13 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-20.421

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00310

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Travail à temps partiel - Requalification en travail à temps complet - Défaut de mention de la répartition du temps de travail - Présomption - Exclusion - Cas - Convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 - Plages prévisionnelles d'intervention et plages d'indisponibilité du salarié - Portée

Le défaut de mention dans le contrat de travail à temps partiel des plages prévisionnelles d'intervention et des plages d'indisponibilité de la salariée prévues par la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 ne permet pas de présumer que ce contrat est un contrat à temps complet.

Texte de la décision

SOC.

HP



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2024




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 310 FS-B

Pourvoi n° F 21-20.421




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024

La société Les Néréides, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-20.421 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2021 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Mme [I] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Les Néréides, de Me Balat, avocat de Mme [I], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Rouchayrole, Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 juin 2021), Mme [I] a été engagée en qualité d'auxiliaire de vie sociale par la société Les Néréides, à compter du 3 septembre 2013, par un contrat de travail à temps partiel.

2. La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012.

3. La salariée a été licenciée le 1er mars 2016.

4. Le 13 juillet 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le moyen du pourvoi incident de la salariée

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de le condamner à verser une certaine somme à titre de rappel de salaire outre congés payés afférents, alors « que les associations et entreprises d'aide à domicile peuvent, même lorsqu'elles ne relèvent pas d'un accord collectif autorisant la répartition des horaires de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année, ne pas mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, dès lors que le contrat mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail garantie ; qu'en l'espèce, pour requalifier le contrat à temps partiel de la salariée en contrat à temps plein, la cour d'appel a jugé que l'employeur ne renversait pas la présomption de travail à temps plein qu'instaurait la convention collective nationale des entreprises d'aide à domicile en l'absence de mention des plages d'intervention et des plages d'indisponibilité du salarié ; qu'en statuant ainsi, quand la loi autorisait la seule mention sur le contrat des heures garanties, sans qu'une présomption de contrat à durée déterminée ne résulte ni de la loi ni de la convention collective, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article de la section I du chapitre premier de la partie 2 de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 :

7. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

8. Selon le second, pris en son point 2.1 se rapportant aux dispositions communes à tous les contrats de travail, tous les contrats de travail précisent notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et le mode d'organisation retenu pour la répartition des horaires de travail sur la semaine ou le mois, avec les plages prévisionnelles indicatives, les plages d'indisponibilité pour le personnel intervenant à domicile. Pris en son point 2.3 se rapportant au contrat de travail à temps partiel, l'article précise que le contrat du salarié à temps partiel est écrit, qu'il doit rappeler que le salarié n'est pas tenu à une obligation d'exclusivité, qu'outre les mentions visées au point 2.1, le contrat doit comporter des indications sur les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

9. Pour requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, l'arrêt constate que le contrat de travail stipule que la durée mensuelle de travail est de quatre-vingts heures et que les horaires de travail pour chaque journée travaillée seraient communiqués par écrit à la salariée sous forme de planning mensuel d'activité. Il relève que le contrat ajoute « il est précisé à titre purement indicatif, à la salariée, que ces plages prévisionnelles d'intervention sont : ... », qu'en fonction des nécessités de l'organisation du service, ces plages pourraient être modifiées, et qu'il « est précisé que les plages d'indisponibilité de la salariée sont : ...».

10. Après avoir relevé que la salariée reproche à l'employeur de ne pas avoir mentionné dans le contrat de travail la répartition des horaires de travail, même à titre indicatif, l'arrêt retient que si l'article L. 3123-14 du code du travail n'exige pas la mention de la répartition pour une entreprise d'aide à domicile, en revanche la convention collective exige la mention des plages d'intervention et des plages d'indisponibilité, l'absence de cette mention étant de nature à faire présumer l'existence d'un contrat de travail à temps plein.

11. Ayant estimé que l'employeur ne renversait pas la présomption de travail à temps complet, la cour d'appel l'a condamné à verser un rappel de salaire en conséquence.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas constaté que le contrat de travail n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 3123-14 du code du travail et que le défaut de mention dans le contrat de travail des plages prévisionnelles d'intervention et des plages d'indisponibilité de la salariée, prévues par la convention collective, ne permet pas de présumer que le contrat est à temps complet, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la requalification du contrat de travail à temps partiel de Mme [I] en contrat de travail à temps plein et condamne la société Les Néréides à lui payer les sommes de 12 920,04 euros brut à titre de rappel de salaire, outre 1 292 euros brut de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 4 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.

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