13 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.438

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00133

Titres et sommaires

SOCIETE

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2024




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 133 F-B

Pourvoi n° K 22-15.438




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 MARS 2024

1°/ La société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [J] [V], mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Numi-technologie,

2°/ la société Mandataires judiciaires associés, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [J] [V], mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Numeca,

ont formé le pourvoi n° K 22-15.438 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société ML conseils, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [L] [D], prise en qualité de liquidateur de la société Axim Five ,

2°/ à M. [Y] [P], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Mandataires judiciaires associés MJA, ès qualités, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société ML conseils, ès qualités, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 novembre 2021) et les productions, le 29 octobre 2015, la société à responsabilité limitée Axim Five, constituée par les sociétés à responsabilité limitée Numi-technologie et Numeca, a été mise en redressement judiciaire. Les sociétés Ascagne et ML conseils ont été respectivement désignées administrateur et mandataire judiciaires. Le 15 janvier 2017, un plan de redressement par voie de continuation a été adopté en faveur de la société Axim Five et la société Ascagne a été nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

2. Le 10 mai 2017, les sociétés Numi-technologie et Numeca ont signé un acte aux termes duquel elles se sont engagées « irrévocablement et inconditionnellement à régler directement auprès du commissaire à l'exécution du plan, à première demande de sa part et dans la limite du montant des échéances du plan non honorées par la société Axim Five le tout à hauteur d'un montant maximum de 725 193,86 euros. »

3. Le 29 mars 2018, la résolution du plan de redressement a été prononcée et la société Axim Five a été mise en liquidation judiciaire. La société ML conseils a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

4. Les société Ascane et ML conseils ont assigné les sociétés Numi-technologie et Numeca pour les voir condamner à exécuter l'engagement du 10 mai 2017. A titre reconventionnel, la société Numi-technologie a demandé la condamnation de la société ML conseils, ès qualités, à lui payer une certaine somme au titre de prestations impayées.

5. Le 11 janvier 2021, les sociétés Numi-technologie et Numeca ont été mises en redressement judiciaire. Les sociétés A & M AJ associés et MJA ont été désignées en qualité, respectivement, d'administrateur et de mandataire judiciaires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

7. La société MJA, ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter la demande reconventionnelle de la société Numi-technologie, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 622-17 du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance ; que lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances ; que ces créances impayées perdent ce privilège si elles n'ont pas été portées à la connaissance de l'administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d'un an à compter de la fin de la période d'observation ; qu'en retenant, pour dire que la créance de la société Numi-technologie n'avait pas été valablement portée à la connaissance des organes de la procédure dans le délai imparti par les conclusions adressées par le conseil de M. [P] aux organes de la procédure le 19 avril 2017, aux motifs, d'une part, que les conclusions étaient prises au nom de M. [P] agissant en qualité de gérant de la société Axim Five et, d'autre part, qu'elles ne constituent pas une démarche volontaire du créancier en vue de conserver le caractère privilégié de la créance, cependant que ce texte n'exclut pas que l'information provienne d'un tiers et n'impose pas qu'elle traduise la volonté du créancier de conserver le caractère privilégié de ce droit, la cour d'appel, a ajouté des conditions au texte susvisé, qu'elle a violé, avec l'article L. 631-14 du code de commerce ;

2°/ qu'à l'appui de sa demande reconventionnelle, la société Numi-Technologie produisait, outre un rapport établi par la société ODP et associés, le rapport de Mme [M], expert-comptable ; qu'en retenant, pour écarter la demande reconventionnelle, que le seul document émanant de la société ODP était insuffisant à démontrer la réalité de la créance alléguée, la cour d'appel a dénaturé par omission le rapport établi par Mme [X] [M], expert-comptable, en violation du principe faisant interdiction aux juges de dénaturer les éléments de la cause. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir relevé qu'aucun détail n'est apporté sur le montant de la créance, ni aucune précision sur le fait qu'il s'agirait d'une créance bénéficiant du privilège de l'article L. 622-17 du code de commerce, l'arrêt retient qu'en tout état de cause, le document produit par les sociétés Numi-technologie et Numeca est insuffisant à démontrer la réalité de la créance alléguée.

