13 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-12.205

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00137

Titres et sommaires

SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE - Avantages particuliers - Procédure des avantages particuliers des SA - Procédure applicable avant la loi n° 2019-477 du 19 juillet 2019 - Compatibilité avec les dispositions particulières régissant les SAS

La procédure des avantages particuliers prévue à l'article L. 225-14, alinéa 2, du code de commerce était, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, compatible avec les dispositions particulières régissant les sociétés par action simplifiées (SAS) au sens de l'article L. 227-1, alinéa 3, du même code


SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE - Avantages particuliers - Non-respect de la procédure applicable avant la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 (non) - Régularisation par la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 (non)

La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés ne vaut pas régularisation de l'irrégularité tenant au non-respect de cette procédure


SOCIETE ANONYME - Actions - Actions de préférence - Plafond - Proportion dans le capital social - Prise en compte des seules actions privées de droit de vote

Il résulte de l'article L. 228-11, alinéa 3, du code de commerce, que seules les actions privées de tout droit de vote sont prises en compte pour le calcul du plafond de la moitié du capital social


SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE - Avantages particuliers - Dispositions applicables aux SA constituées par appel public à l'épargne - Compatibilité avec les dispositions particulières régissant les SAS (non)

Il résulte de l'article L. 227-2 du code de commerce que les dispositions des articles L. 225-8, alinéa 3, et L. 225-10 du même code, applicables aux seules sociétés anonymes constituées par appel public à l'épargne en application de l'article L. 225-12, ne sont pas compatibles avec les dispositions particulières régissant les SAS au sens de l'article L. 227-1, alinéa 3, du même code

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 137 F-B

Pourvoi n° W 22-12.205




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 MARS 2024

1°/ Mme [P] [A], domiciliée [Adresse 7],

2°/ M. [G] [A], domicilié [Adresse 3],

3°/ Mme [B] [A], domiciliée [Adresse 1]),

4°/ Mme [Z] [A], domiciliée [Adresse 6],

5°/ Mme [H] [A], domiciliée [Adresse 4],

ont formé le pourvoi n° W 22-12.205 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [D] [A], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société MHW, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

M. [D] [A] et la société MHW ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mmes [P], [B], [Z] et [H] [A] et de M. [G] [A], de la SCP Boucard-Maman, avocat de M. [D] [A] et de la société MHW, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 20 décembre 2021), le 25 février 2015, M. [D] [A] et son père, [J] [A], ont constitué la société par actions simplifiée [Adresse 2] ». Selon l'article 7 des statuts de cette société, [J] [A] s'est vu attribuer 2 225 actions de catégorie B d'une valeur nominale de 100 euros, représentant un apport de 225 000 euros, et M. [D] [A] 25 actions de catégorie A d'une valeur nominale de 100 euros, représentant un apport de 2 500 euros. Selon l'article 12, alinéa 6, de ces mêmes statuts, les actions de catégorie A sont assorties d'un droit de vote multiple, conférant 100 droits de vote par action, et les actions de catégorie B d'un droit de vote simple, conférant un droit de vote par action.

2. [J] [A] est décédé le 21 juin 2016, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [T] [L], et ses cinq enfants, [B], [Z], [P], [G] et [D] [A].

3. Mme [T] [L], Mmes [B], [Z] et [P] [A] et M. [G] [A] (les consorts [A]) ont assigné M. [D] [A] et la société MHW aux fins de voir annuler les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société ainsi que l'apport en nature de biens immobiliers effectué par [J] [A].

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche et le troisième moyen du pourvoi principal


