [C] [F] devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny en règlement de la part lui revenant au titre de la répartition provisionnelle des bénéfices de l'indivision existant entre eux, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2021.



Pour rejeter les demandes de Monsieur [N], le président du tribunal judiciaire de Bobigny a estimé qu'il ne pouvait fixer le montant de l'indemnité dont, en l'absence de convention contraire, l'indivisaire occupant est redevable pour son usage privatif du bien indivis en vertu de l'alinéa 2 de l'article 815-9 du code civil, et qu'il ne pouvait davantage fixer, même provisoirement, le montant des fruits et revenus perçus pour le compte de l'indivision, seul le juge liquidateur pouvant trancher cette demande.



L'appelant soutient que si le premier juge a, à juste titre, retenu qu'il résulte de l'alinéa 1er de l'article 815-9 et de l'alinéa 3 de l'article 815-11 que le président du tribunal a seulement compétence pour : « à défaut d'accord entre les intéressés » régler « à titre provisoire » l'exercice du droit de jouissance sur le bien indivis et « en cas de contestation », ordonner « une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive », c'est à tort qu'il a relevé que « Monsieur [T] [N] est irrecevable dans ses prétentions de fixation provisoire d'indemnité d'occupation car l'indemnité d'occupation n'est pas un bénéfice mais un revenu qui accroît à l'indivision » et que : « seul le juge liquidateur, par ailleurs saisi par Madame [C] [F], pourra trancher cette demande. ».

Il fait valoir que l'indemnité d'occupation s'assimile à un revenu accroissant à l'indivision et que chaque indivisaire peut donc solliciter sa part annuelle dans les bénéfices en résultant pour celle-ci.

Madame [F] répond que les bénéfices provenant des biens indivis dont tout indivisaire peut demander sa part annuelle ne peuvent être déterminés que par l'établissement préalable d'un compte annuel de gestion portant sur l'ensemble des biens dépendant de l'indivision, puisque le montant du bénéfice à partager suppose de connaître les dépenses affectant le revenu de l'indivision, la répartition provisionnelle devant porter sur les bénéfices nets de l'indivision, c'est-à-dire une fois le passif déduit ; que Monsieur [T] [N] se contente de faire état de l'indemnité d'occupation dont elle est redevable envers l'indivision et opère une confusion entre revenus et bénéfices de l'indivision ; qu'à supposer que des bénéfices puissent être déterminés, encore faut-il qu'ils soient distribuables ; qu'elle entend se prévaloir des travaux d'amélioration qu'elle a financés sur le bien immobilier indivis pour voir fixer à son profit une créance sur l'indivision, qui sera calculée selon la règle du profit subsistant.



Selon l'article 815-9 du code civil, « Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision.

A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité. »



L'article 815-10 du code civil dispose que : « Les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise.

Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.

Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l'indivision. »



L'article 815-11 du code civil prévoit que : « Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.

A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.

En cas de contestation, le président du tribunal de grande instance peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.

A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir. »

Ce texte prévoit donc une simple faculté pour le juge.



L'article 1380 du code de procédure civile précise que la demande relative à la fixation d'une indemnité d'occupation prévue par l'article 815-9 du code civil doit être portée devant le président du tribunal judiciaire, qui statue selon la procédure accélérée au fond.

Celui-ci peut donc fixer, y compris à titre provisoire, une indemnité d'occupation.

Il est observé que le président du tribunal de grande instance de Bobigny, dans son ordonnance en la forme des référées du 15 juillet 2015, a évalué cette indemnité à la somme de 1 890 euros mensuelle après décote de 30 %, en se fondant sur les évaluations de l'expert judiciaire nommé au cours de la procédure de divorce, sans pour autant statuer sur cette fixation, fut-elle provisoire, dans le dispositif de sa décision qui ne concerne que les bénéfices.

Si l'indemnité d'occupation due par un indivisaire doit être assimilée à un revenu accroissant à l'indivision, et si chaque indivisaire peut donc solliciter sa part annuelle dans les bénéfices en résultant, la répartition provisionnelle des bénéfices suppose l'établissement préalable d'un compte annuel de gestion portant sur l'ensemble des biens de l'indivision.

Les notions de revenus et de bénéfices ne se confondent donc pas.

La part des bénéfices nets est, pour tout indivisaire, proportionnelle à ses droits dans l'indivision, mais pour que sa demande soit admise, faut-il encore que l'indivisaire établisse ses droits dans l'indivision et qu'il existe des bénéfices nets, c'est à dire qu'aient été imputées sur les fruits et revenus les dépenses de l'indivision.

S'ils existent, ces bénéfices nets doivent en outre être distribuables.



Malgré ses développements sur la valeur locative du bien et le montant de l'indemnité d'occupation qui doit selon lui en découler, l'appelant demande à la cour de « fixer provisoirement la part provisionnelle des bénéfices dus par Madame [C] [F] à l'indivision [N] [F] au titre de l'occupation par elle des biens immobiliers indivis sis aux [Adresse 8] ».

Il confond donc le montant de l'indemnité d'occupation, qui est un revenu, et la notion de bénéfices.

A supposer, au vu de ses développements chiffrés, qu'il demanderait en réalité la fixation de l'indemnité pour jouissance privative, celle-ci n'a pas à être versée en cours de procédure ; elle est inscrite au passif de l'époux débiteur dans les comptes de liquidation et ne saurait donner lieu à condamnation provisionnelle sur le fondement de l'article 845-11 du code civil, n'étant pas en elle-même constitutive de bénéfices.

En effet, si chaque indivisaire peut demander sa part des bénéfices qui résultent des revenus générés par l'indemnité d'occupation, dès lors qu'il doit également supporter les pertes proportionnellement à ses droits, notamment en l'espèce les charges et impôts afférents au bien indivis, seule la différence entre les revenus et les pertes peuvent constituer des bénéfices.

A supposer qu'une indemnité d'occupation soit provisoirement fixée, elle ne constituerait pas à elle seule un bénéfice de l'indivision distribuable.

Le jugement sera donc confirmé par substitution de motifs.



Sur les demandes accessoires



En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimée présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelant est condamné à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Partie perdante, l'appelant ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.



PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,



Confirme le jugement en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;



Condamne Monsieur [T] [N] à payer à Madame [C] [F] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne Monsieur [T] [N] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.





Le Greffier, Le Président,

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