6 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-23.962

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:SO00272

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970 - Article 15 ter - Transfert des contrats de travail en cas de changement de titulaire de marché en tout ou partie - Maintien du niveau de rémunération avant le transfert - Application - Indifférence de la situation globalement défavorable du fait du transfert - Portée

Il résulte de l'article 15 ter de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprise, qui a codifié la directive 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977, que le transfert conventionnel effectué en application de cette disposition impose à l'entreprise entrante de maintenir aux salariés qui en bénéficient le niveau de rémunération octroyé avant leur transfert, nonobstant l'existence d'une substitution immédiate de statut collectif, afin que ceux-ci ne soient pas placés, du seul fait du transfert, dans une position globalement défavorable par rapport à leur situation immédiatement antérieure à ce transfert

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 mars 2024




Rejet


M. SOULARD, premier président



Arrêt n° 272 FS-B

Pourvoi n° E 21-23.962







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MARS 2024

M. [X] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-23.962 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Services maintenance et propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est parc d'activités ''[Adresse 2], défenderesse à la cassation.

la société Services maintenance et propreté a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [K], de la SARL Corlay, avocat de la société Services maintenance et propreté, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Sommer, président, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des premier président, président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 septembre 2021), M. [K] a été engagé en qualité d'ouvrier nettoyeur, affecté au nettoyage et à la propreté des TGV de la SNCF à [Localité 3], le 6 janvier 2001. Le contrat de travail du salarié a été transféré à plusieurs reprises et, en dernier lieu, à la société Services maintenance et propreté, à compter du 1er octobre 2011.

2. À la suite d'un différend avec l'employeur sur le paiement d'une prime, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 13 mai 2015.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. La société entrante fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes au titre du préjudice matériel et du préjudice moral, outre frais irrépétibles et dépens, alors :

« 1°/ que si l'article 15 ter de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes prévoit que l'entreprise entrant devra "assurer les obligations légales et conventionnelles, notamment financières en matière de gestion des effectifs et d'organisation du travail dans le cadre du nouveau contrat.", l'article 15 quater de la convention collective 2008 étendu par arrêté du 10 juillet 2008, publié au JO du 31 juillet applicable depuis le 1er août 2008 précise nouvellement que "le statut collectif de l'entreprise entrante se substituera de plein droit à celui de l'entreprise sortante dès le premier jour de la reprise du marché" ; que dès lors qu'il est constaté que le protocole de fin de grève signé le 19 octobre 2000 était "constitutif, comme qualifié par le jugement, d'un accord collectif fixant le droit des salariés à percevoir cette prime", si bien qu'il n'était applicable qu'en tant qu'accord collectif, il s'en déduisait que l'accord collectif de l'entreprise entrante s'y substituait de plein droit dès le premier jour de reprise du marché ; qu'en refusant de faire application de cette disposition, la cour d'appel a violé ces dispositions de la convention collective applicable, outre l'accord de fin de grève du 19 octobre 2000 par fausse application ;

2°/ que, à tout le moins, la cour d'appel a insuffisamment répondu à ce moyen, soutenu dans les écritures de l'exposante en considérant uniquement, quand le moyen était dirimant, qu'il n'était pas "besoin d'aller plus avant dans son argumentation, que la société Smp qui avait repris les contrats de travail des salariés de la société La Pyrénéenne était tenue conventionnellement de payer cette prime aux salariés qui, comme l'intimé, répondaient aux conditions de statut et de durée d'affectation minimum sur le marché", sans expliquer en quoi l'article 15 quater de la convention collective 2008 étendu par arrêté du 10 juillet 2008, publié au JO du 31 juillet ne pouvait recevoir application, manquant de base légale au regard des dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 15 ter de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 6 janvier 1970, au cas où, suite à la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché public, en tout ou partie, et ce quel que soit le donneur d'ordre, une activité entrant dans le champ d'application de la présente convention collective serait attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, la continuité des contrats de travail existant au dernier jour du contrat commercial ou du marché précédent, des salariés non cadres du premier employeur affectés à ladite activité depuis au moins 6 mois, sera assurée chez l'employeur entrant. A charge pour ce dernier d'assurer les obligations légales et conventionnelles, notamment financières en matière de gestion des effectifs et d'organisation du travail dans le cadre du nouveau contrat.

6. Selon l'article 15 quater de la même convention, réglant les conditions de transfert du personnel entre entreprises, le statut collectif de l'entreprise entrante se substituera de plein droit à celui de l'entreprise sortante dès le premier jour de la reprise du marché. L'absence de transmission par l'entreprise sortante des documents cités par ce texte (fiche de paie, fiche d'aptitude médicale, copie des accords d'entreprise ou de sites …) peut donner lieu à un recours de l'entreprise entrante, mais ne peut altérer le droit des salariés au bénéfice de la continuité de leur contrat de travail.

7. La Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 6 septembre 2011 (CJUE, arrêt du 6 septembre 2011, Scattolon, C-108/10, point 76) a dit pour droit que la mise en oeuvre de la faculté consistant à remplacer, avec effet immédiat, les conditions dont bénéficient les travailleurs transférés en vertu de la convention collective en vigueur auprès du cédant par celles prévues par la convention collective en vigueur auprès du cessionnaire ne saurait avoir pour but ou pour effet d'imposer auxdits travailleurs des conditions globalement moins favorables que celles applicables avant le transfert. Elle a ajouté que s'il en était autrement, la réalisation de l'objectif poursuivi par la directive 77/187 pourrait facilement être mise en cause dans tout secteur régi par des conventions collectives, ce qui porterait atteinte à l'effet utile de ladite directive.

8. Il en résulte que le transfert conventionnel effectué en application de l'article 15 ter de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprise, qui a codifié la directive 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977, impose à l'entreprise entrante de maintenir aux salariés qui en bénéficient le niveau de rémunération octroyé avant leur transfert, nonobstant l'existence d'une substitution immédiate de statut collectif, afin que ceux-ci ne soient pas placés, du seul fait du transfert, dans une position globalement défavorable par rapport à leur situation immédiatement antérieure au transfert.

9. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'entreprise entrante était tenue de maintenir la rémunération, en ce compris la prime litigieuse, due au salarié qui répondait aux conditions de statut et de durée d'affectation minimum sur le marché.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le premier président en son audience publique du six mars deux mille vingt-quatre.

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