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui est préalable

Enoncé du moyen

5. M. [D] [A] et la société MHW font grief à l'arrêt d'ordonner la signature d'actes entre les associés fondateurs (ou leurs ayants-droit) aux fins d'assurer le respect par les statuts des articles L. 225-8 et L. 225-14 du code de commerce en ce qui concerne les avantages particuliers prévus par les articles 7 et 12, alinéa 6 des statuts de la société MHW, en ajoutant aux statuts l'évaluation des avantages particuliers faite suivant rapport de M. [V] du 15 février 2015, la mention et l'annexion de ce rapport sur les avantages particuliers aux statuts, alors « que les règles concernant les sociétés anonymes ne sont applicables aux sociétés par actions simplifiées que dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières de celles-ci ; que tel n'est pas le cas de l'obligation d'avoir recours à la procédure des avantages particuliers lors de la constitution de la société ; qu'en retenant cependant que la procédure des avantages particuliers n'avait pas été totalement respectée lors de la constitution de la société, en ordonnant la régularisation et en annulant les décisions votées avant cette régularisation, la cour d'appel, qui a fait application de dispositions incompatibles à la société par actions simplifiée, a violé l'article L. 227-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014, ensemble les articles L. 225-14 et L. 225-16-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 227-1, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières qui leur sont propres, les règles concernant les sociétés anonymes sont, sauf exceptions limitativement énumérées parmi lesquelles ne figurait pas alors l'article L. 225-14, alinéa 2, du code de commerce, applicables aux sociétés par actions simplifiées.

7. La procédure des avantages particuliers prévue à ce texte n'est donc pas incompatible avec les dispositions particulières régissant les sociétés par actions simplifiées.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le même moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. M. [D] [A] et la société MHW font le même grief à l'arrêt, alors « que la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés a expressément exclu l'obligation d'avoir recours à la procédure des avantages particuliers lors de la constitution de sociétés par actions simplifiées ; que l'entrée en vigueur de cette loi vaut régularisation du défaut de mention et d'annexion du rapport relatif aux avantages particuliers dans les statuts ; qu'en ordonnant cependant la régularisation, qui n'avait plus d'objet, la cour d'appel a violé les articles L. 210-7 et R. 210-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

10. L'instauration d'avantages particuliers lors de la création de la société MHW constitue une situation définitivement réalisée avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés.

11. Il en résulte que cette loi ne peut valoir régularisation de l'irrégularité tenant au non-respect de la procédure prévue à l'article L. 225-14, alinéa 2, du code de commerce, alors applicable aux sociétés par actions simplifiées.

12. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. Les consorts [A] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir déclarer non-écrits ou nuls les articles 7 et 12 alinéa 6 des statuts de la société MHW, alors « que les actions de préférence sans droit de vote, auxquelles il convient d'assimiler les actions assorties d'un droit de vote dérisoire, ne peuvent représenter plus de la moitié du capital social ; qu'en écartant toute illicéité des clauses des statuts de la société MHW créant des actions de préférence et aménageant le droit de vote, tout en constatant que ces clauses aboutissaient à conférer à l'actionnaire du groupe B, ayant apporté presque 99 % du capital social, un droit de vote minoritaire et dérisoire, tandis que le droit de vote multiple correspondant à 100 voix par action, accordé à l'actionnaire de catégorie A, aboutissait à ce qu'il dispose d'un droit de vote majoritaire en ayant apporté environ 1 % du capital social, la cour d'appel a violé l'article L. 228-11 alinéa 3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

14. Il résulte de l'article L. 228-11, alinéa 3, du code de commerce que seules les actions privées de tout droit de vote sont prises en compte pour le calcul du plafond de la moitié du capital social.

15. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen de ce pourvoi, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

16. Les consorts [A] font le même grief à l'arrêt, alors « que l'irrégularité de la procédure de vérification des avantages particuliers ne peut être couverte que par une assemblée générale à laquelle le bénéficiaire ne peut participer ; qu'en admettant la régularisation de la procédure de vérification des avantages particuliers par une simple signature d'actes par tous les actionnaires, la cour d'appel a violé les articles L. 225-8 et L. 225-10 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

17. Il résulte de l'article L. 227-2 du code de commerce que les sociétés par actions simplifiées ne peuvent procéder à une offre au public de titres financiers.

18. Il en découle que les dispositions des articles L. 225-8, alinéa 3, et L. 225-10 du même code, visés au moyen, applicables aux seules sociétés anonymes constituées par appel public à l'épargne en application de l'article L. 225-12 de ce code, ne sont pas compatibles avec les dispositions particulières régissant les sociétés par actions simplifiées. Elles ne sont en conséquence pas applicables à ces dernières.

19. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.

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