7 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.177

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2024:C200201

Texte de la décision

CIV. 2

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 mars 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 201 F-D

Pourvoi n° S 22-10.177




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MARS 2024

1°/ M. [E] [L],

2°/ Mme [G] [N], épouse [L],

tous deux, domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° S 22-10.177 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2021 par la cour d'appel de Cayenne (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Caisse nationale de prévoyance assurances (CNP assurances), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [L], de Me Guermonprez, avocat de la société Caisse nationale de prévoyance assurances (CNP assurances), et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 15 novembre 2021), M. et Mme [L] ont adhéré, auprès de la société CNP assurances (l'assureur), à un contrat d'assurance groupe destiné à garantir, en leur qualité d'emprunteurs, le remboursement d'un prêt consenti par la société Crédit agricole.

2. Le 8 avril 2000, M. [L] a été victime d'un accident de la circulation ayant entraîné pour lui un retentissement professionnel.

3. Contestant le refus de prise en charge du prêt par l'assureur, M. et Mme [L] l'ont assigné devant un tribunal.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande de dommages et intérêts, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en déclarant irrecevable, comme ayant été formée pour la première fois en cause d'appel, la demande de dommages-intérêts formée par les époux [L], quand les conclusions de la CNP ne recelaient aucune fin de non-recevoir, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur cette irrecevabilité relevée d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

6. Pour déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [L], l'arrêt retient que cette demande est présentée pour la première fois en cause d'appel et qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, elle doit être déclarée irrecevable.

7. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme [L] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande tendant à la condamnation de l'assureur à leur payer la somme de 34 715,76 euros au titre des mensualités réglées du 1er janvier 2012 au 6 mars 2014 en vertu d'une convention de prêt n° 812593011 contractée auprès du Crédit agricole et garantie par une assurance de groupe souscrite auprès de l'assureur, alors « que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en retenant qu'il avait été définitivement statué sur la demande de prise en charge des mensualités dues du 1er janvier 2012 au 6 mars 2014, pour en déduire que cette demande se heurtait à l'autorité de la chose jugée, quand il n'avait pas été statué sur cette demande dans le dispositif du jugement du tribunal de grande instance de Cayenne du 7 décembre 2011, ni dans le dispositif du jugement rendu par ce même tribunal le 5 février 2014, qui avait seulement rejeté la requête en rectification d'erreurs ou omissions matérielles formées par les époux [L], la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil :

9. Selon le premier de ces textes, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Il résulte du second que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

10. Pour déclarer irrecevable la demande de condamnation de l'assureur à payer à M. et Mme [L] les mensualités réglées du 1er janvier 2012 au 6 mars 2014 en vertu d'une convention de prêt contractée auprès du Crédit agricole et garantie par l'assurance de groupe souscrite, l'arrêt retient que M. et Mme [L], estimant que dans son jugement du 7 décembre 2011, le tribunal avait omis de statuer sur la période allant du 1er janvier 2012 au 6 mars 2014, ont saisi le tribunal d'une requête en omission de statuer, rejetée par jugement du 5 février 2014, et qu'à défaut de recours, il a ainsi été définitivement statué sur la demande de prise en charge de ces mensualités, de sorte que cette demande se heurte à l'autorité et à la force de chose jugée.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que les parties s'accordaient pour indiquer que la demande de prise en charge des mensualités dues jusqu'au 6 mars 2014 avait été formée lors de la procédure ayant donné lieu au jugement du 7 décembre 2011 et que ce jugement indiquait faire droit aux demandes jusqu'en décembre 2011, selon l'actualisation par M. et Mme [L] de leur demandes dans leurs dernières écritures, ce dont il résultait qu'il n'avait pas été statué sur la demande portant sur la période de janvier 2012 à mars 2014 et que cette demande ne pouvait donc se heurter à l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Cayenne autrement composée ;

Condamne la société CNP assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CNP assurances et la condamne à payer à M. et Mme [L] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre.

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