13 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-19.900

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00125

Titres et sommaires

CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Acte de cautionnement - Proportionnalité de l'engagement (article L. 341-4 du code de la consommation) - Critère d'appréciation - Biens et revenus déclarés - Prise en compte d'une fiche de renseignements signée postérieurement à la souscription (non)

Si l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, n'impose pas au créancier de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement, le créancier a le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière, avant la souscription du cautionnement, de sorte qu'il ne peut être tenu compte, pour l'appréciation de la disproportion, d'une fiche de renseignements signée postérieurement

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Cautionnement - Principe de proportionnalité - Critère d'appréciation - Biens et revenus déclarés - Prise en compte d'une fiche de renseignements signée postérieurement à la souscription (non)

Texte de la décision

COMM.

FM13



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 125 F-B

Pourvoi n° K 22-19.900


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 MARS 2024

La société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3], société coopérative de crédit à capital variable et responsabilité statutairement limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-19.900 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [W] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [G], et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 mars 2022), par un acte du 17 mars 2004, la société Becam TP (la société) a ouvert un compte courant dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] (la banque).

2. Par un acte du 4 juillet 2008, la banque a consenti à la société un crédit de trésorerie à durée indéterminée, par débit du compte courant, d'un montant de 80 000 euros, garanti par le cautionnement solidaire de M. [G] dans la limite d'une somme de 40 000 euros.

3. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes formées au titre de l'engagement de caution souscrit par M. [G] le 4 juillet 2008, alors « que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier ; que si cette fiche de renseignements doit être établie à une époque contemporaine de la conclusion du contrat de cautionnement, elle n'a pas à lui être nécessairement antérieure ni concomitante, et peut ainsi lui être postérieure, sauf à ce que la caution démontre que sa situation a évolué entre la conclusion du contrat de cautionnement et l'établissement de la fiche d'informations ; qu'en refusant en conséquence de tenir compte de la fiche de renseignements établie par M. [G] le 11 août 2008, au seul motif qu'elle avait été établie postérieurement à la conclusion du cautionnement le 4 juillet 2008, sans constater que la caution invoquait et démontrait que sa situation patrimoniale aurait évolué entre ces deux dates, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation en sa rédaction applicable au litige, devenu l'article L. 332-1 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

6. Si ce texte n'impose pas au créancier, sauf anomalies apparentes, de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, le créancier a le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière, avant la souscription du cautionnement, de sorte qu'il ne peut être tenu compte, pour l'appréciation de la disproportion, d'une fiche de renseignements signée postérieurement.

7. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a retenu que, pour l'appréciation de la disproportion manifeste du cautionnement du 4 juillet 2008, la banque ne pouvait pas se prévaloir des déclarations faites par M. [G] dans la fiche de renseignements qu'il lui a remise le 11 août 2008, soit plus d'un mois après la souscription de son engagement.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 3] et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Labat, greffier présent lors du prononcé.

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