9. En l'état de ces appréciations rendant inopérant le grief de la première branche, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer sur des éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a rejeté la demande reconventionnelle formée par la société Numi-technologie.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La société MJA, ès qualités, fait grief à l'arrêt de fixer les créances de la société ML conseils, ès qualités, au passif des sociétés Numi-technologie et Numeca à 661 470,70 euros, alors « qu'est dépourvu de tout caractère autonome et doit s'analyser en un cautionnement, l'engagement de payer qui a pour objet la dette du débiteur principal ; que la cour d'appel, citant les termes de l'acte souscrit, a constaté que les sociétés Numeca et Numi technologie se sont engagées à payer au bénéficiaire toute somme "dans la limite du montant des échéances du plan de redressement par voie de continuation non honorées par la société Axim Five, le tout à hauteur d'un montant maximum de 725 193,66 euros" ; qu'il résulte de ce constat que la garantie consentie a pour objet le montant non honoré des échéances du plan de continuation dont bénéficiait la société Axim Five ; qu'en qualifiant néanmoins cet engagement de garantie autonome, pour exclure que les sociétés Numi-technologie et Numeca puissent se prévaloir de la disparition de l'obligation garantie, aux motifs que l'acte était intitulé "garantie à première demande" et qu'il prévoyait l'impossibilité de différer le paiement ou de soulever de contestation pour quelque motif que ce soit, motifs impropres à exclure la qualification de cautionnement, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2321 du code civil, ensemble et par refus d'application l'article 2288 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2321, alinéa 1er, du code civil :

12. Aux termes de ce texte, la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant les modalités convenues. Il en résulte que le garant s'oblige à payer la dette d'un tiers de manière autonome au regard du contrat de base et que son obligation a un objet distinct de celle du débiteur principal.

13. Pour fixer les créances de la société ML conseils, ès qualités, au passif des sociétés Numi-technologie et Numeca à 661 470,70 euros et rejeter la demande de nullité de l'acte conclu le 10 mai 2017, l'arrêt relève qu'aux termes de l'acte signé par les sociétés Numi-technologie et Numeca, intitulé garantie à première demande, celles-ci se sont engagées « irrévocablement et inconditionnellement, d'ordre et pour le compte de la société Axim Five (débiteur garanti), sans pouvoir faire valoir d'exception, d'objection ou de contestation, à régler directement auprès du commissaire à l'exécution du plan désigné, à première demande de sa part et dans la limite du montant des échéances du plan de redressement par voie de continuation non honorées par la société Axim Five, le tout à hauteur d'un montant maximum de 725 193,86 euros » et que « ce montant maximum garanti sera réduit d'année en année à chaque date anniversaire de la date d'homologation du plan ». L'arrêt retient que cet engagement a fait naître à la charge des sociétés Numi-technologie et Numeca une obligation indépendante de celle du débiteur défaillant, en sorte qu'il s'agit bien d'une garantie autonome, peu important que le montant maximum garanti soit réduit d'année en année.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait des clauses de l'engagement litigieux que l'obligation des sociétés Numi-technologie et Numeca, dont l'étendue dépendait du respect par la société Axim Five de ses engagements, avait, par conséquent, le même objet que celle de cette dernière, débitrice principale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il fixe les créances de la société ML conseils, ès qualités, au passif des sociétés Numi-technologie et Numeca à la somme de 661 470,70 euros, rejette la demande de nullité de l'engagement à première demande formée par les sociétés Numi-technologie et Numeca, et condamne ces dernières in solidum aux dépens de la procédure d'appel et à payer aux sociétés ML conseils et Ascagne AJ, ès qualités, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société ML conseils, ès qualités, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.

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